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Article de revue

Actualités médicales soignantes

Recommandations pour la pratique de la sédation en situation palliative

Pages 79 à 84

1On se souvient que la loi du 2 février 2016 s’était saisie de la pratique sédative en soins palliatifs pour en faire un nouveau droit pour les malades en phase terminale. Elle accorde au patient se sachant atteint d’une maladie incurable avec un pronostic vital engagé à court terme, le droit de demander une sédation profonde et continue jusqu’au décès, dans certaines circonstances. La question polémique du sens profond de cette sédation a déjà été largement débattue, notamment dans cette revue. Une autre difficulté est la mise en œuvre concrète de ce type de traitement. On constate, en effet, des pratiques diverses selon les équipes, sans véritable consensus. L’HAS [1] s’est donc saisie de cette question pour proposer un guide de parcours de soins : « Comment mettre en œuvre une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCMD) ? [2] ».

2Faisant référence aux travaux de la SFAP, ce guide a le mérite de rappeler, en préambule, que la SPCMD n’est qu’un type de sédation parmi d’autres. Elle renvoie en particulier aux notions fondamentales de proportionnalité (profondeur de somnolence selon l’intensité vécue du symptôme par le patient), et de réversibilité potentielle de la sédation, qui guide la pratique habituelle de la sédation en soins palliatifs (cf. infra). Elle rappelle également que cette alternative est bien à distinguer d’une réponse à une demande d’euthanasie, en particulier en termes d’intentionnalité (soulager la souffrance et non provoquer la mort) et de temporalité (survenue du décès par évolution naturelle de la maladie et non immédiatement).

3Les indications de la SPCMD sont rappelées selon les termes de la loi. « Un patient peut demander une SPCMD dans les deux situations suivantes : s’il présente une souffrance réfractaire aux traitements alors qu’il est atteint d’une affection grave et incurable et que le pronostic vital est engagé à court terme, ou si, atteint d’une affection grave et incurable, il décide d’arrêter un traitement et que cette décision engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable ». La deuxième grande indication est celle d’un « patient qui ne peut pas exprimer sa volonté : si le médecin arrête un traitement de maintien en vie au titre du refus de l’obstination déraisonnable, il met en œuvre une SPCMD sauf si le patient s’y est opposé dans ses directives anticipées ». Les démarches d’équipe suggérées devant chacune de ces situations sont largement développées dans des chapitres respectifs, en insistant sur l’information et le dialogue avec le patient, son entourage, l’équipe de soins.

Clarification de l’indication

4Ce guide propose des prérequis d’évaluation de la situation clinique du patient et de clarification de l’indication. Il s’agit de comprendre et d’analyser la demande du patient, par des entretiens répétés, en s’appuyant sur une démarche pluri-professionnelle, si besoin avec l’aide d’une équipe compétente en soins palliatifs. Cette évaluation s’attache à comprendre « le contexte psychologique (souffrance psychologique, anxiété, etc.) ; les savoirs, attentes, craintes, représentations et incertitudes du patient vis-à‑vis des traitements proposés et des conditions de son décès ; les raisons de demandes autres que le soulagement de la souffrance : demande ou espoir d’accélérer la survenue de la mort ou de la maîtriser, alternative à l’euthanasie ou au suicide assisté, peur de souffrir, etc. »

5Il faut noter que cette démarche n’exclut pas les personnes mineures, mais exige des précautions à prendre : évaluer la maturité de l’enfant, associer les parents à la réflexion, les soutenir, ceci dans une démarche triangulaire (enfant, parents, soignants).

6Le cadre de la procédure collégiale avant toute décision de SPCMD est rappelé et explicité en insistant sur son caractère pluri-professionnel, avec le recours obligatoire à un médecin extérieur à l’équipe, permettant un processus de délibération collective argumentée et potentiellement contradictoire. Outre la vérification du respect de l’indication, cette discussion vise une compréhension globale de la situation, une évaluation des capacités de discernement du patient mais surtout de ses motivations profondes afin de ne pas passer à côté d’une souffrance exprimée à travers cette demande de sédation mais révélatrice d’une autre problématique. Une place au doute et à l’incertitude est explicitement suggérée…

7Des définitions de la souffrance réfractaire (aux thérapeutiques en place et à l’accompagnement) et du pronostic vital engagé à court terme (quelques heures à quelques jours) sont proposées, là encore en référence aux travaux de la SFAP, en insistant sur une démarche évaluative répétée (dans des délais raisonnables pour ne pas retarder le soulagement du patient).

8La mise en œuvre de la sédation est soumise à une estimation des compétences et des capacités d’organisation des équipes selon les lieux de soins (hôpital, EHPAD, domicile). En particulier, la perspective d’une sédation à domicile et/ou en EHPAD dépend de la disponibilité immédiate d’une infirmière et des conseils d’un médecin. Dans le cas contraire, une hospitalisation à domicile (HAD) est préconisée.

