Couverture de INSO_151

Article de revue

Egalité dans la famille : l'exemple des politiques de congés paternels en Finlande

Miroir aux alouettes ou instrument de changement social ?

Pages 138 à 145

Notes

  • [1]
    Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet Family in Transition, à l’Université d’Helsinki, et financé par l’Académie de Finlande.
  • [2]
    La durée des congés en Finlande est toujours comptée en jours ouvrables (l’ensemble des jours du calendrier, à l’exclusion des dimanches).
  • [3]
    Les indemnités journalières de ces quatre types de congés sont d’un montant identique à celui des prestations maladie : 70 % du revenu imposable jusqu’à un plafond de 27 468 euros annuels ; 40 % pour la partie du revenu entre 27 468 et 42 261 euros ; 25 % pour la tranche excédante en 2005. Le taux moyen de compensation est de 66 %. Une allocation fixe minimum est proposée en cas d’inactivité ou d’études.
  • [4]
    Le montant de cette prestation est proche de celui de l’Allocation parentale d’éducation (APE) française, devenue le Complément de libre choix d’activité ou CLCA depuis la réforme de la Prestation d’accueil du jeune enfant (Paje). En 2006, l’allocation de base s’élevait à 294 euros par mois. Des compléments peuvent être versés en fonction du revenu du foyer et en cas de frère ou sœur gardé(e) simultanément au foyer. Enfin, certaines municipalités octroient une prime aux parents qui optent pour ce mode de garde.
  • [5]
    Avec 112 jours, le père finlandais dispose ainsi, dès 1982, d’un congé plus long que celui actuellement alloué à la mère en France pour les deux premières naissances (16 semaines de congé de maternité).
  • [6]
    Les Finlandaises ayant un haut niveau de qualification prennent davantage de congés courts, alors que leurs consœurs moins qualifiées ont plus fréquemment recours à un congé parental d’éducation long.
  • [7]
    En France, le congé de paternité a été très tardif (2002) mais a connu un succès immédiat, supérieur aux estimations du gouvernement : le taux de recours s’établit à 59 % en 2003.
  • [8]
    Les pères ont tendance à avoir recours très exactement aux deux dernières semaines du congé parental de naissance nécessaires pour obtenir les deux semaines supplémentaires de congé de paternité. Il semblerait ainsi que le mois du père se soit constitué rapidement en norme de durée. Il exercerait un effet pervers, dans le sens où il serait susceptible de diminuer la durée des congés des pères. Depuis janvier 2007, l’utilisation de la mesure a été rendue plus flexible et de nouvelles incitations sont prévues pour 2009 (STM, 2008).
  • [9]
    En France, les déterminants des recours au congé de paternité et aux congés parentaux d’éducation sont différents (cf. notamment Boyer et Renouard, 2004).
  • [10]
    Plus encore que les cas suédois ou norvégien, le dispositif islandais démontre qu’un changement social rapide devient possible quand l’instrument des quotas est bien manié. Précédemment à la traîne par rapport aux autres États-providence nordiques, les congés parentaux y passent de six à neuf mois en 2000 : trois sont réservés à la mère, trois au père, les trois mois restants étant ouverts au partage. Depuis cette révolution, 86 % des pères ont utilisé leur congé pour une durée moyenne de 97 jours, dès 2003. Cas unique, l’Islande représente également une nouvelle variante du familialisme : le familialisme « dé-genré ». L’importance accordée par l’Etat social au bien-être de la famille s’y conjugue avec une égale importance accordée au partage des droits et devoirs parentaux par les hommes et les femmes. Apparemment, bébés, employeurs et salarié(e)s s’en accommodent bien.
English version

1Depuis trente ans, le droit social finlandais ne cesse de donner toujours plus de possibilités aux pères de s’occuper de leurs enfants. Cependant, ces politiques pionnières sont basées sur des dispositifs ambigus et peu incitatifs. Les taux de recours apparaissent ainsi décevants face aux réalités du marché du travail et à la persistance des stéréotypes sexués.

2Le bilan général de l’avancée consistant en la mise en place d’un certain nombre de politiques de la paternité sous forme de congés de paternité et de congés parentaux, qui permettent aux hommes de disposer de droits sociaux au care, est contrasté. En envoyant un message radical en direction des hommes, ces politiques ont cristallisé les espoirs de voir s’opérer un changement social dans le sens d’un partage accru des responsabilités familiales. Cependant, les durées courtes des congés de paternité – conjuguées au recours quasi exclusivement féminin aux longs congés parentaux d’éducation – ont contribué à une prise de conscience progressive de la difficulté d’une telle entreprise.

