Quitter le château
Éric CHOTARD, Favoriser la socialisation des enfants et adolescents accueillis en IME : rompre avec une logique d’enfermement. Mémoire pour l’obtention du CAFDES, ITS, 17 rue Groison, BP 77554, 37075 Tours cedex, décembre 2006, 86 p. + annexes. www.its-tours.org
1Imaginez un château, construit au xviie siècle, bordé de douves sèches, douves dont la profondeur atteint onze mètres, un château entouré de murs et situé dans un parc de vingt-sept hectares à l’écart d’un village, quelque part dans les pays de Loire. Un château à visiter lors des journées du patrimoine en se demandant où se trouve la chambre de la belle endormie. Ce n’est pas une princesse qui repose ici. Des enfants, des adolescents, voire de jeunes adultes résident dans ce lieu reconverti, dans les années soixante, en institut médico-éducatif. L’architecture est somptueuse, le paysage magnifique. Les enfants souffrent de troubles envahissants du comportements : autisme, syndrome de Rett, démences infantiles et psychoses désintégratives. À la clôture des lieux répond l’enfermement des enfants à l’intérieur d’eux-mêmes, éloignés des autres, loin aussi de leurs familles. La fermeture, le mélange des âges, la mauvaise réputation du lieu, l’impossibilité de préserver l’intimité des enfants, tout cela conduit d’ordinaire à l’émergence de phénomène de maltraitance, le château ne sut ou ne put se tenir à l’écart de ce risque. Le mémoire d’Éric Chotard décrit la sortie du château. La sortie des enfants vers le village, son école et les autres enfants, la sortie dans les têtes, lorsque les membres du personnel acceptent une nouvelle organisation du travail. La sortie est aussi le projet d’abandon du château pour des locaux plus fonctionnels, plus accueillants, plus près du village. La sortie, c’est enfin une approche plus ouverte de l’autisme conjuguant les méthodes en fonction des enfants plutôt qu’opposant des points de vue de façon dogmatique. Le mémoire d’Éric Chotard est un très bon exemple des transformations actuelles du médico-social dans un domaine où les débats théoriques restent encore d’une très grande vivacité. 1398
Enfant étranger sans parent
Pascale CORDIER, Créer une unité spécifique pour la prise en charge des mineurs isolés étrangers déclarés majeurs. Mémoire pour l’obtention du CAFDES, IRTS, 145 avenue Parmentier 75010 Paris, 2006, 70 p. + annexe. www.irtsparis.asso.fr
2Comment savoir l’âge d’un enfant dans le cas où celui-ci ne peut produire ni attestation administrative ni parole d’un proche ? La question n’est pas anodine lorsque cet enfant est étranger. S’il a plus de 18 ans, il est majeur et susceptible d’être reconduit à la frontière, s’il est mineur, il relève de l’aide sociale à l’enfance et peut bénéficier d’un soutien éducatif. Pour trancher entre ces deux directions, le juge peut en appeler à la science en soumettant l’enfant à une expertise osseuse réalisée par un institut médico-judiciaire. Celui-ci recourt à diverses techniques comme l’analyse des mensurations de l’enfant, l’examen de sa dentition et des radiographies de la main ou du poignet. Cette méthode est scientifiquement contestable et la marge d’incertitude est d’environ dix-huit mois, ce qui ne manque pas de poser problème lorsque l’examen est appliqué à des mineurs de 16 ou 17 ans. Le jeune ne dispose d’aucun moyen pour contester les résultats de l’examen et la décision finale est, le plus souvent, en sa défaveur. Que peuvent alors faire les associations ? Orienter le jeune vers un réseau militant ou le pousser dans la clandestinité ? L’auteure de ce mémoire, membre de l’association France Terre d’Asile, propose à la DDASS de Paris la création d’un service d’accueil pour ces enfants entre deux âges et entre deux statuts leur offrant ainsi un recours en cas de refus et la possibilité de se préparer à un futur qui ne serait pas fait d’errance et de clandestinité. 1399
Projet social territorial
Véronique FERNANDEZ, Mobiliser un réseau d’acteurs sociaux pour favoriser l’insertion des bénéficiaires du RMI : le projet expérimental d’un CIAS. Mémoire pour l’obtention du CAFDES, IRFFD, résidence Edouard-VII, 22 rue Claret, 34070 Montpellier, 2006, 83 p. + annexe. I.R.F.F.D@wanadoo.fr
