Couverture de JALMALV_114

Article de revue

Retour sur le 2e congrès francophone de soins palliatifs à Montréal du 5 au 7 mai 2013

Pages 103 à 107

Notes

  • [1]
    Un placebo est à l’origine un traitement d’efficacité pharmacologique propre nulle, mais agissant favorablement lorsque le sujet pense recevoir un traitement actif. L’effet nocebo est au contraire l’action dommageable pour l’individu d’une substance inerte.
  • [2]
    Hormone antidiurétique
  • [3]
    Atrophie des muscles de la cage thoracique

Diversités culturelles

1 Environ 1 000 participants dont 200 orateurs, venus des quatre coins du monde pour échanger dans la langue de Molière autour de nos expériences en soins palliatifs. Bien sûr, nous avons tous les mêmes motivations pour développer l’accès aux soins palliatifs, mais certains pays n’en sont qu’au commencement. Au Congo, une ONG locale Palliafamilli débute et œuvre pour des soins palliatifs à domicile. Ses moyens sont limités car elle n’est pas soutenue par une politique de santé gouvernementale. Mais ce n’est pas sa seule difficulté au quotidien. A. Kananga Kamunga, infirmier, a expliqué que la pratique doit tenir compte des répercussions des croyances dans l’accompagnement des personnes en fin de vie (malédiction, punition), jusque dans le vécu du deuil. De même, au Liban, les 18 ethnies religieuses impliquent divers rituels autour de la mort. Mais dans ce pays, le premier obstacle est l’annonce de la maladie cancéreuse, actuellement synonyme de « malédiction » et de dépenses pour les familles (Dr R. Tomb, médecin libanais). Ces dernières, souvent dans une dynamique curative en ­connivence avec les médecins, sont parfois à la limite de l’obstination déraisonnable. L’information au public et la formation des futurs médecins sont les enjeux principaux.

Diversité des mots

2 Le Dr S. Marchand a brillamment démontré les impacts de l’effet placebo jusqu’à y opposer l’effet nocebo [1]. Comment nos paroles, nos croyances influencent l’action thérapeutique. Ainsi, comment la perte d’espoir diminuera l’efficacité d’un traitement. Par exemple, le retard au soulagement de la douleur par respect des paliers d’antalgiques de l’OMS pourrait induire une perte de confiance de la part du malade et donc une diminution d’efficacité. Pouvons-nous mettre ce concept en parallèle avec les propos du Dr E. Bruera (2013), évoquant l’appréhension des soignants et des médecins face au terme « soins palliatifs ». Son équipe de soins palliatifs a augmenté de 41 % ses interventions en 6 mois après avoir changé son nom par « équipe de soins de support ». Effet nocebo/placebo d’un simple nom… ?

Diversité du vécu

3 L’herbe n’est pas plus verte ailleurs !

4 Au Québec et dans le monde, les soignants sont en difficulté devant la fin de vie d’un patient, face à des familles en souffrance. Force est de constater que la réalité est éprouvante. Le travail va pourtant permettre au sujet de se réaliser dans sa quête d’identité (M. Alderson, infirmière, chercheuse en psychodynamique du travail). Les soignants font preuve de créativité face aux situations imprévues, « travailler, c’est trouvailler » (Molinier, 2006) mais le manque d’accomplissement prolongé induit inexorablement des mécanismes de défense (désinvestissement, individualisme, évitement). Le Dr S. Dauchy, psychiatre, précise l’importance de se protéger du burn out (épuisement émotionnel) et de la fatigue compassionnelle (traumatisme psychique) afin de protéger le patient. Il est primordial de s’accorder des temps de réflexion personnelle et de groupe. Une des origines du stress ? Certaines demandes des patients ou des familles heurtent nos valeurs. Bien que nous soyons animés par trois désirs (J.-M. Longneaux, philosophe), le désir d’être à la hauteur, le désir d’entente mutuelle pour soigner l’autre, et le désir de récompense, nous devons nous réconcilier avec la réalité. En effet, nous sommes parfois impuissants (principe de finitude), l’autre n’est pas nous (principe de solitude) et tout ne nous est pas dû (principe d’incertitude). Alors les personnes en fin de vie ont-elles tous les droits ? Oser opposer un refus à certaines demandes, c’est aussi signifier qu’elles font partie de la même communauté des vivants, sont soumises aux mêmes lois de l’existence.

