À chercher plus loin, d’ailleurs, nul n’est tenu. Et la promesse s’encourage d’un défi. Mais la corde cordelette n’en est pas à ça près. Elle joue, tourne et d’un de profundis se suspend. Un nouveau tour est joué. Au 4e jour d’un quatre ex-ordinaire. Entre la voix et le violon solo.
1Comme tapie en sous-bois, la voix. Allant à surgir en urgence de l’infini silence d’un pas du temps à l’autre.
2Ça, la voix. Cette a-vocale d’une pesée illettrée, cette panique du corps qui se jouit d’avance sur le vide quidam du souffleur de textes.
3La voix, passagère d’ailleurs ; sa passe est sur le vide. Est-ce le saut d’Alcibiade qui serait sa devise ?, c’est-à-dire sa tribune de visu où se montrer ne peut. Elle tend à entendre ce qui parle et de qui, la parole faisant taire pour un temps le regard.
4Que n’a-t-elle entendu, elle la voix, à l’aube du grand Autre, qui la rend vigile de ce trou sans paupières et que le vide ne comblerait. Alors… la parole se fut tue, ponctuée par le mal dont la survenue sonorise le silence.
Qu’entends-je qui ne parle que pour s’assoupir au creux de l’oreille et qui ne peut être entendu que par Persona, la voix ?
6D’un incroyable royaume, elle, l’a-vocale la voix, touche à l’étrange jetée de ce « la » diapason à paraître, tendant à devenir ce trébuchet rouge-gorge du sexuel de langue.
7Sûr que dans l’art de Mnésis l’amnésie, elle illusionne l’absence, laissant choir ce qu’on croit savoir pour s’aventurer dans la soute des dessous de paroles, de celles qui accompagnent les résonances abyssales inaudibles. À l’ombre de la faille, avant que de n’être, elle lutine l’ancestrale qui n’en peut mais des trajectoires spirales des figures de mémoire. Là, où les chants d’antan se font très désirables. Devenant tours d’oreille, elle surgit des profondeurs pour y revenir, porteuse de mots qu’elle mobilise et qu’elle oublie.
8Electronique in et out du corps, elle est le support inachevé inachevable des archives sub-libidinales de l’énigme du sujet, fait de son apparaître disparaissant. Flottant au champ de l’Autre, elle en garde l’inouï au creusé de l’oreille.
9Voix ; toujours à défaillir et toujours à reprendre. Reprendre voix. Sa prise est dans l’écoute de l’Autre. De son oreille attentive, au creux du lieu de (d’)où ça parle. Et c’est d’ainsi soit-Il grand A qu’elle se percute et s’inouït.
10C’est aussi ça, la voix.
Voici la voix qui introduit dans le faire une aphasie structurelle ne permettant ni mémoire ni connaissance et poussant la parabole vers le chiffre.
La couleur de la voix, A. Verdiglione
12Prendre voix. Sa prise est dans l’Autre de l’écoute, au sein du lieu ouvert à la mémoire. Mais qui cet Autre, qui prend figure d’oreille et s’expose à la parole. Allant à dire : l’écriture est à la voix, ce que le Scribe est à l’œuvre.
13Voix s’inscrivant au champ même de l’Autre. Elle est hors bouche, l’inentendable, se trahissant par son énigme. Y a-t-il, Encore, quelqu’un. Advenue qu’elle est, cette voix, de qui tu es et que tu ne sais qui parle en toi.
14La voix ; elle discourt ce qui la précède. S’y retournant, s’y rebroussant, jour et nuit de parole muette qui apprivoise le vide et chrysalide toute métaphore de cette autre langue que celle qui s’écrit. Peut-être celle de l’inécriture de ce dire. Pulsant toujours ce qui ne se dérobe, ne se détourne que pour disparaître en appel. Voix de l’inconscient discours, elle est l’apostrophe d’igloo de la terre inconnue et sauvage ; la désaliénée d’une désirade grosse d’un homicide inavouable.
15Voix revenante ; de qui et d’où l’usage. Dans l’énoncé (les noms, c’est ?), l’énonciateur de l’énonciation. Et c’est là, dans ce qui ne s’entend pas et ne peut être ouï ni s’ouïr, que réside sa force et sa trajectoire.
Mais alors… plus rien n’existe que la brûlure. Que l’insu – portable crispation de l’aurore. Que le vide insulaire du seul temps qui n’est pas.
