Au cours de cette réunion sur « Crise et psychopathologie » j’ai pensé que nous pourrions relire ensemble le texte de Legrand du Saule (1830-1886), « De l’état mental des habitants de Paris pendant les événements de Paris en 1870-1871 » [1]. Ces événements – la guerre franco-prussienne, le siège, la Commune, sa répression – ont constitué une crise d’une extrême gravité puisque la France a failli y disparaître. Ce texte figure en appendice au livre qui a rendu Legrand du Saule célèbre, Le délire des persécutions, paru en 1871. Il a donc été écrit à chaud sous le coup des impressions du moment et constitue en somme la première étude de psychologie collective ou des masses dont parlera Gustave Le bon (1841-1931) dont s’inspirera Freud.
Legrand du Saule était un observateur privilégié puisque médecin-adjoint à l’Infirmerie spéciale du Dépôt, il y a exercé ses fonctions pendant l’ensemble de ces événements, établissant des certificats pour les préfets successifs, impériaux ou révolutionnaires. Lasègue (1816-1883), médecin chef, semble avoir été exclu par les Communards sans doute à cause de ses opinions politiques. Legrand du Saule ne cesse d’affirmer son apolitisme ou plutôt sa neutralité en tant que médecin. Son récit fait preuve d’une certaine naïveté et il s’étonne des constatations qu’il fait qui lui paraissent incompréhensibles en fonction de sa conception de l’aliénation mentale. Si la folie est l’effet des passions comme le pensait Esquirol, de tels événements devraient provoquer une augmentation des cas de folie…