Couverture de JDP_293

Article de revue

Crise de tétanie à l'adolescence

Pages 40 à 43

1L’étude d’un cas clinique d’une adolescente de quatorze ans souffrant de crises de tétanie permet d’en décrypter les enjeux et mécanismes. En effet, cet état intense de contraction musculaire, involontaire, accompagné, entre autres, d’un état d’anxiété, peut aussi prendre sens pour l’adolescent d’un moyen de se créer une carapace, d’exercer son pouvoir sur son propre corps, le protégeant dans son for intérieur en cette période d’« insécurité identitaire », des agressions extérieures, ou de son entourage.

2La tétanie est un syndrome fréquemment rencontré à l’adolescence, notamment chez les jeunes filles, au même titre que la spasmophilie par ailleurs. La crise de tétanie se définit par un état de contraction involontaire de certains muscles, difficilement réductible, pouvant durer quelques minutes, voire quelques heures, et s’accompagnant généralement de crampes et de paresthésies. Ces contractures fortes et prolongées concernent les muscles des mains, des pieds, les membres inférieurs ; cuisses et jambes se positionnent alors en extension, les orteils sont fléchis et les pieds cambrés. À ces crises s’ajoutent le plus souvent un état anxieux, un sentiment de malaise ainsi qu’une respiration accélérée.

3C’est en prenant appui sur un cas clinique que nous tenterons de dégager les mécanismes et enjeux spécifiques de ce syndrome afin de le resituer dans une approche dynamique.

Juliette, 14 ans

4Juliette est une jeune adolescente âgée de quatorze ans, scolarisée en classe de troisième. Elle est la dernière d’une fratrie de quatre filles. Le père est commercial, la mère ne travaille pas. La consultation est demandée par la mère, inquiète. Il y a un mois, Juliette a présenté une première crise de tétanie en classe, crise ayant nécessité l’intervention des pompiers. La manifestation aiguë de la crise a alors fortement impressionné les témoins, élèves et professeur. L’hospitalisation en pédiatrie a permis d’écarter toute origine organique et a resitué l’aspect psychologique du trouble. Le pédiatre rencontré conseille alors aux parents de consulter dans notre service de pédopsychiatrie. Depuis, plusieurs autres crises ont eu lieu au collège, ou au domicile, nécessitant l’appel de sos Médecins. Lorsque je la rencontre pour la première fois, Juliette se présente comme une jeune fille paraissant mal à l’aise dans son corps, qu’elle tente de dissimuler sous une succession d’épaisseurs. Le corps lui-même est enveloppé, en surpoids. Elle n’enlèvera pas son manteau durant cette première consultation, malgré la chaleur régnant dans le bureau. L’hypermaturité intellectuelle de cette jeune fille apparaît d’emblée. Elle s’exprime, mais le discours n’est pas spontané, empreint d’un contrôle évident.

5Progressivement, au fil des entretiens, Juliette se présente comme étant en décalage avec les gens de son âge. Elle évoque, non sans un certain mépris, ces adolescents qui l’entourent et qu’elle juge inintéressants. Ils sont superficiels, peu enclins au travail scolaire, contrairement à elle, excellente élève ayant conscience de la nécessite de construire ce qu’elle imagine comme un brillant avenir professionnel. Tandis « qu’ils se gavent de séries télé », elle lit les grandes œuvres littéraires. Ils se retrouvent entre eux pour des soirées quand elle garde des enfants le week-end. Non pas pour gagner un peu d’argent et se projeter avec des envies pouvant se réaliser, mais afin d’économiser pour ses études supérieures alors que ses parents ne présentent pas de difficultés financières et n’ont jamais exigé d’elle qu’elle y participe. Elle m’explique de quelle façon il lui paraît indispensable de se confronter au monde du travail quand tant de jeunes apparaissent si peu intéressés par cette réalité. Mais, ce qui horripile le plus Juliette est le comportement des jeunes filles de son âge, dont la seule préoccupation serait de séduire les garçons et de porter intérêt à leur image à travers vêtements et maquillage. C’est avec une agressivité et une virulence mal contenues qu’elle dénonce ce comportement. « À part parler des garçons et minauder, elles ne font rien d’autre… Quand on voit comment elles s’habillent… vraiment, on dirait des filles qui font le trottoir. »