Diversité des rituels

5 Alors que la sociologie bouscule des idées reçues sur la perception de la mort par les Français, une étude qualitative nous alarme sur la perception de la mort par les soignants. Ainsi, 91 % des Français parleraient assez facilement de la mort et en auraient une expérience non négligeable de près ou de loin. La prise en charge rapide du corps par les services funéraires impose à ces soignants un nouveau rôle dans l’accompagnement des familles (Chatel, 2012). Les conclusions de cette étude ont permis la mise en place d’une formation à l’accompagnement et à l’éthique dans les centres funéraires. Indispensable si l’on s’appuie sur l’étude de A. Petrognani (2007), infirmière, qui montre comment 92 soignantes vivent la toilette mortuaire. 25 % des infirmières et 33 % des aides-soignantes interrogées montrent des signes de stress dépassé (reviviscence, évitement) suite à ce dernier soin. Pour les deux tiers, la formation était insuffisante et l’incertitude a favorisé l’apparition du stress.

Diversifions la recherche

6 Le Dr P. Vinay (2010), physio-pathologiste, oncologue palliatologue, a su insuffler une motivation pour tenter de mieux comprendre la complexité du corps humain à ce moment charnière de la fin de vie. Les symptômes d’inconfort n’ont pas de secret pour lui. Encombrement ? Sécrétion d’ADH [2]. Amaigrissement ? Protéolyse musculaire sur carence. Pauses respiratoires ? Amyotrophie intercostale [3] et équilibre O2/CO2. De nombreuses études peuvent être réalisées sans examens douloureux (analyse d’urine, de la sueur, des gaz expirés, etc.) pour une vraie démarche d’amélioration des pratiques professionnelles au bénéfice du malade.

La diversité des points de vue

7 Pour conclure, comment ne pas évoquer le grand débat sur l’euthanasie quand la Belgique, la Suisse, le Canada et la France sont réunis. Dix ans après la légalisation de l’euthanasie, des représentants belges ont témoigné des expériences vécues, pour certaines à travers une démarche spirituelle (G. Ringlet). Les personnels des soins palliatifs gèrent les demandes uniquement des patients déjà connus de leur service. Ils organisent des concertations éthiques et sont garants de la diffusion de l’information sur la loi (Dr C. Herremans). Cette impression de « bon déroulement » interroge : la France, le Canada doivent-ils copier cette loi ? L’étude du Dr B. Devalois (2012), médecin français, auprès de soignants belges, illustre les problèmes persistants comme le pourcentage d’euthanasie hors la loi (sans avis du patient, chez des mineurs). Au Canada (P. Marois, Première ministre) comme en France (rapport Sicard), la ­politique investit plutôt dans le développement des soins ­palliatifs, mais le débat reste ouvert, observant d’autres pratiques comme le suicide assisté en Suisse.

8 En somme, ce congrès aura une fois de plus démontré l’importance de l’échange à l’échelle internationale, les expériences de nos confrères « étrangers » nourrissant nos réflexions. Le prochain congrès se tiendra en Tunisie, quel climat nous y attend ? Le comble est qu’au Canada, il y avait du soleil et qu’à notre retour en France, il faisait un temps « d’hiver » !

Bibliographie

Références

  • Chatel T., L’évolution des Français face à la mort, Étude réalisée pour la CPFM et la CSNAF, services funéraires, 2012.
  • David M.P., Bruera E., Morganstern D., « Early integration of palliative and supportive care in the cancer continuum », Am Soc Clin Oncol Educ Book, 2013, 144-50.
  • Devalois B., Légalisation de l’euthanasie en Belgique : un bilan, Groupe de travail « Éthique, droit et santé »/plus digne la vie, 2012.
  • Molinier P., Les enjeux psychiques du travail, Petite bibliothèque Payot, 2006, 113.
  • Petrognani A., « La toilette mortuaire est-elle un stress ? Enquête auprès de 200 soignants », Médecine Palliative, 2007, 238-242.
  • Vinay P. et al., « Soigner les râles terminaux », Médecine Palliative, 2010, 148-156.

Notes

  • [1]
    Un placebo est à l’origine un traitement d’efficacité pharmacologique propre nulle, mais agissant favorablement lorsque le sujet pense recevoir un traitement actif. L’effet nocebo est au contraire l’action dommageable pour l’individu d’une substance inerte.
  • [2]
    Hormone antidiurétique
  • [3]
    Atrophie des muscles de la cage thoracique
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.168

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions