Introduction
1J’ai déjà traité de ces échanges transocéaniques dans une communication faite en espagnol dans le cadre de la Cofalp (Coordination France-Amérique latine de psychiatrie) lors d’une réunion organisée au centre hospitalier Sainte-Anne en 2017 à l’initiative du docteur Alberto Velasco à l’occasion de la commémoration de la fondation à Paris, en 1867, sous le Second Empire donc, de l’asile d’aliénés Sainte-Anne. Cette fondation a été précédée de celle en 1843 par Jules Baillarger (1809-1890) de la revue les Annales médico-psychologiques, puisde celle de la Société médico-psychologique, association reconnue d’utilité publique par Napoléon III et qui compte toujours actuellement parmi ses membres étrangers de nombreux collègues et amis latino-américains ; je citerai certains de ceux qui ont publié récemment des articles dans cette revue. Je reprendrai pour ce nouvel article certains des éléments de ma communication en espagnol de 2017, en précisant certains points et notamment les voies parfois inattendues par lesquelles ces échanges se sont faits depuis la naissance de la psychiatrie il y a deux siècles ; j’évoquerai aussi certains souvenirs personnels à propos des voyages que j’ai faits en Amérique latine où je suis allé en Argentine, au Chili, au Mexique, au Pérou, à la République bolivarienne du Venezuela pour des congrès, des colloques et au Mexique pour une tournée de conférences organisée par le Quai d’Orsay.
De la Révolution de 1789 à celle de 1830
2Dès la publication à Paris au début de l’An ix de la République, soit fin 1800, par Philippe Pinel (1725-1846) de la première édition du Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale ou la manie, dont on date la naissance de la psychiatrie,l’œuvre est immédiatement traduite en castillan [1] alors que la Révolution française bouleverse non seulement l’Europe mais aussi l’Amérique latine. Cette traduction parvint rapidement dans les possessions espagnoles d’Amérique du Sud et elle inspirera la thèse de Diego Alcorta (1801-1844), une des premières soutenues à l’Ecole de médecine de Buenos-Aires fondée sur le modèle de celle de Paris. Un neuropsychiatre républicain espagnol Dionisio Nieto Gomez (1908-1985) qui dut s’exiler au Mexique à la fin de la guerre civile dans son pays près d’un siècle et demi plus tard, fit redécouvrir au xxe siècle cette traduction en espagnol à ses élèves mexicains. Un de ceux-ci me raconta que le professeur Nieto avait fait polycopier ce « Tratado médico-filosófico de la enagenación del alma o manía escrito por Felipe Pinel » publié en 1804 à Madrid et qu’il offrait un exemplaire de la polycopie aux plus méritants.
Las guerras de Independencia
3Le roi d’Espagne était depuis 1788 Charles IV (1746-1818), allié de la France depuis 1796, et dont la flotte fut détruite à Trafalgar en 1805 ; ce monarque abdiqua en faveur de son fils Ferdinand et en 1808 Napoléon obtint l’abdication du fils, et à nouveau du père, en faveur cette fois de son frère Joseph Bonaparte. Ces événements ainsi que l’invasion de l’Espagne par l’armée napoléonienne déclenchèrent sur les deux continents deux guerres d’indépendance simultanées : en Europe celle des Espagnols contre les envahisseurs français, et en Amérique celle des libertadores latino-américains contre les troupes restées fidèles au Roi d’Espagne comme José de San Martín dans les régions andines, Ignacio de Iturbide au Mexique, Simón Bolivar et Antonio José de Sucre dans le nord de l’Amérique du Sud. L’indépendance de l’Amérique espagnole aura pour conséquence la division des anciennes vice-royautés en de multiples États aux frontières mal définies et dont l’histoire est marquée depuis par des guerres entre eux, des guerres civiles, des révolutions et des coups d’État militaires à répétition. Mais l’histoire de la psychiatrie est jalonnée dans le monde entier par des événements analogues. Or, plusieurs médecins français qui avaient servi dans les armées françaises lors des guerres révolutionnaires en Europe vont partir en Amérique latine pour participer à cette longue guerre d’indépendance qui s’est prolongée jusqu’en 1824 ; c’est un médecin français Prospero Révérend qui assista Simon Bolivar (1783-1830) lors de sa maladie terminale et qui confirma à l’autopsie que le Libertador était bien mort d’une phtisie et non empoisonné comme on l’a dit.
