Notes
-
[1]
Ouvrage publié aux éditions Erès : http://www.editions-eres.com/ouvrage/3614/en-avant-pour-les-droits-de-l-enfant
-
[2]
Les recommandations du Comité des droits de l’enfant adressées à la France en date du 23 février 2016 sont disponibles sur : http://collectif-aede.org/wp-content/uploads/2016/01/Recommandations-2016-CRC-a-la-France.pdf
-
[3]
Le Forum Français de la Jeunesse, De nouvelles politiques en direction des jeunes, Avis n°2, Février 2013 -http://forumfrancaisjeunesse.fr/avis-n2/
-
[4]
Par exemple, le dispositif Aquimob en région Aquitaine : http://www.aquimob.fr
-
[5]
Défenseur des droits, Droit fondamental à l’éducation : une école pour tous, un droit pour chacun, 2016, p28 - http://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/2016-rae.pdf
-
[6]
Cette dernière proposition avancée par les jeunes est surprenante lorsqu’on sait qu’en France seules quelques écoles privées ne sont pas mixtes. Mais elle pourrait redevenir d’actualité alors que dans plusieurs pays étrangers (USA, Royaume Uni, Canada) les écoles non mixtes ont le vent en poupe car elles favoriseraient la réussite des élèves, notamment des garçons.
-
[7]
« L’administrateur ad hoc est un mandataire désigné par un juge d’instruction, un juge des enfants, un juge des tutelles, un procureur, ou par une juridiction (tribunal correctionnel, tribunal pour enfants). Sa mission est de représenter ou assister un mineur (jeune âgé de moins de 18 ans) qui se trouve en conflit d’intérêt avec le ou les titulaires de l’autorité parentale (père ou mère), ou bien se trouve isolé (en l’absence de parent), ou bien encore en cas de défaut de diligence du représentant légal du mineur. » Pierre Lyon Caen, Avocat honoraire à la Cour de cassation, Membre du Bureau du SSAE, Revue Accueillir n°240 : « Les mineurs étrangers isolés en Europe », « Qu’est-ce qu’un administrateur Ad hoc », par. Décembre 2006, p30
-
[8]
Anacej, 25 propositions pour renforcer la participation des enfants et des jeunes, 2016 - http://anacej.asso.fr/wp-content/uploads/2016/10/25_propositions_16_web%C2%A9Anacej.pdf
-
[9]
Secours populaire, Baromètre 2016 Ipsos / Secours populaire : plus de renoncement aux soins, 2016 - https://www.secourspopulaire.fr/sante-la-situation-se-degrade-depuis-2008
-
[10]
ONPE, Chiffres clés de l’accueil du jeune enfantt, 1er septembre 2016 - https://www.caf.fr/sites/default/files/cnaf/LettreOnpeN1.pdf
-
[11]
Source : Vice-rectorat de Mayotte
-
[12]
CASNAV : Centre académique pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés
-
[13]
CIO : Centre d’information et d’orientation
-
[14]
UPE2A : Unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants
-
[15]
CLIS : Classe d’intégration scolaires
-
[16]
ULIS : Unité localisée pour l’inclusion scolaire
-
[17]
AESH : Accompagnant d’élève en situation de handicap
-
[18]
Défenseur des droits, Droit fondamental à l’éducation : une école pour tous, un droit pour chacun, 2016 - http://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/2016-rae.pdf
-
[19]
CDERE, Ados en bidonville et en squat, l’école impossible ? Etude sur la scolarisation des jeunes âgés de 12 à 18 ans, 2016 -http://www.romeurope.org/ados-en-bidonville-et-en-squats-lecole-impossible-etude-sur-la-scolarisation-des-jeunes-ages-de-12-a-18-ans-collectif-pour-le-droit-des-enfants-roms-a-leducation/
Préambule
1 Initié en 2013, le collectif Agir ensemble pour les droits de l’enfant (AEDE) rassemble une cinquantaine d’organisations pour défendre et promouvoir les droits des enfants. Ce collectif s’était fixé comme premier objectif de publier un rapport alternatif à l’occasion de l’audition de la France par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, chargé d’évaluer la façon dont notre pays met en œuvre la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE). En 2016, AEDE a décidé de poursuivre ses actions de plaidoyer, notamment en publiant ce livre blanc dans le contexte des prochaines élections de 2017. Ayant pour objectif une meilleure prise en compte des opinions des enfants dans les décisions qui les concernent, le Collectif a étroitement associé ces derniers en développant un réseau d’enfants et de jeunes qu’il réunit et consulte régulièrement (deux fois en 2016) en les faisant ainsi contribuer à son plaidoyer POUR et AVEC les enfants.
2 Ce livre blanc réactualise, de façon synthétique, l’état des lieux des droits de l’enfant en France en ce début d’année 2017, ainsi que les préconisations du collectif AEDE avec l’intention d’attirer l’attention des candidat-e-s et futur-e-s élu-e-s sur les conditions de vie des enfants et des adolescents. Pour le rédiger, AEDE s’est appuyé sur son rapport alternatif rédigé collectivement « En avant pour les droits de l’enfant » [1], sur sa synthèse « Construire une société inclusive, bienveillante et respectueuse des droits de l’enfant : c’est maintenant », sur son Agenda « AVEC les enfants POUR le respect de leurs droits » ainsi que sur les contributions de ses membres rédigées pour l’occasion. Afin de rester au plus près des préoccupations des enfants et des jeunes, AEDE a également inclus dans ce livre blanc les résultats de sa consultation nationale « Droits de l’enfant, qu’en dites-vous ? » lancée à l’automne 2016, à laquelle ont répondu 730 enfants et jeunes entre 6 et 25 ans, ainsi que sur les propos recueillis lors de deux journées de rencontre nationale du réseau d’enfants et de jeunes, les 27 avril et 30 novembre 2016. Leurs préconisations sont signalées dans livre blanc par le symbole :
3 Le collectif se réfère enfin dans ce livre blanc aux recommandations adressées à la France par le Comité des droits de l’enfant en février 2016 [2].
4 En 2017, les Français éliront leur président-e ainsi que leurs député-e-s. Dans ce contexte important pour la France, il est crucial de remettre l’enfance au cœur des débats.
5 Ce livre constitue un guide pour tous les décideurs publics locaux qui ont, eux aussi, la responsabilité d’appliquer les textes internationaux (la CIDE mais également tous les autres traités internationaux les concernant) ainsi que les jurisprudences qui s’attachent au respect de ces droits, et d’améliorer la situation des enfants et des jeunes présents sur leur territoire. Il contient en effet des préconisations relevant tant des compétences nationales que territoriales.
6 RETROUVEZ NOS PUBLICATIONS ET PLUS ENCORE SUR LE SITE D’AEDE :
Table des matières
9 Préambule
10 Table des matières
11 Liste des organisations signataires
12 Introduction
13 1. S’organiser pour une application effective de la CIDE
- 1.1 Promouvoir réellement la CIDE
- 1.2 Poursuivre la mise en place d’une stratégie globale pour l’enfance
- 1.3 Asseoir juridiquement le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant
- 1.4 Renforcer les voies de recours indépendantes accessibles aux enfants
- 1.4.1 Le Défenseur des droits et son adjoint-e Défenseur-e des enfants
- 1.4.2 Le recours international au Comité des droits de l’enfant
14 2. Aménager la transition du statut d’enfant à celui d’adulte
- 2.1 Inscrire dans le droit les principes du statut juridique des enfants
- 2.2 Continuer à protéger les jeunes adultes les plus fragiles
- 2.3 Garantir un droit à la mobilité
15 3. Lutter contre les discriminations et les inégalités
- 3.1 Penser une société inclusive et plus égalitaire
- 3.2 Garantir l’égalité d’accès à leurs droits pour les enfants partout sur le territoire
- 3.3 S’attaquer aux racines des inégalités de genre
- 3.4 Lutter contre les inégalités économiques et déterminismes sociaux
16 4. Rendre l’enfant acteur de sa vie, personnelle et collective
- 4.1 Améliorer l’écoute de l’enfant en justice et lui accorder des capacités juridiques
- 4.2 Donner du pouvoir à l’enfant sur sa vie et son éducation
- 4.3 Reconnaître l’engagement des enfants et des jeunes dans la société
- 4.3.1 Faire reconnaître la liberté d’expression collective et le droit de publication des mineur-e-s
- 4.3.2 Accorder une véritable liberté d’association aux mineur-e-s
- 4.3.3 Généraliser le service civique
17 5. Accompagner les enfants dans leur vie familiale et les protéger de toute violence
- 5.1 Promouvoir l’accompagnement parental
- 5.2 Améliorer la protection des enfants en danger dans leur famille
- 5.3 Protéger les enfants contre les violences extra-familiales
18 6. Permettre à chaque enfant d’avoir un accès à des soins de qualité et adaptés ainsi que de vivre dans des conditions décentes
- 6.1 Favoriser la prévention, le dépistage et l’accompagnement du handicap
- 6.2 Prévenir les problèmes de santé et offrir des soins de qualité pour chacun
- 6.2.1 Mettre l’accent sur la prévention
- 6.2.2 Favoriser l’accès à des soins de qualité pour chaque enfant
- 6.2.3 Mieux rassurer les enfants dans leurs parcours de soins
- 6.3 Faire de la lutte contre la pauvreté et la précarité des enfants une priorité
19 7. Développer une co-éducation globale inclusive dès la petite enfance
- 7.1 Développer un service public d’accueil de la petite enfance tourné vers l’éveil éducatif
- 7.2 Donner un accès à la scolarisation sans discrimination
- 7.2.1 Mayotte
- 7.2.2 Enfants migrants
- 7.2.3 Enfants en situation de handicap
- 7.2.4 Décrocheurs scolaires
- 7.3 Garantir à chaque enfant une éducation de qualité
- 7.3.1 Mettre l’enfant au cœur de l’éducation
- 7.3.2 Eduquer les enfants à la citoyenneté, au Droit et aux droits
- 7.3.3 Généraliser les Projets éducatifs de territoire (PEDT) et faciliter l’accès aux loisirs et à la culture
20 8. Respecter les droits fondamentaux des plus vulnérables
- 8.1 Mieux accueillir les Mineur-e-s Isolé-e-s Etranger-e-s
- 8.2 Faire une place aux enfants des bidonvilles dans la société
- 8.3 Identifier et reconnaître comme victimes les enfants pris dans des réseaux de traite des êtres humains
- 8.4 Prévenir l’entrée en grande délinquance des enfants
- 8.5 Former les professionnel-le-s pour mieux protéger les enfants les plus vulnérables
21 Conclusion : réformer en privilégiant le consensus et la concertation
Liste des organisations signataires
22 ACE : Action Catholique des Enfants
23 Adéquations
24 AFEV : Association de la Fondation Étudiante pour la Ville
25 AFJK : Association Française Janusz Korczak
26 AFMJF : Association Française des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille
27 Aide et Action
28 ANACEJ : Association Nationale des Conseils d’Enfants et de Jeunes
29 APAJH : Fédération des Associations pour Adultes et Jeunes Handicapés
30 CDERE : Collectif pour le Droit des Enfants Roms à l’Éducation
31 CEMEA : Association nationale des Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active
32 Citoyens et Justice
33 Clowns Sans Frontières
34 CNAEMO : Carrefour National de l’Action Éducative en Milieu Ouvert
35 CNAPE : Convention Nationale des Associations de Protection de l’Enfance
36 CSF : Confédération Syndicale des Familles
37 DEI - France : Défense des Enfants International – France
38 ECPAT France
39 EEDF : Éclaireuses Éclaireurs de France
40 Entraide Universitaire
41 FCPE : Fédération des Conseils de Parents d’Elèves
42 FFJ : Forum Français de la jeunesse
43 FGPEP : Fédération Générale des Pupilles de l’Enseignement Public
44 FIEP : Fédération Internationale pour l’Éducation des Parents
45 FNAREN : Fédération Nationale des Associations des Rééducateurs de l’Éducation Nationale
46 FNEJE : Fédération Nationale des Éducateurs de Jeunes Enfants
47 FSFM : Fédération Syndicale des Familles Monoparentales
48 Les Francas
49 Hors la Rue
50 ICEM (Institut Coopératif de l’École Moderne) Pédagogie Freinet
51 Initiatives et Changement
52 Intermèdes Cultures Robinson
53 Jets d’Encre
54 JOC : Jeunesse Ouvrière Chrétienne
55 La Ligue de l’Enseignement
56 LDH : Ligue des Droits de l’Homme
57 MLF : Mission Laïque Française
58 OCCE : Office Central de la Coopération à l’École
59 OVEO : Observatoire de la Violence Éducative Ordinaire
60 Pasde0deconduite
61 RNJA : Réseau National des Juniors Associations
62 SE - Unsa : Syndicat des Enseignants de l’UNSA
63 SNUipp-FSU : Syndicat National Unitaire des Instituteurs et Professeurs des écoles et PEGCS affilié à la Fédération Syndicale Unitaire
64 Solidarité Laïque
65 Sparadrap
66 Le Syndicat de la Magistrature
67 Thémis
68 Trisomie 21
69 UNAPP : Union Nationale des Acteurs de Parrainage de Proximité
70 Unsa Éducation
Introduction
71 Dans son rapport remis en 2015 au Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, AEDE dressait un état des lieux des droits de l’enfant en France « en demi-teinte » et avançait de nombreuses préconisations dans tous les domaines et lieux de vie des enfants. Après une première décennie des années 2000 marquée par un arrêt total de la dynamique des droits de l’enfant et des régressions majeures dans certains domaines – notamment des politiques pénales et migratoires – AEDE faisait état d’un frémissement de reprise de cette dynamique au niveau national et d’une lente prise de conscience que l’application effective de la CIDE exigeait des pouvoirs publics, nationaux comme territoriaux, la mise en œuvre d’une stratégie globale cohérente.