6Juliette se décrit comme se situant bien au-delà, une intellectuelle ne portant que peu d’intérêt à la réalité de son corps, « un pur esprit » pourrait-on dire. Elle associe, dans une identification à sa mère : « Je suis comme ma mère, pas coquette, on aime les choses simples sans artifices. » Quand Juliette évoque sa mère, elle ne tarit pas d’éloges. Une mère extrêmement attentive, toujours présente pour sa fille, à l’écoute. D’ailleurs, me dira-t-elle, c’est « ma confidente, ma meilleure amie. À elle je peux tout dire, elle sait tout de moi. » Dans ce couple singulier, la question de la place du père agace Juliette. « Un fruste » me dit-elle, toujours le nez sur sa télé, il ne parlerait pas, ne se préoccuperait guère de ses enfants et ne participerait pas à la vie familiale, négligeant femme et enfants. Commercial, et donc très souvent en déplacements, Juliette décrit avec délice ses absences régulières qui semblent satisfaire autant la mère que la fille.

Contexte d’apparition des crises

7Les crises de tétanie surviennent de façon systématique dans un contexte d’énervement, d’irritation, en lien avec un différent l’ayant « opposé » à l’un de ses proches, qu’il s’agisse de l’entourage familial ou de camarades de classe. Il apparaît très rapidement que Juliette, enfant et adolescente très conforme aux attentes parentales, et plus particulièrement maternelles, ne s’autorise jamais à manifester son mécontentement. Elle ne peut affronter de conflits. Se situer face à l’autre dans une position subjective, désirante, d’où émergerait sa singularité, ne lui est pas possible. Ce fonctionnement particulier, qui ne lui permet pas de s’opposer et de se positionner, est repéré par certains camarades de classe. Juliette est alors « utilisée », on la sollicite pour récupérer les cours, on lui demande de fournir les devoirs réalisés à la maison, demandes face auxquelles elle se soumet avec d’autant plus d’agressivité qu’elle ne parvient pas à exprimer son désaccord.

8Au domicile, les crises de tétanie mobilisent l’ensemble de la famille et provoquent de nouveaux aménagements chargés de bénéfices secondaires. Ainsi, la rivalité avec ses sœurs est mise en exergue, toutes lui reprochant d’attirer les regards et l’attention, elle qui d’habitude est si discrète. Ses parents, inquiets, modifient les règles de vie communes pour octroyer à Juliette après ses crises le droit de monopoliser, à son grès, ordinateur et télévision dont elle définit les programmes.

9Les modalités d’expression des crises de tétanie évolueront au cours de la prise en charge. Ainsi, progressivement, le discours apparaît, s’associant aux crises de tétanie, et paraît permettre l’affirmation d’une positon plus subjective. Durant les crises, Juliette s’autorise à exprimer son agressivité à l’égard des différents membres de sa famille. Et c’est sous couvert, en quelque sorte, de cette symptomatologie, qu’elle énonce enfin ce qu’elle pense et reproche à chacun.

La dernière crise de tétanie

10La dernière crise de tétanie sera impressionnante pour le milieu familial, puisque Juliette, d’habitude si réservée, tiendra des propos, pas uniquement agressifs, mais aussi injurieux à l’égard de tous ; père, mère et sœurs. À la mère est reprochée son emprise, au père son absence et son manque d’intérêt, enfin, aux sœurs, leurs positions trop autoritaires qui infantilisent Juliette. La grossièreté contraste alors avec sa façon si conforme de s’exprimer d’habitude. Une fois toutes ses critiques émises, dans une théâtralisation manifeste, elle tente de se blesser en se griffant et doit être maîtrisée par son père. La maman contacte alors le médecin traitant. À son arrivée, une autre crise se profile. Le médecin, connaissant bien Juliette, la « menace » alors de lui faire une injection si elle ne parvient pas à se calmer seule. Cet ultimatum amène instantanément un arrêt de la crise ainsi que l’apaisement de Juliette venant souligner son caractère suggestible.

Évolution des relations mère-fille

11Au début de la prise en charge, la mère de Juliette exerce une véritable emprise sur sa fille, sans que cette dernière ne puisse remettre en question la violence de cette relation, n’émettant aucune critique concernant le fonctionnement maternel. Ainsi, Juliette semble accepter de ne pas posséder d’espace physique, ou psychique, qui lui soit propre, aucune intimité. Face à sa mère, Juliette m’explique : « Je n’ai rien à cacher », ne pouvant encore reconnaître que, face à sa mère, elle ne puisse rien cacher.