3L’article propose un point de vue sur les recompositions et les résistances relatives à la paternité contemporaine à travers une analyse des congés proposés aux hommes et aux femmes par un État-providence nordique : la Finlande. Dans ce pays pionnier des politiques de la paternité, les différents congés constituent un instrument majeur d’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale et de prise en charge de la petite enfance. Ils y possèdent également une histoire et des modalités propres. Ce rapport entre histoire, type de dispositif et actualisation des droits des pères est au centre de l’analyse développée ici [1].

Des congés pour les pères : pour quoi faire ?

4Les congés paternels ont été instaurés dans les années 1970 – dans le cadre d’un discours sur l’égalité entre les sexes – pour favoriser le soutien entre conjoints lors de cet événement familial qu’est la naissance. Depuis, la constellation sémantique qui accompagne la promotion des congés paternels dans les pays nordiques s’est complexifiée. De nouvelles significations se sont trouvées associées à ces politiques au cours de la décennie 1990. Parmi elles, Rantalaiho (2003) note l’importance accordée aujourd’hui au lien père/enfant, tantôt envisagé du point de vue des besoins de l’enfant, tantôt justifié au nom des droits du père. Ces leitmotivs se superposent, voire se contredisent, nuisant parfois à la lisibilité de ces politiques et à leur réception, qui sont également fonction des modalités d’utilisation concrètes par les familles.

5Quel pouvoir de changement social attribue-t-on à ces politiques ? Bergqvist et al. (1999) conçoivent les congés de paternité et les congés parentaux (dès lors qu’ils font l’objet d’un partage effectif entre les parents) comme un outil de modernisation des rapports familiaux plus efficace que la prise en charge collective de la petite enfance. En effet, si cette dernière permet de mieux associer maternité et activité professionnelle, elle n’influence en rien l’égalité entre père et mère dans la sphère domestique et face aux enfants. Sur le marché de travail, la création d’un nouveau risque pour l’embauche d’un homme – généré par des congés de longue durée et attractifs pour les pères –, symétrique de celui perçu par l’employeur face à une femme constitue, selon Gíslason (2006), la condition sine qua non pour en finir avec l’idée que les femmes accorderont une priorité à leur vie familiale par rapport à leur vie professionnelle, une fois mères. En somme, l’égalité professionnelle et une prise de responsabilités équilibrée en termes d’appartenance sexuée dans la cité dépendent également des pratiques des pères. Et du projet de société promu par l’État-providence à leur égard.

Les congés parentaux en Finlande

6Une première caractéristique des congés parentaux en Finlande – actuellement parmi les plus longs des pays de l’Union européenne – est leur répartition en cinq périodes différentes. Premièrement, les mères disposent de 105 jours ouvrables [2] (quatre mois et demi) de congé de maternité, qui débute un mois avant la date présumée de l’accouchement. À partir de la naissance, 1 à 18 jours (trois semaines) de congé de paternité sont alloués au père : ces jours peuvent être fractionnés en quatre fois et doivent être pris dans un délai de 11 mois. Après les 105 jours de congé de maternité, les parents peuvent partager les 1 à 158 jours suivants (sept mois). C’est cette troisième période que les Finlandais appellent le « congé parental » (on le désignera ici sous l’expression « congé parental de naissance », pour le distinguer du congé parental d’éducation finlandaise décrit ci-dessous). Ainsi, contrairement aux deux premières périodes (congés de maternité et de paternité), qui constituent des droits individuels et sexués, la troisième apparaît, dans son principe, comme un droit collectif et asexué – ouvert à la négociation entre parents.

7À la fin du congé parental de naissance, l’enfant est âgé d’environ 11 mois. La rareté des recours masculins à ce congé a conduit à la mise en place d’une quatrième période, le mois du père. Afin d’inciter ces derniers à prendre au moins les deux dernières semaines du congé parental de naissance, ceux qui y ont effectivement recours se voient accorder un bonus de deux semaines supplémentaires. Ces quatre périodes, le congé de maternité, le congé de paternité, le congé parental de naissance et le mois du père, font l’objet d’une compensation pour perte de revenu. Elle s’élève, en moyenne, à 66 % du salaire précédent [3].

