Couverture de JALMALV_143

Article de revue

Compte rendu d’actualités

Pages 103 à 110

Notes

L’épidémie de Covid-19 se prolonge

1La première vague de l’épidémie de Covid-19 a laissé quelque répit au cours des mois d’été. Parmi les nombreux débats auxquels la presse a fait écho, on relèvera l’accusation faite aux services de réanimation d’avoir procédé à un tri des patients dans lequel les malades âgés auraient été défavorisés au profit des plus jeunes [1]. Nous n’avons pas trouvé de témoignage de première main accréditant cette accusation qui nous paraît particulièrement grave. Les réanimateurs français, au sein de leurs organisations professionnelles, ont depuis longtemps conduit une réflexion éthique dans leur discipline. Ce qui nous paraît vraisemblable c’est que, chez certains patients très âgés et atteints de formes sévères de la maladie, la mise en route d’une réanimation ait été écartée pour éviter à ces patients l’épreuve trop lourde d’une obstination déraisonnable.

2La deuxième vague de l’épidémie de Covid-19 amorcée aux mois de juillet et d’août se confirme en septembre : plus de 10 000 cas sont déclarés chaque jour entre le 10 septembre et le 2 octobre. Il s’agit en majorité de cas sans gravité ou même seulement de porteurs asymptomatiques détectés par le dépistage, mais on assiste également à une augmentation inquiétante des hospitalisations (autour de 600 par jour) et des admissions en réanimation (entre 60 et 120 par jour). Toutefois, le taux d’occupation des lits de réanimation reste faible (25 % le 2 octobre) par rapport à ce qui avait été observé en mars et en avril (jusqu’à 130 %). On a compté 1494 décès entre le 1er septembre et le 2 octobre dont 267 dans des Ehpad. Le nombre de tests pratiqués dépasse 11 millions et le taux de positivité reste faible à l’échelon national, autour de 4 % ; mais de nombreux clusters ont été repérés – plus de 300 au 30 septembre – ce qui traduit une circulation active du virus et explique les mesures restrictives prises dans plusieurs villes ou agglomérations.

3Les conséquences économiques de cette épidémie sont énormes ; elles sortent du domaine de compétence de cette revue. Il suffit de citer ce titre du journal Le Monde du 30 septembre : « chute abyssale des comptes de la Sécurité sociale » et d’y lire le montant de ce déficit pour 2020 : 44, 4 milliards d’euros.

4Dans les Ehpad, les visites ont été à nouveau possibles à partir du 20 avril, d’abord dans des conditions très strictes, puis de façon plus normale à partir du mois de juin : limitation du nombre de visiteurs à deux, désinfection des mains et port du masque, identification des visiteurs. Les résidents n’ont plus été confinés dans leurs chambres et les animations ont pu reprendre. Beaucoup d’observateurs – soignants, médecins coordinateurs, proches – ont constaté, au cours du confinement, une dégradation de l’état psychique des résidents, qu’il s’agisse de l’aggravation des troubles cognitifs ou d’une altération de l’humeur. Le confinement des résidents a été considéré, dans l’opinion, comme une maltraitance ; pour cette raison sans doute, le président de la République, dans un discours daté du 22 septembre a écarté définitivement leur « reconfinement ». On ne dira pas assez ici le dévouement dont ont fait preuve les soignants des Ehpad pour assumer le surcroît de tâches exigé par les mesures de prévention et par le remplacement, souvent à l’improviste, des collègues contaminés par le virus. On ne les remerciera pas assez non plus pour ce qu’ils ont imaginé pour conserver à leurs résidents confinés un peu de vie sociale et de témoignages d’affection. Citons par exemple la possibilité offerte aux résidents de s’entretenir avec leurs proches par téléphone ou par visiophonie. Au début octobre, les directeurs d’Ehpad restent inquiets par le risque de contamination de leurs résidents mais aussi de leur personnel, tant leur est difficile, voire impossible, le recrutement de personnel intérimaire.