72 Depuis début 2015, cette volonté politique de mieux s’intéresser aux enfants et au respect de leurs droits fondamentaux s’est confirmée. Pour preuves : la préparation interministérielle de l’audition du gouvernement par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, la ratification du troisième Protocole à la CIDE, la création d’un ministère dédié à l’enfance, la mission confiée à France Stratégie de définition d’une stratégie pour l’enfance et l’adolescence, l’installation d’un Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge aux travaux duquel, pour la première fois au niveau national, un collège de 12 enfants est associé, la présentation d’un plan santé des jeunes…
73 Dans le même temps, la situation s’est nettement aggravée pour de nombreux enfants, qu’ils soient en situation de pauvreté et de précarité, enfants migrants et/ou réfugiés. Les réformes législatives qui auraient été nécessaires, à la fois au pénal pour ceux qui sont en conflit avec la loi ou au civil pour sécuriser les nouvelles formes de familles, n’ont pas été menées à bien. Les droits fondamentaux de tous les enfants, sans exception, doivent être respectés.
74 AEDE attend donc que les candidat-e-s aux élections et les élu-e-s en 2017 réaffirment dans leur programme les engagements pris par la France lors de la ratification de la CIDE en 1990 et poursuivent les réformes nécessaires pour un meilleur respect des droits de tous les enfants sur le territoire. La CIDE leur offre un outil juridique et éthique unique, pour bâtir, avec la société civile et les enfants eux-mêmes, un véritable projet de société qui fonderait une confiance retrouvée des enfants sur nos principes républicains de liberté, d’égalité et de fraternité. AEDE espère que ce livre blanc avec ses nombreuses propositions concrètes y aidera. Il est organisé en 8 chapitres qui pourraient préfigurer les grands axes d’une politique globale cohérente AVEC et POUR les enfants.
1 – S’organiser pour une application effective de la CIDE
1.1 – Promouvoir réellement la CIDE
75 La CIDE a été ratifiée par la France en 1990 de même que ses trois protocoles additionnels depuis. Son application effective passe tout d’abord par sa promotion. Pourtant vingt-sept ans après, trop peu de gens connaissent les droits qu’elle reconnaît aux enfants et les obligations qu’elle attribue aux adultes et aux pouvoirs publics. Selon les résultats de la consultation nationale lancée par AEDE à l’automne 2016, sur 730 enfants et jeunes ayant répondu, seulement 45% connaissaient la CIDE, pour la plupart par le biais de l’école. Les adultes et même les décideurs publics ne la connaissent guère mieux.
• Lancer des campagnes de promotion de la CIDE adaptées au grand public et aux enfants.
• Assurer la diffusion des recommandations faites à la France en 2016 auprès du grand public et des enfants.
• Instituer des programmes de formation obligatoire aux droits de l’enfant pour tous les profesionnel-le-s en lien avec l’enfance et pour les décideurs politiques.
• Diffuser à la télévision un clip réalisé par des enfants et jeunes.
1.2 – Poursuivre la mise en place d’une stratégie globale pour l’enfance
76 Avec l’instauration d’un Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge et son collège associé d’enfants, avec la création d’un ministère à l’Enfance chargé d’une mission interministérielle ou encore la mise en place de la clause impact jeunesse, l’action de la France va dans la bonne direction pour la construction d’une stratégie nationale globale et cohérente de l’enfance, afin que la CIDE soit effectivement appliquée dans le quotidien des enfants. La France a donc déjà posé des jalons pour élaborer cette stratégie globale ; il reste maintenant à la définir dans sa globalité et à se donner les moyens techniques de sa mise en œuvre (coordination, pilotage national, moyens financiers fléchés sur l’enfance, collectes de données, etc.).
• Assurer la continuité d’un ministère de plein exercice dédié à l’enfance aux missions interministérielles et transversales.
• S’appuyer sur les travaux du Haut conseil de la famille de l’enfance et de l’âge pour poser les grands axes d’une politique globale pour l’enfance.
• Créer des délégations parlementaires aux droits de l’enfant.
• Étendre à l’enfance les études d’impact pour tout nouveau projet de loi ou proposition de loi, et pour toute nouvelle politique, nationale comme territoriale.
• Élaborer des analyses budgétaires centrées sur l’enfant pour suivre l’évolution des fonds alloués, juger de leur adéquation aux besoins des enfants et de leurs familles, optimiser leur utilisation.
1.3 – Asseoir juridiquement le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant
77 Le collectif AEDE constatait en 2015 que la notion d’intérêt supérieur de l’enfant était de plus en plus invoquée en France, dans les normes et jurisprudences nationales, sans que cette notion soit explicitement rattachée à la notion de droits et référée à la CIDE, ce qui peut conduire à des appréciations très subjectives, à de mauvaises interprétations, voire à des restrictions de droits. Par ailleurs, la formule « le meilleur intérêt de l’enfant » a fait son apparition dans le discours ministériel, alors qu’elle n’est pas consacrée par la CIDE ; elle est regrettable en ce qu’elle peut laisser entendre qu’on sacrifie tous les autres intérêts de l’enfant à un intérêt « champion », alors que le principe de l’intérêt supérieur demande de concilier au mieux tous les intérêts de l’enfant (la formule utilisée dans la version anglaise étant « les meilleurs intérêts »).
78 Aussi, il paraît nécessaire de sécuriser et harmoniser l’application pratique du principe de l’article 3 al 1 de la CIDE (l’intérêt supérieur comme considération primordiale dans toute décision).
• Transposer le principe de l’intérêt supérieur dans les différents codes du droit interne.
• Établir des listes de critères à prendre en compte pour mieux définir, dans chaque situation individuelle, l’intérêt supérieur de l’enfant.
• Assurer un accompagnement pédagogique sur le principe de l’intérêt supérieur en direction aussi bien des parents que des professionnel-le-s de l’enfance et des décideurs publics, pour les accompagner dans la façon concrète d’appliquer ce principe.
1.4 – Renforcer les voies de recours indépendantes accessibles aux enfants
1.4.1 – Le Défenseur des droits et son adjoint-e Défenseur-e des enfants
79 Les associations membres d’AEDE avaient regretté, en 2011, la disparition du Défenseur des enfants en tant qu’institution spécifique et autonome, regroupée au sein du nouveau Défenseur des droits avec d’autres institutions de défense des droits. Leur crainte d’une baisse de la visibilité, de la part des enfants et du grand public, et de l’autonomie du Défenseur des enfants s’est effectivement confirmée : 68% des enfants et jeunes ayant répondu à la consultation d’AEDE disaient ne pas connaître le ou la Défenseur-e des enfants. Cependant, AEDE reconnaissait en 2015 que les enfants ont pu bénéficier des pouvoirs accrus de la nouvelle institution et de sa transversalité (droits de l’enfant / discriminations / déontologie de la sécurité).
1.4.2 – Le recours international au Comité des droits de l’enfant
80 AEDE demandait en 2015 que la signature par la France du troisième Protocole de la CIDE, obtenue après trois ans d’hésitation, se concrétise par une ratification sans aucune réserve. C’est chose faite depuis le 8 janvier 2016 et l’on peut s’en féliciter puisque ce texte, « établissant une procédure de présentation de communications » (plaintes nominatives ou demandes d’enquête pour des violations de droits de l’enfant), est un moyen de donner toute son effectivité à la CIDE en offrant aux enfants et aux adultes qui les accompagnent un droit de recours international auprès du Comité des droits de l’enfant.
• Évaluer en 2017 le fonctionnement de l’institution du Défenseur des droits dans sa mission relative aux droits de l’enfant.
• Réformer son mode de nomination, conformément aux recommandations du Conseil de l’Europe, pour mieux garantir son indépendance.
• Promouvoir cette institution et son rôle auprès du grand public.
2 – Aménager la transition du statut d’enfant à celui d’adulte
2.1 – Inscrire dans le droit les principes du statut juridique des enfants
81 AEDE dénonçait dans son rapport en 2015 la tendance des dernières années à distinguer deux grandes catégories parmi les enfants : les plus jeunes qui seraient à protéger et les plus âgés qu’il s’agirait de responsabiliser par un traitement se rapprochant de celui des adultes. Le collectif rappelait pourtant l’exigence de la CIDE à la fois de protéger pleinement les grands adolescents – car c’est un âge de prise de risque très élevé – et d’émanciper progressivement les plus jeunes enfants, ce qui est de moins en moins évident dans notre société. Il incitait cependant à la prudence vis-à-vis de la définition de seuils d’âge fixés dans la loi pour autoriser l’exercice par l’enfant de certaines libertés, souvent interprétés comme une interdiction formelle de les exercer en dessous du seuil, ce qui n’est pas conforme à la CIDE.
• Inscrire formellement dans le droit interne les principes du statut des enfants, petits et grands sans exception jusqu’à 18 ans, les affirmant comme des personnes à part entière, des acteurs sociaux, des citoyens en capacité d’exercer progressivement leurs libertés avec l’accompagnement émancipateur et protecteur des adultes et des institutions.
• Éviter de figer dans la loi des seuils d’âge inférieurs à 18 ans pour des majorités spécifiques, l’exercice des libertés par l’enfant devant être déterminé en suivant le principe de son intérêt supérieur plutôt que par son âge.
2.2 – Continuer à protéger les jeunes adultes les plus fragiles
82 AEDE s’intéresse également au sort des jeunes adultes, même s’ils ne sont plus des enfants, dans la mesure où leurs conditions d’insertion dans la société forment un « horizon » vers lequel les enfants vont projeter leur avenir et qui va donc influer sur leur vie. Ces jeunes adultes sont d’un côté juridiquement renvoyés brutalement le jour de leurs 18 ans à leurs responsabilités et une pleine autonomie d’adulte, même pour les plus fragiles d’entre eux, et de l’autre soumis à une dépendance économique de plus en plus longue vis à vis des parents, avec de très fortes inégalités pour leur départ dans la vie.
• Étudier un revenu minimal voire un capital de base pour chaque jeune démarrant dans la vie adulte.
• Conserver les contrats d’aide jeunes majeurs pour ceux qui ont été accueillis dans des structures de protection de l’enfance et des dispositifs d’accompagnement pour tous.
• Obliger les conseils départementaux à justifier de l’autonomie du jeune en cas de refus d’un contrat jeune majeur.
• Définir, comme en Allemagne, un traitement pénal transitoire pour les 18-25 ans, intermédiaire entre celui des mineurs et celui de la pleine majorité pénale.
2.3 – Garantir un droit à la mobilité
83 La question de la mobilité, qu’elle soit territoriale, nationale ou internationale, représente un véritable enjeu pour favoriser l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. AEDE a repris, en l’élargissant, la proposition du Forum Français de la Jeunesse [3] d’un droit à la mobilité car le collectif y voit un moyen de faciliter la transition enfant-adulte, en aidant une insertion choisie dans une société plus inclusive de tous. Ce droit, qui serait reconnu aux mineur-e-s comme aux jeunes majeur-e-s, doit être abordé sous tous ses aspects : social, géographique et culturel.
• Penser le développement des villes et des espaces publics pour une meilleure liberté de circulation des enfants.
• Réinterroger, au regard d’études récentes, la question de la mobilité des enfants et des jeunes, et en particulier des filles, dans l’espace public.
• Créer un guichet unique de la mobilité au niveau régional [4].
• Faciliter l’accès aux transports en commun, soutenir financièrement le permis de conduire et limiter les surprimes d’assurance appliquées aux jeunes.
• Imposer la mise en place dans toutes les régions françaises d’un tarif réduit pour l’accès aux transports des jeunes de moins de 30 ans au sein des contrats de plan Etat-Région.
• Sensibiliser les jeunes à la mobilité par l’éducation et l’intermédiaire des pairs, grâce aux classes de découverte, séjours à l’étranger, séjours éducatifs pour tous, qui permettent aux jeunes d’échanger pour vaincre les réticences.
• Développer les dispositifs Erasmus pour les étudiants et « Jeunesse en action » pour les non étudiants, avec des objectifs chiffrés sur le pourcentage de jeunes d’une classe d’âge y ayant accès.
• Favoriser le parrainage de proximité qui offre également des opportunités par la rencontre avec d’autres personnes, en termes de mobilité géographique, mais surtout de mobilité sociale et culturelle.
