Notes
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[*]
Juriste, groupe Claris. Cet article fait partie du n°2 de la revue CLARIS téléchargeable « en ligne ». Voir annonce p.3 de ce numéro.
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[1]
Simplement, les premières sanctions pénales, dites éducatives, ne peuvent être prises avant dix ans. Quant aux peines, c’est à partir de treize ans qu’elles sont prononcées.
-
[2]
Article 1111.5 du code de santé publique, modifié par la loi Kouchner du 4 mars 2002.
-
[3]
Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, insérant les articles 225-12-1 et suivants dans le code pénal.
-
[4]
Loi n°2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance, art. 11 (J.O.°3/01/2004). Auparavant, le délit de violation du secret professionnel n’était pas applicable à « celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes sexuelles dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique ».
-
[5]
Loi n° 2006-1376 du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages (J.O n° 264 du 15/11/ 2006).
-
[6]
Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, art. 11 modifiant l’art. 122-8 du code pénal : « Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, dans des conditions fixées par une loi particulière qui détermine les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation dont ils peuvent faire l’objet.
Cette loi détermine également les sanctions éducatives qui peuvent être prononcées à l’encontre des mineurs de dix à dix-huit ans ainsi que les peines auxquelles peuvent être condamnés les mineurs de treize à dix-huit ans, en tenant compte de l’atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge ». -
[7]
Cass. crim., 13 décembre 1956, Laboube, Bull., 1956, n° 840. Selon cet arrêt, « il faut que le mineur dont la participation à l’acte matériel à lui reproché, ait compris et voulu cet acte… que son auteur ait agi avec intelligence et volonté »,.
-
[8]
UMP, « Contrat de législature 2007-2012 », p. 21.
-
[9]
Le 30 novembre 2006, Journal Officiel, Assemblée nationale.
-
[10]
Loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation de la justice ; loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ; loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales.
-
[11]
On lit à ce propos dans les propositions législatives précitées : « La séparation entre les fonctions de juge des enfants et de juge chargé de la protection de l’enfance en danger sera expérimentée pour un meilleur suivi des mineurs délinquants comme des mineurs victimes ». Cette réforme serait une étape de plus dans un processus très critiquable entamé depuis quelques années tendant à distinguer deux catégories de mineurs qui seraient bien distincts : les mineurs en danger et les mineurs délinquants.
-
[12]
Selon le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, le second alinéa de l’art. 20-2 de l’ordonnance de 1945 serait rédigé comme suit : « Toutefois, si le mineur est âgé de plus de seize ans, le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs peuvent décider qu’il n’y a pas lieu de faire application du premier alinéa, soit compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur, soit parce que les faits constituent une atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne et qu’ils ont été commis en état de récidive légale. Cette décision, prise par le tribunal pour enfants, doit être spécialement motivée, sauf si elle est justifiée par l’état de récidive légale » (projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, texte adopté, n° 623, Assemblée nationale, 5 décembre 2006).
-
[13]
Projet de loi, art. 35, introduisant un article 7-2 dans l’ordonnance de 1945 : « La procédure de composition pénale prévue par les articles 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale peut être appliquée aux mineurs âgés d’au moins treize ans lorsqu’elle apparaît adaptée à la personnalité de l’intéressé, dans les conditions prévues par le présent article (…) ».
-
[14]
Pourtant, selon l’article 40, IV de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, les États parties veillent en particulier à ce qu’un mineur ne puisse être contraint de s’avouer coupable.
-
[15]
Art. 768 et s. du code de procédure pénale. Cette inscription vaut durant trois ans à dater de la constatation de l’exécution de la mesure « (…) si la personne n’a pas, pendant ce délai, soit subi de condamnation à une peine criminelle ou correctionnelle, soit exécuté une nouvelle composition pénale » (art. 769, 6° CPP).
-
[16]
Pour le Garde des Sceaux, P. Clément, cette procédure « – et c’est important, compte tenu de la psychologie du jeune –, permet d’avoir une réponse rapide, ce qui n’est pas le cas avec la justice des mineurs. Plus la peine est prononcée rapidement, mieux c’est, surtout si elle est, en plus, acceptée » (30 novembre 2006, débat à l’Assemblée nationale, op. cit. note 9).
