Notes
-
[*]
Doctorants-chercheurs au Centre de recherche en psychologie sociale et interculturelle de l’ULB. Bachar Malki est aussi aspirant F.R.S.-FNRS.
-
[1]
M. Valls, 2014, Reportage de Manuel Valls [Fichier vidéo] BFMTV : Valls sur le terrorisme islamique. Repéré à https://www.youtube.com/watch?v=c0OYQEp2qxE.
-
[2]
D. Malet, 2009, Foreign fighters : transnational identity in civil conflicts. Ph.D. dissertation. Washington, D.C, George Washington University.
-
[3]
J.M. Berger, 2011, Jihad Joe : Americans who go to war in the name of Islam. Washington, DC, Potomac Books.
-
[4]
Combattants européens en Syrie : l’Europe prépare une réplique. (2013, 7 juin). Le Monde. Repéré à http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/06/07/jeunes-europeens-en-syrie-l-europe-prepare-une-replique_3426402_3218.html#C6IRRbqGpCTkwBXr.99 http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/06/07/jeunes-europeens-en-syrie-l-europe-prepare-unereplique_3426402_3218.html
-
[5]
V. Amiraux, 2014, Reportage de Valérie Amiraux [Fichier vidéo] Planète Terre : Les djihadistes occidentaux. Repéré à https://www.youtube.com/watch?v=V2ekZvVye3Y.
-
[6]
Jihad : pourquoi les femmes, aujourd’hui, s’engagent-elles ? (2014, 8 aout). TV5 Monde. Repéré à http://www.tv5monde.com/cms/chaine-francophone/Terriennes/Dossiers/p-28130-Jihad-pourquoi-les-femmes-aujourdhui-s-engagent-elles-.htm
-
[7]
Marine Le Pen grossit les chiffres du djihadisme français (2014, 19 novembre) Le Monde. Repéré à http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/11/19/marine-le-pen-grossit-les-chiffres-du-djihadisme-francais_4525876_4355770.html#LE5SRtKWBGZQIgl8.99
-
[8]
D. Bouzar, C. Caupenne et S. Valsan, 2014,. « La métamorphose opérée chez le jeune par les nouveaux discours terroristes ». Rapport du centre de prévention contre les dérives sectaire liées à l’islam. Voy. les conclusions de ce rapport, p. 29 et l’entretien avec D. Bouzar, p. 26.
-
[9]
L. Martinez, 2008, « Structures, environnement et basculement dans le jihadisme ».Cultures et conflits, n° 69, pp. 133-156.
-
[10]
J. Venhaus, 2010, « Why Youth Join al-Qaeda ? ». Special Report of United States Institute of Peace, 236.
-
[11]
T. Kardas et O. Ozdemir, 2014, The Making of European Foreign Fighters. Analysis, 11
-
[12]
O. Diaby, 2014, Reportage de Omar Diaby [Fichier vidéo] The man who recruits French fighters to Syria. Repéré à https://www.youtube.com/watch?v=kAtmbfilCjM.
-
[13]
D. Bouzar, C. Caupenne et S. Valsan, 2014, La métamorphose opérée chez le jeune par les nouveaux discours terroristes. Rapport du centre de prévention contre les dérives sectaire liées à l’Islam.
-
[14]
L. Martinez, 2008, « Structures, environnement et basculement dans le jihadisme ». Cultures et conflits, n° 69, pp. 133-156.
-
[15]
E. Erez, G. Weimann et A. Weisburd, 2011, Jihad, Crime, and the Internet : Content Analysis of Jihadist Discussion Forums. Washington, DC : USDOJ.
-
[16]
K. Klausen, 2015, Tweeting the Jihad : Social Media Networks of Western Foreign Fighters in Syria and Iraq. Studies in Conflict & Terrorism, 38(1).
-
[17]
Muslim Scholars Release Open Letter To Islamic State Meticulously Blasting Its Ideology, 24 septembre 2014, Huffingtonpost. Repéré à http://www.huffingtonpost.com/2014/09/24/muslim-scholars-islamicstate_n_5878038.html
-
[18]
K. Klausen, 2015, Tweeting the Jihad : Social Media Networks of Western Foreign Fighters in Syria and Iraq. Studies in Conflict & Terrorism, 38(1).