3 – Lutter contre les discriminations et les inégalités
3.1 – Penser une société inclusive et plus égalitaire
84 La loi française a une approche restrictive des discriminations, définie comme une différence volontaire de traitement, dans certains domaines seulement et selon une liste de critères limités. Le collectif AEDE considère quant à lui que toutes les inégalités dans le respect effectif des droits sont des révélateurs de différences de traitement souvent involontaires, sorte de discriminations invisibles – car liées à des idées fausses, des préjugés et des conditionnements dont les adultes ne sont pas même conscients mais qui doivent être combattus. AEDE pense donc indispensable, en application de l’article 2 de la CIDE, qui consacre non seulement l’interdiction de discriminer mais plus largement l’égalité d’accès à leurs droits pour tous les enfants, de mieux connaître les inégalités et d’en rechercher les causes de façon à les réduire.
85 Dans la recherche de solutions, AEDE insiste également sur une approche inclusive de tous les enfants et le rejet de systèmes dérogatoires au droit commun : c’est à la société de créer les conditions de l’accessibilité au droit commun pour tous ; ses normes doivent être pensées dans le respect des spécificités de chacun, en s’interdisant le recours à des normes particulières fondées sur une catégorisation des individus, qui est source de discrimination.
86 C’est le cas notamment des enfants en situation de handicap qui ne devraient pas avoir à fournir d’efforts personnels pour s’intégrer.
• Intensifier les analyses a posteriori, qualitatives comme quantitatives des politiques publiques du point de vue de l’égalité des enfants vis à vis de leurs droits.
• Sensibiliser le grand public et lutter contre la stigmatisation et les préjugés dont sont encore victimes de nombreux enfants.
• Partir de la réalité vécue par les enfants les plus vulnérables pour penser les politiques en direction de tous les enfants.
• S’interdire tout dispositif spécifique qui n’aurait pas pour objet de faciliter l’accès au droit commun de tous les enfants quelles que soient leurs différences ou leur situation.
3.2 – Garantir l’égalité d’accès à leurs droits pour les enfants partout sur le territoire
87 Les collectivités territoriales se sont vues attribuer depuis la décentralisation des compétences importantes concernant les enfants et leurs droits. Leur grande autonomie de décision les conduit à faire des choix, notamment budgétaires, différents en fonction des appartenances politiques, de leurs capacités financières ou des caractéristiques démographiques de leur territoire. Pour ne prendre que quelques exemples : la part du budget de protection de l’enfance des départements dédiée à la prévention varie selon des proportions très importantes ; leur volonté politique d’assurer la prise en charge des mineurs isolés étrangers est très diverse ; quant aux communes, certaines refusent de scolariser les enfants vivant en bidonville ou en hôtel social.
88 Les inégalités et violations de droits les plus criantes se situent souvent dans les territoires d’Outre-mer, en matière de protection de l’enfance, comme d’accès à l’école primaire et particulièrement dans le département de Mayotte ou 5000 enfants ne seraient pas scolarisés [5]. Le contrôle de légalité exercé a posteriori par les préfets sur l’action des collectivités territoriales ne permet pas de mettre fin à ces violations.
• Définir un système de recueil de données et des référentiels harmonisés entre les collectivités.
• Renforcer les sanctions pour les collectivités qui ne respectent pas leurs obligations légales
• Porter une attention particulière à la situation des enfants d’Outre-mer, et spécialement à Mayotte où les lois de la République doivent s’appliquer comme dans les autres départements.
3.3 – S’attaquer aux racines des inégalités de genre
89 Si des mesures nouvelles ont été introduites avec la loi du 4 août 2014 sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes – incitation au congé parental des pères, contraintes sur les entreprises en fonction des mesures pour l’égalité professionnelle, protection des mères isolées et répression du harcèlement sexuel – le constat d’AEDE en 2015 reste valable : les entraves à l’égalité des droits liées au genre sont loin d’être prises en compte dans tous les champs d’intervention concernant les droits de l’enfant, alors qu’elles ont des conséquences non seulement pour les filles mais aussi pour les garçons, contribuant à réduire le champ des possibles aux uns et aux autres, en termes d’estime de soi, de refus de la violence, de développement par le jeu, de réussite scolaire, d’orientation professionnelle, de pratique de loisirs, de préparation à exercer ses responsabilités parentales futures…
• Procéder à des recueils de données sexuées favorisant la mise en œuvre d’actions et de stratégies spécifiques.
• Fixer des objectifs mesurables et des échéances concernant la promotion d’une culture de l’égalité, de la tolérance et du respect mutuel.
• Lutter contre les stéréotypes et les pratiques sexistes, notamment par la formation des professionnel-le-s de l’enfance.
• Développer la mixité des professionnel-le-s de la petite enfance.
• Amener les enfants et les jeunes à une réflexion sur les représentations genrées (rôles sociaux, métiers, etc.).
• Rétablir les programmes type “ABCD de l’égalité” dans les écoles.
• Éduquer les filles et les garçons de la même manière, à la tolérance et au respect de l’autre, sans différenciation pour cause de genre.
• Organiser des rencontres avec des professionnel-le-s du sexe opposé au sexe dominant dans leur métier.
• Rendre obligatoire la mixité dans les écoles [6].
3.4 – Lutter contre les inégalités économiques et déterminismes sociaux
90 La France voit se développer de nombreuses inégalités dues à l’origine sociale des parents et aux conditions économiques dans lesquelles ceux-ci élèvent leurs enfants. Les familles socialement et économiquement défavorisées résident le plus souvent sur un même territoire où l’on constate une absence de mixité sociale et des disparités en matière de réussite scolaire. Les inégalités sociales ou territoriales impactent de fait les parcours éducatifs des enfants. Pire, au fil des années, on observe une reproduction et une augmentation de ces inégalités, créant de véritables déterminismes sociaux dans certains domaines, et l’Ecole n’y échappe pas.
91 Dans la consultation lancée par AEDE, les enfants estiment qu’ils ne sont pas égaux entre eux suite à des inégalités de richesse.
92 La compensation des inégalités, liées à des critères socio-économiques, d’accès à un logement, aux soins, à la scolarisation, à la culture et au jeu, à la réussite scolaire et professionnelle, doit être une préoccupation permanente des dirigeants politiques à tous les niveaux s’ils veulent donner un sens concret aux valeurs d’égalité et de fraternité de la République.
93 Un grand pas a déjà été franchi avec la loi du 24 juin 2016 ajoutant la discrimination en raison de la « particulière vulnérabilité résultant de [la] situation économique » comme 21ème motif de discrimination. C’était l’une des préconisations d’AEDE début 2015 et l’on peut en saluer la concrétisation, même si sa mise en œuvre juridique précise reste à détailler.
94 Mais beaucoup reste à faire sur la compensation précoce, sur le terrain, des inégalités socio-économiques. Ainsi en matière scolaire, le rapport « Comment l’école amplifie-t-elle les inégalités sociales et migratoires » du Conseil national d’évaluation du système scolaire paru le 27 septembre 2016 pointe l’insuffisance des politiques de prévention et l’empilement des réformes, sans bénéfice pour les enfants des réseaux d’éducation prioritaire. En ce qui concerne l’accès aux soins, on sait que les familles ou les jeunes précaires renoncent à certains soins mal remboursés par la Sécurité sociale ; les inégalités sont criantes dans l’accès à la culture, aux loisirs, aux vacances. Des familles avec enfants sont laissées de plus en plus souvent à la rue par les services d’hébergement d’urgence. Quant aux enfants vivant dans des bidonvilles, ils cumulent des violations graves et multiples de leurs droits, à un logement digne, à la protection matérielle et infantile, aux soins, à l’éducation, à la protection de l’enfance.
4 – Rendre l’enfant acteur de sa vie, personnelle et collective
95 La révolution introduite par la CIDE dans ses articles 12 à 17 avec des « droits à la participation » de l’enfant est loin d’être acquise en pratique – et même dans le droit – aujourd’hui en France. Les discussions lors des journées de rencontres nationales du réseau d’enfants et de jeunes d’AEDE ont révélé que ce droit à la participation était encore trop inconnu des enfants et des jeunes et trop peu mis en œuvre effectivement. Par exemple, 36% des enfants ayant répondu à la consultation nationale d’AEDE considèrent que leur avis n’est jamais pris en compte au niveau local alors que les projets communaux sont l’un des sujets sur lesquels ils aimeraient majoritairement donner leur opinion.
96 Il ne va pas encore de soi en France de considérer l’enfant comme disposant déjà d’une expertise sur ce qu’il vit (expertise d’expérience), de capacités évolutives pour s’exprimer ou pour exercer lui-même ses libertés – de conscience, de religion, d’accès à l’information (y compris sur ses origines), de réunion et d’association – au fur et à mesure qu’il grandit, avec l’accompagnement protecteur des adultes. Cette réticence des adultes est un frein au respect de leurs droits dont les jeunes parlent le plus volontiers et qui mine la confiance qu’ils accordent aux adultes et aux institutions. Les obligations des institutions d’entendre, individuellement et collectivement, les enfants et de prendre en considération leur opinion dans les décisions qu’elles sont amenées à prendre pour eux peinent à être appliquées.
• Promouvoir l’article 12 auprès de tous (enfants, parents, professionnels de l’enfance, administrations, institutions, décideurs politiques, médias…) en soulignant le fait qu’il s’agit d’un droit de l’enfant. Insister sur l’intérêt et la pertinence de prendre en compte son point de vue dans les projets et décisions qui le concernent.
• Faire mieux connaître à tous les libertés reconnues aux enfants par la CIDE (article 13 à 17).
• Soutenir les initiatives qui favorisent la participation des enfants et des adolescents.
4.1 – Améliorer l’écoute de l’enfant en justice et lui accorder des capacités juridiques
97 L’article 12 de la CIDE prévoit la possibilité pour tout enfant d’être entendu dans toutes les procédures qui le concernent, et que les adultes en charge de prendre une décision pour lui tiennent dûment compte de son opinion. L’enfant, qu’il soit victime ou auteur, reste néanmoins une personne particulièrement vulnérable. De ce fait, il doit être assisté d’un avocat à tous les stades de la procédure, en assistance éducative comme dans le cadre d’une procédure judiciaire.
98 C’est le cas en matière pénale pour l’enfant auteur de délits ou de crimes, très tôt considéré comme responsable de ses actes, obligatoirement entendu par le juge et conseillé par un avocat. Des progrès ont également été faits pour l’audition, dans des conditions adaptées, des enfants victimes dans les procédures pénales de leurs agresseurs, même s’il reste encore du chemin à faire (ne pas confronter directement l’enfant à son agresseur, entendre l’enfant séparément…).
99 C’est beaucoup moins vrai au plan civil : l’enfant est obligatoirement entendu par le juge des enfants statuant en assistance éducative mais ne dispose souvent pas d’un avocat. Cela devrait être mis en place devant la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP), pour le mineur témoin et pour toute demande de droit de visite et d’hébergement (notamment par les grands parents, ex-conjoint, ou toute personne impliquée dans la vie de l’enfant et reconnue comme telle). Et si le droit de l’enfant pourvu de discernement d’être entendu par un juge (s’il le demande) est inscrit dans la loi depuis 2007 (article 388-1 du Code civil), les deux conditions posées pour ce droit conduisent à une très faible application effective. Les juges aux affaires familiales restent réticents à entendre les enfants dans les procédures de séparation des parents.
100 En matière administrative, l’enfant peut être amené à signer un document d’une importance particulière, tel le Projet pour l’enfant. A cette occasion il devrait pouvoir être éclairé par un avocat.
101 De plus, les difficultés que rencontrent les Administrateurs Ad Hoc [7] pour mener à bien leurs missions et la méconnaissance du public à leur sujet desservent les mineurs les plus vulnérables.
102 Enfin l’enfant, que le droit français qualifie d’ « incapable », ne peut saisir lui-même aucun tribunal – excepté le juge des enfants en cas de danger dans le cercle familial. Il ne peut saisir ni le juge aux affaires familiales ni le tribunal administratif en cas de décision qu’il jugerait contraire à ses droits.
• Modifier l’article 388-1 du Code civil pour introduire une présomption de discernement, quel que soit l’âge de l’enfant qui demande à être entendu par un juge dans une procédure le concernant ; le juge appréciera le discernement et la maturité de l’enfant lors de l’audition.
• Assurer les auditions uniquement par un juge spécifiquement formé à l’audition des enfants.
• Assurer la présence d’un avocat de l’enfant en matière civile ou administrative.
• Accorder à l’enfant la possibilité de saisir la justice pour exercer un recours contre des décisions prises sans l’entendre ni tenir compte de son opinion.
4.2 – Donner du pouvoir à l’enfant sur sa vie et son éducation
103 Écouter et prendre en compte l’avis de l’enfant ne se limite pas aux enjeux judiciaires, politiques ou sociétaux. Avant qu’il ne se rende compte que son avis collectif est important pour la société, il est nécessaire qu’un enfant – et les adultes autour de lui – sachent qu’il peut peser sur son environnement personnel et immédiat ainsi que sur les choix qui vont déterminer son parcours. Trop souvent, les adultes pensent pouvoir protéger tous les enfants, y compris les plus vulnérables et faire « les meilleurs choix » pour eux en décidant à leur place.
104 58% des enfants ayant répondu à la consultation nationale d’AEDE estiment qu’à la maison les adultes prennent souvent – ou même tout le temps – leur avis en compte, contre 39% en activité extrascolaire et 33% à l’école.
