Couverture de INSO_142

Article de revue

Le modèle danois de “flexicurité”

L'improbable “copier-coller”

Pages 132 à 141

Notes

  • [1]
    C. Tuchszirer, “Les différentes approches de la précarité de l’emploi en Europe, au Japon et aux États-Unis”, Chronique internationale de l’IRES, novembre 2005.
  • [2]
    C. Tuchszirer, “La réforme du SPE en France : mission accomplie ?”, Regards de l’actualité, La Documentation française, octobre 2006.
  • [3]
    C. Tuchszirer (avec F. Lefresne), “Les stratégies d’activation des dépenses « passives » dans quatre pays européens : Belgique, Danemark, Pays-Bas, Royaume-Uni”, Document d’études de la DARES, n° 43, mars 2001.
  • [4]
    F. Lefresne, “Bad jobs au Royaume-Uni : état des lieux et enjeux du syndicalisme”, Chronique internationale de l’IRES, novembre 2005.
  • [5]
    C. Meilland, “Flexibilité sans précarité au Danemark”, Chronique internationale de l’IRES, novembre 2005.
  • [6]
    F. Chérèque, “Redonner forme à la société. Leçons du mouvement anti-CPE”, revue Esprit, mai 2006.
  • [7]
    H. Jorgensen, “Le rôle des syndicats dans les réformes sociales en Scandinavie dans les années quatre-vingt-dix”, Revue française des affaires sociales, octobre-décembre 2003.
  • [8]
    C. Dufour et A. Hege, “Emplois précaires, emploi normal et syndicalisme”, Chronique internationale de l’IRES, novembre 2005.
English version

1Flexibilité pour les employeurs, sécurité pour les employés, le modèle de “flexicurité” mis en place par le système danois est-il transposable en France ? La démarche danoise suppose un fort investissement dans les indemnités versées, la reconnaissance de droits mais aussi de devoirs pour les salariés, et l’adhésion des organisations syndicales. Des points sensibles en France.

2Dans la plupart des pays européens, le thème de la sécurisation des parcours professionnels gagne du terrain dans les débats sociaux. En France, cette problématique date du milieu des années quatre-vingt-dix, lorsque des travaux émanant d’experts soulignaient la nécessité de repenser le statut du travailleur dans un contexte de précarité et de discontinuité de l’emploi. Il aura fallu attendre plus d’une dizaine d’années pour que les organisations syndicales se saisissent de cette thématique en l’inscrivant dans leur agenda social. Quant au patronat, il reste encore très en retrait sur cette question. Ce concept de sécurisation apparaît difficile à définir mais le fil conducteur qui a nourri les réflexions sur ce sujet nous est venu des pays scandinaves, pionniers des politiques dites de “flexicurité”. Le principe est simple et consiste à combiner flexibilité pour les employeurs et sécurité pour les salariés, afin, notamment, de circonscrire les effets de la précarité induits par une trop forte dérégulation du marché du travail. C’est ainsi que l’on constate, par exemple, de singulières différences dans la façon dont les salariés européens perçoivent le travail temporaire. En Suède, au Danemark et en France, la part des emplois temporaires dans l’emploi salarié est sensiblement identique et représente près de 14 % de l’emploi salarié. En France, ce type d’emploi est perçu comme étant précaire et source de sentiments d’insécurité sociale. Dans les deux pays scandinaves, il n’en est rien. L’emploi temporaire, et plus généralement le risque de perdre son emploi, n’est pas associé à un sentiment de précarité. La raison est à rechercher à l’extérieur de la nature du contrat de travail [1]. La place accordée aux transferts sociaux, au rôle clef des partenaires sociaux dans la régulation sociale, à la qualité du système de formation professionnelle et du service public de l’emploi explique la force de ce modèle scandinave et sans doute l’attrait qu’il suscite dans un pays comme la France, qui peine à définir son modèle social. Pourtant, si le Danemark sert ainsi de référence constante aux tentatives de réforme du marché du travail qui se font jour en France, le compte n’y est pas [2]. Car ce modèle danois suppose deux conditions, loin d’être réunies chez nous. Il fait l’objet, jusqu’à aujourd’hui, d’une cohérence de l’ensemble des institutions du marché du travail et repose sur un compromis social d’où il tire sa force. Par un effet de miroir, revenir sur les caractéristiques de ce modèle danois nous éclaire sur nos propres faiblesses. Il pointe, en creux, la nécessité de revoir en profondeur l’ensemble des institutions qui participent à la régulation du marché du travail en France.