8Enfin, à l’issue du congé parental de naissance, un cinquième type de congé a été créé : le congé parental d’éducation. Pris à temps plein par l’un et/ou l’autre parent, il peut durer jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant. Une allocation forfaitaire modeste y est associée [4]. En cas de recours à temps partiel, il peut s’échelonner jusqu’à la fin de la deuxième année de scolarité en primaire de l’enfant, alors âgé d’environ 9 ans. Près de huit parents sur dix en Finlande prennent ce congé à l’heure actuelle, en partie ou en totalité, des mères dans leur immense majorité.

9En revanche, les parents souhaitant reprendre leur emploi à l’issue du congé parental de naissance disposent d’une place d’accueil garantie par la municipalité jusqu’à l’entrée des enfants en primaire, à l’âge de 7 ans. L’offre de garde est essentiellement composée de places dans des jardins d’enfants ou chez des assistantes maternelles municipales, éventuellement regroupées en crèches familiales. Cependant, du fait de l’utilisation répandue du congé parental d’éducation, seulement 21 % environ des enfants de moins de 3 ans sont gardés hors du foyer. Ce taux est de 70 % pour le groupe d’âge 3-7 ans.

L’histoire des congés pour pères : une « méprise »

10L’intensité de l’activité législative, depuis trente ans, autour des congés parentaux constitue une autre caractéristique du cas finlandais. Durant la seule période 1971-1981, le congé de la mère (alors appelé « congé de naissance ») connaît sept prolongations, passant de 72 jours à 258 jours. Entre ces deux dates, les pères obtiennent, pour la première fois, en 1978, la possibilité de prendre 12 jours de ce congé lors de l’accouchement. Par la suite, ces derniers se voient également attribuer le droit de « remplacer » la mère pendant ses derniers jours de congé. Ce nombre de jours croît progressivement. Imputable sur les 36 derniers jours du congé de sa conjointe en 1980, ce droit du père est porté à 60 jours en 1981 et atteint 100 jours en 1982 [5]. Toutefois, la mère reste prioritaire, son autorisation est requise en cas de recours paternel, et toute journée prise par le père est déduite du total des jours du congé de naissance.

11C’est ce principe – et la crainte manifeste que les journées prises par le père écourtent le congé de la mère – qui expliquent la dynamique finlandaise de prolongations multiples après 1978. On assiste à une surenchère : chaque fois que les droits du père sont élargis pour la dernière partie du congé, le nombre total de jours attribués à la mère est augmenté. Et ceci, malgré le peu de recours effectifs par les pères. Car en 1980 (deux ans après l’octroi du premier droit), seuls 13 % prennent un congé (Takala, 2006) – principalement à la naissance. D’où l’effet inverse de celui voulu par le législateur : les journées créées pour les pères vont aux mères. Non seulement le partage prôné ne se concrétise pas, mais l’écart entre mère et père se creuse. D’année en année, les interruptions provisoires, mais de plus en plus longues, de l’activité professionnelle des Finlandaises se normalisent, sans appropriation parallèle d’une telle pratique par les pères.

12L’étape suivante de la construction du modèle finlandais (1985) est marquée par de grandes réformes. Premièrement, les droits des conjoints aux 258 jours de congé de naissance sont redistribués et renommés : 100 jours sont désormais réservés au congé de maternité (ultérieurement, sa durée sera portée à 105 jours), les 158 jours restants du nouveau congé parental de naissance peuvent être pris par la mère ou par le père. De plus, 6 à 12 jours sont alloués à titre d’un « congé de paternité ». Ce changement de dénomination constitue un premier marqueur d’un droit individualisé pour le père. Néanmoins, ces jours sont toujours déduits du nombre total accordé dans le cadre du congé parental de naissance. Ainsi, si l’on a souvent considéré que le congé de paternité, en Finlande, fut créé en 1978, cette formulation s’avère partiellement inexacte. Pour être plus précis : les pères obtinrent, à cette date, le droit à « l’allocation maternité ». Ni la catégorie « allocation paternité » ni celle de « congé de paternité » n’existaient dans la loi avant 1985.