• À l’École, développer les pédagogies actives et coopératives, ainsi que toutes les formes de participation des élèves à la vie scolaire et à leur parcours éducatif.
• Dans toutes les structures médicales et/ou sociales, associer l’enfant aux décisions sur son parcours de soins ; faire en sorte que l’enfant accueilli dans une structure de protection de l’enfance participe pleinement à l’élaboration de son Projet pour l’enfant (PPE) et aux instances de vie de l’établissement ; et rendre effectif le droit de l’enfant en situation de handicap d’être entendu, avec l’assistance d’un tiers si besoin, dans toutes les instances le concernant et en particulier au sein de la Maison départementale de l’Autonomie (ex MDPH), de renforcer la formation des professionnel-le-s travaillant avec des enfants en situation de handicap, en milieu ordinaire comme en milieu spécialisé, dans une logique inclusive.
• Dans toutes les structures qui les accueillent, s’assurer de la mise en vie du principe de participation des enfants et des adolescents : les associer à la gestion de leur cadre de vie, de leur temps et de leur programme, à l’élaboration, l’actualisation et la mise en œuvre des règles de vie collective ; leur permettre d’exercer de réels choix, de prendre des responsabilités, de concevoir et mener à bien collectivement leurs propres projets.
4.3 – Reconnaître l’engagement des enfants et des jeunes dans la société
105 Entendre et écouter la parole des enfants et des jeunes, et la prendre dûment en considération est aussi un impératif démocratique.
106 Des avancées ont été constatées ces dernières années, avec au plan institutionnel pour la première fois au niveau national, la création d’un collège d’enfants associé aux travaux du Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge qui débute en 2017 ainsi que la création d’un Conseil d’orientation des politiques jeunesse composé de représentants de l’Etat, de jeunes et d’organisations qui les défendent. Des collectivités territoriales développent des démarches de participation comme les conseils d’enfants et de jeunes. Des associations développent d’autres formes de concertations sur les projets locaux, comme les Francas avec les ATEC (Associations temporaires d’enfants citoyens), la Fédération des centres sociaux avec les Parlements de jeunes, etc. Toutes ces pratiques doivent être renforcées et généralisées avec une attention particulière à ce que soit entendue la parole de tous les enfants y compris ceux ayant des besoins particuliers liés à leur situation sociale, leur handicap ou autre. A ce propos, la loi Egalité et citoyenneté encourage les collectivités territoriales à mettre en place des conseils de jeunes qui seront représentés dans les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER).
107 Dans l’optique de développer ce droit des enfants et des jeunes à la participation dans la Cité, l’Anacej [8] a publié 25 propositions pour renforcer la participation des enfants et des jeunes, suite à une recommandation des Etats membres du Conseil des ministres de l’Union européenne réunis le 23 novembre 2015.
• Systématiser les consultations d’enfants et de jeunes au niveau national et s’assurer de la prise en compte de la parole de tous les enfants.
• Considérer les enfants et les jeunes comme des membres à part entière de la Cité, capables de faire des propositions et d’être associés aux décisions.
• Encourager le développement de conseils territoriaux d’enfants ou de jeunes, ambitieux, associant véritablement les jeunes générations à la décision publique – que ce soit à l’échelon local, départemental ou régional – ainsi que d’autres formes de concertation plus large des enfants sur les projets locaux, reconnaissant ainsi leur expertise d’expérience et leur place dans l’espace public ; les doter de moyens financiers et techniques permettant de mener à bien leurs projets.
• Promouvoir plus fortement et faire dialoguer les propositions des enfants et des jeunes avec celles des adultes de leur territoire et valoriser cette contribution à la vie et à la transformation du territoire auprès de la population et de ses représentants.
• Présenter régulièrement les travaux des instances de participations des enfants et des jeunes aux séances des conseils municipaux, intercommunaux, département et régionaux.
• Ouvrir les programmes d’Education morale et civique à toutes les formes d’engagement concrètes des jeunes au-delà de l’école : conseils, associations…
• Favoriser les échanges d’expérience entre jeunes engagés.
4.3.1 – Faire reconnaître la liberté d’expression collective et le droit de publication des mineur-e-s
108 Comme le préconisait AEDE en 2015, de même que le Comité des droits de l’enfant dans sa recommandation n°35, la toute récente loi Egalité et Citoyenneté promulguée le 27 janvier 2017 élargit aux mineurs le droit de publication jusque-là réservé aux seuls lycéens. En effet la presse lycéenne bénéficie d’un cadre règlementaire particulier, qui permet aux lycéens d’être responsables de leurs publications dès lors que le journal est publié à l’intérieur de l’établissement. La loi permet ainsi de pallier une inégalité de droit entre les mineurs s’exprimant au sein d’un lycée, et ceux qui font le choix d’une publication dépassant ce cadre. Désormais, dans un quartier, un conseil de jeunes ou une association, ou encore au sein d’un journal en ligne indépendant d’une structure scolaire, un mineur peut assumer la direction de publication d’un journal dès 16 ans.
109 S’il s’agit d’une avancée importante, il faut désormais veiller à ce que ce changement juridique soit suivi d’effets concrets pour les mineurs qui souhaiteraient s’emparer de leur droit de publication. Aucun décret d’application n’étant prévu pour cet article de la loi, il faudra rester vigilants quant aux éventuelles résistances face à la prise de responsabilités des jeunes.
• Continuer à encourager les jeunes à assumer la responsabilité de publication de leur journal et les adultes à transférer cette responsabilité vers les jeunes, quel que soit le cadre de publication.
• Accompagner la prise de responsabilités par les mineurs en renforçant les moyens et outils mis à leur disposition pour la réalisation d’un journal, notamment en dehors du cadre scolaire.
4.3.2 – Accorder une véritable liberté d’association aux mineur-e-s
110 En 2011, l’introduction d’un article 2 bis dans la loi sur la liberté d’association de 1901 venait restreindre la possibilité de constituer une association aux seules personnes ayant 16 ans révolus, avec autorisation parentale. Cet article a été révisé par la loi Egalité et Citoyenneté votée le 22 décembre 2016 ouvrant désormais ce droit aux mineurs avant 16 ans de créer et de porter des mandats associatifs, sous conditions (article 43). Cette nouvelle rédaction de l’article 2bis de la loi de 1901, bien que devant être saluée pour l’avancée qu’elle constitue par rapport à 2011, n’est cependant pas un retour au principe de liberté de la loi 1901. Il complexifie néanmoins la loi par l’introduction de deux régimes distincts différenciant deux procédures selon l’âge, avant 16 ans et après 16 ans. Par ailleurs, il est nécessaire d’être vigilant quant au décret d’application général afin qu’il anticipe les éventuels freins ou oppositions qui pourraient se former par la pratique (ex : demande de garanties par les établissements bancaires ou d’assurances).
• Retirer simplement l’article 2bis de la loi de 1901.
• Faciliter l’exercice concret des mandats exercés par des mineurs pour le fonctionnement courant des associations par des mesures d’accompagnement administratives.
• Diversifier les formes et les espaces qui permettent aux enfants d’expérimenter des démarches associatives.
4.3.3 – Généraliser le service civique
111 Le service civique connaît un réel engouement des jeunes dans toutes les catégories sociales, malgré une indemnité peu élevée, ce qui atteste encore de la volonté d’engagement des jeunes au service de l’intérêt général. La loi Egalité et Citoyenneté, adoptée le 22 décembre 2016, opère deux avancées dans un esprit de généralisation du service civique. D’une part, la loi élargit le champ d’application du service civique en ouvrant la possibilité de l’effectuer dans les secteurs du logement social HLM et dans des entreprises à capitaux 100% publics. D’autre part, elle permet de mieux répondre à la reconnaissance des droits des jeunes volontaires en comparaison de ceux des étudiants.
• Renforcer l’accessibilité du service civique à tous les jeunes.
• Garantir que les missions proposées aux jeunes interviennent en complémentarité des missions de service public et ne viennent pas les remplacer.
• Élargir les fonctions confiées aux services civiques de façon à ce qu’ils valorisent pleinement leur expérience.
• Revaloriser les conditions d’indemnisation de ces jeunes ; notamment pour ceux vivant dans les métropoles, pour leur permettre de vivre dans des conditions décentes.
5 – Accompagner les enfants dans leur vie familiale et les protéger de toute violence
5.1 – Promouvoir l’accompagnement parental
112 Etre parent n’est pas un métier, c’est une responsabilité qui se construit avec plus ou moins de facilité selon les conditions dans lesquelles les parents sont amenés à l’exercer : revenus, logement, conditions de travail – ou de non-emploi, mise à disposition par les pouvoirs publics de lieux d’accueil de la petite enfance, de lieux éducatifs et de loisirs, d’espaces de rencontres entre parents, séparation du couple parental, partage des tâches entre les deux parents ou avec les « tiers » qui interviennent au quotidien dans l’éducation des enfants, etc. La sphère publique a une obligation (selon article 18.2 de la CIDE) d’accompagner les parents dans un exercice de cette responsabilité éducative qui soit conforme aux droits de l’enfant.
113 Les pouvoirs publics doivent donc mettre l’accent sur une véritable prévention des difficultés éducatives familiales ce qui permettrait d’éviter des situations où la protection de l’enfance risquerait d’intervenir trop tardivement. C’est dans cet esprit qu’a été lancé en février 2017 le premier plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants. C’est un premier pas vers une meilleure protection des enfants au sein du cercle familial.
114 Permettre un exercice de la responsabilité parentale respectueux des droits de l’enfant, c’est d’abord informer les parents sur un exercice conjoint et non violent de leur autorité parentale – que la CIDE nomme responsabilité parentale conforme aux droits de leur(s) enfant(s), et leur accompagnement parental vers la majorité des enfants, au plan de la vie quotidienne, de l’éducation, de leur prise en charge matérielle… A ce propos, des dispositions législatives ont été prises et des campagnes d’information menées pour mieux protéger les enfants en cas de violences conjugales et l’on peut s’en féliciter. Mais AEDE regrette vivement que la disposition de la loi Egalité Citoyenneté qui modifiait l’article du code civil relatif à l’autorité parentale en excluant tout recours à une quelconque forme de violence éducative ait été invalidée par le Conseil Constitutionnel par la décision n°2016-745 du 26 janvier 2017. Le collectif réitère fortement cette préconisation, comme le Comité des droits de l’enfant dans sa recommandation n°44.
115 Permettre un exercice de la responsabilité parentale respectueux des droits de l’enfant, c’est aussi sécuriser juridiquement dans la loi le partage des tâches éducatives avec les tiers, améliorer concrètement la poursuite effective de la coparentalité et sécuriser le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant en cas de séparation du couple parental. AEDE regrette toujours que le statut des tiers n’ait pas donné lieu à une réforme législative ; le collectif s’inquiète également que la récente loi sur la Justice du XXIème siècle ait institué le divorce « sans juge », dans des conditions qui ne garantissent pas la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Cela rend d’autant plus importante la préconisation d’AEDE suivant laquelle l’enfant doit pouvoir saisir le juge aux affaires familiales.
116 Permettre un exercice de la responsabilité parentale respectueux des droits de l’enfant, c’est ensuite améliorer les conditions concrètes dans lesquelles leurs parents exercent cette responsabilité, notamment au plan socio-économique, en leur garantissant des conditions de vie dignes, de logement, de revenus ou des conditions de travail propices à des temps familiaux permettant d’établir la confiance nécessaire à une éducation familiale à la fois protectrice et émancipatrice. C’est aussi faciliter les conditions d’accès à la culture, aux loisirs et aux vacances.
117 Permettre un exercice de la responsabilité parentale respectueux des droits de l’enfant, c’est enfin prévoir les dispositifs publics permettant un accueil de qualité de la petite enfance ou l’accompagnement des parents au moment de l’annonce du handicap d’un enfant, développer des espaces-temps de co-éducation avec les autres éducateurs – personnels des EAJE (établissements d’accueil des jeunes enfants), personnels scolaires, éducateurs des centres de loisirs… Sans oublier de développer des réseaux de parents, à l’image des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (REAAP), ou encore d’associer les parents aux projets éducatifs du territoire.
• Inscrire dans la législation l’interdiction du recours aux châtiments corporels, à toute forme de violence éducative, dans tous les contextes, y compris dans la famille, à l’école, dans les structures de garde d’enfants et dans le cadre de la protection de remplacement, assortie d’actions pédagogiques auprès des familles et des professionnel-le-s.
• Sécuriser juridiquement les enfants dans les différentes situations familiales qu’ils sont amenés à vivre : spécialiser la fonction de juge aux affaires familiales (JAF) et la mettre à disposition des juges pour enfants.
• Reconnaître à l’enfant la capacité de saisir le juge aux affaires familiales pour réexaminer les conditions du partage de son temps entre les domiciles de ses deux parents, s’il estime que son intérêt supérieur n’a pas été respecté dans la procédure de séparation.
• Développer des structures d’accueil adaptées à certaines formes de handicap mal prises en charge aujourd’hui.
• Multiplier les structures d’accueil enfants-parents et plus généralement toutes les initiatives conçues avec les parents en fonction de leurs besoins et de leurs aspirations.
