Couverture de JDP_294

Article de revue

Un syndrome à définir

Pages 28 à 32

Notes

  • [1]
    Association qui aide les parents et grands-parents victimes d’aliénation parentale.www.alpaca.org.

1Les possibles souffrances narcissiques d’une mère et d’un père lorsqu’ils se séparent se répercutent sur leur vie, sur leur relation, et surtout, sur leur relation à l’enfant. Ce dernier, instrumentalisé, enjeu des conflits pour sa garde, pourrait alors souffrir d’une forme d’assujettissement à l’un des parents pour rejeter l’autre et se couper de toute relation avec lui. Richard A. Gardner a proposé d’isoler un syndrome à partir des signaux cliniques observés dans ces situations de séparation conflictuelle. Voici les critères d’évaluation diagnostique qu’il propose.

2Régulièrement, des affaires de rapt d’enfants par un des deux parents, après un divorce, défraient la chronique. Ce phénomène, lié au Syndrome d’aliénation parentale (sap), est-il un phénomène de médiatisation, un phénomène de mode ou un réel phénomène de société ?

3Si la question fait débat, il n’en demeure pas moins que le sap met en péril l’équilibre affectif et social de ces enfants à qui l’on demande un choix impossible. Ce concept, découvert en 1985 par Richard A. Gardner, controversé en France, s’appuie sur des études récentes, des témoignages et des recherches menés par des professionnels et qui permettent aujourd’hui de s’interroger sur le devenir de ces enfants et de ces parents victimes de blessures narcissiques, blessures qui auront un impact majeur sur leur vie affective et sociale.

4En 1985, Richard A. Gardner, professeur de pédopsychiatrie à l’université de Columbia, définit le sap comme « un trouble de l’enfance qui survient presque exclusivement dans un contexte de dispute concernant le droit de garde de l’enfant. L’enfant l’exprime initialement par une campagne de dénigrement à l’encontre d’un parent, cette campagne ne reposant sur aucune justification. Le SAP résulte de la combinaison de la programmation du parent endoctrinant (lavage de cerveau) et de la propre contribution de l’enfant à la diffamation du parent cible. Lorsqu’un abus ou une négligence sont constatés et-ou qu’une négligence du parent existe vraiment, l’animosité de l’enfant se justifie et ainsi l’explication de ce comportement par le syndrome d’aliénation parentale ne s’applique plus » (1992).

Le sap par Richard A. Gardner

5On parlera d’aliénation parentale lorsque l’enfant se trouve engagé dans un conflit manichéen avec, d’un côté, un parent se présentant comme le « bon parent », ainsi que ses proches et sa famille et, de l’autre côté, le parent désigné comme « le mauvais parent ». Le parent aliénant conduit alors l’enfant vers un rejet définitif du parent aliéné.

6L’enfant est manipulé par le parent aliénant qui va inférer sur ses sentiments et lui inculquer sa propre vision du monde. Il diabolise le parent aliéné, et toutes les personnes qui s’y rattachent, à travers des propos ou sous-entendus concernant divers aspects de la vie du parent aliéné. Peu à peu, l’enfant endoctriné s’attribuera les pensées et jugements du parent aliénant. Cette attitude finira par constituer sa réalité, sa vérité. Il s’établit alors une relation d’emprise dans laquelle le parent aliénant aliène à la fois le parent aliéné et l’enfant.

Facteurs facilitateurs

7Pour aboutir à un sap, il faut réunir certaines conditions :

  • Une séparation conflictuelle : lorsque les parents ne sont pas capables de séparer le conflit du couple, de la parentalité ;
  • Un entourage facilitateur. L’entourage peut adopter deux attitudes qui renforceront la conviction du parent aliénant : une attitude encourageante ou de passivité, en minimisant les faits ou les niant. Ces deux attitudes contribueront à légitimer la position du parent aliénant ;
  • L’environnement de l’enfant qui, à travers les différents intervenants (scolaires, médicaux, sportifs, éducatifs) et en ne posant pas directement la question de ce parent absent, normalise indirectement cette situation ;
  • Une réécriture de l’histoire familiale par le parent aliénant qui peut aller jusqu’à réécrire la relation du parent aliéné à l’enfant avant la séparation. À ce stade, il n’est pas rare que le parent aliénant profère de fausses accusations de maltraitance. L’enfant va alors être confronté à deux discours contradictoires et a alors de plus en plus de mal à distinguer le vrai du faux.
  • Le temps. Il joue également contre le parent aliéné. Au fil des jours, le ressentiment de l’enfant tend à s’accroître. Ce facteur joue d’autant plus si le parent aliéné n’a que peu l’occasion de voir l’enfant.