Une réforme conjointe du marché du travail et du système d’assurance-chômage

3Parmi l’ensemble des pays scandinaves, le Danemark est celui qui a été le plus loin, et bien avant les autres, dans la mise en place d’une démarche de “flexicurité” visant moins à protéger l’emploi que la personne du salarié. Cette nouvelle doctrine a été initiée en 1994, lorsqu’une crise économique sévère priva d’emploi plus de 14 % de la population active. La réforme engagée par les socio-démocrates alors au pouvoir, avec l’appui, à l’époque, des partenaires sociaux, combine plusieurs éléments : une politique économique d’orientation keynésienne consistant à utiliser l’instrument budgétaire pour relancer l’activité économique ; une nouvelle politique de l’emploi, beaucoup plus active qu’auparavant, visant explicitement à offrir un service personnalisé aux demandeurs d’emploi, assorti de mesures d’insertion, souvent obligatoires, pour encourager leur réintégration professionnelle ; une réforme du système d’assurance-chômage, plus conditionnelle qu’auparavant, et qui réduit la période d’indemnisation des chômeurs, jusque-là quasi illimitée.

4Les responsables de la politique de l’emploi se réfèrent régulièrement à la métaphore du “triangle d’or” pour illustrer la démarche proposée [3]. Il nous faut donc revenir sur les trois angles qui le caractérisent.

? Un marché du travail fluide et peu réglementé

5Le fonctionnement du marché du travail danois emprunte finalement beaucoup au modèle d’emploi anglo-saxon. La législation de l’emploi est faiblement contraignante. L’embauche en contrat stable y est facilitée par une période d’essai relativement longue (entre 9 et 12 mois). Les règles et les procédures encadrant la rupture du contrat à durée indéterminée sont souples. En cas de licenciement, les durées de préavis n’excèdent pas trois mois, quelle que soit l’ancienneté dans l’emploi, et, plus généralement, les coûts de licenciement sont réduits en raison de la faiblesse des indemnités de licenciement versées par l’entreprise. Il découle de cette faible protection de l’emploi une forte mobilité des salariés sur le marché du travail. En moyenne, le salarié danois reste huit ans dans la même entreprise, un chiffre qui distingue sensiblement le Danemark de ses homologues scandinaves. Malgré ces caractéristiques qui tendent à rapprocher le modèle danois du modèle anglo-saxon, les salariés danois ne font pas état d’un sentiment important d’insécurité professionnelle. Ce qui distingue fondamentalement le Danemark des pays anglo-saxons, c’est qu’ici, la flexibilité ne débouche pas sur des phénomènes de précarisation sociale [4]. La condition posée à cette faible régulation des systèmes d’emploi est précisément l’obtention de garanties sociales fortes.

? Un régime d’assurance-chômage qui joue pleinement son rôle de revenu de remplacement

6Le régime d’assurance-chômage est au cœur du système. Il est l’instrument qui rend possible ces transitions fréquentes sur le marché du travail parce qu’il permet de maintenir les revenus en cas de discontinuité de l’emploi. De ce fait, le système indemnitaire contribue à encourager les nécessaires mobilités professionnelles. 90 % des salariés danois sont couverts contre le risque chômage (contre 50 % en France). Ils disposent d’allocations chômage d’un niveau très proche de leur dernier salaire (près de 90 % du salaire brut de référence, avec une allocation plafonnée à 1 800 euros), ce qui confère à cette prestation son véritable rôle de revenu de remplacement en rien assimilable à un revenu d’assistance. Depuis la réforme de 1994, la période d’indemnisation s’organise en deux sous-périodes. La première, qui dure actuellement un an, permet au chômeur de percevoir ses allocations de chômage sans se voir imposer des obligations de reclassement. Au-delà d’une année, il entre dans une seconde période dite d’activation. Il continue de bénéficier de ses allocations chômage mais le maintien d’un droit à indemnisation est devenu plus conditionnel, s’accompagnant de nouvelles obligations (formation, éducation, mesures pour l’emploi dans le secteur privé ou public).