12Dans un deuxième temps, Juliette va progressivement prendre conscience du caractère « toxique » de cette relation dans laquelle elle ne parvient pas à exister comme sujet différencié. Elle réalise à quel point toute tentative pour s’extraire de cette relation phagocytante est vécue par sa mère comme un affront, un désaveu qu’elle lui fait alors payer de façon singulière. Sa mère ne lui adresse plus la parole, l’ignore, se comportant comme si sa fille n’existait plus à ses yeux. Ce rejet venant signer le refus pour cette mère que son enfant puisse exister en dehors d’elle est vécu par Juliette avec une grande violence, la plaçant face à une réalité qu’elle ne pouvait jusque-là prendre en compte. La capacité de Juliette de s’interroger émerge en même temps qu’une position plus subjective. La figure maternelle idéale des débuts vacille et se fissure. Juliette s’autorise une autre présentation. C’est alors une mère dépressive qui apparaît. Toujours dans la plainte concernant son mari, regrettant de ne pas le voir plus souvent tout en ne pouvant davantage supporter sa présence. Les reproches ne sont jamais adressés au mari, mais à Juliette. Il n’existe aucun conflit de couple puisqu’il n’y a plus d’échange. Seule Juliette reste témoin et dépositaire d’un conflit qui ne parvient à s’énoncer du côté maternel, partageant une intimité qui ne devrait pas la concerner et qui la situe de façon particulière, comme l’interlocuteur privilégié de sa mère.

13Au cours de la prise en charge émergera progressivement chez Juliette l’agressivité par rapport à sa mère, si longtemps tenue à distance. Le fonctionnement, jusque-là très clivé, permettant de protéger la représentation maternelle, se teinte progressivement d’ambivalence, ce qui confronte Juliette à la sienne propre.

Tétanie et « seconde peau musculaire »

Les travaux d’Esther Bick et de Frances Tustin

14Pour Esther Bick, le début de l’existence est marqué « par une absence de cohésion entre les parties du psychisme, elles-mêmes non différenciées des parties du corps » (1968). Dans un premier temps, le maintien de ses différentes parties « éparses » est réalisé sur un mode passif par la peau. Plus tard, c’est l’introjection de la fonction contenante de la mère qui servira de support à la construction d’un espace interne. Esther Bick évoque le phénomène de formation de ce qu’elle nomme « une seconde peau musculaire » (1968). Cette construction singulière vient pallier la non-introjection, par le bébé, de la fonction contenante de la mère qui développe alors un corps dur, raide, musclé. Frances Tustin décrira deux images du corps chez l’enfant autiste correspondant respectivement à l’autisme primaire et secondaire ; le « moi-poulpe » et le « moi-crustacé ». Ce dernier est constitué d’une carapace rigide venant remplacer le conteneur absent. Elle évoque l’aspect, ou plutôt les aspects, protecteurs de l’autisme : « La coquille autistique doit les protéger de terreurs extérieures et mettre un couvercle sur la gigantesque éruption de sentiment provoquée par l’expérience précoce qu’ils ont faite : celle d’être un être séparé . Elle s’est ainsi intéressée à la façon dont les enfants autistes protègent leur vulnérabilité en engendrant l’illusion d’avoir une enveloppe extérieure à leur corps, comme une coquille dure… » (1990). Ce que Frances Tustin désigne ainsi par « la mise en capsule » se retrouve, explique-t-elle, chez des patients névrosés.

Création d’une seconde peau musculaire

15Ce qui nous apparaît singulier lors de la crise de tétanie est la spécificité du tonus musculaire qui est alors caractérisé par l’hypertonie, les contractures. C’est le corps musculaire hypertendu qui est ici mobilisé. Cette construction d’un contenant rigide nous paraît avoir deux fonctions.