-
[17]
Le projet de loi prévoit une procédure de « comparution immédiate », moyennant l’accord du mineur et de son avocat et à défaut d’opposition des représentants légaux. Cette procédure remplace la « comparution à délai rapproché », et serait « (…) applicable aux mineurs qui encourent une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à un an [au lieu de trois] en cas de flagrance, ou supérieure ou égale à trois ans [au lieu de cinq] dans les autres cas. Elle ne peut être engagée que si des investigations sur les faits ne sont pas nécessaires et que si des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies, le cas échéant, à l’occasion d’une procédure antérieure de moins d’un an ».
-
[18]
Loi n°2006-396 du 31 mars 2006 (J.O. 2 avril 2006) introduisant l’article Art. L. 222-4-1 dans le code de l’action sociale et des familles (voy. L. Puech, « Mode de non-emploi à l’usage des professionnels », JDJ, n° 258, octobre 2006, p. 7-9 ; F. Jésu, « Délinquance des jeunes, les parents sont-ils responsables ? », JDJ n° 260, décembre 2006, p. 1-14.).
1La proposition faite par l’UMP dans le cadre de son programme législatif de 2007 d’un système de pré-majorité pour les mineurs est, sur le papier, une des plus novatrices. Simple gadget à des fins électoralistes, ou fruit d’une véritable réflexion sur le statut juridique du mineur ? Il est encore trop tôt pour l’apprécier. On peut néanmoins saisir cette opportunité pour amorcer un nécessaire débat sur ce statut incertain, régulièrement redéfini de lois en lois, sans jamais donner lieu à une analyse générale.
2Selon le projet UMP, la pré-majorité serait, « pour les adolescents de seize à dix-huit ans, responsables et engagés », un système d’ouverture de droits. Elle devrait par exemple, nous dit-on, permettre au mineur d’ouvrir une société, de diriger une association et de prendre un certain nombre de décisions, sauf refus express des parents.
1 – La pré-majorité, une nouveauté ?
3Une telle réforme est-elle au fond si novatrice ? À y regarder de près, le passage à la majorité ne marque plus aujourd’hui, comme c’était le cas hier, le passage de l’incapacité à la capacité juridique. Ainsi le mineur est-il déjà en mesure d’exercer nombre d’actes de la vie civile : il peut reconnaître son propre enfant, accoucher sous X, entreprendre des actes juridiques de faible portée (comme l’achat de biens de consommation) et saisir le juge des enfants s’il est en danger. Avec ses parents, il est en capacité de consentir à son adoption et à son changement de nom s’il a treize ans. Sur le terrain de la responsabilité, il est, tant civilement que pénalement, responsable de ses actes et des préjudices occasionnés et ce, sans limite d’âge [1].
4Par ailleurs, sur un autre terrain, il dispose d’une liberté sexuelle dès l’âge de quinze ans et peut accéder à la contraception, les filles pouvant même depuis 2000 et 2001 bénéficier d’une contraception d’urgence en établissement scolaire ou de l’IVG sans que leurs parents en soient informés. Dans le champ médical, le mineur peut consentir seul à des actes médicaux et même refuser que ses parents puissent consulter son dossier médical [2]. Avec les conseils d’enfants ou de jeunes, les premières expressions de sa citoyenneté n’attendent pas plus ses dix-huit ans. Enfin, la possibilité de conduite accompagnée dès l’âge de seize ans a modifié le régime et le sens du permis de conduire, dont l’obtention marquait souvent le passage à l’âge adulte.
5Ces quelques exemples montrent que la pré-majorité existe déjà, même si elle n’a pas fait l’objet de véritables réflexions, pas plus qu’elle n’a été théorisée en tant que telle.