Reconnaître le syndrome

8L’enfant, surtout à l’adolescence, ressent des sentiments contradictoires à l’égard de ses parents. Il revendique des droits et une indépendance nécessaires à son développement, mais qui doivent être encadrés. Le parent aliénant va alors récupérer les revendications de l’enfant pour stigmatiser davantage le parent cible. Si le parent aliéné établit des règles de vie dans son foyer, le parent aliénant va avoir tendance à saper son autorité en présentant ses requêtes comme injustifiées. La triangulation « père-mère-enfant » se trouve grandement affectée. Pour l’enfant, il est cependant fondamental que les relations « père-enfant » et « mère-enfant » soient conservées et porteuses de sens. Certes, le divorce brise la relation entre les deux parents, mais celle-ci doit se réorganiser. Dans la majorité des cas, de façon plus ou moins facile, la parentalité reste. À un stade grave d’aliénation, le parent aliénant peut refuser tout contact et toute discussion avec l’autre parent. Il peut aussi convaincre l’enfant que ses choix sont uniquement influencés par le parent aliéné et qu’il n’est pas maître du jeu.

9Cette influence est d’autant plus efficace que l’adolescent revendique spontanément un statut de « libre penseur ». L’enfant est alors instrumentalisé ; le parent aliénant refusant toute relation directe avec l’autre parent. Il s’adresse cependant à lui à travers les oppositions de l’enfant que lui-même engendre. L’enfant sent intuitivement que, s’il ne soutient pas ce parent dans sa démarche, il sera rejeté à son tour. Il sait inconsciemment ce dont est capable le parent aliénant. Arrivé à ce niveau le plus sévère du sap, l’enfant est dans une situation similaire à une personne sous l’emprise d’une secte. Il subit une perte de confiance en lui-même et dans le monde extérieur. Il n’est pas rare que ces enfants aient peu d’amis ainsi que des difficultés relationnelles avec leurs pairs. Les amis de l’enfant, et les personnes qu’il côtoie, font souvent partie de l’entourage du parent aliénant. Toute nouvelle relation de l’enfant doit être cautionnée par le parent aliénant.

Huit manifestations du syndrome chez l’enfant

10Afin de faciliter le diagnostic du syndrome chez l’enfant, Richard A. Gardner a défini huit manifestations symptomatiques à observer :

  • Campagne de dénigrement (diffamation) : l’enfant dit du mal de l’autre parent, il dit le haïr. Les objets venant du parent aliéné peuvent être diabolisés ;
  • Rationalisations faibles, frivoles ou absurdes : l’enfant donne des justifications absurdes à son comportement de rejet ;
  • Absences d’ambivalence : l’un des parent est adoré par l’enfant et l’autre, totalement haï. L’enfant ne se souvient plus de moments agréables partagés avec l’autre parent ;
  • Phénomène du penseur indépendant : l’enfant ne reconnaît pas qu’il est influencé ;
  • Soutien au parent aliénant : l’enfant se veut protecteur du parent aliénant qu’il considère comme persécuté ;
  • Absence de culpabilité : l’enfant n’éprouve ni remord ni culpabilité ;
  • Présence de scénarios empruntés : l’enfant évoque des faits qui lui ont été racontés. Il utilise parfois un langage adulte pour expliquer certains événements qui lui ont été décrits par le parent aliénant ou par l’entourage ;
  • Animosité étendue à l’ensemble du monde du parent aliéné : l’enfant généralise son animosité à l’entourage du parent aliéné ainsi qu’à son environnement.