3La répartition géographique des allocataires du RMI fait ressortir deux vastes zones dans lesquelles se retrouve un taux plus important de bénéficiaires de cette prestation : le nord de la France et la bordure méditerranéenne. Le mémoire de Véronique Fernandez constitue une bonne introduction à la description de la population pauvre dans une partie de cet espace méditerranéen qu’est le Minervois. Bien connu pour sa production viticole, le Minervois est aussi la région où l’on rencontre le plus grand nombre de viticulteurs allocataires du RMI. Résident aussi dans cette région un grand nombre de jeunes familles venues s’installer dans le sud imaginant certainement que “la misère était moins pénible au soleil”. Au-delà d’une simple monographie d’une forme particulière de la pauvreté rurale, ce mémoire constitue une bonne introduction à la construction d’un dispositif local d’insertion conjuguant l’insertion sociale et culturelle et l’aide à l’insertion professionnelle. Le fait qu’un centre intercommunal d’action sociale soit à l’origine de ce projet ajoute à l’intérêt de ce travail. L’action sociale locale ne devrait pouvoir se concevoir en milieu rural autrement que dans un cadre d’intercommunalité. La qualité de l’écriture et la pertinence des actions entreprises ne réussissent quand même pas à nous faire oublier que le RMI aura bientôt vingt années d’existence et qu’il est un peu angoissant de voir des professionnels du social réinventer les mêmes outils, recourir aux mêmes recettes, et à l’image de Sisyphe, remonter une pierre qui ne cesse de dévaler la pente. 1400
Mouvement d’Ase
Patricia HORTA, Accompagner le changement dans une MECS en s’appuyant sur les compétences des familles. Mémoire pour l’obtention du CAFDES, ARIF Etsup, 8 villa du Parc-Montsouris, 75014 Paris, 2006, 89 p. + annexe. www.etsup.com
4En matière d’aide sociale à l’enfance, le schéma traditionnel d’intervention distingue une action en milieu ouvert auprès des enfants et des familles et une prise en charge des enfants, des adolescents voire des jeunes adultes dans des établissements. La première forme d’action privilégie le travail sur les liens familiaux, la seconde, sans mettre de côté l’importance de la restauration des relations familiales se centre sur la protection, l’éducation et la socialisation de l’enfant. Au fur et à mesure des rapports et des années, cette distinction est devenue moins forte. Les établissements, dans leur grande majorité, se sont ouverts sur le monde extérieur alors que les services d’aide à domicile se trouvaient confrontés à des situations très complexes qui, sans nécessiter un placement en établissement, supposaient une action d’accompagnement plus intensive. Dans un mémoire très documenté et théoriquement bien étayé, Patricia Horta, directrice adjointe d’une Maison d’enfants à caractère social (MECS) avance un peu plus sur ce chemin d’une moindre distinction entre le travail en établissement et en milieu ouvert. À partir d’une MECS, deux nouveaux services ont été développés, le premier est un service d’accompagnement soutenu au domicile des parents. Il vise à prévenir, parfois dans le prolongement d’une mesure d’aide à domicile, un placement dans l’établissement ou à accompagner un retour au domicile à la suite du placement. Le service vise à accompagner le jeune tout en renforçant les compétences des parents. La seconde création est un petit service d’accueil et d’accompagnement de jeunes mères célibataires. Sans constituer des ruptures totales avec les pratiques développées par les professionnels de l’aide sociale à l’enfance, ces innovations illustrent et s’inscrivent dans la tendance engagée depuis quelques années d’une recomposition de ce secteur. 1401
Centre social au bord de la crise
Laurence VILLENEUVE, Conduire une stratégie de sortie de crise pour recentrer un centre social sur les besoins des habitants du territoire. Mémoire pour l’obtention du CAFDES, ARAFDES, 14 rue Gorge-de-Loup, 69009 Lyon, 2006, 74 p. + annexe. www.arafdes.fr
5Objectivement, les causes de l’existence de crises dans les centres sociaux sont plus nombreuses que les motifs de calme et d’apaisement. Inventés dans les années d’après-guerre, les centres médico-sociaux évoluèrent dès les années soixante vers une fonction d’animation territoriale à vocation éducative, préventive et promotionnelle, avant de se voir confirmés dans leur rôle d’équipement de proximité et souvent intégrés dans les multiples instances de la politique de la ville. Le reflux de l’État au profit des collectivités locales, le repositionnement des caisses d’Allocation familiale, les inflexions multiples de la politique de la ville ne contribuèrent pas à donner