2 – Une sédimentation textuelle sans fil conducteur
6De lois en lois, dans des domaines divers et variés, des tranches d’âge différentes sont posées sans cohérence avec les réformes précédentes. Un tableau pourrait d’ailleurs illustrer cette majorité graduelle avec, d’année en année, l’acquisition de prérogatives nouvelles, le passage aux dix-huit ans ne marquant finalement plus que l’ultime étape d’un processus largement entamé. Par ailleurs, en établissant que l’obligation d’entretien qui incombe aux parents ne cesse pas de plein droit à la majorité de l’enfant (réforme de l’autorité parentale de 2002), le législateur a d’une autre manière réduit l’impact de cet âge.
7Par ailleurs, et illustrant cette absence de réflexion globale, il arrive au législateur de poser des tranches d’âge extrêmement précises, pour ensuite les supprimer au profit du critère de « la faculté de discernement » du mineur. Mais il peut par la suite de nouveau les rétablir au gré de réformes ultérieures. C’est le cas du principe de recueil des sentiments du mineur devant le juge aux affaires familiales dans les instances de divorce : un jour, le jeune doit nécessairement être entendu s’il a atteint l’âge de treize ans, l’autre, cela dépend plus pragmatiquement de sa faculté de discernement
8Parfois, la suppression des tranches d’âge a pour objectif prétendu une meilleure protection des mineurs, car on les estime vulnérables. Ce fut le cas avec la loi Royal de 2002, qui pénalise les clients des mineurs prostitués en général [3], alors que les seuls clients sanctionnables étaient jusqu’alors les clients des prostitués de moins de quinze ans. Dans le même esprit protecteur, la réforme de 2004 du signalement de la maltraitance a modifié l’article 226.14 du code pénal pour permettre la levée du secret professionnel en cas de maltraitance ou de sévices sur mineurs, quel que soit leur âge, et pas uniquement pour ceux âgés de moins de quinze ans comme c’était le cas jusqu’alors [4]. Plus récemment, la possibilité de mariage des jeunes filles, auparavant ouverte à partir de l’âge de quinze ans, a été alignée sur celles des garçons, à savoir dix-huit ans [5].
9Mais à d’autres moments, l’affirmation de la notion de capacité de discernement a une vocation différente, plus déclarative que normative. Ainsi, lorsque la loi Perben de 2002 portant réforme de l’ordonnance de 1945 [6] tient à préciser que la responsabilité pénale du mineur découle de sa faculté de discernement, sans âge minimal, elle ne fait que confirmer une jurisprudence Laboube de la Cour de cassation de 1956 ! [7] A priori, on n’y verra qu’un affichage symbolique dépourvu d’effets – les premières sanctions prévues par les textes ne pouvant être prononcées qu’à dix ans. Pour autant, cette affirmation solennelle peut aussi préfigurer un abaissement à venir de l’âge des peines. Après tout est-il logique d’être déclaré pénalement responsable avant dix ans, si aucune mesure ne peut sanctionner cette responsabilité ?
3 – La pré-majorité, un piège ?
10Pour toutes ces raisons, il y a malheureusement fort à parier que cette notion de pré-majorité ne serve qu’à masquer le véritable objectif du projet : aligner le statut pénal des mineurs sur celui des majeurs. D’ailleurs, dans le même programme législatif, on peut lire quelques lignes plus loin : « L’ordonnance de 1945 sur le droit pénal des mineurs sera réformée, car un mineur de 2007 n’a rien à voir avec un mineur de 1945. Les mineurs multi-récidivistes âgés de seize à dix-huit ans seront jugés comme des adultes » [8]. Le lien entre ces deux propositions est évident, et ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’idée d’une pré-majorité, non dénuée d’arrières pensées, est ainsi avancée. En 1998, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’intérieur, envisageait de faire passer la majorité des jeunes étrangers à seize ans, confronté qu’il était à l’interdiction légale d’éloigner du territoire les mineurs isolés. Il suffisait, imaginait-il, de baisser l’âge de la majorité pour les jeunes étrangers à seize ans pour, de facto, régler cette difficulté.
