Notes
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Voir le dossier « Crises et désastres », in Le Journal des psychologues, 264 : 24-51.
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[2]
Cellule d’urgence médico-psychologique.
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Bateau de plaisance français pris en otage par des pirates somaliens.
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Fédération européenne des associations de psychologues.
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Barrois C., 1992, « Souvenirs de l’enfer et enfer du souvenir », in Symposium international. Stress, psychiatrie et guerre, Paris.
1La Fédération française des psychologues et de psychologie a mis en place une commission « Crises et désastres [1] » qui a réalisé un état des lieux sur le débriefing psychologique en France, à l’occasion d’une journée d’étude qui a rassemblé des spécialistes de la question, représentants d’institutions et praticiens. Ils ont apporté leurs lumières sur ce qui, au regard de leur réflexion professionnelle, oriente le choix des outils conceptuels sur lesquels ils appuient actuellement leur pratique.
2La réflexion autour des différentes méthodes de débriefing reste un point clé. Si l’on souhaite véritablement répondre aux souffrances liées à un trauma, l’hermétisme ou l’approche doctrinale sont loin d’être adaptées. En effet, nous constatons que des praticiens, en France, mais aussi à l’étranger, se cristallisent sur une pratique. Cet attachement très marqué est souvent le fruit d’un confort de travail qui, in fine, se transforme en conviction professionnelle.
3À la décharge de ces praticiens, qui ne sont pas toujours cliniciens, l’approche du trauma provoque chez bien des intervenants la peur d’une non-maîtrise, mais aussi celle de la confrontation au matériel traumatique.
4Des protocoles, loin des démarches du clinicien, peuvent ainsi avoir une fonction « anxiolytique », permettant le déni de certaines prises de conscience, voire celles de certains contre-transferts. Ces « convictions » peuvent, et rassurer, et donner l’impression de maîtriser. Tout ce qu’il faut, donc, pour se convaincre de son professionnalisme. Cependant, leur défaut est l’oubli de la souffrance de la personne traumatisée et des réels bouleversements psychologiques qui peuvent se transformer en handicaps sociaux, professionnels et intimes.
Ouverture d’une réflexion
5Ayant en mémoire qu’un certain général S. L. A. Marshall – journaliste et historien, chargé de la recension des données historiques lors de la Seconde Guerre mondiale – inspira J. T. Mitchell dans sa méthode de débriefing, proposée dans les années 1980, nous avons débuté cette réflexion par le débriefing technique militaire. L. Martin, capitaine de corvette, souligne, en effet, l’importance de cette pratique quotidienne dans les armées : lors d’« opérations extérieures », cette habitude journalière est vitale, car elle permet, tant en ce qui concerne l’environnement que du point de vue des soldats immergés, de récolter les informations sécuritaires nécessaires. S’agissant des individus que sont les soldats, cela permet de les accompagner, de les guider, voire de les soutenir.
6Cette pratique quotidienne, tant en opération qu’en exercice, principalement inscrite dans un registre factuel, est un instrument indispensable à la cohésion entre les individus, mais aussi à la cohérence de la mission. Par ailleurs systématisée, elle aide à mettre un sens au quotidien du soldat. Cela est primordial dans les situations militaires dans lesquelles la menace d’un désastre peut apparaître à tout moment (catastrophe humanitaire, prise d’otages…).
7Grâce à ce mode de fonctionnement, les soldats ne sont jamais déconnectés de leur identité, de leurs repères et de leur hiérarchie. Ce lien constant et immuable est étayant et sécurisant ; il n’est jamais rompu et préserve l’intégrité de groupes souvent malmenés, surtout en situation de conflits.
8Derrière tout cela, il va sans dire qu’anticiper sur d’éventuels traumas et de mise à mal des individus et des groupes fait partie des priorités dans ces contextes particulièrement délétères.
La croisée des chemins
9Dans un autre contexte, le Dr D. Cremniter, intervenant en tant que chef de la Cump [2] parisienne, insiste sur l’importance de la restauration du lien social lors d’un débriefing psychologique.
10Dans le cas précis des otages, restaurer le lien social permet d’éviter, plus particulièrement pour certains d’entre eux, de tomber dans une cristallisation d’émotions qui ont débordé l’individu. En effet, la perte de repères qu’entraîne la situation de « prisonnier » provoque une confusion, notamment idéative, qui fragilise la personne, surtout si elle est traumatisée. La victime se trouve entraînée dans un monde anxiogène ingérable. Dans certaines situations, elle ira jusqu’à se rapprocher de l’agresseur ou de l’idéologie qui le meut pour fuir l’angoisse.