• Promouvoir un exercice de l’autorité parentale plus respectueux des droits de l’enfant (développer des supports d’information, des temps d’échanges avec les parents / futurs parents, des REAAP et favoriser le renouvellement des projets (réseaux d’écoute, appui et d’accompagnement des parents, renforcer les dispositifs d’appels anonymes et gratuits).
• Promouvoir les compétences et la responsabilité parentale et la gestion équitable des relations enfant(s)-parent(s) (au sein d’écoles de parents par exemple).
• Favoriser la reconnaissance, développer des réseaux de solidarité de proximité et l’articulation de leurs actions au meilleur niveau d’efficacité, pour lutter contre l’isolement social et favoriser de nouvelles alliances éducatives.
• Mener des campagnes de lutte contre toutes sortes de violences : physiques, psychologiques, sexuelles, les mariages forcés et la violence conjugale.
• Encourager l’État à assurer pleinement ses responsabilités en matière d’hébergement d’urgence.
• Encourager les départements à davantage mettre en œuvre les mesures d’accompagnement en économie sociale et familiale prévues par la loi de 2007 réformant la protection de l’enfance.
5.2 – Améliorer la protection des enfants en danger dans leur famille
118 En mars 2016, une nouvelle loi a été votée réformant la protection de l’enfance. Elle permet quelques avancées – sous réserve d’application effective dans les pratiques : une meilleure continuité de l’accueil des enfants séparés de leur milieu familial, une meilleure participation de l’enfant à l’élaboration de son projet personnel (PPE) – obligation légale de la loi de 2007, mais non appliquée – et la création d’un Conseil national de la protection de l’enfance (décret du 19 septembre 2016). C’étaient là des attentes exprimées par AEDE dans son rapport et l’on peut s’en réjouir.
119 La feuille de route « protection de l’enfance » et ses 101 fiches actions proposées par la ministre chargée des familles et de l’enfance proposent également des mesures qui vont dans le bon sens. Elle est cependant inquiétante car sa porte d’entrée principale est fondée sur les besoins de l’enfant plutôt que sur ses droits fondamentaux et se réfère à un nouveau concept non défini « du meilleur intérêt de l’enfant ».
• Bannir l’emploi du mot « placement » des pratiques professionnelles au profit du mot « accueil », conforme à la loi de réforme de la protection de l’enfance de 2007.
• Mener une étude nationale sur le recours à l’institution judiciaire en protection de l’enfance et clarifier si nécessaire des critères qui imposent aux services d’aide à l’enfance des départements de saisir cette dernière.
• Veiller à la pleine application des lois et au respect des droits fondamentaux avant toute nouvelle réforme, comme par exemple à l’application de la diversification des mesures prévues ou la prise en compte des ressources de l’environnement familial et social, dans la loi de 2007, encore trop timide.
• Rendre obligatoire la motivation, dans l’intérêt supérieur des enfants, de la séparation des frères et sœurs en cas d’accueil dans des structures de protection de l’enfance.
• Mener une étude nationale sur les critères qui autorisent de séparer l’enfant de sa famille afin de lutter contre les séparations qui seraient dues essentiellement à la pauvreté, la précarité et à l’isolement social.
5.3 – Protéger les enfants contre les violences extra-familiales
120 Les lois et politiques relatives à la protection des enfants ne s’intéressent qu’aux situations de danger dans la famille – et oublient trop souvent les situations de violence ou de négligence à l’égard de l’enfant du fait des institutions ou dans un cadre extrafamilial.
121 C’est le cas du harcèlement qui démarre souvent au sein de l’institution scolaire et sur les réseaux sociaux. Cette problématique peut également être mise en lien avec celle des dangers que représentent internet de manière plus générale. Malgré l’introduction de logiciels de contrôle parental, l’accès aux médias et jeux vidéo à caractère violent et/ou pornographique est de plus en plus facile. Les actions de prévention mises en place (B2i, sensibilisation par les enseignants…) ne sont pas suffisantes pour que les enfants, exposés de plus en plus jeunes, prennent conscience des manipulations potentielles à l’œuvre lors de la diffusion d’information, de l’importance du respect de la vie privée dans l’utilisation des réseaux sociaux et des risques de cyber-harcèlement. C’est un sujet qui préoccupe et interpelle beaucoup les enfants et les jeunes qui ne se sentent pas assez soutenus par les adultes puisque 37% disent avoir besoin de ces actions de sensibilisation.
122 Quant aux maltraitances institutionnelles, elles sont multiformes et parfois liées au fait que les différents acteurs de la protection de l’enfance qui vivent des situations spécifiques se renvoient la responsabilité de leur prise en charge (cf chapitre 8). Les récentes réformes concernant la gouvernance des politiques liées notamment à la famille et à l’enfance ont institué auprès du Premier Ministre un Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge dont une des missions est de formuler des recommandations pour les objectifs prioritaires des politiques publiques au regard des engagements internationaux de la France et du respect des droits fondamentaux. Un Conseil National de la Protection de l’Enfance (CNPE) en charge de la coordination des acteurs de la protection de l’enfance a également été installé. Seul lien entre les deux instances : le président du CNPE siège dans la formation enfance du HCFEA. AEDE sera très vigilant sur l’articulation entre les travaux de ces instances et sur leur ouverture aux expériences étrangères dans le but d’installer durablement une culture de l’effectivité des droits fondamentaux dans l’action publique.
• Renforcer les programmes d’éducation aux médias dans les parcours scolaires de chaque enfant.
• Faire appliquer la réglementation interdisant l’utilisation d’images sexualisées d’enfants dans les médias, dans la publicité ou à d’autres fins.
• Organiser des rencontres de sensibilisation au harcèlement en faisant intervenir des personnes extérieures, des victimes de harcèlement, afin de faire prendre conscience aux enfants et aux jeunes les conséquences de leurs actes.
• Sensibiliser les adultes encadrant des enfants et des jeunes à repérer les cas de harcèlement afin d’y mettre fin.
• Organiser des formations de sensibilisation aux réseaux sociaux, à la protection des données, aux dangers d’internet et des médias.
• Encourager les établissements à adopter des politiques et des outils de prévention et de traitement des affaires de harcèlement et en veillant à ce que le personnel scolaire soit dûment formé à détecter, prévenir et combattre la violence et le harcèlement.
6 – Permettre à chaque enfant d’avoir un accès à des soins de qualité et adaptés ainsi que de vivre dans des conditions décentes
6.1 – Favoriser la prévention, le dépistage et l’accompagnement du handicap
123 L’enfant en situation de handicap doit avoir accès au droit commun comme n’importe quel enfant.
124 L’accompagnement médico-social et/ou psychologique de l’enfant en situation de handicap et de ses proches doit intervenir le plus tôt possible, comme le rappelle la loi du 11 février 2005 et cela sur l’ensemble du territoire français.
• Renforcer l’accessibilité, les compétences et la pertinence des réponses tant des services publics de soins (pédiatriques, pédopsychiatriques, rééducatifs) que du réseau associatif des Centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) et des Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) pour améliorer le dépistage et l’accompagnement précoces des enfants en situation de handicap.
6.2 – Prévenir les problèmes de santé et offrir des soins de qualité pour chacun
6.2.1 – Mettre l’accent sur la prévention
125 L’éducation à la santé, à la sexualité et à une consommation responsable doit être considérée comme une priorité. L’adoption du Plan d’action « Bien-être et santé des jeunes » en novembre 2016 est un premier pas dans la bonne direction pour une meilleure éducation des jeunes à leur santé avec notamment, la facilitation de l’accès à des informations fiables concernant leur santé et à des informations géolocalisées concernant les structures compétentes, par l’intermédiaire d’un site et d’applications.
126 Certains comportements – addictions à certaines drogues comme l’alcool ou le cannabis par exemple – doivent être réinterrogés, à la lueur d’études scientifiques et d’expériences dans d’autres pays.
• Favoriser l’élaboration et l’évaluation, par des groupes de pairs ou en associant des enfants et des jeunes, d’actions de prévention des pratiques de « binge drinking », du tabagisme précoce ainsi que de la consommation de drogues diverses.
• Ouvrir le débat aux jeunes sur la dépénalisation ou légalisation du cannabis.
• Généraliser et pérenniser, en y associant activement les jeunes, l’éducation à la santé et à la sexualité.
• Pallier les inégalités d’accès à la contraception et à l’IVG des mineures.
6.2.2 – Favoriser l’accès à des soins de qualité pour chaque enfant
127 L’état de santé des enfants et des jeunes en France, même si l’on peut penser qu’il reste globalement satisfaisant, suscite des inquiétudes grandissantes. En effet, de plus en plus de familles renoncent à des soins pour motifs financiers. Aussi, le baromètre IPSOS / Secours populaire de 2016 montre que la santé est le troisième poste budgétaire sur lequel les personnes interrogées disent se priver, derrière les vacances et l’accès aux loisirs. 36% d’entre-elles rencontrent « un peu », voire « beaucoup » de difficultés financières pour « payer certains actes médicaux mal remboursés par la Sécurité sociale ». 24% des personnes interrogées ont des difficultés également pour se payer une mutuelle santé voire une personne sur deux quand ses revenus ne dépassent pas 1200 euros par mois [9]. Cela les conduit notamment à renoncer à des consultations chez des spécialistes tels que les ophtalmologues, gynécologues ou dentistes. Les enfants et les jeunes sont les premières victimes de cette situation.
• Élargir à chaque famille en difficulté la couverture maladie universelle complémentaire afin que l’enfant ait accès à tous les soins dont il a besoin.
• Inciter la Sécurité sociale à rembourser à 100% les soins dits secondaires (dentaires, optiques, gynécologiques…).
• Mettre en place un Chèque-santé national pour tous les jeunes de moins de 30 ans, afin que ces derniers puissent accéder aux soins et s’offrir une complémentaire santé permettant de couvrir les dépenses indispensables comme les soins dentaires, optiques, etc.
• Privilégier, dans la généralisation des Maisons des Adolescents prévue dans le plan santé des jeunes, une approche globale, et non exclusivement médicale et pédopsychiatrique, des accueils et des accompagnements qu’elles proposent aux jeunes.
• Prendre en considération les besoins particuliers des enfants vivant dans des conditions difficiles (bidonvilles, centres de réfugiés…) et faciliter leur accès aux soins.
6.2.3 – Mieux rassurer les enfants dans leurs parcours de soins
128 Les enfants sont encore trop souvent séparés de leurs parents ou proches à des moments importants ou traumatisants (hospitalisation, séjour en réanimation médicale ou postopératoire, néonatalogie…), alors qu’ils se trouvent dans une situation particulière de vulnérabilité et qu’il est reconnu que la présence d’un parent peut réduire la détresse psychologique de l’enfant. Ils manquent aussi souvent d’une information adaptée mais directe sur leur maladie et les soins qu’on leur propose, et d’une écoute suffisante de leurs demandes, leurs angoisses ou l’expression de leur douleur.
• Garantir à l’enfant une information adaptée et une écoute attentive tout au long du parcours de soins.
• Associer l’enfant aux décisions sur son parcours de soins.
• Garantir la présence parentale dans tous les établissements de soins à tout moment de la journée ou de la nuit et en particulier dans les situations où il est vulnérable, lors de soins impressionnants ou douloureux, aux urgences, en réanimation, en salle de réveil après une intervention chirurgicale.
6.3 – Faire de la lutte contre la pauvreté et la précarité des enfants une priorité
129 La pauvreté et la précarité des enfants font partie des problèmes majeurs aujourd’hui en France. Plus de trois millions d’enfants, soit un enfant sur cinq, vivent en situation de pauvreté sur le territoire. Dans certaines zones en difficulté, le taux de pauvreté des enfants atteint 50%, traduisant des disparités territoriales choquantes. 600 000 enfants sont aujourd’hui en situation de mal logement. On assiste à une augmentation du nombre de familles vivant à la rue, à une pérennisation de l’accueil des familles dans des hôtels sociaux, à une pénurie de logements sociaux.
130 La jeunesse n’y échappe pas et est durement touchée par cette précarité ; elle rencontre des difficultés dans l’accès au logement et aux soins en particulier. Ce problème doit être pris à bras le corps, et bien que l’Etat se soit doté en janvier 2013 d’un plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, AEDE estime nécessaire d’aller plus loin en définissant dès maintenant des objectifs chiffrés en matière de réduction de pauvreté infantile. Le caractère discriminant de la pauvreté des enfants et des jeunes dans l’accès au logement et aux services de soins est une raison bien suffisante pour que l’Etat français s’attaque de front à ce problème.
131 Bien que certains droits fondamentaux – liés au logement par exemple – soient devenus opposables, l’Etat et de nombreuses collectivités ne respectent pas leurs obligations légales (hébergement d’urgence, pourcentage minimum de logement sociaux, aires d’accueil des gens du voyage, ramassage des ordures, accès à l’eau et l’électricité des bidonvilles, etc.).
132 Les travailleurs sociaux chargés d’accompagner les personnes précaires sont de plus en plus mal à l’aise de devoir, en totale contradiction avec la déontologie de leur métier, refuser l’aide à des familles précaires, pour des raisons de manque de budget, voire dans certains cas parce que leur hiérarchie leur impose un tri des dossiers. Certains en arrivent à des actes de résistance citoyenne et parfois se font sanctionner.
