1Cela remonte au 8 décembre 2016. En termes d’actualité, l’événement peut paraître un peu dépassé, mais il n’en est rien. L’événement reste de taille, et même s’il n’a pas eu un écho retentissant dans les médias, il a néanmoins fait bondir beaucoup d’associations de psychologues et de psychiatres : il s’agit de la proposition de résolution, présentée par le député Daniel Fasquelle, visant à interdire la pratique de la psychanalyse auprès d’enfants souffrant de troubles du spectre autistique sur la base des recommandations de la Haute autorité de santé (Has), qui classe les approches psychanalytiques parmi les interventions globales non consensuelles.
2Précisons la relative prudence de la Has qui indique : « L’absence de données sur leur efficacité et la divergence des avis exprimés ne permettent pas de conclure à la pertinence des interventions [*]. » Par ailleurs, dans un document ultérieur intitulé « Autisme, questions / réponses », la Has précise que « ceci doit inciter les équipes des centres hospitaliers universitaires et des autres organismes ayant une mission de recherche […] à développer la recherche clinique ». Le législateur n’est pas concerné dans ce qui est essentiellement un recueil des connaissances vérifiables en la matière à destination des professionnels et des familles.
3Il n’est pas souhaitable, ici, de revenir dans le détail sur les oppositions parfois empreintes d’extrémisme concernant la prise en charge des personnes relevant du spectre autistique. Nous en avons déjà débattu, privilégiant l’apaisement des tensions et la réduction des réactions en miroir. D’autant plus que le président de la République lui-même avait, en mai 2016, souhaité que le quatrième plan autisme soit celui de « l’apaisement ».
4Mais il semble que certains veuillent repartir en guerre et que, par cette action pour le moins inédite, ils aient voulu s’en remettre au législateur afin de déterminer, une fois pour toutes, les bonnes pratiques de soin des troubles du spectre autistique.
5Et de quelle psychanalyse parle-t-on ? A-t-on déjà vu un psy conseiller une cure analytique à des personnes souffrant de troubles du spectre autistique ? Rappelons aussi que nombre de personnes visées par cette velléité d’interdiction sont des chercheurs, des universitaires et des praticiens de renom.
6Mais arrêtons-nous sur ce fait sans précédent : la volonté de légiférer sur les techniques thérapeutiques à utiliser dans le domaine du soin. Cette démarche nie l’expertise des psychologues et des psychiatres à évaluer l’intervention thérapeutique la plus à même de convenir à leurs patients. Elle porte atteinte à la liberté de choix des familles et est en totale opposition avec la façon dont les connaissances en matière de santé mentale évoluent et sont appliquées.
7Cette volonté d’en appeler au législateur pourrait en inspirer d’autres et avoir des effets indirects et consécutifs : en effet, rien ne dit que seule la psychanalyse pourrait être visée dans l’avenir. Les cliniciens perçoivent bien, aujourd’hui, la difficulté de promouvoir un travail passant par la parole, fruit à la fois d’une longue formation universitaire et, pour la plupart, d’un travail sur eux-mêmes.
8Par ailleurs, les aspects thérapeutiques et rééducatifs sont souvent complémentaires et nullement en opposition. Cette négation de l’interdisciplinarité ne va pas dans le sens d’une meilleure prise en compte des personnes souffrant du trouble du spectre autistique.
9Cette fois‑ci, il semble que la plupart des députés aient retrouvé leurs esprits en modérant les ardeurs d’exclusion de certains autres. Mais pour combien de temps ?