16• Une fonction contenante : Lorsque je rencontre Juliette pour la première fois, la question de la contenance corporelle se pose d’emblée. Enveloppée par une succession d’épaisseurs, les habits, nombreux, malgré la chaleur qui règne dans le bureau, et le surpoids, autre enveloppe. La question de ce nouveau corps modifié par les effets de la puberté, de ce nouveau contenant qui reste à élaborer, est problématique. Juliette apparaît très insécurisée par cette nouvelle réalité corporelle qu’elle ne parvient encore à intégrer. Elle décrit son corps avec mépris en termes extrêmement négatifs ; mollesse et inconsistance. Ce corps qui la déborde et lui échappe est alors mis à distance dans ce qui serait une tentative pour s’en désintéresser, s’en défaire. Dans ce contexte particulier, la crise de tétanie paraît permettre la création temporaire d’un contenant musculaire « dur », s’inscrivant dans le réel du corps. Le contenant est ainsi délimité, la frontière corporelle venant s’incarner dans l’hyperinvestissement musculaire. Lors de la crise de tétanie, la crispation musculaire permettrait donc l’expérimentation d’une contenance corporelle sécure, avant qu’elle ne parvienne à s’intégrer véritablement.

17Reprenant les travaux d’Esther Bick, nous pouvons envisager que, pour Juliette, le défaut d’introjection de la fonction contenante de la mère ne lui a pas permis la construction, durant les premiers mois de la vie, de cet espace interne sécure, indispensable au déploiement d’une différenciation. La tétanie viendrait donc permettre l’expérimentation d’un contenant « fiable ».

18• Une fonction de protection : La puberté confronte Juliette à des mouvements pulsionnels dans un premier temps non intégrables. La question de la sexualité est évoquée avec angoisse et n’est envisagée qu’en terme d’effraction. Elle aborde la question de la pénétration avec angoisse. Au-delà, c’est l’émergence de cette poussée pulsionnelle, non maîtrisable, qui n’apparaît pas tolérable comme l’illustrent notamment les propos acerbes concernant les jeunes gens de son âge. Juliette, elle, ne serait pas soumise à un tel besoin et désir qu’elle qualifie de « bestial » et qui, selon elle, concernerait principalement les hommes. À ce propos, elle se confie à sa mère qui la soutient dans son aversion et lui explique que c’est pour cette raison qu’elle-même fait chambre à part.

19Dans ce contexte, la crise de tétanie apparaît créer un contenant corporel sécure, car non effractable, protection face aux angoisses d’intrusion et de dépossession corporelle. Elle permet de contenir les mouvements pulsionnels internes, afin qu’ils ne débordent pas le sujet.

20Nous appuyant sur les travaux de Frances Tustin, le corps ainsi rigidifié deviendrait « forteresse », tentant de se protéger des assauts extérieurs, des intrusions. Ces isolation et mise à distance des stimulations paraissent à l’adolescence concerner celles d’origine interne mais aussi, évidemment, celles d’origine externe. La crise de tétanie aurait cette fonction de « pare-excitation », de protection de l’organisme des agressions et des excès de stimulation, qu’ils soient internes et-ou externes.

Composante anale de la crise de tétanie

Tétanie : une conduite d’opposition et d’agression

21L’acquisition concomitante du contrôle sphinctérien et de la marche participe à l’accès à une certaine autonomie corporelle. Contrairement à la phase orale, l’enfant parvient désormais à maîtriser son corps, exercer comme il le désire sa motricité. Cet aspect volontaire, actif, est fondamental dans ce qu’il redistribue différemment la relation à l’autre. L’acquisition de la propreté reste un temps particulier d’expérimentation d’une position nouvelle pour l’enfant face à la demande parentale (implicite ou pas). La rétention correspondant alors au refus, à la possible opposition au désir de la mère. Lors de la crise de tétanie, la crispation musculaire mobilise des pulsions agressives s’inscrivant dans une dynamique ayant trait à l’analité. En effet, la contraction musculaire nous apparaît en lien avec la rétention du stade anal consistant à ne pas lâcher, donner afin de garder pour soi, en soi. À l’état de tension de la crise de tétanie succède l’apaisement. Juliette décrira de quelle façon, après la crispation, apparaît la phase de détente que nous pourrions mettre en parallèle avec l’expulsion permettant la libération des tensions.