13Deux autres nouveautés sont introduites dans le répertoire des politiques familiales, la même année. Premier État-providence européen à œuvrer en ce sens, la Finlande instaure un « droit opposable » à la garde d’enfants de moins de 3 ans (élargi, en 1996, pour concerner tous les enfants de moins de 7 ans). Simultanément, au nom du « libre choix », un nouveau congé, le congé parental d’éducation, est voté pour les familles qui ne souhaiteraient pas faire valoir ce droit. Ces deux mesures entrent pleinement en vigueur au début des années 1990. En 2000, pour prolonger la période pendant laquelle l’enfant est pris en charge au foyer, 78 % de « parents », dans leur immense majorité des femmes, ont eu recours au congé parental d’éducation – soit pour quelques mois, soit jusqu’au troisième anniversaire du benjamin [6]. Par conséquent, la durée moyenne de la combinaison de congés pris par les mères finlandaises est d’environ un an et demi pour chaque naissance.

14Ainsi, la spécificité du modèle réside à la fois dans une activité féminine salariée élevée à temps plein – le taux d’emploi des femmes âgées de 25-49 ans est de 79,6 % (contre 72,4 % en France, en 2002) –, et dans la relative discontinuité des trajectoires professionnelles des mères, dans la mesure où elles sont ponctuées de longs congés parentaux. On a qualifié ce modèle de « contrat temporaire de la Finlandaise au foyer ». Du fait des modalités de développement des congés, ce « contrat » s’est trouvé, d’une génération à la suivante, considérablement prolongé. Paradoxalement donc, la proportion de mères de jeunes enfants à occuper effectivement un emploi dans les années 2000 est considérablement plus faible que dans les années 1970-1980. L’histoire nous montre qu’il s’agit là d’un phénomène imprévu résultant, en partie, d’une « méprise » entre le législateur et les parents.

Augmenter le recours des hommes aux congés

15Parmi les réformes ultérieures ayant eu pour objet d’accroître les recours des pères aux congés, celle de 1991 fut un succès. Prolongée de six jours, la durée du congé de paternité se trouve portée à trois semaines. Le fait que ces six jours ne viennent plus en déduction du congé parental de naissance représente une autre évolution significative : un pas de plus est franchi vers un droit individualisé. La proportion de pères ayant pris un congé passe alors à 45 %. En augmentation constante depuis, le taux de recours culmine à 69 % en 2005 (Takala, 2006).

16Toutefois, si près des deux tiers des pères prennent un congé de paternité, la part des hommes représente seulement 5 % du nombre total de jours alloués par l’État en 2002 et la durée moyenne des congés paternels est de seize jours. Malgré une ouverture précoce des congés au père, symbole de la reconnaissance de l’importance de sa présence lors de cette étape de la vie familiale – ou peut-être à cause de cette précocité associée à un dispositif ambigu [7] –, le plus cinglant échec du dispositif finlandais réside dans la faible participation des hommes aux congés longs. Au début des années 2000, seuls 2 % d’hommes revendiquaient une partie du congé parental de naissance, pour une durée moyenne de 65 jours ouvrables (STM, 2001). En baisse par rapport à 1992, cet indicateur suscita une prise de conscience et donna lieu à débat, dans la sphère publique, à propos des congés paternels (Martiskainen de Koenigswarter, 2008).

17Les deux mesures principales de la réforme qui en résultèrent – la création du mois du père et la possibilité de prendre les congés parentaux de naissance à mi-temps – ont créé de nouveaux espaces potentiels pour une prise en charge indépendante de l’enfant par le père, sur des périodes significatives. Alors que le gouvernement prévoyait un taux de recours au mois du père de l’ordre de 20 %, le résultat a été décevant : moins de 4 % en 2003 (Takala, 2006). En 2006, l’objectif n’a été atteint que pour moitié, puisque 10,5 % de pères ont pris ce congé (STM, 2008) [8].

18Depuis trente ans, le droit social finlandais propose aux hommes la possibilité de s’impliquer davantage dans leurs responsabilités paternelles. Durant les premières semaines qui suivent la naissance, la présence des pères est généralement acquise, indépendamment de leur profession et de leur catégorie sociale. Ainsi approprié par les parents, le congé de paternité est devenu une institution. Mis à part quelques pionniers, toutefois, peu de couples poussent l’expérience plus loin pour revêtir, chacun des membres à son tour, le rôle de « parent principal » en partageant les congés parentaux de naissance, créés pour cet usage. L’effet de ces politiques de la paternité sur les modèles familiaux semble donc, à première vue, tout relatif.