-
[19]
« Comment le djihad recrute de jeunes Européens », 11 décembre 2014, Le Monde. Repéré à http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/12/11/comment-le-djihad-recrute-de-jeunes-europeens_4538753_3214.html
1L’exode des djihadistes qui ont décidé de tout quitter pour prendre les armes en Syrie et en Irak alimente depuis maintenant deux ans les débats tant populaires que politiques. Les mêmes questions reviennent sans cesse. Qui sont-ils et quelles sont leurs motivations ? Que va-t-il se passer quand ces djihadistes vont revenir sur le territoire européen ? Comment comprendre et interpréter ces engagements djihadistes ?
2L’objectif de cet article n’est pas d’ajouter une couche de sensationnalisme à cette problématique, mais plutôt d’essayer le plus objectivement possible de lever une partie du voile sur ces questions.
3Selon Manuel Valls, ils sont « sans doute la plus grande menace » [1]. L’exode de ces djihadistes qui ont décidé de tout quitter pour prendre les armes en Syrie et en Irak alimente depuis maintenant deux ans les débats tant populaires que politiques. Ces ressortissants européens qui se sont engagés sous la bannière du djihad restent à l’heure actuelle au cœur de l’agenda politique de nombreux pays européens.
4Le ministre de l’Intérieur belge, Jan Jambon, vient d’ailleurs d’être mandaté en ce début d’année 2015 par l’Europe pour mettre en place « une opération de contre-propagande », afin de déradicaliser les candidats djihadistes et de les dissuader de prendre le départ vers les zones de conflit telles que la Syrie.
5Autour des discussions entourant ces départs, les mêmes questions reviennent sans cesse : Qui sont-ils et quelles sont leurs motivations ? Que va-t-il se passer quand ces djihadistes vont revenir sur le territoire européen ? Sont-ils dangereux ? Entre endoctrinement, radicalisme et courage, comment comprendre et interpréter ces engagements djihadistes ?
6L’objectif de cet article n’est pas d’ajouter une couche de sensationnalisme à cette problématique, mais plutôt d’essayer le plus objectivement possible de lever une partie du voile sur ces questions.
7Avant d’aborder plus précisément ces questions, il nous apparaît important de souligner que, contrairement à ce que l’engouement médiatique et politique pourrait suggérer, le départ volontaire d’individus dans l’optique d’aller participer à une guerre sur un territoire dont ils ne sont pas ressortissants ne constitue pas une nouveauté dans l’histoire.
8En effet, la guerre civile espagnole (1936-1939) ou encore la guerre d’indépendance du Texas (1835-1836) sont des exemples parmi beaucoup d’autres où des combattants ont franchi des frontières pour renforcer un des partis du conflit [2].
9Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que des ressortissants européens quittent le « vieux continent » pour faire le djihad. Les années 1980 avaient déjà vu apparaître des flux de djihadistes partant d’Europe et des États-Unis pour l’Afghanistan dans le but de combattre l’occupation soviétique.
10De plus, pour comprendre les attitudes développées par le monde occidental envers ces djihadistes, il apparaît intéressant de mettre en évidence l’effet du contexte historique. En effet, contrairement à la situation actuelle, le regard que le monde occidental portait sur ces combattants n’avait rien de négatif.
11Dans le contexte géopolitique de la guerre froide des années 1980, devenir djihadiste et donc prendre les armes contre la puissance soviétique basée en Afghanistan n’entrait aucunement en contradiction avec l’image du « bon citoyen » [3].
12L’après-11 septembre a fait basculer les perceptions de l’Occident sur le comportement de ces combattants et plus largement sur la communauté musulmane dans sa globalité.
13Il apparaît donc important de comprendre l’engouement médiatique et politique pour ces djihadistes à la lumière du contexte sociohistorique dans lequel s’insère cette problématique.
Qui sont-ils ?
14À la question de l’identité de ces individus qui décident de tout quitter pour aller combattre en Syrie, il apparaît important de mettre en évidence que les études sont encore peu nombreuses et souvent encore au stade embryonnaire.