11Il est de toute façon clair que le statut civil du mineur n’est jamais séparable de son statut pénal. Il serait par exemple aisé de montrer que les grandes avancées sur le terrain des droits des mineurs (loi Kouchner 2002) se sont toujours accompagnées, dans le même temps ou dans la foulée, d’un renforcement des sanctions à leur égard (loi Perben 2002). Il serait également intéressant, en droit comparé, de montrer que les pays où les mineurs sont considérés comme incapables (c’est par exemple le cas de l’Espagne) sont ceux où leur statut pénal est finalement le moins sévère, alors qu’à l’inverse, ceux qui leur reconnaissent très tôt des droits sont également les plus exigeants (Royaume Uni, États-Unis).
12Le statut civil ne peut donc être isolé du statut pénal, pas plus que les droits ne le sont des devoirs. Dès lors que le mineur est reconnu de plus en plus capable, il est nécessairement de plus en plus responsable. Rappelons l’expression précitée du programme de l’UMP : « responsable et engagé ». En ce sens, les nombreux durcissements de l’ordonnance de 1945 sont un revers pervers mais logique de l’affirmation de plus en plus grande des droits de l’enfant. Et la ficelle est évidemment grosse : une pré-majorité qui le serait pour le meilleur ne le serait pas pour le pire ?
13Pour illustrer ce lien entre ces deux statuts, civil et pénal, il suffit de lire les propos du rapporteur du projet de loi de prévention de la délinquance à l’Assemblée nationale : « Notre droit positif fait de la tranche des seize-dix-huit ans une catégorie particulière, ce qui n’est pas anormal puisque, pour ne prendre que cet exemple, le code civil permet à un mineur d’être émancipé à partir de seize ans. Cela veut dire que, dans un certain nombre de cas, certes après une décision, on peut considérer que le mineur est un adulte à partir de seize ans puisque le code civil lui accorde les mêmes droits et devoirs qu’à un adulte » [9].
14Qu’ont à perdre les mineurs, et en particulier ceux âgés de seize ans, si cette réforme aboutissait ? S’il a certes vu son statut s’aligner de plus en plus sur celui du majeur (lois Perben 1 et 2, loi portant réforme de la récidive [10]) le mineur continue aujourd’hui de bénéficier de quelques protections. Ainsi, si sa garde à vue peut être de 96 heures, comme un majeur, en cas de délit en bande organisée (loi Perben 2), elle reste néanmoins régie par des garanties spécifiques (avocat, médecin, enregistrement vidéo, etc.). De même, si un mineur peut être condamné comme un majeur, ce n’est qu’à condition d’une décision spécialement motivée de la juridiction pour mineurs. Par ailleurs, il continue à bénéficier d’un accompagnement par un service spécifique (PJJ), du suivi par un juge spécialisé – le juge des enfants [11] –, de mesures de placement spécifiques, de régimes de détention provisoire et d’incarcération différents de celui des majeurs. Bref, autant de garanties qui disparaîtraient si la notion de pré-majorité était adoptée.
4 – La loi relative à la prévention de la délinquance : un laboratoire de la pré-majorité
15La loi actuellement en cours de discussion préfigure largement ce que sera la pré-majorité. Ainsi, le texte entend modifier l’article 20-2 de l’ordonnance de 1945 qui permettait, à titre exceptionnel et par ordonnance motivée, de déroger pour les seize-dix-huit ans au principe selon lequel les peines encourues sont moitié moindre de celle des majeurs [12]. Le schéma proposé renverse l’exigence de motivation en cas d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne en état de récidive légale. Dans ce cas la juridiction devra spécialement motiver le fait qu’elle fait jouer l’excuse de minorité.
16Dans le même esprit, le mineur pourra désormais accepter une mesure de composition pénale que le procureur lui proposera, comme alternative aux poursuites [13]. Cette mesure pourra prendre différentes formes : accomplissement d’un stage de formation civique, suivi régulier d’une scolarité ou d’une formation professionnelle, respect d’une décision antérieure de placement dans une structure d’éducation ou de formation professionnelle habilitée, consultation d’un psychiatre ou d’un psychologue ou exécution d’une mesure d’activité de jour. Par l’extension de la composition pénale aux mineurs, la loi reconnaît explicitement à ces derniers une triple capacité : la capacité de reconnaître sa culpabilité sans être jugé [14], la capacité d’accepter une mention au casier judiciaire qui pourrait par la suite leur être préjudiciable [15], enfin celle de respecter un engagement pour une durée pouvant aller jusqu’à un an, sous peine que l’action publique ne s’ouvre. Calée sur la reconnaissance préalable de culpabilité de la loi Perben 2, cette procédure repose sur le même objectif de célérité, très éloigné de la volonté éducative de l’ordonnance de 1945, et contourne le juge de l’éducation – le juge des enfants – dont le rôle se limite à une simple homologation de l’accord passé [16].
