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Ces entretiens ont été réalisés en 2003 dans le cadre d’une recherche financée par le Plan urbanisme, construction et architecture (cf. Jean-Yves Authier et al., La construction sociale des rapports résidentiels. Expériences, configurations et contextes, 2005). Les lycéens et étudiants interrogés sont majoritairement (mais pas exclusivement) des enfants de ménages appartenant aux couches moyennes supérieures.
1Contrairement à ce que pourraient spontanément donner à penser certaines figures médiatiques, tous les jeunes n’habitent pas dans les banlieues d’habitat social. Même si elles ne constituent pas la catégorie la plus nombreuse, les familles composées d’enfants, lycéens ou étudiants sont en effet loin d’être rares dans les quartiers anciens de centre-ville. Comment ces jeunes habitent-ils leur quartier et vivent-ils en ville ? Des entretiens réalisés auprès d’enfants, âgés de 16 à 24 ans, de ménages résidant dans différents quartiers anciens centraux de Lyon, Montpellier, Paris, Montreuil et Versailles permettent de dégager quelques traits saillants [1].
Le quartier : un espace familier, mais non familial
2Dans la vie urbaine de ces jeunes citadins, le quartier occupe une place importante. Il est d’abord un espace familier dans lequel ces individus ont “leurs repères” : “Quand je vais dans un autre quartier et que je reviens dans celui-là, eh bien je suis vachement content d’être ici. Sans doute pour les repères, peut-être, ça doit être ça…” (lycéen, 19 ans, résidant dans le quartier Daguerre à Paris 14e).
3Il est ensuite le lieu de résidence d’un grand nombre de leurs amis : “[Et ils habitent où tes ami(e)s ?] Ils habitent tous à la Croix-Rousse. Disons que […] je dois mettre un quart d’heure maximum pour aller chez l’un ou chez l’autre” (lycéenne, 16 ans, résidant dans le quartier des Pentes de la Croix-Rousse à Lyon).
4Et il est aussi un espace dans lequel ces jeunes pratiquent de multiples activités (distractives, sportives, culturelles…) : “[Est-ce que tu vas dans des bars, des restaurants ?] Restos non, j’y vais pas. Dans des bars, quand on sort avec des copains, ben, y a le [nom du bar] là, mais bon, on n’y va pas très souvent, ou sinon sur les Pentes, y a plein, plein de bars super sympas […]. Donc, en général, on se balade un peu et quand il y en a un qui nous dit, eh bien on y va” (même enquêtée).
5Le plus souvent, ces activités sont pratiquées entre pairs et non pas avec les autres membres de la famille. En ce sens, si le quartier de ces jeunes est bien un espace familier, il n’est pas, contrairement à leur logement, un espace familial.
6Mais plusieurs caractéristiques propres aux individus ou aux quartiers dans lesquels ils résident nuancent ce rapport privilégié au quartier. Par exemple, les lycéens investissent davantage leur quartier que les étudiants. De même, les jeunes pour lesquels le quartier habité est aussi celui dans lequel ils ont grandi ont un rapport plus développé avec lui que les autres enfants. Autre différence encore, parce que les quartiers anciens situés dans les villes-centres n’offrent pas les mêmes ressources que les quartiers centraux des communes périphériques, les lycéens ou étudiants résidant dans ceux du premier type en font un plus grand usage que leurs semblables résidant dans ceux du second type.
L’attrait de la centralité urbaine
7Dans tous les cas, le quartier n’est pas le seul lieu de leur vie urbaine. En effet, ces jeunes font également un usage très large des autres lieux de la ville dans laquelle ils résident, et en particulier un usage intensif du centre-ville – ou, lorsqu’ils habitent à Versailles ou à Montreuil, des quartiers animés de la capitale : “[En dehors de ton logement, quels sont les lieux que tu fréquentes régulièrement ?] Déjà le lycée… Sinon, y a la grande rue de la Croix-Rousse, il y a plein de magasins… Et puis sinon, je descends en ville : rue de la Ré, à Bellecour…” (lycéenne, 16 ans, résidant dans le quartier des Pentes de la Croix-Rousse à Lyon) ; “[Est-ce que vous fréquentez des bars, des pubs ?] Dans le quartier de la fac, oui. Je suis à la Sorbonne, donc tout le 6e, le 5e, c’est mon coin” (étudiante, 23 ans, résidant dans le quartier des Chantiers à Versailles).
8Dans ces lieux où ils se rendent généralement avec des amis, ils fréquentent des commerces qui ne sont pas présents dans leur quartier (en particulier les magasins de vêtements), ils “rencontrent du monde” et, dans le même temps, ils prennent de la distance avec le monde connu que représente leur quartier (ou, plus largement, leur commune) : “[Pourquoi Paris ?] Parce que [Versailles] je connais trop déjà et que j’ai envie de voir du monde […] ; et après pour tout ce qui est sorties entre amis, pour changer de cafés justement […] c’est aussi sur Paris que je me dirigerais, parce que les cafés de Versailles, je les ai tous faits” (Étudiante, 20 ans, résidant dans le quartier Montboron à Versailles).
Temporalités et accessibilité
9Ces différents lieux sont diversement investis selon les temporalités qui scandent la vie sociale de ces jeunes citadins : “La semaine, je vais sortir plus près, parce que je vais sortir par exemple deux-trois heures en début de soirée, et là, ce sera plus dans le quartier effectivement […]. Par contre, le week-end, c’est vrai que j’ai plus de possibilités d’aller sur Paris, j’ai plus de temps” (même enquêtée).
10Par ailleurs, la possibilité de passer facilement d’un lieu à l’autre c’est-à-dire aussi le fait de ne pas se sentir enfermé dans son quartier sont fortement valorisés par ces individus : “Ce que j’apprécie [dans mon quartier], c’est le fait d’être proche de tout : d’être proche des commerces, d’être proche des établissements […], d’être proche des gares aussi, ça c’est important. […] Je ne me sens pas emprisonnée dans mon quartier à partir d’une certaine heure parce que je n’ai pas la possibilité de bouger, parce qu’il n’y a plus rien… Ça permet de ne pas se sentir enfermé dans le quartier, de rester quand même ouvert” (même enquêtée).
11C’est certainement ce qui objectivement distingue, et subjectivement rapproche, ces jeunes habitants des quartiers anciens centraux des jeunes des quartiers d’habitat social périphériques.
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Ces entretiens ont été réalisés en 2003 dans le cadre d’une recherche financée par le Plan urbanisme, construction et architecture (cf. Jean-Yves Authier et al., La construction sociale des rapports résidentiels. Expériences, configurations et contextes, 2005). Les lycéens et étudiants interrogés sont majoritairement (mais pas exclusivement) des enfants de ménages appartenant aux couches moyennes supérieures.