15Il est dès lors primordial de ne pas céder aux clichés et aux conclusions hâtives communément répandues dans les discours médiatiques et politiques. À cet égard, Manuel Valls décrivait en juin 2013 ces djihadistes comme principalement jeunes, de sexe masculin, venant de quartiers défavorisés et ayant un passé de délinquant [4].
16Cependant, Valérie Amiraux [5], à l’instar de nombreux experts, met en évidence que le profil sociodémographique de ces individus est bien plus complexe et hétérogène. En effet, à la simple observation de ces djihadistes, bon nombre d’entre eux possèdent des caractéristiques qui s’écartent du profil dépeint par Manuel Valls.
17Premièrement, comme en atteste le livre du journaliste David Thomson « Les Français jihadistes », les djihadistes européens appartiennent à des catégories socioprofessionnelles très diverses et ne sont pas tous connus des services de police. À l’image de Yassine, prothésiste dentaire, beaucoup d’entre eux avaient une situation de vie tout à fait stable et n’avaient jusqu’à présent jamais été mêlés à une quelconque délinquance.
18Deuxièmement, leur nom ne se décline pas uniquement au masculin. En effet, elles s’appellent Hélène, Farah, Clémence ou Nora et elles aussi ont pris la décision de s’engager pour faire le djihad. L’engagement de ces femmes djihadistes est un fait nouveau dans la mesure où elles n’étaient peu, voire pas du tout, présentes dans les précédentes vagues de départ au djihad en Afghanistan et en Irak dans les années 1980 et 1990.
19Doctorante-chercheuse suisse travaillant sur les femmes djihadistes à l’EHESS, Géraldine Casutt interprète ce phénomène comme une conséquence directe de la nouvelle propagande djihadiste. Celle-ci véhiculerait une image de la femme comme un être de grande valeur et complémentaire à l’action de l’homme.
20Ce message de protection et de valorisation de la femme musulmane résonne chez ces djihadistes au féminin qui, pour beaucoup, ne se sentent pas toujours respectées en tant que musulmanes par les politiques culturelles de leur pays de résidence [6].
21Outre leur genre et leur appartenance socioprofessionnelle, l’origine familiale de ces individus apparaît également contrastée. En effet, à l’image de Maxime Hauchard, élevé dans une famille catholique dans la campagne normande, les Français s’étant convertis à l’islam seraient près d’un quart de l’ensemble des djihadistes français selon les chiffres du ministère français de l’Intérieur [7].
22Enfin, si une majorité d’entre eux sont de jeunes adultes, de nombreux mineurs ont également pris la route de la Syrie. Dounia Bouzar, directrice du Centre de Prévention contre les Dérives Sectaires liées à l’Islam (CPDSI) et anthropologue, met en évidence dans un rapport du CPDSI que la fragilité psychologique des jeunes, et plus particulièrement des mineurs, les rend plus réceptifs aux discours radicaux et, par conséquent, plus enclins à opter pour de telles trajectoires de vie [8].
23L’idéologie djihadiste s’est donc répandue bien au-delà des frontières de la délinquance, du genre ou encore de l’origine familiale. Pour mieux comprendre ce qui relie l’ensemble de ces djihadistes, il apparaît dès lors important de se détourner de leurs caractéristiques sociodémographiques pour s’intéresser aux facteurs psychosociaux à la base de leur engagement.
24Au-delà de leur apparente hétérogénéité, le point de départ de tout engagement djihadiste se situe dans une forte identification à la communauté musulmane transnationale ainsi que dans un sentiment de révolte découlant de l’impression que leur communauté d’appartenance est mise en danger [9].
25Dans le contexte syrien, cette colère prend sa source dans la perception que la population syrienne est persécutée par des forces ennemies (principalement celles de Bachar El Assaad).
26Cet ancrage identitaire et cette volonté de protéger et de défendre leur communauté d’appartenance et les terres qu’ils considèrent leur appartenir constituent les véritables fondations sur lesquelles va se construire leur décision de partir faire un djihad.
27À côté de cette idée de djihad défensif, d’autres motivations peuvent également intervenir dans le processus amenant ces individus à prendre les armes.