• Faire de l’éradication de la pauvreté des enfants une priorité nationale en y mettant toutes les ressources nécessaires. Pour cela, développer une véritable politique ciblée sur les enfants, de lutte contre la pauvreté, contre le mal-logement et contre l’exclusion sociale dans toutes ses dimensions.
7 – Développer une co-éducation globale inclusive dès la petite enfance
133 Le collectif considère que l’éducation – non pas seulement scolaire, mais globale – est un des axes majeurs de progrès et de développement pour l’effectivité des droits de l’enfant et tient à rappeler que la CIDE consacre le droit de l’enfant à l’éducation.
7.1 – Développer un service public d’accueil de la petite enfance tourné vers l’éveil éducatif
134 L’éducation commence dès la petite enfance. Certes, l’accueil des jeunes enfants relève d’un besoin exprimé par les parents qui travaillent, mais il est aussi et surtout un enjeu d’éveil et de développement pour l’enfant. Il joue un rôle important dans l’éducation globale et la socialisation de l’enfant.
135 Selon l’Observatoire national de la petite enfance (ONPE), la capacité théorique d’accueil des enfants de moins de 3 ans tous modes confondus ne dépassait pas les 56%, dont 22 % en EAJE (établissements d’accueil de jeunes enfants dont structures multi-accueil) ou école pré-élémentaire (chiffres 2014 hors Mayotte) [10]. Les accueils collectifs à temps-plein en EAJE ne bénéficient qu’à 16,5 % des enfants de moins de 3 ans. On estime que 350 000 à 400 000 places d’accueil ou de multi-accueil manquent encore. A cela, il faut ajouter que les inégalités sont grandes entre les familles. En effet les services et structures d’accueil sont majoritairement fréquentés par les familles les plus favorisées, en raison de leurs capacités financières, mais aussi de leur emploi du temps. Enfin de très nombreux enfants des classes populaires (mais aussi des classes aisées) ne sont pas socialisés dans des structures collectives avant l’entrée à l’école.
136 AEDE se réjouit qu’un plan petite enfance ait été élaboré et qu’une charte de la petite enfance ait été rédigée. Malheureusement, dans la version provisoire de cette charte on ne trouve quasiment aucune référence aux droits de l’enfant.
• Développer un véritable service public d’accueil de la petite enfance dans des structures collectives en tenant compte des orientations suivantes : augmenter le nombre de places d’accueil en ayant des lieux d’accueil diversifiés (ne pas se cantonner aux crèches collectives uniquement mais penser à développer les relais d’assistantes maternelles, les halte-garderie, les crèches associatives et parentales) et innovants (flexibilité au niveau des horaires, développement des espaces mobiles d’éveil et de socialisation…).
• Encourager la prise en charge des enfants de moins de 3 ans dans des accueils collectifs (école, autres…), notamment dans les zones défavorisées.
• Renforcer la formation des professionnel-le-s de la petite enfance, aux droits de l’enfant et aux besoins spécifiques des très jeunes enfants et favoriser leur plus grande mixité.
• Ouvrir l’espace public à la petite enfance en aménageant des espaces accessibles pour des enfants de cet âge (ludothèques, lieux d’accueil parents-enfants, bibliothèques, squares et jardins publics, piscines municipales avec activités « bébés nageurs » etc.).
• Favoriser toutes les initiatives innovantes d’entraide citoyenne qui peuvent contribuer à la lutte contre l’isolement familial et au développement de coopérations de proximité favorisant l’ouverture et le développement des jeunes enfants (parrainages, accorderies, etc.).
7.2 – Donner un accès à la scolarisation sans discrimination
137 L’accès à l’école est un droit essentiel pour tout enfant, garanti par les articles 28 et 29 de la CIDE et à travers notre droit interne. En plus des enseignements qui y sont dispensés, c’est l’accès « à la normalité » qui s’y joue : aller à l’école comme tous les autres enfants, avoir des amis, jouer, faire des activités, apprendre à vivre en société et accéder à un minimum de considération et de dignité. Tout simplement, c’est le droit à l’enfance. Ce droit est un véritable levier pour l’accès à d’autres droits ainsi qu’un vecteur formidable d’insertion sociale. Cependant, l’accès à la scolarisation n’est pas encore une réalité pour tous les enfants en France, comme le rappelle le dernier rapport du Défenseur des droits datant de novembre 2016, intitulé « Une école pour tous, un droit pour chacun ». De plus, le Comité note que certaines municipalités refusent l’accès à la cantine à certains enfants (si les parents ne travaillent pas, par exemple).
7.2.1 – Mayotte
138 Mayotte, bien que département français, connaît de nombreuses difficultés pour scolariser dans de bonnes conditions les enfants : manque de locaux et manque de professeurs d’où la mise en place d’un système de rotations des classes, conditions matérielles déplorables, difficulté à scolariser les élèves allophones (accès difficile aux tests CASNAV, taux d’affectation trop faible laissant les plus vulnérables de côté : en janvier 2016 seulement 150 enfants sur 860 ont été affecté [11]), peu d’enfants ont accès à l’école maternelle, difficulté d’accès aux études supérieures…
• Amplifier les efforts pour faire cesser une situation qui, de fait, constitue une violation des droits des enfants mahorais et une grave discrimination géographique sur le territoire.
7.2.2 – Enfants migrants
139 Quelle que soit la durée de leur séjour en France, chaque enfant a le droit d’être scolarisé dans le système de droit commun, l’Education nationale n’ayant pas à vérifier sa situation juridique, personnelle ou administrative. Or aujourd’hui, beaucoup trop d’enfants migrants, avec famille ou isolés, n’ont pas accès à l’éducation.
140 Les élèves allophones nouvellement arrivés doivent être inscrits dans la classe de leur âge quel que soit le niveau, bénéficier d’une évaluation – assurée par le CASNAV [12] ou le CIO [13], puis être orientés, dans la solution la plus adaptée à leur profil, soit dans une classe ordinaire soit dans une classe UPE2A [14] qui permettent de personnaliser les parcours tout en prévoyant des temps de présence en classe ordinaire.
141 Les mineurs isolés étrangers / mineurs non accompagnés doivent avoir accès à ce même parcours sans délai car cet accès à l’école et à une formation a un impact direct sur l’obtention d’un titre de séjour à leur majorité.
142 Les enfants vivant en bidonville et squat – majoritairement originaires de Roumanie et de Bulgarie et de culture Roms – sont très souvent victimes de « refus de guichet » au moment de leur demande de scolarisation en mairie. Ces « refus de guichet » ne sont que la pointe émergée de l’iceberg : de nombreux prétextes administratifs, lenteurs et demandes abusives empêchent les familles de voir aboutir leur demande de scolarisation. Par ailleurs, une fois scolarisés, la situation précaire de leur famille (conditions de vie, mais aussi expulsions répétées des bidonvilles) ne leur permet pas de suivre une scolarité continue ni d’étudier dans des conditions correctes ; le rejet sociétal qu’ils subissent pousse enfin la majorité vers le décrochage scolaire.
• Harmoniser et traduire dans les langues identifiées au minimum au sein de chaque académie, les tests CASNAV/CIO et permettre aux enfants de les passer sans délai.
• Développer les classes UPE2A dans tous les départements (métropole et outre-mer)
• S’assurer que chaque jeune ait une affectation scolaire sans délai dans un établissement de droit commun après une évaluation des acquis.
• Cesser les pratiques consistant, pour les mineurs isolés, à conditionner le passage des tests et/ou l’affectation à un jugement de placement ASE et s’assurer de leur affectation.
• Accompagner dès que possible les enfants, migrants ou Roms, quel que soit leur niveau pour éviter le décrochage scolaire.
• Sanctionner les maires qui refusent l’inscription d’enfants dans les écoles élémentaires.
7.2.3 – Enfants en situation de handicap
143 La loi du 11 février 2005 sur le handicap suivie de la loi du 8 juillet 2013 relative à la refondation de l’école de la République sont de réelles avancées pour construire cette école inclusive ; comme en témoigne notamment la mise en place des classes CLIS [15] et ULIS [16] ou encore la reconnaissance du métier d’AESH [17] à part entière. Les efforts doivent être poursuivis ! En effet, de nombreux enfants en situation de handicap sont encore scolarisés à temps partiel. Les enseignants sont encore trop peu formés aux problématiques du handicap et notamment à l’appréhension du ou des handicaps de manière globale. La présence de l’enfant dans l’enceinte scolaire est trop souvent conditionnée à celle de son accompagnateur. L’enfant et sa famille sont encore trop peu associés à l’élaboration du projet personnalisé de scolarisation (PPS).
144 38% des enfants en situation de handicap n’ont jamais été accueillis ou suivis par une structure médico-sociale et n’ont jamais connu de scolarisation en milieu ordinaire au-delà d’un temps très partiel. Par ailleurs la coordination entre l’institution scolaire et les services médico-sociaux, voulue par la loi de 2005, n’est pas encore suffisante.
145 Les enfants en situation de handicap doivent pouvoir s’épanouir de la même façon que tous les autres enfants et l’accès aux activités périscolaires est parfois difficile.
• Permettre aux enfants en situation de handicap d’être scolarisés le plus ordinairement possible sans contraindre les familles à recourir à des institutions spécifiques si celles-ci n’apportent à ces enfants aucun bénéfice adapté à leurs besoins spécifiques.
• S’assurer que, dans tous les cas, l’enfant et sa famille sont associés à l’élaboration, la conduite, la révision et l’évaluation du PPS.
• Sensibiliser les personnels éducatifs au handicap et les former à l’accueil de ces enfants ainsi qu’au principe du développement de leurs capacités.
• Développer la scolarisation et le temps de scolarisation des enfants en situation de handicap dans le milieu ordinaire en fonction de leurs possibilités et pour ce faire développer les ULIS en milieu ordinaire.
• Être vigilants à ce que les AESH reçoivent une formation de niveau approprié pour accompagner uniquement les élèves en situation de handicap reconnu, tant dans les activités scolaires que périscolaires et cela de façon appropriée et utile.
• Lutter contre les inégalités d’accès aux loisirs et à la culture qui affectent ces enfants.
7.2.4 – Décrocheurs scolaires
146 Le système scolaire français est encore beaucoup trop élitiste et laisse en échec scolaire, sans aucun diplôme ni qualification, environ 140 000 enfants par an [18]. Ce chiffre est d’autant plus inquiétant qu’il stagne depuis 10 ans. Les garçons sont plus touchés que les filles. De plus, cet échec scolaire est fortement lié à la pauvreté et à la précarité des familles qui ne disposent pas des moyens, ni des codes institutionnels pour bien guider leur enfant dans sa scolarité. L’orientation dans la poursuite d’études dans les filières professionnelles est le plus souvent décidée par défaut par les équipes pédagogiques des collèges, conduisant à de nombreux échecs dans des filières non choisies.
• Intégrer le travail personnel au temps scolaire, en ce qui concerne l’école primaire et le collège, afin notamment de renforcer l’accompagnement des élèves les plus fragiles.
• Généraliser les accompagnements individualisés hors temps scolaire, menés entre autres par les associations d’éducation populaire.
• Évaluer l’expérimentation de l’orientation choisie et la généraliser à l’ensemble des classes afin que l’enfant, accompagné de ses parents, joue un rôle actif dans ses choix éducatifs et son orientation.
7.3 – Garantir à chaque enfant une éducation de qualité
147 AEDE avait dans son rapport salué la concertation de 2012 pour la refondation de l’école de la République qui avait permis de remettre les problématiques de justice sociale, de bienveillance vis-à-vis de l’enfant et de démocratie ou de formation des enseignants au cœur du débat. Mais la loi de 2013 avait manqué d’ambition par rapport à la définition des finalités de l’Ecole et des compétences à acquérir par tout futur citoyen, d’évaluation des compétences (l’abandon des notes au primaire n’avait pas été retenue), l’éducation aux droits de l’Homme et de l’enfant, l’exercice de la citoyenneté, ou encore l’implication de l’institution scolaire à une co-éducation généralisée. Il n’est pas sûr que cette refondation réussisse à mettre fin ni même à réduire les inégalités qui pèsent sur le destin scolaire des plus défavorisés (voir rapport du CNESCO susmentionné – cf. 3.4).
7.3.1 – Mettre l’enfant au cœur de l’Education
148 Le système éducatif français favorise une approche linéaire et standardisée Or, il est important que l’enfant revienne au cœur de l’Ecole et que soit respecté le rythme et les facultés d’acquisition des savoirs propres à chaque enfant. La promotion des pédagogies coopératives et participatives dans l’optique de faire vivre réellement une éducation à la citoyenneté et améliorer le climat dans l’école nous paraît être une voie à suivre. L’école doit être le premier lieu d’apprentissage concret de la démocratie, en commençant par l’application des droits de l’enfant dans l’école et particulièrement de l’article 12 de la CIDE. Ce droit est en effet trop peu appliqué aujourd’hui puisque selon la consultation nationale d’AEDE, 57% des enfants considèrent qu’on ne leur demandent pas assez leur avis ou que celui-ci n’est pas pris en compte.
