Notes
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[1]
Pascal Dibie, Ethnologie de la chambre à coucher, Paris, Métailié, 2000.
1L’ouvrage de Pascal Dibie [1] est plus qu’une ethnologie de la chambre à coucher puisqu’il étudie à la fois le sommeil humain et toutes les chambres à coucher, à toutes les époques et dans toutes les civilisations. Ainsi, le sommeil peut intervenir et se situer en dehors d’un espace spécifique et la chambre à coucher s’ouvre à de nombreuses autres activités que le sommeil.
2L’espace de la chambre à coucher s’est constitué au fil des siècles comme un espace privé, mais la chambre a d’abord été un espace quasi public où le seigneur, ses valets et ses hôtes, dormaient dans des lits collectifs. L’auteur égrène les exemples qui montrent les étapes de cette évolution. Du côté de la fonction royale, on voit que le lit est un espace de représentation, sous le regard voire la surveillance de nombreuses personnes. Le “lit de justice”, à partir de Saint Louis, est le lieu où les décisions sont rendues : il est installé dans la Grande Chambre ou chambre des plaidoyers qui sert d’espace au tribunal royal.
3La chambre, pour les nobles, n’est pas un espace conjugal. À l’époque où le mariage de raison est la norme, les époux ne vivent ensemble qu’a minima. Dans les châteaux ou hôtels particuliers, chacun possède sa chambre et ses appartements dans des ailes de bâtiments qui se font face. Chacun est entouré de sa propre cour et mène sa vie privée à sa guise. La chambre est alors un espace qui fonctionne avec d’autres pièces comme l’antichambre et la garde-robe.
4L’antichambre, parfois démultipliée en plusieurs pièces est un espace de réserve et d’accueil qui permet de graduer les seuils d’intimité entretenus avec les visiteurs. La garde-robe, outre les fonctions directement évoquées par son nom, sert aussi peu à peu de cabinet de toilettes et de lieu où l’on dissimule la chaise percée, ancêtre de nos w.-c.
5De Louis XIV à Louis XVI, la chambre sera un des lieux de constitution de l’étiquette avec le “lever” qui s’y déroule en six phases distinctes : différentes catégories de nobles assistent à différents moments de l’habillage du roi en fonction d’une hiérarchie stricte. Cette cérémonie immuable, qui se déroulait quotidiennement, était suivie par des centaines de personnes : ne pas y assister c’était s’exposer à la perte de privilèges voire aux lettres de cachet.
6À l’opposé de ces espaces spécifiques au mobilier souvent imposant, l’auteur nous fait découvrir l’espace de la chambre traditionnelle au Japon qui sert maintenant de référence à certains groupes sociaux en France. Le tatami était au départ une natte faite de chaumes de riz que l’on pouvait rouler mais le tapis a progressivement fait place à un revêtement recouvrant en totalité l’espace de la chambre. Là comme ailleurs, l’espace de couchage fonctionne en cohérence avec la structure de l’habitat, constituée de cloisons de papier, en particulier pour maintenir des normes climatiques acceptables en toutes saisons.
Notes
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[1]
Pascal Dibie, Ethnologie de la chambre à coucher, Paris, Métailié, 2000.