28Premièrement, John Venhaus [10] met en évidence que certains djihadistes partent dans l’objectif de se construire un nouveau statut, une réputation tant en Syrie que dans leur pays de résidence. Combattre au nom d’Allah, devenir un djihadiste apporterait à leurs yeux une forme d’élévation sociale.
29Deuxièmement, toujours selon John Venhaus, d’autres prendraient la route dans la quête de repères identitaires, dans l’espoir de se faire reconnaître comme musulmans à part entière.
30Troisièmement, certaines vidéos de djihadistes circulant sur internet attestent d’individus ayant pris le chemin de la Syrie notamment pour vivre une aventure et casser la monotonie de leur vie quotidienne [11].
31Enfin, il nous semble important d’ajouter que la participation au djihad peut également être animée par la perception d’un devoir religieux. Cette perspective est clairement perceptible dans les propos d’Omar Diaby, considéré par les autorités françaises comme le principal recruteur des djihadistes en France : « Nous les appelons à leurs obligations, de leur demander ou plutôt de leur faire savoir que c’est obligatoire la hijra et que de vivre dans les pays occidentaux, c’est interdit » [12].
32Dans cette perspective, une dimension obligatoire vient se greffer à l’engagement djihadiste. Cet impératif religieux apparaît d’autant plus présent dans le cas de la Syrie de par la nature particulière de cette terre pour les musulmans. En effet, « la terre du Sham » qui englobe la Syrie, le Liban, la Jordanie et la Palestine et une partie de l’Irak, est associée dans les textes saints musulmans à la fin du monde.
33Les évènements se déroulant dans la région et la propagande des milieux radicaux ont ainsi conféré au conflit une dimension prophétique et apocalyptique exacerbant la perception qu’il est impératif pour les musulmans d’être présents [13].
34Dans l’analyse de l’identité de ces individus, il nous apparaît important de considérer ce qui peut différencier les djihadistes qui ont décidé de passer à l’acte et ceux qui, bien qu’ayant des attitudes positives concernant le djihad, décident de ne pas les matérialiser dans des comportements concrets.
35La réponse à cette question est complexe et relève indubitablement de multiples facteurs. La capacité à dissiper les craintes et à répondre aux nombreux questionnements qu’engendrent ce genre d’engagement constitue un des facteurs les plus importants [14].
36À cet égard, les djihadistes « en herbe » passent par une période d’interrogation sur ce qu’ils peuvent et doivent faire, mais également sur ce qui leur est interdit. « Comment aider mes frères ? » « Qu’est-ce qu’il m’est permis de faire ? » « Que dois-je faire ? »
37La famille, les imams, les pairs et les réseaux sociaux sont autant de sources de renseignements pour ces individus. Dans cette quête d’informations, internet a pris une place centrale. La toile est devenue le lieu d’échanges et de débats sur la doctrine.
38À cet égard, une étude sur le contenu des forums de discussions entre djihadistes a mis en évidence que leurs conversations sont principalement rythmées par des considérations religieuses quant au « bien » et au « mal » [15].
39Les méthodes de propagande utilisées par les groupes djihadistes ont d’ailleurs profondément évolué et ont pris la mesure de cet outil de communication qui leur permet d’entrer en interaction directe avec les populations ciblées sans passer par les médias « traditionnels » qui leur servaient antérieurement de relais [16].
40Un véritable réseau d’informations a été construit par la propagande djihadiste afin d’exacerber les sentiments identitaires et d’amener les individus vers la radicalisation et la rupture des liens sociaux et familiaux qui pourraient les détourner de la lecture de la réalité proposée par ces groupes radicaux.
41Loin d’être des désœuvrés agissant impulsivement, ces djihadistes présentent des profils sociodémographiques particulièrement hétérogènes et se caractérisent par des réflexions profondes sur la nature du bien et du mal.
42Ces djihadistes sont donc avant tout des hommes qui ont été poussés à prendre les armes par des enjeux identitaires et souvent fondamentalement influencés par une propagande djihadiste ayant apprivoisé les récentes révolutions médiatiques.
Sont-ils dangereux ?