5Les bénévoles, en service hospitalier comme en Ehpad, ont dû cesser leur activité pendant la période de confinement. Pierre Reboul, dans le n° 142 [2] de cette revue, rend compte de ce qu’a pu être leur vécu psychologique. La Sfap [3] a cherché à recenser les initiatives prises par les associations ou les bénévoles eux-mêmes ; maintien d’un lien téléphonique avec les équipes soignantes ou encore avec des malades connus, participation à la plateforme d’écoute « Mieux traverser le deuil », soutien de familles frappées par la maladie ou le décès d’un malade atteint par la Covid-19, etc. À la levée du confinement, certains bénévoles ont repris leur accompagnement, d’autres, par prudence ou besoin de recul, ne l’ont pas encore repris. Certains redoutent que le masque soit un obstacle à la qualité de la relation d’accompagnement, en particulier avec les patients malentendants. D’autres estiment que le port du masque étant généralisé, les patients y sont habitués.

Le « Ségur de la santé » : conclusions

6Nous rendions compte dans notre n° 142 [4] des objectifs de la grande consultation organisée avenue de Ségur par le ministre des Solidarités et de la Santé à partir du 20 mai 2020. Le ministre lui-même, monsieur Olivier Véran, en a rendu publiques les conclusions le 21 juillet 2020 [5]. Un dossier de presse de 55 pages donne le détail de ces conclusions. La presse n’en a généralement retenu que le volet financier soit un total de 9,1 milliards d’euros, pour la plus grosse partie consacrés à l’augmentation des salaires des professions paramédicales et non médicales dans les hôpitaux et les établissements médico-sociaux. Mais les 33 mesures envisagées vont au-delà. Le nombre des places dans les instituts de formation en soins infirmiers et au métier d’aide-soignant.e sera augmenté. Plusieurs mesures seront prises pour renforcer la coopération entre l’hôpital et la médecine de ville, dans le but notamment de favoriser l’accès aux soins et de désengorger les services d’urgence. Une réorganisation de la gouvernance des hôpitaux redonnera plus de poids aux commissions médicales d’établissement. Des mesures seront prises pour éviter, ou si besoin résoudre, les conflits au sein des équipes de soin.

7La mesure n° 28 se donne pour but de « pérenniser sur les territoires des astreintes sanitaires au bénéfice des établissements d’hébergement des personnes âgées mises en place pendant la crise du Covid-19, de structurer dans chaque territoire des parcours d’admissions directes non programmées à l’hôpital pour les personnes âgées pour éviter les passages aux urgences inutiles, de renforcer le déploiement des équipes mobiles et les interventions de l’hospitalisation à domicile (HAD) et des professionnels libéraux sur les lieux de vie des personnes âgées, et enfin de renforcer le dispositif de présence (garde ou astreinte) infirmière la nuit dans les Ehpad. »

8La lecture de ce dossier montre que les revendications des soignants ont été entendues. Par exemple, sans supprimer la T2A (tarification à l’activité), le rapport s’engage à en diminuer les effets sur la qualité des soins. L’un des objectifs affichés est de « simplifier les organisations et le quotidien des équipes de santé pour qu’ils se consacrent en priorité à leurs patients ».

Le congé de proche aidant

9Un décret du 1er octobre 2020 [6] fixe les modalités d’attribution de l’« allocation journalière de proche aidant et de l’allocation journalière de présence parentale ». « Le congé de proche aidant remplace le congé de soutien familial depuis 2017. Il permet de cesser temporairement son activité professionnelle pour s’occuper d’une personne handicapée ou faisant l’objet d’une perte d’autonomie d’une particulière gravité. » La durée du congé est fixée à trois mois mais peut être prolongée. Le décret détaille les démarches à faire et fixe le calcul du montant de l’allocation.

