Couverture de INSO_133

Article de revue

La mobilisation des familles

Pour l'hébergement des personnes âgées

Pages 114 à 118

Note

  • [1]
    Cette action a été sélectionnée et primée par la Fondation de France, “Douze expériences autour du respect du droit au choix, droit au risque des personnes âgées”. Pour en savoir plus : wwww. fdf. org
English version

1Les familles et les directeurs d’établissement accueillant des personnes âgées partagent un même constat : la nécessité pour la société d’organiser mieux leur prise en charge. Ensemble, dans un cadre associatif, ils ont mis au point treize propositions destinées aux pouvoirs publics, après une analyse sévère des besoins. Un partenariat de portée nationale, parmi d’autres exemples possibles, entre familles et professionnels.

2Nombreuses sont les familles qui n’ont pas attendu la canicule de 2003 pour soulever les difficultés auxquelles elles devaient faire face pour prendre soin de leur parent âgé vivant en établissement. Les pathologies dues au grand âge avaient déjà fait apparaître les problèmes d’une prise en charge de qualité à domicile comme en établissement. Un certain nombre d’associations s’étaient constituées dans différents départements. L’annonce de la création de l’Association des personnes âgées vivant en collectivité (APAVEC) est parue au Journal officiel le 5 décembre 1984. D’autres se sont constituées plus tardivement avec les mêmes objectifs : faciliter l’expression des personnes âgées en hébergement, respecter leur dignité, leurs besoins et leurs attentes ; améliorer leur qualité de vie. En conséquence, nous avons décidé de nous rassembler en fédération nationale (la FNAPAEF), en mars 2004, afin d’unir nos connaissances, nos forces et notre volonté de faire évoluer une situation insupportable et indigne.

3Notre mission commune est l’écoute et le dialogue avec les familles, la rencontre avec les responsables de maison de retraite ainsi qu’avec les élus, afin de faire ensemble le constat d’une situation précaire, mais surtout de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour améliorer cette situation. Nous participons à des commissions de travail dans le cadre du schéma gérontologique de nos départements par le biais du conseil général, nous siégeons dans les Comités départementaux des retraités et personnes âgées (CODERPA). Une collaboration se crée également avec les Centres locaux d’information et de coordination (CLICS), qui reconnaissent l’importance de la parole de l’usager et celle de sa famille. Nous incitons les associations rejoignant la FNAPAEF à suivre cette voie. Le but est commun : faire reconnaître la personne âgée fragilisée en tant que citoyen à part entière avec des devoirs mais aussi des droits.

Un parcours éprouvant

4Les difficultés sont nombreuses (aux plans pratique, psychologique, relationnel, etc.) dans les différentes étapes entre la décision de quitter le domicile, la recherche et l’entrée en établissement. Or la personne n’a pas toujours la possibilité de choisir sa maison de retraite mais est accueillie là où il y a de la place. Lorsque enfin une place est trouvée, une autre phase commence, en prise directe avec le fonctionnement de l’institution. La loi 2002-2 ayant pour but de placer les droits des usagers au cœur de l’action sociale et médico-sociale doit permettre une amélioration des rapports du résident et de sa famille avec l’institution. L’un des outils de cette loi, le conseil de la vie sociale, est un moyen de faire se rencontrer résidents, familles et personnel pour débattre ensemble des difficultés et du projet de vie de l’établissement. Juridiquement, nous assistons à une avancée, encore faut-il donner les moyens aux acteurs concernés (personnels et directeurs) de mettre cette loi en application.

5Globalement, nous souhaitons des horaires mieux adaptés aux rythmes de vie de la personne, une amélioration de la qualité des soins quotidiens, une prise en compte de la potentialité du résident qui lui permette de s’intégrer dans un programme d’“animations soins”, ce que commencent à mettre en place certaines maisons de retraite les mieux dotées. Nous souhaitons par ailleurs une prise en charge de la maladie d’Alzheimer digne d’un pays développé, où soignants et malades ne seraient plus abandonnés à domicile ou hébergés dans des structures inadaptées.

Des moyens, encore des moyens !

6Contrairement à ses voisins européens, la France n’a pas pris les mesures nécessaires pour éviter cette situation critique. La personne qui arrive en institution a besoin d’être reconnue comme un être à part entière avec ses habitudes, son parcours de vie, son milieu social, ses goûts. C’est au personnel de s’adapter au rythme du résident et non l’inverse. Nous devons exiger et obtenir un personnel formé, qualifié et en nombre suffisant.

7Des écarts importants sont manifestes d’une région à l’autre, parfois d’un établissement à l’autre : établissements à but lucratif très onéreux, prix de journée qui ne cessent d’augmenter dans des proportions inacceptables par rapport au coût de la vie et à la revalorisation insuffisante des retraites. L’aide alimentaire ne tient pas compte de l’évolution de notre société. Face à ces difficultés et à nos questionnements, toute la collectivité doit se mobiliser.

Le rapprochement avec les directeurs d’établissement

8Dans la situation actuelle, les familles veulent devenir partenaires de l’ensemble des acteurs concernés. Au-delà de la critique, il s’agit de faire avancer les choses. Les directeurs d’établissement revendiquent des valeurs identiques et se trouvent confrontés, par manque de moyens, à des situations qu’ils déplorent eux-mêmes.