9Des propositions de médications sont précisées dans ce guide, qui reconnaît l’absence de produit ayant une autorisation de mise sur le marché pour l’indication de sédation en phase terminale. Les médications relativement consensuelles sont indiquées en précisant que des recommandations de bonnes pratiques de l’HAS et de l’ANSM [3] devraient suivre.

La grille SEDAPALL

10De son côté, la SFAP, dans le cadre de groupes de travail multidisciplinaires coordonnés par le docteur François Guirimand de l’établissement Jeanne Garnier à Paris, a proposé des fiches repères [4] concernant les pratiques de sédations en soins palliatifs. L’utilisation du pluriel vise à rappeler qu’il existe en soins palliatifs d’autres pratiques de sédation que la SPCMD, avec des recommandations établies depuis bientôt dix ans. L’outil déterminant de ces fiches est la grille SEDAPALL qui permet de décrire chaque type de sédation selon trois critères principaux que sont : sa durée, sa profondeur et le niveau de consentement.

11Critère de la durée : il s’agit de distinguer une sédation prescrite comme transitoire et réversible, (le temps d’un soin pénible, ou pour une insomnie réfractaire au traitement, ou pour passer un cap aigu d’épuisement psychologique), d’une sédation prescrite pour une durée indéterminée devant une situation de crise potentiellement réversible (hémorragie aiguë extériorisée, crise asphyxique), avec levée de la sédation en cas de récupération clinique grâce au reste de la prise en charge. Le troisième cas de figure est la SPCMD selon les termes de la loi. Ce critère de durée renvoie donc au discernement de la bonne indication après une évaluation rigoureuse et parfois anticipée en cas de risque de décompensation aiguë (ex. risque hémorragique).

12Critère de profondeur : il implique l’application du principe de proportionnalité du soin, l’objectif étant de trouver la dose de sédatif minimale permettant un soulagement du vécu pénible du patient en relation avec le symptôme réfractaire, en limitant autant que possible la suppression de la conscience et de la communication. Ce critère exige donc un suivi rigoureux avec une évaluation clinique régulière.

13Critère du consentement : il est primordial comme dans toute prescription même si certaines circonstances ne le permettent pas toujours, comme le contexte de l’urgence ou le patient non en état de donner un consentement. Ce recueil n’est pas toujours facile à aborder surtout dans le cas de protocoles anticipés « en cas d’aggravation ». Dans le cadre de la SPCMD, il ne s’agit pas vraiment d’un consentement stricto sensu dans le cas où le patient lui-même en fait la demande…

14Cet outil SEDAPALL devrait, dans un premier temps, permettre à travers une étude nationale, de décrire les différentes pratiques de sédation dans notre pays, mais aussi offrir un outil pédagogique et d’aide à la décision dans ces indications.

15Les autres fiches repères apportent des éclairages sur les notions de souffrance réfractaire (« si tous les moyens thérapeutiques et d’accompagnement disponibles et adaptés ont été proposés et/ou mis en œuvre sans obtenir le soulagement escompté par le patient, ou qu’ils entraînent des effets indésirables inacceptables, ou que leurs effets thérapeutiques ne sont pas susceptibles d’agir dans un délai acceptable ») et de pronostic vital engagé à court terme (espérance de vie de quelques heures à quelques jours), ainsi que des propositions de bonnes pratiques médicamenteuses pour la sédation dans l’état actuel des données scientifiques (faibles) et des consensus de pratiques actuelles.

16Enfin, la SFAP a encouragé une dynamique de recherche en soins palliatifs, notamment en ce qui concerne la sédation. Une étude multicentrique nationale sur les pratiques sédatives, coordonnée au CHU de Bordeaux par le professeur Burucoa, a été lancée au 2e semestre 2018. Elle s’intitule « S2P » (sédation palliative en phase terminale). L’objectif principal est de décrire avec ­précision les pratiques des différentes équipes en France (indications, organisations, etc.). D’autres équipes ont également amorcé des études centrées sur la pharmacologie, pour enrichir l’éventail de produits accessibles pour des applications plus ajustées aux besoins de chaque patient. Dans ses recommandations, le dernier rapport de l’IGAS [5] évaluant la loi du 2 février 2016 insiste sur ce volet recherche concernant la sédation, ainsi que sur le besoin en formation, la communication avec les patients, la traçabilité dans les rapports d’activité des établissements…

17L’ensemble de ce travail de clarification est donc important, même si nombre de professionnels de soins palliatifs s’inquiètent de la part accordée à cette thématique de la sédation qui ne reste qu’une partie limitée des pratiques de soins et d’accompagnement des patients en phase terminale. Or l’insistance des tutelles à faire appliquer la nouvelle loi (comme l’idée d’exiger la traçabilité du nombre de sédations demandées et appliquées) pourrait envoyer le message implicite qu’il s’agit du seul modèle de prise en charge de la fin de vie.


Date de mise en ligne : 26/12/2018

https://doi.org/10.3917/jalmalv.135.0079

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