Loi relative à la dette sociale et à l’autonomie

10Nous avions détaillé dans notre n° 142 [7] le projet de loi sur la prise en charge de la dépendance, encore désigné, dans la presse, par le terme de « 5e branche ». Il s’agirait du financement, par la Sécurité Sociale, des frais ou d’une partie des frais relatifs aux soins et à l’hébergement des personnes dépendantes, soit du fait d’un handicap, soit du fait de l’âge. Ceci n’est encore qu’un projet, celui d’une « loi grand âge et autonomie » qui devait être discuté en septembre ou octobre 2020.

11La loi organique votée le 7 août 2020 (n° 2020-992) ne permettra pour le moment que le financement des augmentations de salaires et les recrutements de personnel qui découlent du « Ségur de la santé ». Cette loi « […] autorise le fléchage vers la perte d’autonomie, à partir du 1er janvier 2024, d’une fraction de contribution sociale généralisée (CSG) – 0,15 point soit 2,3 milliards d’euros – aujourd’hui consacrée au remboursement de la dette sociale. Il s’agit d’affecter à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) un quart de la CSG actuellement affectée à la Cades [8]. »

12La prise en charge du « cinquième risque », au jour où nous rédigeons cet article, reste donc à l’état de projet. Son financement, comme l’indique déjà la loi du 7 août, reposerait entre autres sur une augmentation de la CSG. Un rapport rédigé à la demande du ministre des Solidarités et de la Santé par M. Laurent Vachey [9] évalue le budget dont devra disposer la CNSA pour faire face aux dépenses qui résulteront de la « loi grand âge et autonomie » en projet. Le rapport énumère plusieurs autres mesures dont une réforme des droits de succession, l’abaissement du crédit d’impôt pour les employeurs d’une aide à domicile, la suppression de l’exonération de cotisations sociales sur les emplois à domicile, la suppression de l’abattement forfaitaire de 10 % sur le montant des retraites, l’alignement de la CSG des retraités les plus aisés sur celle des actifs, etc.

Fin de vie et questions éthiques

13Un patient de 55 ans, monsieur Alain Coq, atteint depuis sa jeunesse d’une maladie orpheline douloureuse, a écrit le 20 juillet au président de la République pour demander « le droit à une mort digne ». Militant de longue date de l’association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), il souhaitait avoir le droit de recourir à l’euthanasie. Sa demande étant rejetée, il a, dans un premier temps, refusé de s’alimenter. Il a été ensuite admis, à sa demande, dans un service de soins palliatifs. La Sfap a publié un communiqué dans lequel elle rappelle les termes de la loi Claeys-Leonetti ainsi que les moyens de soulagement qu’offrent les soins palliatifs [10].

14L’église catholique, dans un texte rendu public le 20 septembre par la Congrégation pour la doctrine de la foi [11] expose dans le détail sa doctrine sur la fin de la vie. Sans surprise, elle rejette l’euthanasie et le suicide médicalement assisté. Elle rejette formellement aussi « l’acharnement thérapeutique » : « Dans l’imminence d’une mort inévitable, il est donc légitime, sur le plan de la science et de la conscience, de prendre la décision de renoncer à des traitements qui ne feraient qu’entraîner une prolongation précaire et pénible de la vie, sans toutefois interrompre les soins normaux dus au malade dans de tels cas. » La nutrition et l’hydratation sont considérées comme un soin et doivent être poursuivies comme tels même en fin de vie. Toutefois, « lorsque l’apport de nutriments et de liquides physiologiques ne présente aucun avantage pour le patient parce que son corps n’est plus capable de les absorber ou de les métaboliser, leur administration doit être suspendue ». Le texte reconnaît une place à la sédation en phase terminale. Ce texte long est intéressant pour celles et ceux de nos lecteurs qui souhaitent connaître les fondements théologiques et moraux de cette position.


Date de mise en ligne : 16/12/2020

https://doi.org/10.3917/jalmalv.143.0103

Notes

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

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