17De la même manière, il sera désormais en mesure de décider d’être présenté ou non immédiatement au tribunal pour enfants.
18Avec le risque d’y être jugé sans évaluation sociale et avec une défense pénale restreinte [17]. Enfin, à chaque fois, outre sa responsabilité pénale éventuelle, ces procédures le reconnaissent capable de décider de ce qui est ou non dans son intérêt, de présager ce sur quoi il peut s’engager. Or n’est-ce pas justement le propre de la minorité et de la vulnérabilité qui l’accompagne, que d’avoir une vision parcellaire, souvent à court terme, de ce qui est souhaitable ?
19Sans conclure sur un débat qui ne fait que commencer, ouvrons deux autres champs d’interrogation. Le premier porte sur les incidences d’une telle pré-majorité sur le système de protection de l’enfance. Il y a fort à craindre que la reconnaissance d’une réelle capacité du mineur dès l’âge de seize ans, et par voie de conséquence le déni de sa vulnérabilité, émiette les fondamentaux de l’aide sociale à l’enfance. En effet, y aura-t-il encore lieu de protéger un mineur déjà pré-majeur ?
20La deuxième interrogation porte sur les parents. L’affirmation de l’autonomie du mineur a pour corollaire une diminution des prérogatives conférées à l’autorité parentale. Or, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, une série impressionnante de réformes engagées ces dernières années ont visé, soit à enclencher la responsabilité pénale des parents du fait de leur carence éducative, soit à les engager sous contrainte dans un contrat de responsabilité parentale (loi « pour l’égalité des chances » [18]), les astreindre à passer devant un conseil des droits et devoirs des familles (loi de prévention de la délinquance) pour suivre un contrat d’accompagnement parental ou encore suspendre ou mettre sous tutelle leurs prestations familiales. Est-il logique de considérer à la fois le mineur pleinement responsable de ses actes, d’une entière capacité, et en même temps sanctionner ses parents pour les mêmes faits ?
Bibliographie
Bibliographie
- Neirinck C. (dir.), La famille que je veux, quand je veux ? Évolution du droit de la famille, Éres, 2003.
- Lemouland J. (dir.), La condition juridique du mineur, Carré droit, Litec, 2004.
de Singly F., Enfants adultes, vers une égalité de statuts ?, Encyclopédie universalis, 2004. - Daadouch C., L’autorité parentale, MB édition, 2004.
Notes
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[*]
Juriste, groupe Claris. Cet article fait partie du n°2 de la revue CLARIS téléchargeable « en ligne ». Voir annonce p.3 de ce numéro.
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[1]
Simplement, les premières sanctions pénales, dites éducatives, ne peuvent être prises avant dix ans. Quant aux peines, c’est à partir de treize ans qu’elles sont prononcées.
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[2]
Article 1111.5 du code de santé publique, modifié par la loi Kouchner du 4 mars 2002.
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[3]
Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, insérant les articles 225-12-1 et suivants dans le code pénal.
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[4]
Loi n°2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance, art. 11 (J.O.°3/01/2004). Auparavant, le délit de violation du secret professionnel n’était pas applicable à « celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes sexuelles dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique ».
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[5]
Loi n° 2006-1376 du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages (J.O n° 264 du 15/11/ 2006).
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[6]
Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, art. 11 modifiant l’art. 122-8 du code pénal : « Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, dans des conditions fixées par une loi particulière qui détermine les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation dont ils peuvent faire l’objet.