aux centres sociaux un cadre stable et propice au développement d’une action dans la durée. Si l’on ajoute à ces parcours institutionnels erratiques une évolution en profondeur, au cours des trente dernières années des systèmes de valeurs qui inspirent les centres sociaux, de l’éducation populaire à l’animation culturelle et sociale en passant par la valorisation du projet associatif local, on ne s’étonnera pas que les tensions dans les centres sociaux n’aient pas manqué dans un passé récent. Le travail de Laurence Villeneuve décrit les évolutions de l’un de ces centres dans un quartier de Nevers. Outre que les mémoires sur les centres sociaux ne sont pas très fréquents chez les postulants au CAFDES, on s’intéressera à ce mémoire car il analyse la place des usagers et surtout des membres des associations dans la résolution de crise. Certes, les centres sociaux ne relèvent pas de la loi de 2002-2 sur les institutions sociales et médico-sociales, mais cette loi donnant une place institutionnelle plus importante aux usagers, il y a sans doute des leçons à tirer du fonctionnement des centres sociaux. 1402
Le choix du 2002-2
Éric HERVOIS, Inscrire un service d’aide à domicile pour personnes âgées dépendantes dans la loi 2002-2. Mémoire pour l’obtention du CAFDES, IRTS PACA et Corse, 20 boulevard des Salyens, BP 133, 13267 Marseille, 2006, 86 p. + annexes. www.irts-pacacorse.com
6Développée lentement depuis les années 1950-1960, l’aide à domicile pour les personnes âgées a d’abord concerné les personnes âgées malades, l’aide à domicile devant éviter l’hospitalisation. Alors que le rapport Laroque, qui constituait le tournant conceptuel, datait de 1962, il fallut attendre le milieu des années soixante-dix pour assister à un fort développement de l’aide à domicile sous l’impulsion des associations et des caisses de retraite. L’allongement de la vie et la multiplication des situations de dépendance confortaient le besoin de structuration d’un secteur professionnel jusque-là fort hétérogène. Cette structuration s’est faite par deux législations. La première, bien connue de l’ensemble des acteurs du secteur médico-social est la loi de 2002-2 qui s’applique, entre autres, aux services d’aide à domicile. Elle prévoit que ces services sont régis par une procédure d’autorisation donnée par les présidents des conseils généraux. Ces services appliquent alors l’ensemble des dispositifs de la loi, en particulier, les articles valorisant la participation des usagers. La seconde loi date du 26 juillet 2005. Elle permet aux services d’aide à domicile de fonctionner sur la base d’un agrément de qualité délivré par le préfet du département pour une durée de cinq ans. Cette dernière législation s’inscrit dans le cadre du développement des activités de services et de création d’emplois. Les organismes doivent désormais opter pour l’un ou l’autre des cadres juridiques. La réforme vient juste d’être mise en œuvre. On aurait pu penser que la grande majorité des organismes d’aide à domicile se serait précipitée sur la procédure d’agrément, plus simple et moins contraignante. Ce n’est pas le cas et le clivage se fait plutôt entre des associations porteuses d’un projet de service et un secteur marchand soucieux d’affirmer ses compétences dans un univers désormais concurrentiel. Une évaluation sera sans doute faite un jour sur l’efficacité et la qualité des services offerts dans les deux secteurs. Les évaluateurs devront lire impérativement le mémoire d’Éric Hervois. Ils découvriront comment une association peut faire le choix d’une contrainte plus grande dans l’objectif de rendre un service au plus près des personnes. 1403
Seniors en ESAT
Françoise LOFFICIALPoursuivre l’intégration professionnelle des travailleurs d’ESAT malgré le vieillissement et la fatigabilité. Mémoire pour l’obtention du CAFDES, CRFPFD, 50 boulevard Deltour, 31500 Toulouse, 2006, 84 p. + annexe. crfpfd@wanadoo.fr
