À partir de la Gradiva de Wilhelm Jensen et du texte qu’elle a inspiré à Sigmund Freud, on s’interroge dans cet article sur les liens entre délire, rêve et création artistique. Une réflexion qui s’attarde aussi sur les œuvres d’Alberto Giacometti et Auguste Rodin, pour questionner la représentation du mouvement et du vivant, et analyser ce qu’elle révèle de notre rapport à la mort.
Wilhelm Jensen publie en 1903 un texte de fiction auquel il donnera le titre de Gradiva, « celle qui marche ». Il y fait le récit d’un archéologue allemand, Norbert Harnold, qui, admirant un bas-relief (lui bien réel) au musée Chiaramonti du Vatican, sera véritablement fasciné par la représentation d’une femme vue de profil, soulevant d’une main un manteau dont le drapé accompagne l’amplitude du mouvement, drapé légèrement agité par l’air qu’elle déplace avec grâce, épousant le dessin du corps de manière dynamique. L’expression du visage et celle du corps sont tendues vers un dessein unique : marcher sans que rien n’entrave son impulsion, mais vers quelle destination ?
Dans l’histoire, l’archéologue se procure un moulage du bas-relief et l’accroche dans son bureau. L’étudiant à loisir, il essaie de percer dans un premier temps le mystère de l’image sculptée, donnant à voir « celle qui avance », qu’il nomme donc « Gradiva », version féminisée de « Gradivus », donné à Mars, dieu de la guerre, également responsable de la fertilité des cultures.
La démarche de la jeune femme est donc martiale…