4Notre collègue péruvien Oscar Arbulu, membre de la Société médico-psychologique, a attiré l’attention sur notre compatriote Abel Victorino Brandin), précurseur de la psychiatrie au Pérou dans un article publié dans les Annales médico-psychologiques[2]. On a peu de renseignements sur le début de de la carrière médicale en France d’Abel Brandin qui est né en Seine-et-Oise à une date inconnue, a servi comme chirurgien dans la Grande Armée, a soutenu une thèse à Paris en 1809 avant de partir pour le Pérou où il a été très actif pendant la décennie 1820-1830, en participant en tant que médecin aux guerres de l’indépendance de l’Amérique latine mais également en publiant de nombreux articles en espagnol dans des journaux médicaux locaux ; à son retour en France, Brandin a publié un ouvrage où il présente l’état de l’Amérique espagnole en 1830 et exprime le souhait que la reconnaissance de ces nouveaux États indépendants par Louis-Philippe qui venait d’être proclamé Roi des Français, contribue à leur pacification [3].
De la monarchie de Juillet au Second Empire
5L’instauration d’une monarchie constitutionnelle comme en 1830 en France celle de Louis-Philippe peut grandement contribuer à rétablir dans le pays la paix civile mais en France c’est surtout l’adoption par les chambres de la loi du 30 juin 1838, inspirée par Jean-Etienne Dominique Esquirol et Jules-Philippe Falret, créant des asiles d’aliénés départementaux et prévoyant le recrutement d’un corps de médecins spécialistes qui va constituer un tournant dans l’histoire de la psychiatrie, même si son application ne s’est pas faite du jour au lendemain sur tout le territoire et que, par exemple, l’Asile central construit à Paris, sur le terrain de la ferme Sainte-Anne n’a été inauguré, comme nous l’avons vu, qu’en 1867, soit à la fin du Second Empire. Cette loi qui est restée en vigueur en France jusqu’au xxe siècle, inspirera des législations analogues dans plusieurs États européens et latino-américains.
6La période qui va de 1830 à 1870 correspond pour l’ensemble de la médecine au triomphe de l’École de Paris qui va attirer dans cette capitale des médecins venus du monde entier pour s’instruire des dernières découvertes dans l’art de soigner. Valentin Magnan (1835-1916) entreprend, dès sa nomination à l’asile Sainte-Anne, d’y faire un cours de médecine mentale, et Jean-Baptiste Charcot (1825-1893), professeur d’anatomopathologie à la faculté de Paris, décrit, au cours des dernières années du Second Empire en utilisant la méthode anatomo-clinique qui a fait la gloire de cette école, les principales maladies du système nerveux dont souffraient les femmes âgées hospitalisées dans son service à l’hospice de la Salpêtrière. Des médecins du monde entier viennent alors à Paris suivre l’enseignement de ces maîtres et Charcot est consulté par des grands de ce monde notamment l’empereur du Brésil Pierre II (1825-1891) ; la décision prise par Dom Pedro d’abolir l’esclavage dressa contre lui les planteurs brésiliens, coup d’État civil qui le fit abdiquer et s’exiler à Paris.
7En 1866 J.-Joaquin Muñoz, membre étranger de la Société médico-psychologique et médecin en chef de l’asile d’aliénés de l’île de Cuba alors espagnole, publie dans les Annales médico-psychologiques un article en français sur les Établissements d’aliénés. Quelques considérations critiques sur l’histoire et la situation actuelle de l’asile d’aliénés de l’île de Cuba. Il y retrace l’histoire de cet asile fondé en 1828 alors que le général F. Dionisio Nieto Vives était gouverneur de l’île et expose le plan qu’il lui avait soumis en 1862 pour le reconstruire « selon les principes établis pour la construction des asiles modernes d’après le système accepté en France ». Il propose d’y admettre des malades des deux sexes et veille à l’alimentation en eau, l’installation d’une pharmacie, d’une salle de bains chauds, la création d’ateliers mais il n’obtient pas celle d’un quartier de pensionnaires et d’une bibliothèque. Après s’être plaint de ne pas avoir pu organiser l’ordre et la police de l’établissement en raison de l’opposition de l’administrateur, Muñoz conclut : « le lecteur verra que les progrès accomplis dans cette spécialité en Europe et spécialement en France ont eu un certain retentissement à l’île de Cuba ; car si nos tentatives n’ont pas toujours été aussi heureuses que nous l’aurions désiré, nous n’en avons pas moins fait tous nos efforts pour mettre à profit les leçons et les exemples de nos grands maîtres ».