43À la question de la dangerosité de ces individus lors de leur retour en Occident, plusieurs éléments semblent importants à amener au sein d’un débat trop souvent emprisonné dans le registre émotionnel et dans des discussions politiquement intéressées.
44Premièrement, Luis Martinez introduit une distinction qui apparaît comme fondamentale entre le djihad défensif et le djihad offensif.
45Les individus prenant part à la forme défensive du djihad vont s’engager dans la protection des musulmans en prenant les armes dans les régions où ces communautés sont en danger. Dans ce versant du djihad, l’individu cible ses actions sur les forces armées agressant directement sa communauté d’appartenance.
46Au contraire, dans la forme offensive, le djihadiste va focaliser son attention sur la figure de l’agresseur et perpétrer des actions impliquant indifféremment civils et forces armées. Les exemples typiques de ce versant du djihad sont les attentats du 11 septembre, les agissements de Mohammed Merah et plus récemment les attaques tragiques ayant visé les journalistes de Charlie Hebdo.
47Une différence importante entre ces deux formes de djihad se situe dans la manière dont elles sont perçues par la majorité des musulmans et par la plupart de leurs leaders religieux. En effet, les actions ciblant les civils, des personnes aucunement impliquées dans des agressions envers l’islam, sont largement condamnées au sein de la communauté musulmane [17].
48Le djihad offensif est donc perçu par une majorité comme contraire aux lois sociales et religieuses. Cette différence de légitimité et de statut entre ces deux djihads va la plupart du temps pousser les djihadistes en herbe à rejeter le versant offensif du djihad pour se tourner vers l’Afghanistan ou plus récemment la Syrie pour s’engager dans une lutte qui résonne en eux comme un devoir, un rêve pour lequel ils sont prêts à tous les sacrifices.
49Cependant, Luis Martinez s’interroge sur la pérennité de cette perception du meurtre des civils auprès de ces djihadistes s’étant engagés dans un djihad défensif.
50Lors de leur périple, les atrocités de la guerre et les discours de groupes plus radicaux auxquels ils seront confrontés sont susceptibles de profondément changer leur perception des interdits et de les pousser à commettre des actes inexcusables en Occident. Ces craintes apparaissent d’autant plus légitimes depuis l’émergence de l’État islamique qui ne laisse planer aucun doute dans sa communication sur ces intentions offensives envers les pays occidentaux [18].
51À côté de ces individus susceptibles de revenir imperméables aux garde-fous sociaux et religieux qui ont encadré leurs premiers pas dans le djihad, de nombreux djihadistes, environ 20 % selon Peter Neumann (directeur du Centre international d’études sur le radicalisme et la violence politique), manifestent une forte désillusion par rapport à leur expérience syrienne.
52Loin des idéaux qui ont motivé leur départ, la réalité de la guerre est vécue par ces individus comme un véritable désenchantement. Peter Neumann met d’ailleurs en évidence qu’il serait politiquement intéressant de promouvoir la parole de ces individus désillusionnés dans le contexte de programme de déradicalisation [19].
53En conclusion, loin de cette image de délinquants prenant les armes impulsivement, ces djihadistes sont avant tout des hommes et des femmes aux profils sociodémographiques hétérogènes qui partagent une même identité et un profond sentiment de révolte.
54Leur décision de partir au combat en Syrie s’accompagne souvent de craintes et d’interrogations qui trouvent leurs réponses principalement sur un pan de la toile orchestré par la propagande djihadiste.
55La question de leur encadrement avant et après leur retour est devenu un enjeu politique d’autant plus majeur depuis l’émergence de l’État islamique qui soutient ouvertement des projets offensifs envers l’Occident.
56Les politiques qui se construiront pour gérer ces problématiques devront sans nul doute prendre en compte la complexité de ces profils et être particulièrement vigilantes aux messages qu’elles vont envoyer à ces minorités musulmanes radicales qui ne manqueront pas de réagir.
Notes
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[*]
Doctorants-chercheurs au Centre de recherche en psychologie sociale et interculturelle de l’ULB. Bachar Malki est aussi aspirant F.R.S.-FNRS.