7Ce calibrage entre période d’indemnisation et période d’activation a fait l’objet d’un régime spécifique pour les jeunes de moins de 25 ans sans qualification professionnelle. Depuis 1996, la période d’activation débute dès le septième mois de chômage, pour leur éviter le piège du chômage de longue durée, en faisant de la formation professionnelle le principal instrument de leur réintégration sur le marché du travail. Le bénéfice d’une allocation de chômage pour ces jeunes est conditionné par ce passage en formation.

? Les droits et les devoirs, nouveau principe fondateur du service public de l’emploi

8La principale innovation introduite par la réforme de 1994 consiste à assortir l’octroi d’allocation de chômage à l’obligation de participer aux programmes d’activation initiés par le Service de l’emploi. Par ailleurs, le rôle des régions et des partenaires sociaux a été renforcé pour leur confier une responsabilité croissante dans l’élaboration et dans la conduite des politiques locales d’emploi. Le concept d’activation des politiques d’emploi, tel qu’il est défini au Danemark, repose sur un engagement réciproque qui mobilise la société et l’individu citoyen [5]. Ainsi, durant la période d’activation, le service public de l’emploi se doit d’accompagner le reclassement des chômeurs, au moyen d’une offre de services personnalisée, jusqu’au retour au marché régulier du travail (c’est-à-dire hors formation et mesures pour l’emploi). Quant au demandeur d’emploi, il doit accepter les propositions d’activation qui lui sont faites. Pendant ces trois années d’activation, les droits indemnitaires sont maintenus mais ils ne peuvent être réalimentés au cours de la période d’activation du fait d’un passage en contrat aidé ou en formation. Au-delà de cette période, ou bien le chômeur réintègre le marché du travail, ou bien il bascule alors dans les régimes d’assistance sociale. Le principe des droits et des devoirs est matérialisé par la signature d’un plan d’action individualisé dont les termes engagent les deux parties contractantes : l’agence locale et le chômeur. Ce plan est établi durant la période passive de délivrance des prestations et prépare la programmation des activités devant conduire à la réintégration du chômeur sur le marché du travail. Les agences définissent ce plan en fonction de deux impératifs : bâtir un projet professionnel en phase avec le profil et les attentes du chômeur. Mais le plan doit également prendre en compte les caractéristiques économiques des marchés locaux du travail. Tout chômeur engagé dans cette seconde phase d’indemnisation doit consacrer 75 % de son temps à participer au programme d’activation qui lui a été proposé. Les 25 % restants doivent être dédiés à des démarches individuelles de prospection en vue de réintégrer le marché du travail. Le plan d’action individualisé s’appuie sur l’utilisation de plusieurs leviers déjà mentionnés : actions de formation, subventions à l’embauche dans le secteur marchand et non marchand.

9L’accès à cette offre de services constitue un droit pour le chômeur mais un droit conditionné. S’il ne se rend pas aux réunions d’information prévues, s’il ne participe pas aux actions de formation proposées ou s’il refuse d’être embauché dans le cadre d’un emploi subventionné, l’agence pour l’emploi le signale à son fonds d’assurance chômage, géré par les syndicats au niveau des branches professionnelles, en vue d’obtenir une suspension temporaire de ses droits.

10L’autre aspect de la réforme a trait aux conditions dans lesquelles est mise en œuvre cette politique d’activation. Le rôle des conseils régionaux a été renforcé et une partie du budget de la politique de l’emploi leur a été transférée. Ces conseils fonctionnent sur une base tripartite qui associe à la décision politique les partenaires sociaux (deux tiers des sièges leur sont attribués), ainsi que les représentants des régions et des municipalités. Trois missions sont dévolues à ces conseils régionaux qui doivent définir, à la fois, une stratégie régionale d’activation conforme aux intérêts des entreprises et des chômeurs ; les populations cibles devant intégrer prioritairement les dispositifs d’activation ; la nature des instruments d’activation à mobiliser pour répondre aux besoins des entreprises et des chômeurs.

11La réforme du marché du travail introduite au Danemark fait donc apparaître une pluralité de systèmes et d’acteurs. C’est en ce sens que l’on peut à proprement parler de réforme puisqu’elle touche au système de protection sociale, au système d’emploi, ainsi qu’au système des relations professionnelles. Cette réforme a aussi été rendue possible par l’existence d’un consensus social qui la crédite d’une véritable légitimité.