8Nous avons repris ce texte, antérieur à la première guerre d’indépendance de Cuba et surtout à celle hispano-américaine de 1898 qui mit pratiquement l’île sous protectorat des États-Unis, dans une Antología de textos clásicos de la psiquiatría latinoamericana[4] publiée avec deux collègues et amis latino-américains, l’un mexicain S. Villaseñor Bayardo et l’autre vénézuélien C. Rojas Malpica, ouvrage, que nous avons présenté lors du XVe Congrès mondial de psychiatrie de 2011 à Buenos-Aires, manifestation dont je parlerai également à propos des échanges entre congressistes français et latino-américains qui ont eu lieu à cette occasion.
La fin du Second Empire
9Si le Second Empire a été marqué en ce qui concerne les relations entre la France et l’Amérique latine par la malencontreuse expédition du Mexique qui a été une catastrophe militaire, il faut rappeler que de nombreux savants français, dont des médecins, qui accompagnaient le corps expéditionnaire sont restés sur place amenant ainsi les sciences européennes modernes dans l’ancienne Nueva España. Le Colegio de México est fondé à Mexico sur le modèle du Collège de France à Paris.
10La Guerre franco-prussienne, le Siège de Paris ainsi que les dramatiques événements qui vont suivre avec l’effondrement du Second Empire, la Commune et sa répression par les Versaillais vont aussi avoir un fort impact sur l’histoire de la médecine parisienne ; à l’asile Sainte-Anne, Magnan et ses collègues accueillent des blessés pendant le siège et, à la Salpêtrière, Charcot voit, après la guerre, adjoindre à son service de femmes âgées un pavillon de malades jeunes souffrant de crises convulsives ce qui oriente désormais ses recherches et celle de ses élèves, comme Joseph Babinski ou Désiré-Magloire Bourneville, vers l’étude de ce qui était encore considéré comme une névrose, l’hystérie. Les médecins étrangers qui comme Sigmund Freud viennent à la fin du xixe siècle à Paris suivre l’enseignement de Charcot découvrent parfois avec surprise que celui-ci ne porte plus sur les maladies neurologiques, question qui lui paraît définitivement réglée, mais dorénavant sur les manifestations psychiques de l’hystérie qui vont être étudiées par d’autres élèves de Charcot, notamment par Pierre Janet (1859-1947) qui lorsqu’il était professeur au Collège de France où il a été nommé en 1902, va faire une tournée de conférences au Mexique.
La Troisième République
11Lorsqu’en 1875 fut décidé la création à l’asile Sainte-Anne d’une chaire de clinique des maladies mentales et de l’encéphale tout le monde s’attendait à ce que ce soit Valentin Magnan qui soit nommé Professeur titulaire, mais ce fut Benjamin Ball (1833-1893) médecin de l’hôpital Laennec. Il ne commencera son enseignement qu’en 1879 alors que pour Charcot va être créée, en 1882, à la Salpêtrière, une chaire des maladies nerveuses. J’ai publié dans l’Information Psychiatrique un article sur les enseignements donnés dans ces deux chaires parisiennes [6]. Magnan avait commencé à faire dès sa nomination à Sainte-Anne un enseignement officieux de clinique mentale qui était très suivi par des médecins étrangers ; il va s’instaurer alors la tradition que cohabitent, plus ou moins harmonieusement, à l’hôpital Sainte-Anne, deux enseignements parallèles de la clinique psychiatrique : l’un officiel donné par les professeurs et les chefs de clinique aux étudiants en médecine, et l’autre officieux donné par d’anciens internes des asiles d’aliénés à des internes qui se préparent à se présenter au concours de médecin chef des asiles ; Henri Ey et Jacques Lacan donneront, après la Seconde Guerre mondiale, à Sainte-Anne, un enseignement de ce type, basé essentiellement sur des présentations cliniques de malades suivies d’une discussion de la séméiologie observée lors de l’examen du malade par l’élève et le maître. Ce n’est que juste avant la Seconde Guerre mondiale que les établissements recevant des malades mentaux sous le régime de la loi du 30 juin 1938 changeront l’appellation d’« asile d’aliénés » pour celle d’« hôpital psychiatrique ». Le mot « manicome », calque de « manicomio », figure dans le Dictionnaire de la langue française du lexicographe Émile Littré, qui était médecin, et était utilisé en français au xixe siècle, mais il est devenu hors d’usage au xxie.