7Avant de s’engager dans la lecture de ce mémoire, on se souvient d’abord que les ESAT ou Établissements et services d’aide par le travail sont venus prendre la place des CAT à la suite de l’adoption de la loi du 11 février 2005, dite loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette transformation étant rappelée, vous pouvez vous plonger dans la vie de TRICAT Service, un établissement du Sud-Ouest, qui accueille des personnes atteintes d’un handicap mental, personnes auxquelles l’ESAT propose des travaux de sous-traitance industrielle, de création et d’entretien d’espaces verts, de l’encadrement d’art, de travaux réalisés en entreprise et de la peinture et de la pose de papier peint chez des particuliers. Dans cet ESAT, plus de la moitié des travailleurs handicapés dépassent quarante ans, âge à partir duquel les professionnels du secteur considèrent que la fatigabilité pèse d’un poids plus grand. Cette vulnérabilité se traduit par une progression de l’absentéisme, des accidents plus fréquents et l’accroissement d’un risque dépressif. Les réponses possibles portent sur l’aménagement des postes de travail, l’augmentation des temps partiels, une plus grande attention portée à la vie des équipes, un plus grand respect des personnes et, dans ce cas précis, la création d’un service d’accueil de jour. On pourrait s’interroger sur la transférabilité de ces mesures aux populations de travailleurs âgés. 1404
L’ESAT, entre protection et discrimination
Catherine GENTILHOMME, Piloter un dispositif favorisant l’autonomie des travailleurs accueillis en ESAT : protéger sans disqualifier. Mémoire pour l’obtention du CAFDES, ITS, 17 rue Groison, BP 77554, 37075 Tours cedex, décembre 2006, 76 p. + annexes. www.its-tours.org
8La majorité des mémoires sur les établissements proposant du travail à des personnes handicapées mentales ou psychiques traitent actuellement de la façon de s’organiser pour répondre de la meilleure manière possible aux prescriptions de la réforme de 2005, et en particulier à l’objectif de participation des personnes aux décisions les concernant. Catherine Gentilhomme a choisi une autre approche, plongeant au cœur même de la tension permanente, qui structure la vie de ces établissements. Si des personnes sont obligées de recourir à de telles institutions c’est bien en raison d’une adéquation entre leurs capacités et les contraintes du monde du travail. Dans les dernières décennies, ces contraintes se sont faites plus pesantes et dans le même temps des structures de protection, par exemple en psychiatrie, se sont réduites. La personne handicapée vient dans un ESAT pour trouver cette protection tout en aspirant à être comme les autres travailleurs et à ne pas souffrir de discrimination, or l’institution est, pas essence, discriminante. La loi de 2005, qui affirme à la fois l’importance de la non-discrimination tout en revalorisant le rôle médico-social des ESAT, ajoute à la confusion. On comprend alors mieux la difficulté de vivre et de travailler dans ces établissements, que l’on appartienne au groupe des personnes handicapées ou que l’on soit membre du personnel. 1405
“Care” ou “cure”
Patrick LEPAULT, Créer une synergie entre un service de soins palliatifs et de soins de suite pour une continuité des soins à la personne. Mémoire pour l’obtention du CAFDES, IRTS, 9 rue François-Rabelais, 33401 Talence cedex, 2006, 81 p. + annexe. www.irtsaquitaine.fr
9L’arrivée dans un service de suite s’effectue le plus souvent après une hospitalisation dans des services de soins plus intensifs. Vient alors le temps de la convalescence, ou dirait-on plutôt maintenant de la réadaptation. Les soins y sont moins fréquents, le pronostic favorable et pour reprendre la terminologie anglaise, le “care” l’emporte sur le “cure”. L’entrée dans un service de soins palliatifs engage la personne malade dans une autre direction. Il s’agit d’avantage de lutter contre la douleur et d’assurer une prise en charge psychologique du patient et de sa famille dans la perspective d’un décès. Qu’un même établissement ne propose que ces deux types de service témoigne d’une capacité certaine à réaliser un grand écart institutionnel. Patrick Lepault dirige pourtant un établissement de ce type créé au milieu du xixe siècle par l’association de l’œuvre des Dames du Calvaire qui proposaient une assistance aux veuves et aux femmes incurables et isolées, en particulier celles atteintes de cancer. Les Dames du Calvaire n’existent plus aujourd’hui mais le projet associatif reste très marqué par ce souci de l’assistance aux personnes malades. Au fur et à mesure de la médicalisation de l’établissement, un écart s’est accentué entre des soins de suite et des soins palliatifs. Le mémoire témoigne d’une démarche particulièrement originale visant à rapprocher ces deux domaines autour de l’idée de continuité des soins, le soin renvoyant ici plus à la notion de prendre soin de l’autre que d’une démarche thérapeutique au sens usuel du terme. 1406