Couverture de JALMALV_125

Article de revue

Compte rendu d’actualités

Pages 97 à 103

Notes

Loi du 2 février 2016 [1] créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie

1 La loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie a été publiée au Journal Officiel du 3 février 2016. Nous en avons longuement parlé ici même au fur et à mesure que le projet était discuté. Rappelons qu’une commission parlementaire présidée par Monsieur Alain Claeys et co-présidée par Monsieur Jean Leonetti avait été chargée de modifier la loi du 22 avril 2005 en sorte de prendre en compte davantage le désir des patients de voir leur volonté respectée et leur « fin de vie apaisée ». Le texte adopté le 2 février 2016 ne légalise ni ne dépénalise l’euthanasie. Il renforce les mesures qui doivent permettre un meilleur accès de tous aux soins palliatifs. Il donne force de loi à quatre dispositions nouvelles :

2 1 – Il désigne la nutrition et l’hydratation artificielles comme des traitements qui, par conséquent, peuvent et doivent être suspendus « lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable. » (art. 1110-5). Cette disposition est conforme à la décision prise par le Conseil d’État le 24 juin 2014 à propos de Monsieur Vincent Lambert ; elle soulèvera sans doute les réserves et l’opposition d’une partie des autorités religieuses de notre pays.

3 2 – Il donne droit aux patients de recevoir « une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès » dans deux cas très précis :

4 « 1° Lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements ; »

5 « 2° Lorsque la décision du patient atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable […] La même règle est appliquée au cas où l’arrêt du traitement est décidé sur avis de la personne de confiance ou du médecin ; la décision est prise alors selon un mode collégial. La sédation peut avoir lieu au domicile du patient […] »

6 3 – Conformément à la loi de 2005, « Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. » […] La nouveauté est dans l’expression « …de ne pas recevoir » qui reconnaît au patient le droit d’interrompre un traitement qu’il avait jusque-là accepté. Le texte précise ensuite que « le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. »

7 4 – Les directives anticipées déjà prévues à l’article L-1111-11 du Code de la Santé « s’imposent [désormais] au médecin pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement, sauf en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale ». Désormais, les directives anticipées « peuvent être rédigées conformément à un modèle dont le contenu est fixé par décret en Conseil d’État pris après avis de la Haute Autorité de santé. » Soulignons l’expression « …peuvent être rédigées… » qui signifie que celles et ceux d’entre nous qui auraient rédigé leurs directives anticipées avant le vote de la loi n’ont pas nécessairement à les rendre conformes au modèle prévu.

8 5 – Le texte renforce enfin le poids de l’avis de la personne de confiance : « Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage. »

9 Si nous nous risquons à un commentaire, remarquons d’abord, en ce qui concerne l’article 1110-5, que dans les deux cas prévus, la sédation est mise en place « à la demande du patient afin d’éviter toute souffrance et de ne pas subir d’obstination déraisonnable. » Cette demande a un caractère contraignant pour le médecin. Ce qui ne signifie pas que ce dernier ne puisse pas dialoguer avec son patient et l’amener à différer sa décision. Soulignons bien, par ailleurs, la différence entre les deux cas décrits par le texte de loi :

10 – dans le premier cas, le motif de la décision du patient est une souffrance réfractaire au traitement. Il ne s’agit pas, dans ce cas, d’un malade qui serait maintenu artificiellement en vie mais d’un patient qui sait qu’il mourra dans peu de temps et qui souffre – souffrance physique ou psychique, la loi ne le précise pas. La loi institue en quelque sorte la possibilité de finir sa vie, volontairement, sous anesthésie générale. Tel pourrait être le cas, par exemple, d’un patient atteint d’un cancer en phase terminale. Dans certaines situations toutefois, la décision sera rendue difficile en raison du caractère imprécis de l’expression « à court terme. »

11 – dans le second cas, le motif de la mise en place de la sédation est la décision, par le malade ou sa personne de confiance, d’arrêter un traitement qui le maintient en vie. Il s’agit, en quelque sorte, de procéder à l’anesthésie générale du patient en sorte qu’il ne souffre pas de cet arrêt de traitement. C’est quelque chose qui se fait couramment en réanimation quand on doit arrêter la ventilation artificielle d’un patient incurable dans le coma. La décision pourra cependant être rendue difficile à appliquer pour des soignants qui connaissent le patient de longue date quand il s’agira, par exemple, de l’arrêt d’une dialyse [2] ou du renoncement à une ventilation assistée chez un patient atteint de maladie de Charcot.

12 Que la sédation puisse désormais « être mise en œuvre à son domicile, dans un établissement de santé » est préoccupant à plus d’un titre : d’abord que, dans l’esprit du législateur, la charge de soins d’un patient sous sédation profonde et continue est compatible avec l’absence de personnel infirmier permanent ; ensuite que dans son esprit, la formation des médecins généralistes est suffisante à cette mise en place ; enfin que la mise en place de la sédation sera suivie du décès à court terme. Même si l’on souligne qu’il s’agit là d’une possibilité offerte et non du cas général, on ne peut s’empêcher de penser que, dans l’esprit du législateur, la « sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès » est destinée à devenir, plus souvent qu’on ne le prétend, la cause directe du décès.

13 Les réactions en France sont loin d’être unanimes : les partisans d’une légalisation de l’euthanasie ont exprimé « leur profonde insatisfaction à la suite de l’adoption de la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie ». Parmi les personnes opposées à l’euthanasie, certaines voient dans la possibilité de la sédation profonde et continue une porte largement ouverte à un acte létal qui ne dit pas son nom ; d’autres, pensent qu’on a évité de tomber dans le piège d’une légalisation. Il reste que la sédation désormais prescrite par la loi sera une pratique difficile quand elle sera exigée comme un droit par un patient ou sa personne de confiance et que le praticien ou l’équipe de soins ne jugera pas venu le moment d’arrêter « tout traitement » et d’endormir le patient.

