À partir des années 1960, des courants universitaires et cliniques aux États-Unis et en Europe ont travaillé sur les liens entre sociologie et psychothérapie, sans jamais pouvoir accéder au statut de discipline scientifique. Vincent de Gaulejac, qui a participé à cette aventure intellectuelle, retrace ici sa genèse et ses évolutions, du Laboratoire de changement social à la création des Groupes d’implication et de recherche.Claude Tapia : J’ai lu l’ouvrage La Part de social en nous, que vous avez codirigé avec Claude Coquelle, avec beaucoup d’intérêt. Puis-je vous demander, pour commencer, comment s’est élaborée votre tentative de décloisonnement de certaines disciplines des sciences humaines ou sociales, dans le but de construire une approche spécifique des faits humains et sociaux, et un modèle d’intervention-formation qui intéresse semble-t-il d’autres chercheurs et formateurs ? Quelles ont été les avancées successives, les étapes marquantes, les transitions dans le cheminement qui a conduit jusqu’à la formulation du cadre conceptuel que vous proposez dans votre ouvrage ?Vincent de Gaulejac : Cette aventure intellectuelle a commencé dans les années 1970 avec Max Pagès au Laboratoire de changement social. La première étape a été notre travail de recherche sur le pouvoir au sein de l’entreprise Ibm, qui a donné lieu à la publication de L’Emprise de l’organisation. Il s’agissait d’une recherche pluridisciplinaire définissant le pouvoir comme un ensemble de processus hétérogènes – économiques, politiques, idéologiques et psychologiques – reliés dans un système…