9Les constats émis par Pascal Champvert, président de l’Association des directeurs d’établissement d’hébergement pour personnes âgées (ADEHPA) sont similaires aux nôtres. Nous avons donc travaillé pendant plusieurs mois pour définir des propositions communes. Le 11 avril 2005 naissait l’Association vivre et vieillir en citoyens (AVVEC), regroupant la fédération des familles et des directeurs [1]. Directeurs d’établissement, familles et résidents se retrouvaient pour la première fois avec la volonté d’interpeller les pouvoirs publics, afin que soit mise en place une vraie politique en faveur des personnes âgées. Treize propositions ont été dressées, visant à répondre dignement aux besoins de nos personnes âgées fragilisées (voir encadré).

Association AVVEC : treize propositions aux pouvoirs publics

n° 1 : Organiser une campagne de communication du gouvernement à ce sujet et proposer que la réflexion sur la place des personnes âgées dans notre société soit décrétée grande cause nationale en 2006.
n° 2 : Développer les campagnes de lutte contre la maltraitance et instaurer la réflexion sur une véritable bien traitance de nos aînés dans la société.
n° 3 : Engager une large réflexion par les pouvoirs publics sur le regard que porte notre société sur le vieillissement et les personnes âgées.
n° 4 : Promouvoir en établissement comme à domicile un changement de regard sur les personnes âgées favorisant le respect de leur autonomie et de leur intégrité avant la prise en charge sanitaire de leurs pathologies.
n° 5 : Réunir une conférence nationale sur l’aide aux personnes âgées fragilisées réunissant pouvoirs publics, financeurs, organisations de consommateurs, de personnes âgées, de familles et de professionnels ; elle aura pour but d’évaluer les besoins auxquels il faut répondre et les financements nécessaires.
n° 6 : Dans l’immédiat, attribuer intégralement l’ensemble des crédits issus de la suppression du jour férié en 2005, consécutive à la canicule, à l’aide aux personnes âgées vivant en établissement et à domicile. Cela implique de financer le grand chantier du président de la République en faveur des personnes en situation de handicap sur d’autres crédits.
n° 7 : Dans un second temps, revoir entièrement le plan vieillissement et solidarité afin de doubler à terme le nombre des professionnels en établissement pour rattraper le retard accumulé par rapport aux autres pays européens (Suisse, Danemark, Suède : 10 à 12 salariés pour 10 résidents ; Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Luxembourg : 8 à 10 salariés pour 10 résidents ; en France, 4 salariés pour 10 résidents).
n° 8 : Instaurer des ratios nationaux minima de personnels en établissement et à domicile.
n° 9 : Pérenniser les 5 500 postes créés dans les établissements dans le cadre de la mise en œuvre des emplois jeunes. Cette mesure permettra en outre à ces personnels de continuer à exercer dans ce secteur.
n° 10 : Créer un véritable risque financé par la solidarité nationale permettant aux personnes âgées de bénéficier d’un véritable droit à compensation de leur handicap pour les personnes handicapées de plus de 60 ans. Ce droit à compensation permettra de prendre en charge une partie importante du coût de l’accompagnement et des soins en établissements, et ainsi de baisser le coût supporté par les personnes âgées et leurs familles.
n° 11 : Débloquer les crédits nécessaires à la réhabilitation des établissements le nécessitant dans le cadre d’un plan pluriannuel de restructuration.
n° 12 : Financer les mesures exigées par les commissions de sécurité (formations, exercices, équipements…) pour autant qu’elles soient conformes à la réglementation.
n° 13 : Créer 40 000 places d’établissements d’ici à 2007 et non 15 000 tel que le plan le prévoit, et doubler le nombre de places de services à domicile.

Bilan intermédiaire

10Depuis la canicule, 1 000 postes de soignants ont été créés dans les établissements, il manque 250 000 postes ; 10 000 places supplémentaires ont été créées en établissement, alors que les besoins sont estimés à 40 000. Les postes de soins à domicile devraient être doublés.

11Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2006 apporte des moyens supplémentaires, bien supérieurs aux années précédentes, mais loin de combler le retard accumulé en France. Les familles ont obtenu, auprès du ministère, la révision du Conseil de vie sociale (CVS). Elles sont maintenant mieux représentées à travers des élus, mais l’efficacité des CVS est limitée et les familles qui y siègent sont souvent découragées. Les conventions tripartites (résidents, conseil général, État) n’ont pas suffisamment répondu aux besoins de la prise en charge individualisée d’une population vieillissante handicapée par la maladie. Les CLICS se mettent en place, mais trop lentement, dans nos départements. C’est un outil pour conserver le lien social et le suivi de la personne âgée et de sa famille qui a besoin d’être soutenu par l’État.

12Nous constatons une réelle volonté du ministère de prendre en compte les avis et les interrogations des usagers et de leurs familles. La FNAPAEF a participé à la commission du Plan relative à la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Les départements suivent la même direction et se rapprochent des associations de familles pour les intégrer dans les commissions de travail (schéma gérontologique) et au sein du CODERPA.

13Bon nombre d’entre nous vivront au-delà de 85 ans ; vieillir est une richesse, même avec sa fragilité et ses pertes de capacité. L’heure est venue de regarder la réalité en face et de faire un vrai choix de société. ?

Note

  • [1]
    Cette action a été sélectionnée et primée par la Fondation de France, “Douze expériences autour du respect du droit au choix, droit au risque des personnes âgées”. Pour en savoir plus : wwww. fdf. org
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