1 Le bilan effectué, et remis en juin 2013, avait pour objectifs de vérifier ce qui avait été réalisé et financé, d’analyser les divergences éventuelles avec les objectifs initiaux, et de commencer à mesurer l’impact du programme de développement des soins palliatifs (SP). Mais il était également nécessaire d’envisager les suites éventuelles à donner, au regard de cette évaluation d’une part, et d’autre part, en fonction des orientations apparues depuis le début de ce plan, notamment le rapport Sicard, l’avis du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, les deux rapports de l’observatoire national de la fin de vie, enfin l’avis de la conférence citoyenne à propos de la législation sur la fin de vie en France. Nous aborderons dans cette présentation uniquement une partie du développement des soins palliatifs à l’hôpital et dans les établissements médico-sociaux, le bilan qui en est fait ainsi que les perspectives.
Le développement des soins palliatifs, les mesures du programme
2 Axe 1 : Poursuite du développement de l’offre hospitalière et l’essor des dispositifs extrahospitaliers
3 Axe 2 : Élaboration d’une politique de formation et de recherche
4 Axe 3 : Accompagnement offert aux proches
5 Le programme national visait à faire sortir les SP de l’hôpital afin que soient rendus possibles un accompagnement et une prise en charge optimale des personnes en fin de vie dans tous les établissements et lieux de vie des patients, sans en faire une spécialité cantonnée à certains services tels que les unités de soins palliatifs (USP).
6 L’offre de soins en France a été organisée en fonction des besoins des patients et des réalités des services. Pour ce qui est de l’hôpital, le premier niveau de cette offre en SP se situe dans les services où les patients accompagnés ne posent pas de difficultés trop importantes. Les lits identifiés de soins palliatifs (LISP) constituent le deuxième niveau de recours et concernent des services confrontés à des fins de vie ou décès fréquents ; des soignants « référents » sont formés et portent la démarche palliative dans leur service. Les unités de soins palliatifs (USP) constituent le troisième niveau de recours et prennent en charge les situations de fin de vie les plus problématiques.
7 Les équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP), quant à elles, ont un rôle d’expert et travaillent en collaboration avec les équipes médico-soignantes ; elles interviennent à l’hôpital le plus souvent, mais aussi dans établissements médico-sociaux (EHPAD notamment).
A l’hôpital : diversité et hétérogénéité Unités de soins palliatifs (USP)
8 Si tous les CHU (à l’exception de Rennes) sont désormais dotés d’USP, force est de constater les disparités inter-régionales flagrantes : près de 70 % des lits USP sont concentrés dans 5 régions (soit 47 % de la population : Ile-de-France, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Nord Pas-de-Calais et Bretagne). Il est prévu d’ouvrir 25 USP dans les cinq prochaines années dans 26 régions sous-dotées.
9 Les USP sont des services spécialisés dans la prise en charge et l’accompagnement de patients présentant des symptômes complexes et réfractaires ou dont l’état pose des questions éthiques complexes. En cela, les moyens humains – et donc financiers – sont adaptés à cette complexité multiple (médicale, éthique, familiale…). Toutefois, il ressort que les USP fonctionnent avec moins d’effectifs qu’initialement prévu tout en ayant un financement qui reste bien valorisé par rapport aux coûts supportés par les établissements. Cela signifie qu’il existe un écart entre les effectifs réels de personnels soignants et les effectifs théoriques que devraient permettre les financements octroyés aux établissements pour les USP. Cela nécessite d’être réajusté en conséquence, une fois les raisons mises en évidence.
10 Une autre mission des USP est celle de la recherche et de l’enseignement. Si 88 % des unités contribuent à la formation initiale et continue des soignants, seule la moitié d’entre elles participe à des protocoles de recherche. Les causes avancées sont la charge de travail trop lourde pour dédier du temps à la recherche et le manque de formation et de ressources méthodologiques.
Services de soins de suite et de réadaptation (SSR)
11 Les SSR accueillent difficilement les patients présentés comme « en fin de vie ». De ce fait, les USP et les autres services sont confrontés à l’absence de structures d’aval telles qu’elles existaient auparavant (post cure, convalescence…) pour prendre en charge les patients en situation de « long mourir ». Ce besoin serait davantage ressenti dans les zones urbaines dotées de CHU que dans les zones rurales (où l’hôpital local assure cette fonction). La réforme des unités de soins de longue durée pourrait peut-être répondre à ce type de besoins.
