1Rien n’y fait. Malgré toute la bonne volonté de nos gouvernants, la morosité s’installe. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé. Allonger le temps de travail tout en prônant la civilisation des loisirs, annuler l’impact des mouvements sociaux en instaurant un service minimal, supprimer des postes d’enseignant tout en affirmant la volonté de renforcer le système scolaire… tout cela sur fond de chansonnettes susurrées dans les salons élyséens. Les occasions de donner libre cours à notre hilarité ne manquent pas. Alors, les Français feraient-ils preuve, une fois de plus, d’une mauvaise volonté outrageante ? Sont-ils atteints d’un mal incurable qui, pour un peu, nous pousserait à feuilleter rageusement le Dsm-iv pour voir si l’on n’y trouverait pas une nomenclature décrivant ce nouveau mal français ?

2En attendant une explication rationnelle à cette tristesse hexagonale, rions un peu. Mais, pour cela, il faut creuser, se donner de la peine.

3Et avoir, par exemple, le sens du paradoxe et le goût des devinettes. Il faut, dit-on, allonger les temps de cotisations pour honorer le paiement des retraites. Mais à quel moment la carrière doit-elle s’allonger ? En début de celle-ci, où tout est fait pour retarder l’entrée dans la vie active des jeunes, ou en fin de parcours, où la pression est forte pour éliminer les travailleurs de plus de cinquante-cinq ans qui n’ont pratiquement aucune chance de retrouver du travail ?

4Ou prenons encore l’exemple de cette nouveauté consistant à créer un fichier des élèves. Nous qui raffolons – au vu des couvertures des numéros d’été des magazines – des tests divers et variés qui déterminent notre profil amoureux ou intellectuel en cinq lignes, nous ne savons pas apprécier à sa juste valeur l’obligation faite aux élèves de se soumettre aux qcm new look de l’Éducation nationale et d’avoir ainsi l’occasion de se créer un profil précis, détaillé, qui dit tout de l’enfant, de ses parents et de leur mode de vie dans les moindres détails. Alors qu’est-ce qui nous retient de nous réjouir ? Un sentiment de frustration ? Il est vrai que la « Base élèves » n’est pas agrémentée de la marche à suivre pour élever cet enfant, les phrases qu’il doit prononcer, encore moins des conduites à tenir face à ses réactions. Peut-être manque-t-il de tests de QI ou d’indices de capacité de concentration… En attendant ce jour béni qui ne saurait tarder, préparons nos corps déjà alanguis à la perspective de la future canicule en cochant consciencieusement les bonnes cases dans nos magazines préférés. Au moins, le risque d’être fiché restera, on en est sûr, limité…