Existe-t-il un profil du parent aliénant ?

11Pour Richard A. Gardner, il s’agirait avant tout de personnalités hystériques ou paranoïaques (1992). Roger Dorey opte plutôt pour des individus pervers ou obsessionnels (1981). Quant à Paul-Claude Racamier, il y voit une perversion narcissique (1992).

  • Richard A. Warshark catégorise ainsi les comportements de ces parents aliénants (2001) :
    • Le jeu du nom. Trois stratégies peuvent se mettre en place : affubler le parent aliéné d’un surnom péjoratif ; appeler le parent aliéné par son prénom au lieu de dire « ton père » ou « ta mère » (on destitue ainsi le parent aliéné de sa fonction parentale) ; utiliser un autre nom ou prénom pour nommer l’enfant (comme les noms initiatiques dans les sectes) ;
    • La répétition : les allégations du parent aliénant sont fortement répétitives ;
    • L’attention sélective : le parent aliénant attire l’attention de l’enfant sur les défauts du parent aliéné, jamais sur ses qualités ;
    • Le jugement hors contexte : le parent aliénant sort un événement de son contexte pour faire apparaître le parent aliéné sous un jour défavorable ;
    • L’exagération : le comportement du parent aliéné est recodé. Par exemple, le parent aliéné aime boire de temps en temps un apéritif, il est étiqueté comme alcoolique ;
    • Mensonges et révisionnisme, suggestions et allusions : le parent aliénant fournit des informations fausses à l’enfant ;
    • Théorie du changement total : si la relation au parent aliéné était bonne par le passé, le parent aliéné est présenté à l’enfant comme ayant changé ;
    • L’exploitation : le parent aliénant encourage l’enfant à profiter du parent aliéné (demande de cadeaux, d’argent, etc.) ;
    • La piété hypocrite, la religiosité : le parent aliénant met en exergue un comportement de l’autre parent qu’il qualifie d’immoral en s’appuyant parfois sur des convictions religieuses pour le juger et le condamner ;
    • Le concept de vérité : le parent aliénant fait souvent appel au concept de vérité. Il insiste sur le fait que ce qu’il dit est vrai ;
    • L’indulgence excessive : le parent aliénant est plus permissif. Il soutient l’enfant dans ses récriminations à l’égard de l’autre cible ;
    • L’empiétement : le parent aliénant perturbe le temps alloué à l’autre parent en s’immisçant dans la vie de l’enfant lorsqu’il est avec le parent aliéné ;
    • « Cape et épée » : le parent amène l’enfant à espionner l’autre parent créant ainsi une complicité malsaine qui exclut totalement le parent aliéné ;
    • La conspiration : le parent aliénant trouve des personnes de son entourage qui vont participer activement à la programmation de l’enfant et qui parfois peuvent même le surveiller ;
    • Conditionnement à la résistance : le parent met en garde l’enfant contre les personnes qui pourraient lui poser des questions sur lui, sa famille ou ses conditions de vie. Il coupe la communication de l’enfant avec les personnes extérieures au conflit qui pourraient l’aider ;
    • La projection : le parent aliénant accuse le parent aliéné d’impulsions, de troubles ou de comportements dont il est lui-même porteur ;
    • La rationalisation : le parent aliénant justifie ses comportements en les rationalisant.
  • Pedro Goncalves et Annie Grimaud de Vincenzi listent quelques comportements saboteurs de la relation au parent aliéné comme (2003) :
    • Le refus de passer les communications téléphoniques ;
    • Le détournement du courrier adressé à l’enfant par le parent aliéné ;
    • Le refus d’informer l’autre parent des activités de l’enfant et les décisions prises à son égard ;
    • L’interdiction de porter les vêtements que le parent aliéné achète à l’enfant sous prétexte qu’ils sont laids ;
    • Le reproche de la mauvaise conduite des enfants au parent aliéné ;
    • La menace sur l’enfant de représailles s’ils tentent de communiquer avec l’autre parent (appel téléphonique, courrier …) ;
    • etc.
  • Richard A. Gardner a différencié trois niveaux de sévérité du sap :
    • Le niveau léger : peu des huit symptômes sont présents à ce stade chez l’enfant. Les visites et transitions se passent sans trop de difficulté ;
    • Le niveau modéré : en général, les huit symptômes sont présents. Il apparaît des problèmes lors du transfert de l’enfant chez l’autre parent, mais, au bout d’un temps assez court, l’enfant retrouve son calme. Il demeure chez le parent aliénant une volonté de vengeance. Il développe plusieurs techniques de manipulation ;
    • Le niveau grave : à ce stade, le parent aliénant et l’enfant aliéné se comportent de façon fanatique. Les huit symptômes sont présents avec une très forte intensité. Les visites sont impossibles. Dans les cas extrêmes, on peut assister à des rapts d’enfant ou à des actes d’accusations de mal-traitance.