149 L’enfant doit pouvoir être accompagné au sein de l’école sans que ses difficultés d’apprentissage soient médicalisées ou assignées au champ du handicap. Chaque enfant qui rencontre des difficultés a le droit d’être reconnu comme un être pensant, créatif, le droit d’être accompagné par un adulte qui lui fait confiance et qui lui permet d’accéder à ses ressources pour apprendre à l’école.
• Alléger les effectifs au sein des classes et augmenter le nombre d’écoles concernées par le dispositif « plus de maîtres que de classes ».
• Développer les Réseaux d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté (RASED).
• Promouvoir des pédagogies alternatives et coopératives mettant au cœur l’enfant, lui permettant de donner son avis et de participer à la vie de l’école afin de développer son autonomie et sa confiance en soi.
• Renforcer la formation continue des enseignants et rendre obligatoire la formation des personnels des établissements aux droits de l’enfant et aux obligations qui en découlent dans leurs pratiques professionnelles.
7.3.2 – Eduquer les enfants à la citoyenneté, au Droit et aux droits
150 L’éducation au Droit et aux droits doit permettre d’être respectueux des lois et des droits de chacun, de revendiquer des libertés tout en aillant conscience que l’on est responsable de ses actes, mais aussi de reconnaître la dimension juridique d’une situation. L’éducation au droit constitue un moyen d’information, de prévention des risques inhérents à la vie en société. L’éducation au droit est en soi déjà un droit fondamental. Parce que les droits font partie du quotidien de chacun, l’éducation aux droits doit de fait, être intégrée aux apprentissages des enfants, afin de favoriser cette prise de conscience et cette compréhension des droits dans leur réalité. Il n’est cependant pas question de diffuser des connaissances académiques aux enfants et aux adolescents, mais de les aider à prendre conscience des enjeux liés au(x) droit(s), en s’appropriant des notions fondamentales nécessaires au faire société. Si la référence à la fiction « nul n’est censé ignorer la loi » paraît surannée, la réalité impose de commencer par enseigner la loi et les conséquences des transgressions de celle-ci.
151 Les enfants et les jeunes doivent aussi être sensibilisés aux valeurs de citoyenneté, de solidarité, de développement durable afin de leur permettre de devenir des acteurs engagés et responsables de la société de demain. Ces enjeux passent par le prisme d’une co-éducation plus globale incluant les familles – et les enfants eux-mêmes – ainsi que l’ensemble des autres acteurs éducatifs autour de l’enfant : associations d’éducation populaire, centres de loisirs, clubs de sports, collectivités territoriales, etc.
• Prévoir une éducation à la citoyenneté incluant une éducation juridique dès l’école primaire, avec la connaissance des droits de l’Homme et de l’enfant ainsi que l’enseignement de notions de droit civil et pénal et du fonctionnement de la Justice au collège, au-delà de l’Enseignement moral et civique mis en place à la rentrée scolaire 2015.
• Créer une formation universitaire débouchant sur un CAPES de professeur de Droit dans le secondaire.
• Développer une éducation active à la citoyenneté par la pratique quotidienne de ces droits, la participation et l’engagement dans des projets et actions concrètes et la mise en place de pratiques plus démocratiques dans les institutions scolaire.
• Développer une éducation civique transversale, par touche ponctuelle en rebondissant sur des faits d’actualité, pouvant donner également prétexte à réflexion dans le cadre de cours de droit spécifiques et adaptés aux classes d’âges concernées.
7.3.3 – Généraliser les Projets éducatifs de territoire (PEDT) et faciliter l’accès aux loisirs et à la culture
152 Projets éducatifs de territoire ont été officialisés en 2013 par la loi d’orientation pour refonder l’école de la République. Malheureusement, dans la mise en place de la réforme des dits « rythmes scolaires », la considération de l’enfant ne fait pas ou peu partie des problématiques. Dans la première génération des PEDT, ce sont souvent les préoccupations organisationnelles et temporelles qui ont été mises en avant. L’accès pour tous aux activités périscolaires n’est pas garanti partout. Dans certaines communes, on a constaté des inégalités sociales supplémentaires (activités périscolaires payantes). Le collectif regrette aussi le fait que les enfants en situation de handicap aient difficilement accès aujourd’hui à ces activités périscolaires.
153 Pourtant les PEdT offrent une chance de réduire les inégalités d’accès aux loisirs et à la culture, notamment pour les enfants issus des familles précaires en leur permettant de pratiquer des activités particulièrement propices à la socialisation et à la participation.
• Développer les PEdT dans une optique de réduction des inégalités d’accès aux loisirs, aux activités culturelles, aux vacances…
• Développer les PEdT en concertation avec les enfants, leurs familles et leur environnement (élaboration, mise en œuvre et évaluation).
• Penser l’action éducative par une analyse des besoins et conditions de vie des enfants.
8 – Respecter les droits fondamentaux des plus vulnérables
154 Comme on l’a vu au travers des différents exemples précédents, ces dernières années, malgré une certaine volonté politique de mieux respecter les droits de l’enfant dans notre pays, des considérations de politiques migratoire et sécuritaire, ajoutées aux difficultés budgétaires en situation de crise économique, ont conduit à catégoriser certains enfants et leur appliquer des traitements dérogatoires au droit commun. Ils sont pourtant considérés comme particulièrement vulnérables dans la CIDE, au sens où ils ont plus de mal que les autres à accéder à leurs droits en raison de leur situation spécifique.
155 Si le Comité leur accorde une attention particulière, ce n’est pas pour en faire des enfants à part, avec des traitements à part, mais seulement pour faciliter leur accès à tous leurs droits fondamentaux comme tous les autres enfants. Si des réponses à leurs besoins spécifiques peuvent être envisagées, elles doivent l’être sans déroger au droit commun applicable à tous les enfants et l’on doit avoir en permanence en tête l’article 2 de la CIDE qui exige que les droits qu’elle reconnaît aux enfants soient respectés pour tous les enfants présents sur le territoire, quels que soit leur sexe, leur nationalité, leur origine, leur situation familiale ou personnelle.
• Intégrer dans la définition de leurs programmes et politiques le cas de tous les enfants qui vivent des situations spécifiques et sont les plus vulnérables.
• Trouver des solutions qui répondent à leurs besoins spécifiques sans déroger au droit commun applicable à tous les enfants.
• Dans l’élaboration du droit commun, s’assurer que ce dernier ne déroge pas lui-même aux droits fondamentaux des enfants tels que définis par la CIDE et ses 3 protocoles.
8.1 – Mieux accueillir les mineur-e-s isolé-e-s étranger-e-s
156 Le Comité des droits de l’enfant a adressé en janvier 2016 des observations sévères à la France sur le traitement qu’elle réservait aux enfants migrants et mineurs isolés étrangers / mineurs non accompagnés (recommandations n° 74 et 76). Il a écrit – chose tout à fait exceptionnelle – aux gouvernements britannique et français concernant le sort déplorable des enfants à Calais. Ces derniers ont laissé la situation s’aggraver avant de décider à l’automne 2016 une évacuation « sous le coup de l’urgence ». Pour rappel, les mineurs migrants et réfugiés, quelque soit leur parcours ne sont jamais en situation irrégulière. Les enfants isolés étrangers présents à Calais ont fait l’objet d’un système autorisant leur accueil, après une détermination arbitraire de leur minorité, sans aucun statut administratif ni responsable légal, dans des centres d’accueil et d’orientation des mineurs isolés (CAOMI), qui ne disposaient par ailleurs ni du statut d’organisme habilité protection de l’enfance, ni des ressources nécessaires pour bien accompagner ces jeunes (éducateurs, interprètes dans la langue parlée par le jeune, accompagnement juridique et psychologique dans un parcours très traumatisant, etc.). Aucun d’entre eux n’a eu accès à l’école dans le système de droit commun de l’Education nationale et pour ceux ayant moins de 16 ans, il faut rappeler que l’Etat ne respecte pas son obligation de les recenser et les scolariser.
157 Le collectif regrette que la loi du 14 mars 2016 réformant encore la protection de l’enfance légalise l’utilisation des tests radiologiques osseux – en les encadrant – aux fins de détermination de l’âge de jeunes isolés étrangers. Dans sa recommandation 74-b, le Comité rappelle à l’Etat sa volonté de mettre fin à ces test comme principale méthode de détermination de l’âge dont la fiabilité est régulièrement remise en cause.
158 Certes, il est stipulé dans l’article 388 du code civil que ces examens osseux ne peuvent être réalisés qu’avec le consentement du jeune (mais en cas de refus, il est suspecté majeur) et qu’en « l’absence de documents d’identité valables ». Or, ce point fait aujourd’hui l’objet d’interprétations préoccupantes et certains magistrats ordonnent des examens radiologiques en présence de tels documents, notamment des extraits d’actes de naissance. L’utilisation des tests osseux de plus en plus fréquemment utilisée par les magistrats est regrettable. Ces derniers doivent privilégier – comme le recommande le Comité – d’autres méthodes qui se sont avérées plus précises.
159 La loi définit un dispositif de répartition nationale des mineurs isolés étrangers, qui s’applique en fonction de statistiques démographiques dans les différents départements et non de l’intérêt supérieur du jeune, et ne fait pas non plus l’objet d’une consultation du jeune. Or ce dispositif est trop souvent détourné par les collectivités départementales qui font passer aux jeunes un deuxième test, allant à l’encontre du principe de la chose jugée. On peut considérer qu’il est contraire aux articles 2 (non-discrimination en fonction de la nationalité), 3 (primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant) et 12 (obligation d’entendre l’enfant pour toute décision le concernant) de la CIDE.
• Permettre aux MIE d’avoir accès au droit commun comme tous les enfants : droit à la santé, droit à l’éducation, droit à la protection pour les victimes présumées de TEH… et avoir une approche globale de la question des mineurs étrangers en danger de manière à éviter la création artificielle de catégories aboutissant à des obstacles quant à l’accès au droit commun et à ses règles protectrices.
• Proscrire les examens radiologiques d’âge osseux et jusqu’à leur interdiction, revoir dès aujourd’hui les conditions de pratiques actuelles (réel consentement du jeune et ne pas utiliser un éventuel refus comme un indice de majorité, mise en place d’un protocole national de médecine légale pour la pratique de ces tests précisant le degré de marge d’erreurs) et privilégier d’autres méthodes de détermination de l’âge comme le recommande le Comité.
• Renforcer les moyens pour respecter l’obligation de mise à l’abri inconditionnelle de toute personne se déclarant mineure et isolée, afin de procéder à des évaluations dans les conditions prévues par la loi du 14 mars 2016.
• S’assurer que l’Etat assume financièrement la mise à l’abri d’urgence des jeunes se présentant comme MIE durant toute la période d’évaluation de leur situation, notamment vis-à-vis du danger.
• Faire auditionner les jeunes se présentant comme MIE par un juge des enfants avant toute décision d’orientation.
• Modifier l’article 388 du code civil et remplacer la notion de « documents d’identité valables » par « documents d’état civil ».
• Préparer des moyens de protection et d’accès au séjour à la majorité pour celles et ceux qui sont pris en charge par les services de protection de l’enfance.
• Assurer des moyens de recours véritablement effectifs et efficaces pour les jeunes déboutés de leur demande de protection.
• Mettre en place une stratégie et des moyens adaptés pour leur inclusion sociale.
• Assurer leur représentation légale à tous les stades par des professionnels formés à leur situation spécifique (y compris les risques de traite).
8.2 – Faire une place aux enfants des bidonvilles dans la société
160 Les violences institutionnelles continuent envers les enfants et jeunes vivant en bidonvilles et squats, souvent assignés à l’identité Rom, qu’ils s’en réclament ou non.
161 Des expulsions toujours aussi destructrices
162 Pendant l’été 2016, plus de 1 700 personnes ont été expulsées de bidonvilles et de squats où ils vivaient. Au moins un tiers d’entre elles sont des enfants qui subissent de ce fait une double peine avec l’interruption de leur scolarité qui découle de ces expulsions. Ce phénomène ne doit pas être vu comme exceptionnel, il est le fruit d’une politique qui demeure la règle et anéantit trop souvent les parcours scolaires des enfants. Cet acte est dénoncé par le Comité des droits de l’enfant dans sa recommandation n°70.
163 Des refus diffus aux refus décomplexés
164 Les règles en matière de scolarisation sont larges et claires mais contournées ou violées par les différentes institutions. Pour plus d’informations sur ce point, le collectif renvoie le lecteur au paragraphe 7.2.2.
165 La situation préoccupante des adolescent-e-s
166 Une récente étude exploratoire du CDERE a mis en lumière l’absence de scolarisation chez la grande majorité des jeunes ayant entre 12 et 18 ans. Sur 161 jeunes vivant dans 34 bidonvilles, le taux de déscolarisation s’élève à 67% [19]. Dès 16 ans, les décrochages définitifs deviennent la règle pour 96% de ces jeunes, empêchant leur accès à tout dispositif de formation. Ils représentent une génération entière qui vivra certainement en France et qui, restée aux portes de l’école, sera maintenue dans une exclusion dont ils ne pourront sortir qu’au prix d’efforts considérables. Des moyens doivent être mis en œuvre pour identifier ces jeunes, les accompagner dès que possible, quel que soit leur niveau. Des ponts avec le champ de la lutte contre le décrochage scolaire doivent être créés.