Expliquer les résistances

19De quelles explications sociologiques disposons-nous face à la manière dont les droits aux congés parentaux s’actualisent dans la pratique, malgré une législation formellement neutre et les (modestes) incitations en place ? Que des facteurs structurels soient impliqués est établi. Une ségrégation horizontale forte entre secteurs d’activité « féminins » et « masculins » engendre des environnements de travail différents au sein desquels les congés longs se sont normalisés ou demeurent atypiques. La légitimité des recours aux congés y est susceptible de variation. En effet, être salarié du public ou d’un secteur d’activité féminisé accroît l’utilisation des congés parentaux de naissance par les pères (Takala, 2006). Ce constat est également valable pour l’allocation parentale d’éducation française (Boyer et Renouard, 2004). L’inégalité salariale entre les sexes oriente les arbitrages financiers au quotidien et favorise la priorité accordée à la vie professionnelle du père. Aussi, une « inversion du genre » en termes de revenu favorise-t-elle l’éventualité d’une prise en charge des enfants au foyer par les hommes (Lammi-Taskula, 2007 ; Boyer, Renouard, 2004). Nourries par les représentations, toujours vivaces, de la primauté du rôle maternel auprès des jeunes enfants, ces asymétries confortent à leur tour les identifications, les émotions et les valeurs morales liées aux socialisations de genre. D’où un ensemble de mécanismes susceptibles de venir contrecarrer les négociations implicites ou explicites entre hommes et femmes éventuellement désireux d’ébranler un statu quo. Parmi eux, les Finlandaises, fortement dotées en capital culturel, soulignent plus fréquemment l’importance d’une prise en charge égalitaire des enfants que ne le font leurs consœurs d’un niveau d’éducation moindre. Et ce sont précisément les conjoints des premières qui utilisent plus souvent les congés parentaux (Lammi-Taskula, 2007) [9].

20Il convient néanmoins de souligner les limites du paradigme de la négociation pour expliquer la faiblesse des recours paternels. Un quart seulement des Finlandaises dont le conjoint n’a pas bénéficié du congé parental de naissance (90 % des familles) déclarent avoir abordé explicitement le sujet dans leur couple. Si les « évidences » du sens commun prédominent dans les choix implicites d’utilisation des congés, un élément susceptible de les déstabiliser – et de « défaire » ainsi le genre – apparaît comme décisif. Les droits individualisés et non transférables constituent un tel instrument [10]. Or, la politique de la paternité finlandaise s’est, dans le passé, distinguée par sa modération, notamment par l’absence de quotas, cette « tendre obligation » destinée à augmenter le recours des hommes aux congés.

Bibliographie

  • Bergqvist C., Kuusipalo J. et Styrkarsdottir A., 1999, « The Debate on Childcare Policies », in Bergqvist C. et al. (dir.), Equal Democracies ? Gender and Politics in the Nordic Countries, Oslo, Scandinavian University Press, p. 137-157.
  • Boyer D. et Renouard S., 2004, « Les hommes bénéficiaires de l’APE ? », Cnaf, Dossiers d’études, n° 57.
  • Gíslason I. V., 2006, « “No Problem!” Icelandic Men and Paternity Leave », in Possibilities and Challenges ? Men’s Reconciliation of Work and Family Life, Conference Report, Copenhague, Nordic Council of Ministers, p. 66-71.
  • Lammi-Taskula J., 2007, « Parental Leave for Fathers ? Gendered Conceptions and Practices in Families with Young Children in Finland », Helsinki, Stakes Research Report, n° 166.
  • Martiskainen de Koenigswarter H., 2008, « Protéger ou réformer la paternité ? Discours et politiques en Finlande et en France », in Guillemard A.-M. (dir.), Où va la protection sociale ? Paris, Puf, p. 271-287.
  • Rantalaiho M., 2003, « Pohjoismaisen isyyspolitiikan isäkuva » [« L’image du père dans les politiques de la paternité nordiques »], in Forsberg H. et Nätkin R., (dir.), Perhe murroksessa [La famille en transition], Helsinki, Gaudeamus, p. 202-229.
  • Takala P., 2006, « Men’s Take-up of the New Paternity Leave », in Possibilities and Challenges ? Men’s Reconciliation of Work and Family Life, op. cit., p. 61-65.
  • STM (Sosiaali- ja terveysministeriö) [ministère des Affaires sociales et de la Santé] 2001, « Työ- ja perhe-elämän yhteensovittamista selvittäneen työryhmän (PEVA II) muistio » [« Mémorandum du groupe de travail sur la conciliation de la vie professionnelle et familiale PEVA II »], Helsinki, työryhmämuistio n° 28, [mémorandum n° 28] ; 2008, « Perhevapaakampanja 2007-2008 » [« Campagne d’information sur les congés parentaux 2007-2008 »], Helsinki, selvityksiä n° 22 [rapport n° 22].