Existe-t-il un profil du parent aliéné ?

12Le parent aliéné doit faire face à un très fort sentiment d’impuissance, car tout ce qu’il tente en direction de l’enfant est dénigré. Face aux ragots et aux rumeurs, il ne peut rétablir la vérité. Il perd peu à peu son estime de soi. Il peut alors développer un sentiment d’incompréhension générale et s’isoler. On parle, à ce stade, de « Syndrome de stress post-traumatique » qui fonde son origine dans les rejets, agressions et humiliations subis de façon répétitive. Le parent ne sait plus comment réagir et il a parfois peur de voir ses enfants. Chaque nouvelle rencontre est une source de souffrance qui augmente son désarroi. Son caractère va alors changer, il peut se mettre à avoir des difficultés relationnelles en devenant irritable ou en s’isolant. Il peut développer des idées négatives qui risquent de devenir le centre de ses conversations, le coupant de sa relation aux autres qui ne sauront plus comment répondre à son désarroi et son discours répétitif.

13La déchéance parentale, et l’immense douleur qu’elle engendre, entraîne un syndrome dépressif, le plus souvent sans issue puisque l’aliénation peut durer de quelques années à toute une vie. Pour certains parents aliénés, on peut même voir apparaître, dans les cas extrêmes, des tentatives de suicide. Dans d’autres cas, le parent aliéné peut choisir l’exil dans une tentative de se reconstruire en échappant à cette aliénation. On peut aussi le voir basculer dans des comportements de méfiance ou de paranoïa. Car la question qui demeure est : « Comment vivre sans ses enfants quand ils sont encore en vie ? ». L’espoir de revoir l’enfant et d’avoir des relations positives reste. Le travail de deuil nécessaire à la reconstruction devient impossible.

14Richard A. Gardner a lui-même caractérisé le parent aliéné en termes de :

  • Confusion et culpabilité : si le parent aliéné avait de bonnes relations avec l’enfant avant le divorce, il lui est alors d’autant plus difficile de comprendre ce qu’il subit. Il peut développer un sentiment de culpabilité afin d’avoir l’impression de garder le contrôle de la situation ;
  • Sentiments de rage impotente : le parent aliéné sait que, quoi qu’il fasse, cela aboutira à un dénigrement systématique et que, s’il ne fait rien, cela aboutira au même résultat. Il en découle une immense frustration à laquelle il ne peut se soustraire ;
  • Situation du « non-gagnant » : le parent aliéné n’a aucune marge de manœuvre. S’il tente d’intervenir, il est critiqué comme harceleur ; s’il ne fait rien en espérant que l’enfant revienne de lui-même, il est jugé pour avoir abandonné l’enfant.

En France et à l’étranger

15Le Syndrome d’aliénation parentale n’est pas inclus dans le dsm-iv. Des échanges ont lieu entre professionnels sur l’éventualité d’une inscription du trouble d’aliénation parentale dans le futur dsm-v, en mai 2013. Aujourd’hui, en dehors de quelques rares auteurs rejetant catégoriquement la notion de « syndrome » ou « désordre » d’aliénation parentale, il apparaît un consensus sur ce sujet qui porte essentiellement sur le fait que :

  • Le sap est une entité réelle : il existe réellement des enfants et adolescents s’embarquant dans une campagne de dénigrement et opposant un refus systématique de contact avec l’un des deux parents, et ce, sans aucun fondement ;
  • Il y a plusieurs causes possibles au refus de droit de visite et le sap est seulement l’une d’elles ;
  • Le sap n’est pas un diagnostic correct quand le refus de l’enfant est causé par la maltraitance ou un problème comportemental sérieux d’un des deux parents. L’ordre des avocats de Bruxelles a élaboré une charte et a organisé une formation pour les avocats acceptant de travailler dans une optique qui encourage leurs clients à la collaboration plutôt qu’à la confrontation.
Le sap est déjà reconnu dans les tribunaux au Canada et dans certains pays européens comme l’Allemagne, la Suisse et la Tchéquie. Au Canada, des cours sont systématiquement proposés aux parents en situation de divorce. Les parents qui refusent de suivre ces cours sont moins favorisés lors des procès. En Allemagne, un type particulier de médiation a été créé, dite « médiation de Cochem ». Tous les intervenants sont formés pour gérer les conflits les plus intenses en jouant la carte de la pacification et la coopération. Les parents ont le devoir d’exposer à la cour leurs différends par rapport à la garde. On leur accorde deux à trois semaines pour proposer des solutions à leur conflit, avec l’aide de psychologues et de médiateurs. En moyenne, les parents arrivent à un accord en deux ou trois mois. L’enfant peut aussi être accompagné par une assistante sociale ou une psychologue, y compris le week-end si un changement de garde est prononcé. En Belgique, un accent est porté plus particulièrement sur le plan curatif, avec la possibilité pour l’enfant d’être placé en internat avec une prise en charge adaptée dans ce lieu de transition pour soustraire l’enfant au conflit parental.

16La France accuse un retard certain avec une majorité de tribunaux ne connaissant pas le sap, se révélant ainsi impuissants pour protéger les enfants aliénés. Toutefois, une avancée se perçoit. Le tribunal de Toulon a reconnu pour la première fois en juin 2007 le sap et des mesures adaptées ont été mises en place.

Chaque nouvelle rencontre est une source de souffrance qui augmente le désarroi du parent aliéné.

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Chaque nouvelle rencontre est une source de souffrance qui augmente le désarroi du parent aliéné.

L’avenir des enfants victimes du syndrome

17Le sap peut être considéré comme un abus émotionnel dont on est en droit de se demander si les conséquences ne seront pas aussi dévastatrices que celles d’un abus sexuel. Sous prétexte de l’intérêt de l’enfant, et de l’amour qu’il lui porte, le parent aliénant se livre à un véritable viol psychologique.

18Pour survivre, l’enfant met en place un clivage en niant ses sentiments. Il ne peut plus se faire confiance. Le processus d’identification, nécessaire à la structuration de tout individu, est altéré. L’enfant peut ainsi rester bloqué sur une relation double, fusionnelle d’une part envers le parent aliénant et d’opposition avec le parent aliéné d’autre part. De graves conséquences sont à prévoir.

19Philip stahl a décrit quelques-unes des pathologies possibles et une enquête menée aux États-Unis a mis en évidence des troubles récurrents au sap comme : difficultés à établir des relations intimes ; déficit dans la capacité de gérer la colère ou un conflit dans les relations personnelles ; vulnérabilité et dépendance ; syndrome psychosomatique, troubles du sommeil, trouble de l’alimentation ; etc (1999).

Aides possibles pour faire face

20Avant toute intervention de prise en charge de l’enfant victime d’un sap, il est nécessaire de poser clairement le diagnostic. C’est pour cela que Richard A. Gardner a défini les huit caractéristiques concernant l’enfant aliéné ainsi que les trois niveaux d’aliénation. Les aides à l’accompagnement pourront se faire dans des cadres divers :