11Se pose alors la question plus précise de ces traumatisés qui n’émettent pas de demande d’aide. Pour les otages du Ponant [3], ce fut le cas pour la majorité des individus concernés qui ont ainsi pris le risque de laisser en sommeil un trauma qui pouvait réapparaître bien des années plus tard. Dans ce cas ou dans ceux de « ratages » de débriefing psychologique, une prise en charge psychologique trop rapide est à éviter. Les premières demandes des personnes traumatisées ne semblent pas se situer à ce niveau. Elles s’attendraient plutôt, dans un premier temps, à une prise en charge médicale. Selon D. Cremninter, l’aide psychologique ne serait acceptée que dans un deuxième temps. Il y aurait donc au moins deux temps dans la mise en place de l’aide.
12On retrouve chez L. Martin la même conception, à savoir que, lors de libérations d’otages ou d’exfiltrations (libération de sujets pris dans une menace collective), les victimes ont un besoin incontrôlable de verbaliser, dès lors qu’elles se sentent en sécurité, même si ce besoin de parler ne s’exprime qu’auprès des « libérateurs ». Dans les premiers temps, on observe une fermeture complète à tout autre interlocuteur de la part des victimes.
13Pourtant, en Finlande, le constat semble tout autre. Les psychologues sont présents dès le début et dans un registre parexcitateur, protégeant et soutenant à tout moment les victimes et leur famille. Ce fut le cas, en 2008, lors d’un accident de bus, en Espagne. Cet accompagnement fut très impliquant pour les professionnels, tous psychologues cliniciens, et ne fut nullement refusé de la part des victimes. Faut-il voir dans cette absence de rejet une explication culturelle, les fantasmes autour des « psys » étant peut-être différents dans ce pays ?
14Pour D. Cremniter, la prise en compte du transfert a grandement contribué à faire avancer la clinique du trauma. La rencontre particulière entre le clinicien et le traumatisé s’inscrit dans un réel écrasant hors du champ humainement acceptable. Dans ce registre, non seulement il faut donner l’occasion au patient d’un rapport interhumain, mais il faut aussi le réhumaniser et même l’aider à se réapproprier son propre corps. Le traumatisé se souvient, en effet, toujours des paroles du thérapeute et, de fait, les Cumps n’ont de sens que si la rencontre entre le traumatisé et le « psy » est de bonne qualité.
15Dans cette prise en charge qualitative, au niveau environnemental, tout acquiert une grande importance. La place des proches, celle de la famille, l’impact des médias, tous ces éléments réinsèrent socialement et individuellement le traumatisé ; quand cela ne peut être le cas, on observe, le plus souvent, une entrée dans un fonctionnement morbide et du registre de la psychopathologie. L. Croq a déjà depuis longtemps attaché une grande importance à ces aspects et y a répondu par ce qu’il a nommé une « prise en charge psychosociale ». Cette dernière est d’ailleurs la clé de voûte du travail mené au sein de l’Efpa [4].
16Pour D. Cremniter, dans bien des cas, le trauma est un réactivateur de traumatismes antérieurs. Par association, les traumatisés mettent ainsi en place une rencontre subjective avec le danger. Ils tissent désormais un lien avec un rêve, une lecture, une parole… Pour certains se révèle ainsi la perspective d’une mort programmée, ce qui les amène à agir en dépit du bon sens ou aux dépens de leur sécurité. Ainsi, dans l’exemple du Ponant, un sous-groupe d’otages s’enferma inutilement dans une partie reculée du bateau. Ce sous-groupe risqua ainsi de mourir de faim à cause de leurs fantasmes morbides. Les pirates étant dans l’obligation de préserver leurs otages, ce comportement se trouvait être dangereux et inadapté.
17Le lien entre le vécu et les fantasmes est si étroit qu’il est de l’ordre d’une dimension consubstantielle qui résulterait de la situation traumatique.
Un psychologue dans l’urgence
18Si tout clinicien sait que, dans la clinique, il faut se méfier de l’urgence, dans les situations de traumatisme psychologique, il en est tout autrement. J.-M. Coq étaye cette réalité clinique par son expérience lors de la prise d’otage à Bombay, en 2008. Pour rappel, en novembre 2008, des attentats firent 173 morts et 312 blessés. Bombay était en pleine insurrection.
19La particularité de cette mission résidait en deux aspects : intervenir vite, et le faire dans un environnement différent de celui auquel il était accoutumé et dans un contexte de crise sociale et politique.