17Proche parente de la voix hallucinée, mais n’en ayant ni l’épreuve ni l’ombrage, elle est d’un silence qui consonne et voyelle. À l’in-entendu d’un d’où, se situant dehors et dedans dans l’un et dans l’autre, nous heurtant à la réalité de ce qui est ni l’un ni l’autre.
18Elle porte l’énigme sur celui qui, se retournant, cherche à l’atteindre. À l’atteindre, ne peut. Et s’éloignant, avise. Qu’elle ne peut être que celle – cette voix inatteignable, perdue de pure perte – d’avant la question. (Ou, peut-être, du temps de la question ou peut-être encore la question.) De si loin, d’ailleurs, qu’elle embrume toute condescendance. Le grand A, même débâillonné ne peut s’en totalement approprier ni s’en désapproprier. La laissant filer les plis et replis de l’inconnu de langue, si étrange étrangère de sa terre inconnue. Elle est l’ailleurs, au sens de cet ailleurs écrit inscrit en ce seul mot présent dans le fragment 108 d’Héraclite. À la fois voilant et dévoilant l’être qui parle ou qui tend à cette parole qui le fait et qui l’agit.
On pourrait se dire… que ce qui adviendrait advient par cette voix advenante ; cette voix qui se fait (d’)écriture.
20Maintenant ne faut-il pas relancer la question de la Chose. À en rapprocher le non rapprochable fait curieusement entendre ce qui est l’in-entendable de la voix.
21Retranscrire le passage faisant soudain trans-entendre une singulière traduction, livre une poussée d’avance possible sans besoin de citation en lecture conférée à la « Chose ».
22Poussée d’écriture, permettant ou influençant d’autres a-bords de voix, dont celle de conduire à destination ce qu’elle a reçu. La voix est là ce d’où ça parle, avant même que ça ne parle.
24Ne disparaît, celle qui invoque l’a-sonore de la causa, celle qui pulse l’ouï dire du sujet, celle qui, faite d’écoute, accueille non seulement les rêves mais en constitue le langage. Voix de la voirie d’écoute, elle n’est pas la mutique, même si elle est silencieuse. Allant jusqu’à pouvoir apparaître (toujours, dans le champ du grand Autre) comme la Cervantès des fouilles et des vestiges, et la dé-raisonnée de l’absence. En tant que pour qui le sujet prête l’oreille, elle chorégraphie ce qui ne se lit pas ou se lit autrement. Et c’est là que la voix touche à l’écriture ou que l’écriture s’a-venture de la voix.
La voix, l’ai-je perdue ou suis-je perdu de voix ou Encore en suis-je éperdu ou au contraire dessaisi ?
26La voix ne s’est-elle tue. Celle qui ne s’entend ni ne s’écoute qu’à l’ombre de l’écriture et qui, plurielle et singulière, habite là d’où ça parle.
27La voix. L’être de la voix, qui… La voix, c’est l’être dans son écoute illisible et son écriture inavouable et inécoutable, au demeurant seule au monde de la parole.
28Reprendre voix dans ce qu’elle apporte au signifiant dont elle est partie prenante et intégrante. Le faisant entendre à le taire, ou l’exclamer à le souffler. N’est-elle pas la variante, elle-même variable, attestant son appartenance au champ du grand Autre.
29Ainsi, la voix. Qu’appelle-t-elle et qui l’appelle. À qui répond-elle. Ça l’écrit, ça ne cesse. Et la voix à s’écrire se peut. (Circuit à suivre). Se filant à surfiler le signifiant et à être le zeste. Se dansant à l’y échapper pour le re-joindre. De l’un à l’autre, l’en-nouage participant à l’impossible. Dans un style adéquat prosodiant la boiterie.
Que ne dîtes-vous pas qu’on ne peut qu’en entendre. Et la voix de la Babelle de Babylone, de la Relige de Sublimante, de la Transmissive de Gerbe d’Or. Et celle gradive du danseur écrivain.
31Sans retour. Dans cette irréversibilité infaillible qui est son chemin de traverse, elle, la voix, porteuse d’une attente inconditionnelle et d’une expérience de l’appel à la comptée du pas du temps / du temps du pas.
En annexe. Comme en contre-bas en contre-voix
La voix de la Gomorrhe
32Entendre la voix violente de la haute gorge. C’est immense. Vraiment si abyssal qu’on s’en recule d’écoute. Loin des bords. À en tisser du bord. Car ça tourne roule comme dans les grands cyclones. Ça aspire du bas, gueule erratique happante et appelante. Mutiquement appelante. Parfois, ça attend à faire croire que c’est immobile, inaudible. Ça, cette enfoulée de l’en-deçà-de-là d’un sas de plaque tournante.