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[1]
M. Valls, 2014, Reportage de Manuel Valls [Fichier vidéo] BFMTV : Valls sur le terrorisme islamique. Repéré à https://www.youtube.com/watch?v=c0OYQEp2qxE.
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[2]
D. Malet, 2009, Foreign fighters : transnational identity in civil conflicts. Ph.D. dissertation. Washington, D.C, George Washington University.
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[3]
J.M. Berger, 2011, Jihad Joe : Americans who go to war in the name of Islam. Washington, DC, Potomac Books.
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[4]
Combattants européens en Syrie : l’Europe prépare une réplique. (2013, 7 juin). Le Monde. Repéré à http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/06/07/jeunes-europeens-en-syrie-l-europe-prepare-une-replique_3426402_3218.html#C6IRRbqGpCTkwBXr.99 http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/06/07/jeunes-europeens-en-syrie-l-europe-prepare-unereplique_3426402_3218.html
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[5]
V. Amiraux, 2014, Reportage de Valérie Amiraux [Fichier vidéo] Planète Terre : Les djihadistes occidentaux. Repéré à https://www.youtube.com/watch?v=V2ekZvVye3Y.
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[6]
Jihad : pourquoi les femmes, aujourd’hui, s’engagent-elles ? (2014, 8 aout). TV5 Monde. Repéré à http://www.tv5monde.com/cms/chaine-francophone/Terriennes/Dossiers/p-28130-Jihad-pourquoi-les-femmes-aujourdhui-s-engagent-elles-.htm
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[7]
Marine Le Pen grossit les chiffres du djihadisme français (2014, 19 novembre) Le Monde. Repéré à http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/11/19/marine-le-pen-grossit-les-chiffres-du-djihadisme-francais_4525876_4355770.html#LE5SRtKWBGZQIgl8.99
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[8]
D. Bouzar, C. Caupenne et S. Valsan, 2014,. « La métamorphose opérée chez le jeune par les nouveaux discours terroristes ». Rapport du centre de prévention contre les dérives sectaire liées à l’islam. Voy. les conclusions de ce rapport, p. 29 et l’entretien avec D. Bouzar, p. 26.
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[9]
L. Martinez, 2008, « Structures, environnement et basculement dans le jihadisme ».Cultures et conflits, n° 69, pp. 133-156.
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[10]
J. Venhaus, 2010, « Why Youth Join al-Qaeda ? ». Special Report of United States Institute of Peace, 236.
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[11]
T. Kardas et O. Ozdemir, 2014, The Making of European Foreign Fighters. Analysis, 11
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[12]
O. Diaby, 2014, Reportage de Omar Diaby [Fichier vidéo] The man who recruits French fighters to Syria. Repéré à https://www.youtube.com/watch?v=kAtmbfilCjM.
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[13]
D. Bouzar, C. Caupenne et S. Valsan, 2014, La métamorphose opérée chez le jeune par les nouveaux discours terroristes. Rapport du centre de prévention contre les dérives sectaire liées à l’Islam.
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[14]
L. Martinez, 2008, « Structures, environnement et basculement dans le jihadisme ». Cultures et conflits, n° 69, pp. 133-156.
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[15]
E. Erez, G. Weimann et A. Weisburd, 2011, Jihad, Crime, and the Internet : Content Analysis of Jihadist Discussion Forums. Washington, DC : USDOJ.
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[16]
K. Klausen, 2015, Tweeting the Jihad : Social Media Networks of Western Foreign Fighters in Syria and Iraq. Studies in Conflict & Terrorism, 38(1).
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[17]
Muslim Scholars Release Open Letter To Islamic State Meticulously Blasting Its Ideology, 24 septembre 2014, Huffingtonpost. Repéré à http://www.huffingtonpost.com/2014/09/24/muslim-scholars-islamicstate_n_5878038.html
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[18]
K. Klausen, 2015, Tweeting the Jihad : Social Media Networks of Western Foreign Fighters in Syria and Iraq. Studies in Conflict & Terrorism, 38(1).
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[19]
« Comment le djihad recrute de jeunes Européens », 11 décembre 2014, Le Monde. Repéré à http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/12/11/comment-le-djihad-recrute-de-jeunes-europeens_4538753_3214.html