Exigences et limites du modèle danois

12La réforme du marché du travail engagée au Danemark dans les années quatre-vingt-dix a résulté de la conjonction de plusieurs conditions rarement évoquées dans le débat français quand il s’agit d’analyser les success stories ou, plus généralement, l’orientation des programmes d’emploi adoptés par d’autres au-delà de nos frontières. Ces erreurs d’appréciation peuvent avoir des conséquences sociales douloureuses, comme nous avons pu le constater en France, à l’occasion de l’adoption du Contrat première embauche (CPE) [6], où la référence au modèle danois a été mentionnée de façon pour le moins abusive, avec l’épilogue que l’on sait. La première source de malentendus naît de la problématique de l’activation des dépenses passives car cette notion laisse à penser qu’il faudrait privilégier les dépenses actives (mesures d’insertion) au détriment des dépenses passives qu’il conviendrait de comprimer (indemnisation et mesures de retrait du marché du travail : radiation des listes). La réforme danoise contredit largement cette approche. Elle a, en effet, reposé sur un effort budgétaire important qui ne s’inscrivait nullement, du moins à l’époque, dans une logique de maîtrise des dépenses sociales. On note d’ailleurs que, depuis une dizaine d’années, les dépenses publiques consacrées aux programmes du marché du travail continuent de représenter un pourcentage non négligeable du PIB. En 2003, elles ont représenté 4,40 % du PIB au Danemark, contre 2,85 % en France. Au sein de ces dépenses, les mesures dites passives représentent 2,68 % du PIB au Danemark, contre seulement 1,77 % en France. La “flexicurité” à la danoise ne repose donc pas sur une opposition entre les dépenses passives et les dépenses actives. À l’heure où les organisations syndicales françaises manifestent le souhait d’engager un débat sur la sécurisation des parcours professionnels pour accorder aux salariés une sé-curité en termes de droits sociaux en contrepartie de la flexibilité concédée aux entreprises, il faut revenir sur les enseignements de la comparaison internationale. Dans les pays où le sentiment de sécurité est le plus élevé et le taux de chômage le plus bas (Danemark, Suède, Pays-Bas), les régimes indemnitaires ont joué un rôle central dans la gestion des nécessaires mobilités professionnelles.

13L’autre enseignement majeur à tirer de l’expérience danoise renvoie bien entendu au jeu des acteurs et aux forces sociales qui sous-tendent les réformes adoptées. Les syndicats sont des acteurs politiques puissants, notamment dans la régulation du marché du travail ainsi que dans le processus de prise de décision politique [7]. Difficile d’imaginer qu’au Danemark, une réforme d’ampleur du marché du travail puisse voir le jour sans avoir reçu, au préalable, l’adhésion des partenaires sociaux. Favorables à une politique active de l’emploi qui puisse garantir le plein-emploi, les syndicats n’en restent pas moins très vigilants sur la façon dont ces politiques sont mises en œuvre dans les entreprises. Ainsi, les conditions de l’utilisation que les entreprises font des contrats d’insertion subventionnés par l’État sont fortement contrôlées par les syndicats pour éviter les effets d’aubaine (le nombre d’emplois activés dans une entreprise du secteur privé est subordonné au nombre de salariés ; dans certain cas, la création d’un emploi activé est conditionnée par celle d’un emploi permanent). Cette fonction de contrôle est d’autant plus facile à exercer que les syndicats sont fortement représentés dans l’entreprise.

14Cette institutionnalisation du rôle des partenaires sociaux est également à l’œuvre au plan régional où ils sont, comme nous l’avons vu, fortement impliqués. Selon certains observateurs, c’est cette délégation d’attributions à des organismes régionaux tripartites qui aurait contribué à améliorer le fonctionnement du marché du travail par une meilleure prise en compte des besoins des marchés locaux de l’emploi.