20En dehors des renseignements classiques que prend le débriefer au sujet du contexte et de ce qu’ont vécu les victimes, la dimension logistique – concernant les locaux éventuellement disponibles pour les débriefings, les contacts, les relations avec les autorités locales, etc. – a nécessité ici une attention particulière dans ce contexte politique d’où transpirait un important sentiment d’insécurité. Tout ce cadrage factuel était indispensable pour économiser un maximum de temps sur place, tout en apportant la meilleure écoute possible.
21Il était fondamental, également, de ne pas le systématiser et de définir la nature du débriefing à mettre en œuvre : débriefings en groupe, groupes de parole ou entretiens individuels, sans oublier la prise en compte des familles des victimes.
22Les situations vécues après le traumatisme ne sont pas neutres. Ainsi, la coutume festive de ces pays de faire exploser des pétards lors du nouvel an, devint, pour les victimes en question, un activateur traumatique. La situation fut d’ailleurs si complexe et douloureuse que, pour certaines d’entre elles, le choix a été fait de mettre en place un suivi téléphonique. S’il est certain que les antécédents des victimes et les événements de leur passé viennent s’agglutiner à l’épisode traumatique, il est moins certain de savoir jusqu’où l’accompagnement du clinicien doit aller.
Des outils pour le clinicien face au trauma
23Pour se pencher sur la question du débriefing psychologique et en comprendre les ressorts, certaines notions conceptuelles essentielles sont incontournables.
24Ainsi, F. Lebigot rappelle que le traitement du trauma s’adresse toujours à des personnalités que l’on pourrait qualifier d’« anormales » non des psychotiques ou des pervers, mais des structures névrotiques en attente d’un objet de complétude. Cela veut dire qu’un sujet légèrement névrotique comme beaucoup d’entre nous peut subir une effraction traumatique (no one is immune), mais ne développera pas de névrose traumatique « ptsd ». L’objet qui pénètre dans le psychisme est une source d’angoisse et n’apporte aucune satisfaction ; il n’en va pas de même pour un névrotique « confirmé » ou une personne présentant un état limite qui vont s’emparer de la scène traumatique, à leur insu, pour en faire un objet de jouissance inconsciente. Il faut se représenter cette « jouissance » comme celle qu’éprouve tout un chacun face à un spectacle morbide : corps mutilé par un accident de la circulation, films d’horreur, désir d’entrer en guerre. Bien que cette jouissance inconnue de celui qui l’éprouve puisse se transformer en phobie, l’objet traumatique est accompagné d’une angoisse de néantisation. Le traitement de ces états névrotiques sera bien plus facile s’il commence tôt. Si l’angoisse l’emporte sur la « jouissance », avec l’évolution dans le temps, c’est la jouissance inconsciente qui va garder le sujet prisonnier de son trauma, comme l’oiseau fasciné par le serpent.
25Il est important, ensuite, de différencier le stress et le trauma, et ce, d’autant plus que le Dsm4 ne le fait pas. Le stress est une souffrance psychique, en général de l’angoisse qui disparaît lorsque l’élément déclencheur a disparu. Par exemple, une menace de mort ou un deuil surmonté. Le trauma, lui, s’inscrit à l’intérieur de l’appareil psychique et ne pourra quitter le sujet qu’après un long (pas toujours) et difficile travail. La clinique nous enseigne qu’au moment du traumatisme, il peut n’y avoir aucun symptôme de stress.
26Un premier protocole de débriefing a été mis en place par J. T. Mitchell pour des groupes de pompier s. Dans sa méthode, il avait essentiellement pour objectif de préserver la cohésion dans des groupes constitués, et ce, après avoir vécu des situations potentiellement traumatisantes. Cependant, J. T. Mitchell n’a jamais été clinicien, la différence entre le stress et le trauma n’était donc pas prise en compte et, surtout, il partait du principe que tous les sujets entraient dans le cadre de la normalité psychique. Selon lui, la prise en compte des rares sujets psychopathologiques et des implications qui en découlaient devait être confiée à des psychiatres. Pour résumer, il n’avait pas d’ambition de soin dans sa méthode qui, pourtant, a pris de l’ampleur.
27Cela ne signifie pas pour autant que son initiative ait été mauvaise, loin de là, et elle a permis, entre autres, de pointer l’importance de la prise en compte du trauma, avec un risque de déviance toutefois : dans une situation psychopathogène et de souffrance psychique, des non-cliniciens, c’est-à-dire des intervenants n’étant ni psychiatres ni psychologues cliniciens et exerçant comme débriefer, réalisent des prises en charge inadéquates. Ils agissent, en effet, à un moment crucial d’une possible construction psychopathologique, sans connaissance clinique suffisante et donc sans conscience des répercussions que peuvent engendrer leur action.
28Précisons, dans ce cadre, que, depuis les tsunamis, l’Oms remet en cause les débriefing psychologiques, sur la base d’études invalidant le débriefing de J. T. Mitchell.
29D’autres dimensions concernant le transfert et l’abandon sont à prendre en compte, y compris pour les traumatisés indirects, comme le souligne F. Lebigot. Ainsi, récemment, les médias ont largement diffusé les plaintes des familles et des proches des victimes du crash de l’avion Rio-Paris, qui s’est abîmé dans la mer en juin dernier. Tous ont exprimé une prise en compte insuffisante de leur détresse. Ils reprochaient même que des engagements de suivi n’avaient pas été honorés.
30Pour les traumatisés directs, l’abandon peut être ressenti lors d’une prise en charge insuffisante. C’est pour cela que, dans certaines situations, les débriefers doivent poursuivre des prises en charge après le débriefing, qui, seul, ne suffit pas.
31En soit, le trauma constitue un abandon ou, comme cela a déjà été évoqué [5], une rupture communautaire. Il est donc primordial de ne pas rejouer cette dimension dans et même après le débriefing.
32Il est ainsi important de préserver le contact, même une seule fois, et de ne jamais laisser le sujet au milieu de sa propre parole, lui permettre d’aller jusqu’au bout de ce qu’il a à dire.
33Comme le soulignait déjà J. T. Mitchell, la récolte des informations a une incidence sur la constitution des groupes de débriefing. Ne pas mélanger des gens qui n’auraient pas vécu la même situation lors des débriefings permet d’éviter la situation de bouc émissaire, de survictimisation, d’agressivité inadaptée…
34Mais, comme le rappelle F. Lebigot, dans le débriefing à la Mitchell, c’est le débriefer qui détient le savoir, ce qui aboutit à privilégier des attitudes pédagogiques, alors que, dans le débriefing psycho-dynamique, c’est la victime, à son insu, qui a le savoir sur les effets du traumatisme. En revanche, il y a transfert parce que, ce savoir, la victime le suppose au thérapeute. C’est la raison pour laquelle elle va s’adresser à lui.
35Voyant des différences dans les méthodes de gestion du transfert et du sentiment d’abandon, il va sans dire qu’y autoriser des intervenants sans formation clinique et sans expérience en victimologie est un très mauvais choix qui peut nuire très gravement à certaines victimes.
36La dernière notion mise en avant par F. Lebigot est la jouissance morbide inconsciente dans laquelle se trouve la victime traumatisée. Dans ce registre, l’accompagnement prend la fonction de réhabiliter le désir. Le traumatisé se retrouvant déshabité par le langage, c’est avec le langage, évitant les silences, que le débriefer permet au débriefé de revenir au désir et de sortir de la problématique morbide du trauma.
Une institution prédisposée au trauma : la police nationale
37D’abord mis à contribution au niveau du recrutement, le psychologue clinicien ne faisait initialement pas véritablement partie du paysage et de la culture policière. Seuls deux psychologues cliniciens étaient chargés, en 1996, d’assurer l’accompagnement post-traumatique des policiers, comparativement aux soixante exerçant cette fonction aujourd’hui. C’est la souffrance des policiers et une vague importante de suicides qui ont changé la perception et l’intégration des psychologues au sein de cette institution où l’image de force et de sécurité reste prévalente.
38E. Theillaumas, psychologue clinicienne très investie dans cette institution, a répertorié quatre domaines d’intervention en fonction des objectifs prescrits et des interlocuteurs :
- les psychologues affectés en commissariat qui assurent la prise en charge et l’orientation des victimes et auteurs ;
- les psychologues affectés dans les structures de formation qui assurent des fonctions d’évaluation / recrutement ou de prescription / formation ;
- quelques psychologues au sein des services de police judiciaire qui assurent des fonctions « d’aide à l’enquête » en appui au travail des policiers ;
- et, enfin, les psychologues du Sspo ou service de soutien psychologique opérationnel, qui assurent les prises en charge péritraumatiques et l’accompagnement des policiers qui en expriment la demande.
39Cette institution, dans la violence de nos sociétés, prédispose tous les jours ses représentants de l’ordre à de multiples formes de traumatisme, mais également à des traumatismes clairement identifiés, de type confrontations directes à la mort, mais également en tant que profession à risques. Mais aussi tout événement personnel, lié à la famille ou à un collègue, peut compromettre l’opérationnalité professionnelle attendue et prendre des proportions susceptibles de mettre à mal l’équilibre psychique de ces professionnels : décès dans la famille, suicide d’un collègue ou d’un proche, sanction, dépression, séparation, maladies ou difficultés personnelles. Toutes ces situations sont non seulement sources de souffrance importante, mais aussi parfois et surtout sources de culpabilité et de repli, justement en raison de l’image de force qu’il convient de cultiver. Le burning-out ou épuisement professionnel progressif est particulièrement à redouter.
40L’équilibre de la société étant, à de multiples occasions, mis à mal par des facteurs économiques, sociaux et personnels, les « forces de l’ordre » sont souvent les premiers remparts face à ces débordements sociaux et ont, à ce titre, des besoins grandissants d’étayage et de soutien pour élaborer, mettre en sens leurs ressentis et pour prendre du recul, tant par rapport aux événements introjectés que par rapport à la connaissance de leurs capacités propres, forces et faiblesses. Heureusement, « Robocop » n’existe pas, et les policiers déjà sensibilisés à la souffrance sociale et à l’aide à apporter aux concitoyens sont aujourd’hui davantage en mesure d’être à l’écoute de leurs propres manifestations post-traumatiques.
41Les psychologues de l’institution favorisent effectivement ce lien social, et plus encore ce lien avec soi-même, et sont, à ce titre, de plus en plus sollicités.
Une psychologue allant dans les entreprises
42On a généralement l’habitude d’associer le cadre professionnel à une forme de normalité immuable et établie, rendant toute allusion à la maltraitance ou à la déviance inopportune dès qu’il s’agit du monde du travail. Il n’est pas rare de voir arriver dans les cmp ou les cabinets de psychologue des personnes frôlant le burn-out ou la dépression parce qu’elles sont surexploitées, malmenées, menacées…, et ce, dans le cadre de leur travail.
43Cadres ou employés sont logés à la même enseigne, dépendant d’objectifs ou de chefs qui perdent de vue le fait qu’ils ont en face d’eux des hommes et des femmes avec tout ce que cela comporte.
44Aujourd’hui, la situation économique est instable, la pérennité des institutions et des postes est incertaine. Ce qui semblait être un problème marginal est devenu un problème majeur en cette période de crise, où un plus grand nombre se retrouve face à la précarité, et ce, quel que soit le profil. S. Andru-Dutailly, psychologue clinicienne, s’appuie sur cette question de la normalité pour rétablir humainement la place de la souffrance dans les entreprises, notamment lorsqu’elle intervient dans le cadre de plans de sauvegarde de l’emploi (pse). C’est, en effet, de nos jours une obligation pénale que de prendre en compte cette souffrance, chez les employés comme chez les cadres. Cela d’autant plus dans les situations de pse où la vie des individus, voire parfois la vie de communes, peuvent s’en trouver ruinées.
45Ainsi, certaines personnes en grande souffrance, du fait d’un chemin de vie délétère, d’une maladie, d’un accident ou autres, peuvent se retrouver totalement démunies, voire déstabilisées psychologiquement par une fermeture d’usine, une délocalisation ou un licenciement.
46Au milieu de déboires personnels, certaines personnes ont structuré tout leur équilibre intime autour de leur activité professionnelle, comme d’ailleurs certaines communes qui ont centré tout leur équilibre social autour d’une caserne, d’une usine ou d’une activité touristique.
47Enlever cet équilibre, c’est provoquer un séisme, une remise en cause à laquelle ils n’étaient nullement préparés, voire dont ils se pensaient même prémunis.
48Rien d’étonnant que, dans ces moments de fragilité, certains en viennent à des extrémités irréversibles. Et c’est à juste titre qu’ici, également, peut trouver place et se décliner le débriefing psychologique en tant que tel, ou dans ce qu’il initialise un travail à plus ou moins long terme.
Notes
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[1]
Voir le dossier « Crises et désastres », in Le Journal des psychologues, 264 : 24-51.
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[2]
Cellule d’urgence médico-psychologique.
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[3]
Bateau de plaisance français pris en otage par des pirates somaliens.
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[4]
Fédération européenne des associations de psychologues.
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[5]
Barrois C., 1992, « Souvenirs de l’enfer et enfer du souvenir », in Symposium international. Stress, psychiatrie et guerre, Paris.