Lits identifiés en soins palliatifs (LISP)
12 L’identification de « lits de SP » permet la reconnaissance de cette pratique dans un service, une meilleure lisibilité interne et externe des activités au sein d’un établissement et l’accès à un financement plus important. L’individualisation de LISP au sein d’un service ou d’une unité de soins permet donc – au moins en théorie – d’optimiser son organisation pour apporter une réponse plus adaptée à des patients qui relèvent de SP et à leurs proches.
13 Les LISP se sont développés mais de façon hétérogène sur le territoire : si le nombre d’USP varie de 0 à 5,45 pour 100 000 habitants, celui des LISP varie de 0 à 18,6. 73 % de ces lits se situent au sein de services de médecine et de chirurgie, 30 % au sein de services de soins de suite et de réadaptation. Le secteur privé en représente 35 %. Les LISP sont pour la moitié d’entre eux relativement isolés au sein des services et les moyens alors alloués sont difficiles à identifier du fait de leur grande dispersion (par exemple, 1/10 de temps d’aide-soignante en plus, 1/15 de temps infirmier en plus…). En effet, l’esprit des LISP est dévoyé lorsque les conditions matérielles (chambre seule, accueil sans horaires prédéfinis des familles…) peuvent être organisées, mais sans aucun moyen humain supplémentaire dédié, ni de projet de service promouvant la démarche palliative.
14 Malgré ce bilan très mitigé, les LISP – lorsqu’ils sont mis en œuvre selon le référentiel – constituent des supports pertinents pour diffuser la démarche palliative au sein des services et établissements. Il s’agit donc pour l’avenir, d’inciter les établissements à préciser leur politique sur la prise en charge de la fin de vie et les besoins de chaque pôle et service en matière de SP, afin de mieux répartir les moyens.
Équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP)
15 Le programme a permis la création de 52 nouvelles équipes. 20 % d’entre elles sont rattachées à un établissement disposant d’une USP. La grande majorité des équipes est rattachée à un établissement public. Toutefois, sur les 2 613 établissements de santé ne disposant pas de leur propre EMSP, seuls 31 % ont établi une convention avec une EMSP, ce qui est sans conteste un point à améliorer pour favoriser l’accès aux SP à tous. Parmi les interventions des EMSP, 80 % d’entre elles concernent le soutien clinique (dont une dimension d’aide à la décision éthique), 11 % l’aide au retour à domicile et 9 % l’aide à la décision éthique.
16 Plusieurs limites apparaissent qui doivent être dépassées : l’intervention d’une EMSP dépend de la sollicitation des services, plus précisément des médecins qui connaissent ou non le fonctionnement et l’aide potentielle d’une EMSP. Or, lorsque la prise en charge palliative est insuffisamment intégrée, la démarche de l’EMSP est méconnue et paraît en rupture avec la perception curative du soin. De plus, pour ce qui est de la non-prescription par les médecins d’EMSP – qui proposent des aménagements thérapeutiques –, le fait de ne pas se substituer à l’équipe et de ne pas réaliser les soins est parfois difficile à tenir.
17 Le mode de fonctionnement des EMSP est très divers selon les régions et les territoires. Mais un constat fait consensus : ces équipes sont reconnues dans les services et établissements qui bénéficient de leur appui. Elles répondent en effet aux besoins des soignants confrontés à des situations de fin de vie, contribuent à diffuser la culture palliative au sein des services et au cours de la formation du personnel. De plus, en participant à des prises de décision difficiles (arrêts de traitements, sédations), elles sécurisent juridiquement et psychiquement les équipes médicales et développent le questionnement éthique.
Les SP dans les établissements médico-sociaux (EMS)
18 Le programme avait pour objectif de diffuser la culture palliative dans les EMS, mais la mise en pratique concernait essentiellement les EHPAD : y rendre effective l’intervention des EMSP, y expérimenter la présence d’infirmières de nuit formées aux SP.