33Aller dans ce sas et y en revenir. En ressortir. Ne pas se tromper de porte. Dans l’in-sensé du sens, cette voix qui appelait Vincent à se couper l’oreille. Cette voix, en démesure hors corps du dedans même du corps, soufflant sur tout objet, cherchant à le traduire vers un ciel panoptique. Si bien que la substance en tourbillon de rage, en reprise de pouvoir, fait que le corps vacille à défendre son statut. Alors, il y aurait une fois un lieu d’aucun lieu d’où serait la raison. Un lieu vierge à tenir ou plutôt à construire. Est-ce ainsi l’épelé de Sat. L. Robot, cette forme informelle d’un voyage de phonèmes.
34Entre le point (et) son double, le L. de la raison.
35Parce qu’il sait su mourir, il créa
36Parce qu’il sait mourir, il crée.
37Créer, pour oublier d’avance. Là est le L. de la raison. Le féminin si singulier qu’est la force contraire. Le L. a contrario d’un point à l’autre le double qui est le même dans un écart faisant force de loi. Créer, c’est cette danse pas à pas dans un surplace de Gradiva et qui, par sa répétition nécessaire incongrue, fabrique de la surface.
38Les déplacements transits sont son champ signifiant. Sa quête sublimée d’un art inconsommable. Inconsolable, aussi. Mais c’est son jeu ainsi d’un enjeu ad patrem. L’enjeu lui évitant, peut-être, d’être le meurtri ou le meurtrier, le débile ou l’usurier. Sachant, sans le savoir, qu’il suffirait d’un souffle de la gomorrhe, que dis-je, d’une pichenette de souffle, pour que la folle folie le satellise ou que le corps robot soit ce qui reste d’un lancement qui se serait raté.
39La sublimation, en tant qu’effet sujet, peut plus ou moins (se) jouer. L’ironie serait de croire à l’art et d’imaginer que le « je » se moïse et que le ça s’image, le réel arrivant à point nommé. Mais au fait, pourquoi ne pas y croire à cette espérance que la pulsionalité, tenue comme retenue par la raison, ne soit pas cette folle liberté qu’est le propre de l’art.
40Le risque, voire la réussite, est dans cette dé-mesure, dans cette forme informelle d’un sas, espace tout à la fois fictif et virtuel, où opère le petit a d’entre 2 s (s.a.s) et non le s.o.s pourtant si proche de lui dans sa résonance de l’« à peine » d’une voyelle. D’une voix, elle ; cet « elle » du féminin qu’est l’étrange étranger que nous sommes à nous-mêmes.
41Dans l’en-arrière du point où s’arrime la raison, l’in-sonore de gomorrhe. Déraisonnable énigme ou plutôt dé-résonance de l’énoncé énigmatique.
42La gomorrhe, cet anti-thème de l’âme, cet ante corpus sine qua non, cette ante diluvienne de la genèse du corps, celle qui questionne la mémoire et la reconduit dans le champ d’un vide tessiturant l’histoire. Vide, qui n’est pas le néant mais alvéoles fictives tramant l’espace vierge en de très fins réseaux sur lesquels se dépose, se déploie l’écriture du langage.
43Les fils de la vierge en seraient la discernable image à faire sourire d’horreur qui la prendrait pour telle. Mais alors, que reste-t-il de nos amours à croire.
44L’engagement dans la vie en est l’inachevable chef-d’œuvre, la transhumance d’un point à l’autre en toute perte et rigueur, la navigation d’entre la mort et la robotisation jouissive de l’Autre. « Tourne-tourne, poupée-de-bois-poupée-de-joie, la solitude t’étreint et la chair se fait faible. »
45Et le corps ? C’est la danse pas à pas de ce qui ne peut être et qui est par là même. Cette forme si proche à la vue qu’elle en perd son statut mais n’en prend que mieux ombrage au sein du regard. Ce chœur tragique qui ramène l’histoire à cette simple demeure. Demeure, le mot juste de ce qui est la tragédie comique de l’homme. – Indice/index, disais-tu sans comprendre dans l’écoute de l’indispensable permettant de parler.
46Alors, ça danse comme ça image dans l’intérieur du corps. Corps de pensée tenu entre deux points, qui est le raisonnable sinon la raison même. Corps, peau de « raisonance » avec le a et le i des voyelles lacaniennes.
