Nommer violences des actes, des comportements implique un arrachement aux normes qui régissent un groupe et leur contestation potentielle. Le terme de violence comporte une négativité contradictoire avec l’orientation première de l’anthropologie pour des sociétés autres, lointaines qu’elle s’efforce de comprendre avec un regard positif, bienveillant. La désignation de violences constitue ainsi une émergence relativement récente pour les anthropologues, toujours soucieux de se dégager de tout jugement ethnocentré.
Les anthropologues se sont intéressés, dès l’abord, à des phénomènes rituels et symboliques qui étaient au fondement même de leur discipline, sans mettre l’accent sur la dimension de violence qu’ils y décelaient. Ils les ont décrits et ont analysé les significations multiples que ces phénomènes peuvent revêtir dans chaque système social ou chaque religion institutionnalisée sans insister sur ce qui aujourd’hui est pensé comme leur violence intrinsèque (Aubrée, 2004). Toutefois, si l’interprétation du rite s’attache à dévoiler son sens structurel et collectif, elle occulte en revanche inévitablement la dimension de souffrance personnelle des acteurs et leur soumission au pouvoir symbolique qui tire son autorité de la tradition. Ainsi, l’appréhension historique par les anthropologues de l’excision est, de ce point de vue, exemplaire si l’on se souvient que, jusque dans les années 1980, cette pratique coutumière destinée à « fabriquer socialement des femmes » était vue par nombre d’entre eux comme devant s’éteindre grâce à la dynamique propre au développement de l’éducation « civilisatrice »…