L’intervention des EMSP
19 Les établissements médico-sociaux sont des lieux de vie au même titre que le domicile, donc de fait des lieux de fin de vie. Toutefois, seuls 11 % des décès avaient lieu en EHPAD en 2008. Les EHPAD sont confrontés à des prises en charge de plus en plus lourdes et accueillent leurs résidents de plus en plus tard. La médicalisation reste pour autant moindre qu’en structure hospitalière. Même si les équipes sont prêtes à le faire, il est donc parfois difficile d’accompagner avec des soins appropriés les personnes en phase palliative et ce jusqu’à leur décès. Le médecin coordinateur ne peut assurer seul les soins. Se pose également le problème de la présence infirmière permanente (gestion des prescriptions anticipées des patients). Cependant, depuis que les HAD [1] peuvent intervenir dans les établissements médico-sociaux, et que les EHPAD se sont davantage médicalisés, ces difficultés reculent.
20 En revanche, si les EMSP apportent également leur appui aux EHPAD, cette collaboration reste encore trop timide et tarde à se mettre en place. Les équipes interviennent en EHPAD mais également en unités de soins de longue durée [2] (USLD) et en foyers d’accueil médicalisés [3] (FAM). Le premier motif de recours concerne la gestion de la douleur. Elles interviennent également auprès des équipes pour analyser leurs pratiques ou aider à la prise de décision éthique. En 2011, le nombre d’interventions des équipes a augmenté mais davantage au profit des établissements de santé et du domicile que des EMS (20 % des interventions). De plus, encore une fois, les situations sont très hétérogènes : le pourcentage des EHPAD d’une même région ayant signé une convention avec une EMSP varie de 5 à 72 %. Toutefois, le nombre de conventions signées avec des EHPAD s’avère un critère insuffisant pour évaluer la collaboration réelle entre EHPAD et EMSP, sans compter que certains réseaux de SP interviennent eux aussi en EHPAD et ce depuis de nombreuses années. Il faut certainement soutenir ces partenariats et encourager l’externalisation des EMSP hors de l’hôpital.
La présence d’infirmiers formés en SP la nuit
21 Plus de 60 % des EHPAD disposent d’un projet de soins palliatifs (protocoles de prise en charge de la douleur, soins de confort ou de nursing). La formation du personnel en revanche est très hétérogène et confirme le fort besoin de soutien des équipes, notamment dans les EHPAD de petite capacité. Les besoins les plus fréquemment identifiés la nuit sont les soins de nursing et de confort, et dans une moindre mesure l’accompagnement psychologique des résidents. La prise en charge de la douleur concerne près de 80 % des résidents.
22 Une expérimentation a été réalisée dans deux régions de France sur la présence d’infirmiers la nuit. Celle-ci a permis d’identifier l’intérêt pour les EHPAD d’avoir une possibilité de recours à un temps infirmier la nuit, pour un certain nombre de situations et de confirmer le besoin d’appui technique au-delà des soins palliatifs.
Un réel développement d’une offre en soins palliatifs
23 Le programme a permis, à l’hôpital, un réel développement d’une offre qui reste malgré tout trop hétérogène – au sein des établissements de santé ou selon les régions. L’articulation des différents niveaux de SP (USP, LISP, EMSP) est efficace pour diffuser la démarche palliative au sein des établissements à condition d’une part, que ceux-ci aient effectivement accès à des moyens organisationnels et humains pour fonctionner et d’autre part, que l’établissement s’engage résolument dans une politique de soutien de la démarche palliative.
24 En ce qui concerne les EHPAD, force est de constater que les besoins d’accompagnement des équipes ne sont pas entièrement couverts – mais plus largement pour les EMS. L’intervention des équipes mobiles et des réseaux de SP est un soutien réel pour ces équipes bien souvent désarmées face à certaines fins de vie complexes. Ceci suppose que soit assurée la continuité des soins techniques, ce qui est loin d’être le cas, malheureusement, dans bien des établissements. La volonté des politiques de santé pour les années à venir est de renforcer ces collaborations pour permettre que l’accompagnement des personnes en fin de vie soit de plus en plus accessible.