15Si ces facteurs de nature sociétale et institutionnelle expliquent une bonne partie des performances danoises en matière d’emploi, il ne faudrait néanmoins pas surestimer les forces de ce modèle. Certes, le taux de chômage a baissé dans des proportions importantes dans les années quatre-vingt-dix, mais l’on ne peut imputer cette décrue aux seuls bienfaits de la “flexicurité”. Ainsi, le taux de chômage a fortement baissé sur une période de temps extrêmement courte, passant de 10 % en 1993 à un peu plus de 6 % en 1996. Mais durant cette période, le Danemark a connu une croissance économique soutenue : 5,5 % en 1994, puis 3 % en moyenne au cours des trois années suivantes. Une croissance tirée par la reprise de l’investissement public et par une baisse importante des taux d’intérêt. Rappelons effectivement que c’est alors une politique économique de nature keynésienne qui est appliquée par le gouvernement en place. La baisse du chômage observée a également été le résultat d’une politique de l’emploi qui, tout en accordant la priorité aux politiques d’activation, a continué d’user du levier des préretraites pour inciter une partie des salariés à se retirer du marché du travail. Cette politique de réduction de l’offre de travail a eu un impact considérable sur le taux de chômage et, au final, il n’est pas aisé d’isoler l’effet propre des politiques de “flexicurité” sur les performances observées. Enfin, depuis la fin des années quatre-vingt-dix, on assiste, dans la plupart des pays européens, à un changement de décor tant sur le plan économique que social qui n’a pas épargné les pays scandinaves. Les politiques économiques ont une tonalité nettement plus libérale et elles sont associées à des réformes du marché du travail et des systèmes de protection sociale plus restrictives. Même en Scandinavie, les politiques de “flexicurité” ne sont pas gravées dans le marbre car elles supposent l’adhésion d’organisations syndicales qui pourraient bien, demain, remettre en cause leur légitimité. Tel semble être le cas en Suède, où la réforme drastique du régime d’assurance-chômage que le gouvernement vient de mettre en place a soulevé de vives protestations dans le camp syndical.

En conclusion…

16La plupart des pays de l’Union européenne subissent actuellement un durcissement des régimes d’assurance-chômage conduisant de nombreux salariés à ne pas, ou plus, bénéficier de cette protection sociale qui permettait de prolonger le salaire au-delà des aléas de l’emploi. Aucun pays n’a été épargné par cette évolution, pas même les pays du Nord dans lesquels la problématique de la précarité de l’emploi pourrait surgir du fait de la rétraction des régimes sociaux. Au Danemark, aux Pays-Bas, comme en Suède, une menace pèse sur la cohérence des systèmes de “flexicurité” qui renvoie au constat d’un affaiblissement possible de la capacité de récupération de certains salariés dans les filets de la protection sociale. Si cette tendance se confirmait, les conséquences ne manqueraient pas de porter atteinte à la crédibilité du compromis social et de ses acteurs [8]. Cette question est ouvertement posée aujourd’hui en Suède, et il sera intéressant de suivre les débats dans ce pays qui a longtemps fait figure de modèle social en matière de “flexicurité”. Plus que jamais, il importe donc de repenser les finalités de nos systèmes de protection sociale afin de parvenir à sécuriser, par le maintien des revenus et autres formes de droits sociaux, des trajectoires professionnelles de plus en plus chahutées. C’est à cette seule condition que les politiques dites de “flexicurité” pourront disposer, au Danemark comme ailleurs, du soutien des organisations syndicales et faire ainsi l’objet de compromis sociaux, seul gage de leur mise en place effective.

Notes

  • [1]
    C. Tuchszirer, “Les différentes approches de la précarité de l’emploi en Europe, au Japon et aux États-Unis”, Chronique internationale de l’IRES, novembre 2005.
  • [2]
    C. Tuchszirer, “La réforme du SPE en France : mission accomplie ?”, Regards de l’actualité, La Documentation française, octobre 2006.
  • [3]
    C. Tuchszirer (avec F. Lefresne), “Les stratégies d’activation des dépenses « passives » dans quatre pays européens : Belgique, Danemark, Pays-Bas, Royaume-Uni”, Document d’études de la DARES, n° 43, mars 2001.
  • [4]
    F. Lefresne, “Bad jobs au Royaume-Uni : état des lieux et enjeux du syndicalisme”, Chronique internationale de l’IRES, novembre 2005.
  • [5]
    C. Meilland, “Flexibilité sans précarité au Danemark”, Chronique internationale de l’IRES, novembre 2005.
  • [6]
    F. Chérèque, “Redonner forme à la société. Leçons du mouvement anti-CPE”, revue Esprit, mai 2006.
  • [7]
    H. Jorgensen, “Le rôle des syndicats dans les réformes sociales en Scandinavie dans les années quatre-vingt-dix”, Revue française des affaires sociales, octobre-décembre 2003.
  • [8]
    C. Dufour et A. Hege, “Emplois précaires, emploi normal et syndicalisme”, Chronique internationale de l’IRES, novembre 2005.
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