14 Nous invitons nos lecteurs à prendre connaissance de l’avis le 10 mars 2016 du comité scientifique de la SFAP qui apporte des commentaires article par article puis des réflexions sur les notions de dignité, de collégialité et de souffrance réfractaire.

15 http://www.sfap.org/actualite/avis-29-du-cs-de-la-sfap

Création du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie

16 Comme nous l’avions annoncé dans notre n° 124 (mars 2016) le « Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie » prévu dans le plan national 2015-2018 pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement en fin de vie, a été créé le 5 janvier 2016 par décret (n° 2016-5 du 5 janvier 2016). Il réunit les équipes de l’Observatoire National de la Fin de Vie (ONFV) et du Centre National de Ressources Soin Palliatif. Il est créé pour cinq ans et n’est donc pas pérenne.

17 « Ses missions sont les suivantes :

18 1 – Contribuer à une meilleure connaissance des conditions de la fin de vie et des soins palliatifs, des pratiques d’accompagnement et de leurs évolutions, ainsi que de l’organisation territoriale de la prise en charge des patients et de leur entourage. À cette fin :

19 a) Il mobilise et valorise les dispositifs de collecte et de suivi des données relatives aux soins palliatifs et à la fin de vie, en participant notamment à la diffusion des résultats disponibles par la mise à disposition de ces données ;

20 b) Il coordonne des enquêtes et études thématiques, afin de contribuer à l’identification de nouveaux besoins et de promouvoir des axes de recherche en matière de soins palliatifs et à la fin de vie ;

21 c) Il favorise les rencontres entre chercheurs et professionnels compétents dans le champ des soins palliatifs et de la fin de vie ;

22 2 – Participer au suivi des politiques publiques relatives aux soins palliatifs et à la fin de vie ;

23 3 – Informer le grand public et les professionnels afin de contribuer à la diffusion des connaissances sur la démarche palliative et sur la fin de vie, notamment à la promotion des dispositifs concernant les directives anticipées et la désignation des personnes de confiance. »

24 Plusieurs voix se sont élevées contre la nomination à sa tête d’une personnalité connue pour des prises de position trop favorables, dans certains cas, à la légitimité du geste euthanasique. Les lecteurs de cette Revue regretteront sans doute le retrait, à la tête de l’ONFV, du Professeur Régis Aubry qui a si fortement marqué cet organisme par son dynamisme et son souci de la qualité.

À propos de la maladie d’Alzheimer

25 Plusieurs articles sont parus dans la presse concernant la maladie d’Alzheimer :

26 Un article du New England Journal of Medecine[3] fait état d’une diminution de 20 % de la prévalence de la maladie d’Alzheimer au cours des quatre dernières décennies. Cet article a pour base d’étude une « cohorte » de personnes en bonne santé initialement recrutées pour l’étude à long terme des troubles cardio-vasculaires. D’autres études confirmeraient cette tendance. Mais par ailleurs, compte tenu de l’augmentation de la longévité, on sait que, même si cette tendance se confirmait, le nombre de personnes atteintes de la maladie continuerait à augmenter dans notre pays pour passer de 980 000 en 2010 à plus de 1 500 000 personnes en 2030[4].

27 Villages Alzheimer : la presse a parlé plusieurs fois de la création, dans les environs de Dax (Landes), d’un « village Alzheimer » sur le modèle de ce qui existe déjà aux Pays Bas, notamment à Weesp, près d’Amsterdam. L’idée est de permettre aux malades atteints de cette maladie de conserver le plus longtemps possible une vie sociale. À notre avis, les méthodes proposées et le service rendu à ces patients ne diffèrent pas beaucoup de ce qui se fait déjà dans bon nombre d’EHPAD en France. Ils font partie des objectifs du Plan Alzheimer. En revanche, il importe de dire que l’établissement néerlandais de Weeps accueille cent cinquante patients et que son personnel se monte à deux cents personnes soit un ratio de 1,33. Rappelons que le ratio patients/personnel est généralement très inférieur à 1 dans les unités spécialisées des EHPAD en France [5].

Les personnes dont nous avons parlé dans la revue

28 – Le Docteur Bonnemaison dont nous avions annoncé la tentative de suicide a pu reprendre une vie indépendante. Il dit ne pas reconnaître le terme d’assassinat qui lui a valu une peine de prison de deux ans avec sursis et aurait l’intention de faire appel devant la Cour européenne des droits de l’homme. Il reste frappé d’une interdiction ordinale d’exercer la médecine.

29 – Au moment où nous rédigeons cet article, Monsieur Vincent Lambert est toujours en état de coma végétatif au CHU de Reims. Le 10 mars 2016, le juge des tutelles de Reims a désigné son épouse, Madame Rachel Lambert, « en qualité de tutrice » pour représenter son mari et « administrer ses biens et sa personne » pour une période de dix ans. L’union départementale des associations familiales (UDAF) a été désignée en tant que « subrogé tuteur ». Le médecin en charge du patient au CHU de Reims attendait cette désignation pour prendre éventuellement une décision d’arrêt de la nutrition et de l’hydratation par sonde. Les parents du patient sont opposés, comme nous l’avons déjà écrit à une telle décision : il s’agit de leur fils et leur attitude est compréhensible.

Notes

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