Il nous a quittés il y a quelques mois déjà. Jacques Pain, qui vivait dans un hameau perdu de l’Avesnois, à quelques kilomètres de la frontière belge, n’avait pas peur de l’isolement. Car ce qui comptait pour quelqu’un comme lui, formé à l’institutionnel, c’est d’être en relation. Tous les moyens y concourent, de la presse utilisée dans les classes Freinet jusqu’aux ordinateurs les plus performants. Jacques Pain disait souvent que pour lui, « le sujet et l’institution vivaient dans la même maison. »
Des maisons, il en a connu beaucoup : celles des frères Oury, celles où il a habité à Nanterre, La Garenne-Colombes, l’usine Hispano-Suiza, la clinique de La Borde, l’école de La Neuville et bien d’autres. Ce ne sont pas des noms de lieux comme sur une cartographie des pratiques institutionnelles, mais bien des maisons où accueillir et vivre. Des maisons plus que des lieux, où, disait Jacques Pain, « on offre des mots ». Il avait travaillé concrètement la violence, d’autant plus subjectivement qu’il avait une carrure de « bon géant ». Que ce soit dans la région parisienne ou dans la métropole de Lille, il servait le projet d’échanger des mots plutôt que des coups, ce qui est le cas des rencontres ratées avec les adolescents, dans les foyers, les instituts d’éducation et de soin.
Il était arrivé à Nanterre peu avant 1968. Une ville où les bidonvilles hérités de la guerre d’Algérie, côtoyaient le chantier de construction de la nouvelle université. Plus tard, on arrivait par le train à une gare de western où un panneau en bois signalait : « Nanterre-La Folie, Complexe universitaire »…