  • La médiation, qui peut être ordonnée directement par le juge en espérant que les parents trouveront une alternative en replaçant l’enfant et la parentalité au centre de leur discussion. Elle se termine toujours par un rapport écrit et s’avère plutôt efficace ;
  • La thérapie comportementale, traitant le rejet par l’enfant du parent cible comme une phobie à trait hystérique. Le parent aliénant et l’enfant sont traités ensemble et séparément du parent aliéné. Ce dernier étant amené à analyser les éléments de son comportement qui contribuent à maintenir cette situation de rejet. Ensuite, l’enfant est immergé dans le foyer du parent aliéné pendant que le parent aliénant continue d’être suivi pour lui apprendre à identifier et contenir ses angoisses et limiter ses dénigrements envers le parent aliéné. Cette méthode thérapeutique donne des résultats assez mitigés.
  • La thérapie familiale, ayant pour but d’aider le parent aliénant à dépasser ses sentiments de perte, d’abandon et de colère, causés par le divorce. Par cette thérapie, le parent aliénant doit apprendre à séparer ses sentiments de ceux de l’enfant. Le thérapeute doit expliquer le mécanisme d’apparition du sap. Il accompagne le parent aliéné pour lui faire comprendre que le discours de haine de l’enfant aliéné est un mécanisme de protection qu’il adopte pour faire face à la situation. L’enfant trouve dans la relation avec le thérapeute un terrain où il peut s’exprimer et se soustraire au conflit parental. Le thérapeute essaie de lui faire comprendre qu’il subit une influence qui lui fait développer une animosité envers le parent aliéné. Ce mécanisme s’apparente à celui mis en place pour traiter les personnes victimes des sectes.
  • La thérapie systémique, rendant à chaque parent un territoire propre et délimité. L’enfant est alors face à des frontières clairement définies lui permettant d’avoir deux champs relationnels distincts et alors préserver un attachement à ses deux parents.
  • Le milieu associatif peut également apporter une aide. En France, l’association acalpa[1] créée en 2005, a pour but d’aider les parents victimes d’aliénation parentale.
Le parent aliéné doit ainsi lutter contre une perte de son statut de parent ainsi qu’une forte perturbation de son estime de soi. Il doit se restructurer et reconstituer une partie, au moins, de l’estime de lui qu’il a perdue. À cet effet, l’investissement dans des causes associatives diverses peut être un bon moyen. Il est essentiel que le parent aliéné continue d’avoir une vie sociale enrichissante, aussi bien pour lui-même que pour l’enfant. Il sera en effet plus difficile à l’enfant de maintenir sa campagne de dénigrement face à un parent que la communauté reconnaît comme étant un membre actif et respecté. Il serait également judicieux d’envisager que les parents soient systématiquement conseillés par un psychothérapeute afin de prendre en compte les difficultés de l’enfant et son devenir dans le cadre d’un conflit remettant en cause la parentalité. Les contacts entre l’enfant et ses deux parents doivent être préservés. Ne pas tenir compte de cet impératif, c’est nuire gravement au bon développement de l’enfant et prendre le risque de le voir développer des troubles qui entraveront sa vie d’adulte.

21Richard A. Gardner écrivait que, face au syndrome, « l’inactivité condamne les deux à l’aliénation mutuelle tout au long de la vie, celui du parent qui devient la victime tout aussi bien que de l’enfant. Rien ne permet de croire que, devenus adultes, ces enfants comprendront ce qui leur est arrivé et qu’ils se réconcilieront avec le parent aliéné ». Il conclut qu’« il semble apparemment plus douloureux, et psychologiquement plus annihilant, de perdre un enfant par le sap que par la mort. La mort est définitive et aucun espoir de réconciliation ne subsiste… L’enfant atteint du sap vit encore et peut même habiter quelque part dans les environs immédiats… pour certains parents aliénés, cette douleur continue se transforme en une sorte de “mort vivante du cœur”. » (1992)

22Il arrive parfois que certains enfants, à leur majorité, reviennent vers le parent aliéné, mais trop nombreux sont les cas où le lien est perdu. Il devient donc urgent de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour accompagner au mieux les victimes du Syndrome d’aliénation parentale et à la meilleure façon de former au dépistage, à l’écoute et à l’accompagnement, les personnels qui seront confrontées à ces victimes.

Notes

  • [1]
    Association qui aide les parents et grands-parents victimes d’aliénation parentale.www.alpaca.org.
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