Cette loi détermine également les sanctions éducatives qui peuvent être prononcées à l’encontre des mineurs de dix à dix-huit ans ainsi que les peines auxquelles peuvent être condamnés les mineurs de treize à dix-huit ans, en tenant compte de l’atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge ». -
[7]
Cass. crim., 13 décembre 1956, Laboube, Bull., 1956, n° 840. Selon cet arrêt, « il faut que le mineur dont la participation à l’acte matériel à lui reproché, ait compris et voulu cet acte… que son auteur ait agi avec intelligence et volonté »,.
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[8]
UMP, « Contrat de législature 2007-2012 », p. 21.
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[9]
Le 30 novembre 2006, Journal Officiel, Assemblée nationale.
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[10]
Loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation de la justice ; loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ; loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales.
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[11]
On lit à ce propos dans les propositions législatives précitées : « La séparation entre les fonctions de juge des enfants et de juge chargé de la protection de l’enfance en danger sera expérimentée pour un meilleur suivi des mineurs délinquants comme des mineurs victimes ». Cette réforme serait une étape de plus dans un processus très critiquable entamé depuis quelques années tendant à distinguer deux catégories de mineurs qui seraient bien distincts : les mineurs en danger et les mineurs délinquants.
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[12]
Selon le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, le second alinéa de l’art. 20-2 de l’ordonnance de 1945 serait rédigé comme suit : « Toutefois, si le mineur est âgé de plus de seize ans, le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs peuvent décider qu’il n’y a pas lieu de faire application du premier alinéa, soit compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur, soit parce que les faits constituent une atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne et qu’ils ont été commis en état de récidive légale. Cette décision, prise par le tribunal pour enfants, doit être spécialement motivée, sauf si elle est justifiée par l’état de récidive légale » (projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, texte adopté, n° 623, Assemblée nationale, 5 décembre 2006).
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[13]
Projet de loi, art. 35, introduisant un article 7-2 dans l’ordonnance de 1945 : « La procédure de composition pénale prévue par les articles 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale peut être appliquée aux mineurs âgés d’au moins treize ans lorsqu’elle apparaît adaptée à la personnalité de l’intéressé, dans les conditions prévues par le présent article (…) ».
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[14]
Pourtant, selon l’article 40, IV de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, les États parties veillent en particulier à ce qu’un mineur ne puisse être contraint de s’avouer coupable.
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[15]
Art. 768 et s. du code de procédure pénale. Cette inscription vaut durant trois ans à dater de la constatation de l’exécution de la mesure « (…) si la personne n’a pas, pendant ce délai, soit subi de condamnation à une peine criminelle ou correctionnelle, soit exécuté une nouvelle composition pénale » (art. 769, 6° CPP).
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[16]
Pour le Garde des Sceaux, P. Clément, cette procédure « – et c’est important, compte tenu de la psychologie du jeune –, permet d’avoir une réponse rapide, ce qui n’est pas le cas avec la justice des mineurs. Plus la peine est prononcée rapidement, mieux c’est, surtout si elle est, en plus, acceptée » (30 novembre 2006, débat à l’Assemblée nationale, op. cit. note 9).
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[17]
Le projet de loi prévoit une procédure de « comparution immédiate », moyennant l’accord du mineur et de son avocat et à défaut d’opposition des représentants légaux. Cette procédure remplace la « comparution à délai rapproché », et serait « (…) applicable aux mineurs qui encourent une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à un an [au lieu de trois] en cas de flagrance, ou supérieure ou égale à trois ans [au lieu de cinq] dans les autres cas. Elle ne peut être engagée que si des investigations sur les faits ne sont pas nécessaires et que si des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies, le cas échéant, à l’occasion d’une procédure antérieure de moins d’un an ».
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[18]
Loi n°2006-396 du 31 mars 2006 (J.O. 2 avril 2006) introduisant l’article Art. L. 222-4-1 dans le code de l’action sociale et des familles (voy. L. Puech, « Mode de non-emploi à l’usage des professionnels », JDJ, n° 258, octobre 2006, p. 7-9 ; F. Jésu, « Délinquance des jeunes, les parents sont-ils responsables ? », JDJ n° 260, décembre 2006, p. 1-14.).