Date de mise en ligne : 01/03/2009

https://doi.org/10.3917/inso.151.0138

Notes

  • [1]
    Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet Family in Transition, à l’Université d’Helsinki, et financé par l’Académie de Finlande.
  • [2]
    La durée des congés en Finlande est toujours comptée en jours ouvrables (l’ensemble des jours du calendrier, à l’exclusion des dimanches).
  • [3]
    Les indemnités journalières de ces quatre types de congés sont d’un montant identique à celui des prestations maladie : 70 % du revenu imposable jusqu’à un plafond de 27 468 euros annuels ; 40 % pour la partie du revenu entre 27 468 et 42 261 euros ; 25 % pour la tranche excédante en 2005. Le taux moyen de compensation est de 66 %. Une allocation fixe minimum est proposée en cas d’inactivité ou d’études.
  • [4]
    Le montant de cette prestation est proche de celui de l’Allocation parentale d’éducation (APE) française, devenue le Complément de libre choix d’activité ou CLCA depuis la réforme de la Prestation d’accueil du jeune enfant (Paje). En 2006, l’allocation de base s’élevait à 294 euros par mois. Des compléments peuvent être versés en fonction du revenu du foyer et en cas de frère ou sœur gardé(e) simultanément au foyer. Enfin, certaines municipalités octroient une prime aux parents qui optent pour ce mode de garde.
  • [5]
    Avec 112 jours, le père finlandais dispose ainsi, dès 1982, d’un congé plus long que celui actuellement alloué à la mère en France pour les deux premières naissances (16 semaines de congé de maternité).
  • [6]
    Les Finlandaises ayant un haut niveau de qualification prennent davantage de congés courts, alors que leurs consœurs moins qualifiées ont plus fréquemment recours à un congé parental d’éducation long.
  • [7]
    En France, le congé de paternité a été très tardif (2002) mais a connu un succès immédiat, supérieur aux estimations du gouvernement : le taux de recours s’établit à 59 % en 2003.
  • [8]
    Les pères ont tendance à avoir recours très exactement aux deux dernières semaines du congé parental de naissance nécessaires pour obtenir les deux semaines supplémentaires de congé de paternité. Il semblerait ainsi que le mois du père se soit constitué rapidement en norme de durée. Il exercerait un effet pervers, dans le sens où il serait susceptible de diminuer la durée des congés des pères. Depuis janvier 2007, l’utilisation de la mesure a été rendue plus flexible et de nouvelles incitations sont prévues pour 2009 (STM, 2008).
  • [9]
    En France, les déterminants des recours au congé de paternité et aux congés parentaux d’éducation sont différents (cf. notamment Boyer et Renouard, 2004).
  • [10]
    Plus encore que les cas suédois ou norvégien, le dispositif islandais démontre qu’un changement social rapide devient possible quand l’instrument des quotas est bien manié. Précédemment à la traîne par rapport aux autres États-providence nordiques, les congés parentaux y passent de six à neuf mois en 2000 : trois sont réservés à la mère, trois au père, les trois mois restants étant ouverts au partage. Depuis cette révolution, 86 % des pères ont utilisé leur congé pour une durée moyenne de 97 jours, dès 2003. Cas unique, l’Islande représente également une nouvelle variante du familialisme : le familialisme « dé-genré ». L’importance accordée par l’Etat social au bien-être de la famille s’y conjugue avec une égale importance accordée au partage des droits et devoirs parentaux par les hommes et les femmes. Apparemment, bébés, employeurs et salarié(e)s s’en accommodent bien.

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