• Mettre en œuvre une politique volontariste d’inclusion globale des personnes vivant en bidonvilles et squats qui commence avec la recherche de solutions de logement, avec la scolarisation de tous les enfants dans le système de droit commun et leur accès aux soins et à la socialisation.
8.3 – Identifier et reconnaître comme victimes les enfants pris dans des réseaux de traite des êtres humains
167 Suite à la première phase d’application du plan d’action national de lutte contre la traite, les constats restent très inquiétants :
168 • Encore trop peu de mineurs victimes de traite sont identifiés et, même lorsqu’ils sont identifiés, leur protection n’est pas nécessairement effective.
169 • Il persiste une inégalité dans la mobilisation et la prise en charge des mineurs selon la formes de traite considérée (exploitation sexuelle, délinquance forcée, esclavage domestique…)
170 • Les solutions de prise en charge restent disparates selon les départements, s’agissant notamment des lieux de placement sécurisés.
171 • La justice pénale française n’applique pas le principe de non poursuite à l’égard de mineurs qui commettent des infractions à raison de leur exploitation, principe défini par la directive européenne sur la traite 2011/36/ UE et par la Convention de Varsovie de 2005.
• Systématiser la formation de tous les professionnel-le-s en contact avec ces enfants pour améliorer leur repérage et leur prise en charge.
• Désigner systématiquement et immédiatement un tuteur/administrateur ad hoc qualifié pour chaque enfant séparé ou non accompagné (y compris ceux dont l’âge est contesté) et tous les enfants victimes de traite afin de les guider dans leurs démarches et garantir l’accès à leurs droits.
• Garantir les moyens financiers des services amenés à prendre en charge ces mineurs victimes (justice, services de police, centres d’hébergement, etc.) et assurer une transparence sur le niveau et la ventilation de ces fonds.
• Soutenir et multiplier les projets sur l’ensemble du territoire pour un placement adapté et sécurisé des mineurs victimes de traite, et un accompagnement par des professionnels formés à la spécificité de ces situations, pour développer un réseau similaire au dispositif d’Ac.Sé (réservé aux adultes).
• Élaborer et diffuser des lignes directrices (ou une circulaire de politique pénale) à l’attention des magistrats afin de mettre en pratique le principe de non poursuite des victimes, et de garantir que les mineurs témoins et victimes ont effectivement accès à des mesures de protection dans le contexte des procédures judiciaires.
• Mettre en place une stratégie et des moyens adaptés pour leur réadaptation et leur inclusion sociale.
8.4 – Prévenir l’entrée en grande délinquance des enfants
172 Un certain nombre de réformes législatives sont intervenues ces dernières années comme la suppression des peines planchers et des tribunaux correctionnels pour mineurs. C’était une demande du collectif AEDE qui se réjouit donc de ce point. Cependant la réforme plus globale du droit pénal applicable aux mineurs (régi par l’ordonnance du 2 février 1945) que le collectif appelait de ses vœux n’a pas vu le jour sous cette mandature, ce qui est regrettable.
173 Rappelons que le Comité des droits de l’enfant demandait à la France de « mettre son système de justice en totale conformité avec la Convention et les autres normes internationales ».
174 La création du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation a permis d’initier une politique pénale plus cohérente notamment en ce qui concerne la lutte contre la récidive. Ceci étant, la prévention de l’entrée en délinquance des jeunes reste un sujet éminemment politique, trop souvent instrumentalisé en période électorale au détriment d’une approche plus scientifique.
175 Plutôt que de céder à la tentation de supprimer la double compétence des Juge des enfants, de faire disparaître l’excuse de minorité, de rétablir les peines planchers, de fixer la majorité pénale à 16 ans,, il convient de rappeler fermement que la justice des mineurs doit s’appuyer sur les actions de prévention, réaffirmer la primauté de l’éducation pour répondre aux actes de délinquance, favoriser les mesures en milieu ouvert, les dispositifs d’accompagnement diversifiés et renforcer la formation de ses acteurs.
176 La justice de proximité a aussi un rôle à jouer pour répondre aux premiers actes de délinquance peu graves et stopper les dérives vers des actes potentiellement plus dangereux pour la société.
177 La fusion effective annoncée pour juillet 2017 des juges de proximité (JP) chargés de réguler le contentieux contraventionnel Mineurs, avec les magistrats à titre temporaire (MTT), sera-t-elle en mesure de continuer à relever le défi d’une justice alliant prévention et répression dans l’intérêt des jeunes justiciables qu’ils soient victimes ou auteurs, mais aussi de la société ?
8.5 – Former les professionnel-le-s pour mieux protéger les enfants les plus vulnérables
178 Cependant les atteintes aux droits des enfants vulnérables ne sont le plus souvent pas l’effet de la loi, mais le résultat de pratiques de professionnel-le-s contraints par les instructions de leurs administrations, elles-mêmes confrontées à des difficultés budgétaires. On peut citer sur ce point le contrexemple de ces travailleurs sociaux de Toulouse qui, refusant de continuer à répondre négativement à 80 % des demandes d’hébergement d’urgence (au 115), ce qui laissait à la rue des familles avec enfants, ont exercé une « réquisition citoyenne » d’un bâtiment permettant de leur donner un toit en vertu de leur droit fondamental à un logement. Le tribunal leur a donné raison. Il est donc indispensable que les travailleurs sociaux, dont le mal-être est croissant dans l’état de tension évoqué ci-dessus, soient réassurés par une définition de leurs missions et une déontologie fondées sur le respect des droits fondamentaux des personnes qu’ils accompagnent.
• Veiller systématiquement, avant toute réforme pénale, à sa conformité avec les standards internationaux et européens.
• S’appuyer sur des études criminologiques et sociologiques rigoureuses pour définir une politique pénale rationnelle en direction des mineurs.
• Mettre l’accent sur la prévention de la délinquance juvénile, prévention primaire par des mesures sociales et éducatives (dont l’enseignement effectif du Droit à l’école), prévention spécialisée dans les villes, comme prévention secondaire au moment du passage aux premiers actes enfreignant le code pénal.
• Promouvoir la « prévention judiciaire » des primo délinquants juvéniles en préservant ou en redonnant toute sa place à la justice pénale de proximité assumée aujourd’hui par les juges de proximité, demain par les magistrats à titre temporaire.
• N’avoir recours à l’enfermement qu’en tout dernier ressort, que ce soit en Centre éducatif fermé (CEF), en prison ou par la rétention de sûreté qu’il faut abroger pour les crimes commis par des enfants et assurer aux enfants privés de liberté l’ensemble de leurs autres droits, notamment en matière de scolarisation.
• Réécrire le texte régissant le traitement pénal des enfants en prévoyant d’une part la fixation d’un seuil d’âge minimum pour la responsabilité pénale – pas inférieur à 13 ans, tout en conservant le critère complémentaire du discernement au-delà du seuil, l’âge et le discernement de l’enfant devant toujours rester des causes d’atténuation de sa responsabilité pénale. D’autre part mettre en place une procédure pénale avec césure du procès – déclaration de culpabilité et indemnisation des parties civiles dans un délai court, puis temps pour l’action éducative avant le prononcé de la sanction finale dans un second temps. Conserver le juge des enfants comme acteur central de la procédure, avec la double compétence (civile et pénale pour chaque mineur).
• Veiller, au pénal, à ce qu’un jeune majeur de 18 ans ou plus, jugé pour des faits constitutifs d’une infraction qu’il a commise lorsqu’il était mineur, continue à être jugé en tant que mineur nonobstant sa qualité de majeur le jour de l’audience, de son jugement.
• Fonder l’action sociale et le travail social sur la mise en œuvre des droits fondamentaux des individus, notamment ceux des enfants et de leurs parents.
• Former tous les acteurs de la protection sociale à la connaissance des droits fondamentaux et l’intégration de ces droits dans leurs pratiques professionnelles.
Conclusion : réformer en privilégiant le consensus et la concertation
179 Dans le contexte électoral de 2017, le collectif AEDE souhaite que les futur-e-s élu-e-s soient particulièrement vigilants à ce que les politiques publiques à venir ne remettent pas en cause les mesures adoptées ou les progrès faits par la France concernant les enfants et leurs droits. Le collectif appelle de ses vœux la mise en place de modalités de travail pérennes qui ne subissent pas les aléas des changements politiques.
• Évaluer l’application des lois existantes dans tous les territoires de la République grâce à des enquêtes statistiques fiables sur la base d’indicateurs définis auparavant en référence à la CIDE.
• Associer les différents acteurs concernés (société civile, travailleurs sociaux sans oublier les parents, les enfants et les jeunes) à la co-construction des politiques publiques les concernant.
• Recenser les pratiques qui aident concrètement les enfants à être mieux reconnus et écoutés, à mieux grandir et à devenir des adultes et citoyens épanouis, autonomes et bienveillants.
• Si besoin définir, entre Etat et Collectivités territoriales de nouveaux moyens pour parvenir à une harmonisation des politiques et pratiques entre les territoires.
180 Les responsables qui vont avoir la lourde responsabilité de conduire le pays devront, en lien avec tous les acteurs concernés et au premier chef les enfants et les jeunes, avoir une perspective commune et partagée : donner le meilleur de la République en appliquant concrètement la devise nationale de « Liberté, Egalité et Fraternité » dans la vie quotidienne de tous les enfants et jeunes sans exception, et en se portant effectivement garants de leurs droits fondamentaux.
Notes
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[1]
Ouvrage publié aux éditions Erès : http://www.editions-eres.com/ouvrage/3614/en-avant-pour-les-droits-de-l-enfant
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[2]
Les recommandations du Comité des droits de l’enfant adressées à la France en date du 23 février 2016 sont disponibles sur : http://collectif-aede.org/wp-content/uploads/2016/01/Recommandations-2016-CRC-a-la-France.pdf
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[3]
Le Forum Français de la Jeunesse, De nouvelles politiques en direction des jeunes, Avis n°2, Février 2013 -http://forumfrancaisjeunesse.fr/avis-n2/
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[4]
Par exemple, le dispositif Aquimob en région Aquitaine : http://www.aquimob.fr
-
[5]
Défenseur des droits, Droit fondamental à l’éducation : une école pour tous, un droit pour chacun, 2016, p28 - http://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/2016-rae.pdf
-
[6]
Cette dernière proposition avancée par les jeunes est surprenante lorsqu’on sait qu’en France seules quelques écoles privées ne sont pas mixtes. Mais elle pourrait redevenir d’actualité alors que dans plusieurs pays étrangers (USA, Royaume Uni, Canada) les écoles non mixtes ont le vent en poupe car elles favoriseraient la réussite des élèves, notamment des garçons.
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[7]
« L’administrateur ad hoc est un mandataire désigné par un juge d’instruction, un juge des enfants, un juge des tutelles, un procureur, ou par une juridiction (tribunal correctionnel, tribunal pour enfants). Sa mission est de représenter ou assister un mineur (jeune âgé de moins de 18 ans) qui se trouve en conflit d’intérêt avec le ou les titulaires de l’autorité parentale (père ou mère), ou bien se trouve isolé (en l’absence de parent), ou bien encore en cas de défaut de diligence du représentant légal du mineur. » Pierre Lyon Caen, Avocat honoraire à la Cour de cassation, Membre du Bureau du SSAE, Revue Accueillir n°240 : « Les mineurs étrangers isolés en Europe », « Qu’est-ce qu’un administrateur Ad hoc », par. Décembre 2006, p30
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[8]
Anacej, 25 propositions pour renforcer la participation des enfants et des jeunes, 2016 - http://anacej.asso.fr/wp-content/uploads/2016/10/25_propositions_16_web%C2%A9Anacej.pdf
-
[9]
Secours populaire, Baromètre 2016 Ipsos / Secours populaire : plus de renoncement aux soins, 2016 - https://www.secourspopulaire.fr/sante-la-situation-se-degrade-depuis-2008
-
[10]
ONPE, Chiffres clés de l’accueil du jeune enfantt, 1er septembre 2016 - https://www.caf.fr/sites/default/files/cnaf/LettreOnpeN1.pdf
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[11]
Source : Vice-rectorat de Mayotte
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[12]
CASNAV : Centre académique pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés
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[13]
CIO : Centre d’information et d’orientation
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[14]
UPE2A : Unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants
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[15]
CLIS : Classe d’intégration scolaires
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[16]
ULIS : Unité localisée pour l’inclusion scolaire
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[17]
AESH : Accompagnant d’élève en situation de handicap
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[18]
Défenseur des droits, Droit fondamental à l’éducation : une école pour tous, un droit pour chacun, 2016 - http://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/2016-rae.pdf
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[19]
CDERE, Ados en bidonville et en squat, l’école impossible ? Etude sur la scolarisation des jeunes âgés de 12 à 18 ans, 2016 -http://www.romeurope.org/ados-en-bidonville-et-en-squats-lecole-impossible-etude-sur-la-scolarisation-des-jeunes-ages-de-12-a-18-ans-collectif-pour-le-droit-des-enfants-roms-a-leducation/