22Juliette apparaît très soumise à sa mère qui exerce sur elle une véritable emprise. Cette mère intrusive, considérant que les espaces corporel et psychique de sa fille lui appartiennent, s’inscrivant dans le désir de la posséder, de tout savoir d’elle et de son intimité. Ne la considérant pas comme sujet différencié, mais extension narcissique d’elle-même, Juliette se soumet aux place et fonction auxquelles elle est assignée. Dans ce contexte, la tétanie semble une possibilité pour Juliette de s’extraire de l’emprise maternelle en la mettant à distance. Elle parvient ainsi à se dégager des attentes maternelles, n’étant plus conforme au désir de sa mère mais se situant dans l’opposition. « Je ne suis plus la gentille petite fille qui fait tout pour faire plaisir à sa mère ».

23La tétanie est alors utilisée par Juliette, puisque c’est sous couvert et « protection » de ce syndrome qu’elle s’autorise à agresser verbalement sa mère, puis son père et ses sœurs. La tétanie vient alors mettre à mal l’organisation familiale, ou plutôt sa représentation, chacun des parents tentant jusque-là d’en maintenir une image idéale et aconflictuelle. Dans le cadre scolaire, la tétanie permettra à Juliette de se positionner différemment, d’exprimer hostilité et agressivité, elle qui ne parvenait pas à s’opposer à ses camarades. Ces derniers, souvent impressionnés par les crises de tétanie, découvrent chez elle une violence qu’ils ne soupçonnaient pas et qui leur fait envisager Juliette différemment, avec davantage de crainte. Ceux qui jusque-là l’utilisaient prennent de la distance.

24Au cours de la prise en charge, plus Juliette apparaît en mesure de reconnaître, d’intégrer et d’exprimer sa propre agressivité, plus cèdent les crises de tétanie, jusqu’à disparaître complètement.

La tétanie, d’une position passive à une position active

25Le stade anal reste caractérisé par l’opposition activité-passivité. La composante active dans l’érotisme anal, dont le but pulsionnel est de maîtriser, d’exercer un contrôle, est la manifestation de la pulsion d’emprise. Durant ce stade, l’agression contre l’objet est chargée de plaisir. La relation d’objet est alors caractérisée par le couple passif-actif, à travers l’expérimentation dans la relation des tendances opposées : dominer-être dominé. « Une deuxième phase prégénitale est celle de l’organisation sadique-anale. Ici, l’opposition entre deux pôles qui se retrouve partout dans la vie sexuelle est déjà développée ; cependant, ils ne méritent pas encore les noms de masculin et de féminin, mais doivent être désignés comme actif et passif. L’activité est entraînée par la pulsion d’emprise par l’intermédiaire de la musculature corporelle… » (Freud S., 1905).

26La spécificité de l’adolescence réside dans le fait que, ce qui est vécu là par l’adolescent, n’entre en correspondance avec aucun éprouvé antérieur. L’émergence pulsionnelle saisit l’adolescent par son irruption incontrôlable, l’assignant en quelque sorte, de façon passive, à se soumettre aux transformations à l’œuvre, en dehors de toute maîtrise possible. La crise de tétanie serait alors une possibilité de se ressaisir dans une position plus active, de contrôle sur son propre corps. « La seconde peau musculaire est anormalement surdéveloppée lorsqu’elle vient compenser une grave insuffisance de Moi-peau et colmater les failles, fissures et trous, de la première peau contenante. Mais tout le monde a besoin d’une seconde peau musculaire, comme pare-excitation actif venant doubler le pare-excitation passif constitué par la couche externe d’un Moi-peau normalement constitué » (Anzieu D., 1995). La fonction de pare-excitation étayée sur la musculature a donc ceci de particulier (et différemment des fonctions de la peau) que le muscle qui se contracte place le sujet en position active.

27Face aux bouleversements corporels et psychiques imposés par la puberté qu’elle vit passivement, la tétanie permet le renversement du sujet en position active. À ce propos, Juliette explique de quelle façon elle éprouve une certaine jouissance dans la maîtrise même de la crise, qu’elle décide d’évacuer ou de retenir, maîtrisant alors le possible débordement.

Conclusion

28La tétanie comme création d’une seconde peau musculaire dans une période de fragilité et d’insécurité identitaire offre temporairement l’expérimentation d’un contenant fiable, sécure et non effractable. Elle est pour Juliette la possibilité d’exercer son pouvoir sur son propre corps, ainsi que sur l’entourage, grâce à la maîtrise de la motricité, lui permettant de se défaire de l’emprise maternelle, se repositionner de façon plus subjective comme sujet se différenciant.

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