47Le troisième personnage est cette pluralité singulière, cette orchestration sans fin du travail d’échange des membranes de l’acousmie cellulaire, cet échangeur symbolique et pas moins réel et imaginaire.
48Alors, ça s’inscrit dans l’énoncé d’un savoir inutile d’autant plus nécessaire pour que le plein se vide.
49La gomorrhe sous-jacente, éperdue d’émouvance, secoue en permanence l’illisible de la lettre. Secouement respiratoire d’une rythmie d’entre la mort la vie, dans cet espace interface de l’entre deux de lignes, dans la vacuolité même du réseau de matrice. Est-cela qui fait entendre ou qui permet d’accéder à entendre l’insensé du sens, la mobilité in-sonore des mailles réseaux invisibles de l’espace virginal non d’un en-dessous mais d’un en-deçà.
50Ça bat comme ça respire, tel le grand sabbat matriciel, n’excluant nullement le sabbat du savoir et des sciences. Car ça hallucine comme ça image dans l’intérieur du voir, dans cet état d’éveil quand on rêve. Ça hallucine comme ça désire, pour que de la folie il y ait dans son abnégation. – Folie, folie-folie la a, ai-je dit.
51Est-ce là l’instant d’ouverture de parole où on touche à l’objet qui est dans la parole. Ce petit a qui vacille, que fait-il donc entendre qu’on ne puisse ouïr que dans cette déchirure perçue par l’émergence soudaine de la plus pure angoisse. Déchirure, instant-temps d’une si imprudente et impudente angoisse allant jusqu’aux entrailles, lesquelles seraient non absentes ou présentes mais dans l’éclipse possible se devant d’être impossible. Instant d’une fugitivité extrême où la parole est là sans pour autant se dire. Parole mutique enfouie ou s’étant enfuie dans les bords mêmes de la déchirure. Bords gonflés et vivants, si vivants, de la plaie vive. Bords absolument nécessaires pour que l’abîme ne nous enfouisse. Ainsi, ça s’écrirait dans l’illisible, nourrissant en traces nouvelles le ça.
52Alors, il n’y aurait plus qu’une épissure et non une brèche ou une déchirure. Est-ce là le forclos du sens nous permettant de continuer à gradiver la fresque qui nous construit et d’entendre la présence de notre propre absence. Temps respiratoire d’une naissance à la mort.
53Rappels
54Tout dans le chaos, et puis ce geste faisant corps ou plutôt traçant les possibles du corps. Limite or not limite.
55Mais de quel geste la main, pour prendre et déprendre l’impossible, laissant le point à l’ancre d’arrimage. Il y aurait eu une fois, pour tout un chacun, un point d’histoire. Tournerait-il ce point, et alors autour de quoi.
56À cette frontière, le temps. Le mythe du temps. Oui, mais d’avant le temps, qui serait bien ce geste d’avant la chose.
57…
58D’un lieu-non lieu, qu’y aurait-il. L’espace informel de la forme à construire. Et puis, alors. Ce temps de courte paille n’ignorerait pas ni le chaos ni la raison, marquant l’instant où on se risquerait à faire verbe mais pas encore dans la symbolique trouvaille, plutôt dans l’en-creux de l’avant, bordant le débordement de matière, le refoulant aussi. Serait-ce l’avant-temps de toute scène primitive.
59…
60(folie, folie la a)
61C’est l’engouffrure, l’engoulement, le craque de la raison en un point du corps ou plus au juste en un point d’un « point de corps ». D’où.
62La disjointure forme et langage. Une dé-suturation ; une désaturation, aussi. Non une impossibilité de penser ou une absence, mais un trou dans la pensée même. En un point précis, mais lequel. Ne destructurant pas. Mais point d’appel vers le chaos. D’où se situerait-il ce point précis d’entre forme et langage ?
63Pas une faille ni une avalanche mais un saut de point capiton livrant à perte de fonds la prise de la plus terrifiante aspiration au chaos. Ça toucherait à l’énigme de la naissance de l’être du naître (n’être) dans la parole des choses.
64Mais qu’est-ce qui était sous pression pour qu’il y ait ce saut du point de capiton ou de cette usure de l’attache du point. La raison ne tiendrait-elle plus à ce point, basculant de toute genèse utile.
65…
Mots-clés éditeurs : Alcibiade, énigme, amnésie, Gomorrhe, l'Autre, Persona, lieu, objet
Date de mise en ligne : 03/01/2012
https://doi.org/10.3917/insi.006.0173