Pierre Janet
12Parmi les élèves de Charcot, celui qui nous intéresse le plus du point de vue que nous étudions aujourd’hui est Pierre Janet (1859-1942). Celui-ci avait déjà utilisé l’hypnose chez des hystériques pour sa thèse de philosophie De L’automatisme psychologique. Essai de psychologie expérimentale sur les formes élémentaires de l’activité humaine soutenue en 1889. Encouragé à faire des études de médecine par Charcot, qui connaissait ce travail et qui ouvrit pour lui à la Salpêtrière un laboratoire de psychologie expérimentale, il soutient une deuxième thèse, Contribution à l’étude des accidents mentaux de l’hystérie,le 29 juillet 1893 devant un jury présidé par Charcot qui meurt brutalement peu après. Janet devra ensuite quitter le laboratoire de la Salpêtrière, mais, nommé en 1902 professeur au Collège de France, ses cours dans cette prestigieuse institution vont être suivis par de nombreux médecins français et étrangers dans l’entre-deux-guerres jusqu’à son départ en retraite en 1935. En outre, le professeur Janet va être invité pendant cette période de l’entre-deux-guerres à faire des tournées de conférences en Amérique du Nord, centrale et du Sud qui ont connu un très grand succès ; c’est à la suite de celles qu’il a faites à Mexico que le gouvernement mexicain décida l’enseignement de la psychologie à l’université de cette capitale des Estados-Unidos de Mexico. Son livre De l’angoisse à l’extase. Étude sur les croyances et les sentiments (1926) a été traduit et publié en espagnol au Mexique [7]. À ce moment l’œuvre de Janet est plus connue dans le monde hispanique que celle de Freud, bien que la traduction en espagnol des œuvres psychanalytiques complètes de celui-ci ait commencé très tôt à Madrid et qu’elles ont donc pu être lues dans les pays hispanophones bien avant qu’on les traduise en français.
13Dès que les internes des asiles d’aliénés de la Seine ont, à partir de 1867, été recrutés, par concours, des étudiants en médecine latino-américains se sont présentés aux épreuves et ont été nommés « à titre étranger ».
14Par exemple le brésilien José Souza Leite, qui avait soutenu en 1881 sa thèse sur « l’hérédité morbide » à la faculté de Bahia, est nommé au concours de 1886 où, parmi les Français, est nommé Paul Sérieux (1864-1947) qui va publier en 1909 avec Joseph Capgras (1873-1950) un des classiques de la littérature psychiatrique française : Les folies raisonnantes. Le Délire d’interprétation –cet ouvrage a été traduit plus tard en espagnol et publié en Espagne. Souza Leite a, lui, traduit en portugais les Nouvelles études sur l’hystérie de Charcot et il a publié à Paris en français des Études de pathologie nerveuse avec une lettre de Pierre Marie [8] où il signale qu’il a été « délégué du gouvernement brésilien » aux Congrès d’aliénation mentale et d’hypnotisme qui ont eu lieu à Paris à la fin du xixe siècle, manifestations importantes pour l’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse dans le monde (un exemplaire de ces Études de pathologie nerveuse est disponible à la BnF).
15En 1900, lors de l’Exposition universelle de Paris, a été organisé un grand congrès international de médecine qui a réuni des milliers de praticiens ; c’est Valentin Magnan qui présida les journées consacrées à la pathologie mentale auxquelles participèrent de nombreux médecins latino-américains. Au cours du xxe siècle, de nombreux médecins latino-américains vont participer à des congrès internationaux de psychiatrie organisés à Paris par des sociétés françaises en particulier en 1950 et en 2000.
Analyse psychologique et psycho-analyse
16Pendant une grande partie du xxe siècle, « psycho-analyse » de Freud et « analyse psychologique » de Janet ne sont pas clairement distinguées et, dans les échanges entre la France et les pays latino-américains, il n’est pas facile de distinguer ceux qui relèvent de l’une ou de l’autre. Une des premières thèses consacrées à la psycho-analyse est celle du Mexicain Manuel Guevara Oropesa (1899-1980) qui dans celle qu’il a soutenue à Mexico en 1926, intitulée Psicoanálisis, compare les œuvres de Freud, Janet, Jung et Adler connues à l’époque (une photocopie m’en a été offerte lors d’un voyage que j’ai fait au Mexique). C’est lui qui sera choisi pour accompagner Janet invité à faire une conférence lors du 15e anniversaire de la fondation de la Universidad de México. Lorsque le docteur Guevara Oropesa rendra visite, dans l’entre-deux-guerres, à Pierre Janet, il s’étonnera de voir que celui-ci, grand connaisseur de cactées qu’il rapportait de ses tournées de conférences à travers le monde, cultivait du peyotl sur le balcon de son appartement de la rue de Varenne, exposé au Sud ; comme il lui faisait remarquer que cela était interdit au Mexique, Janet lui rétorqua que cela l’était aussi en France. De nos jours, du peyotl est cultivé légalement dans la cacteraie du Muséum d’histoire naturelle de Paris ouverte au public. La Société médico-psychologique a fait apposer une plaque sur la façade de cet immeuble du VIIe arrondissement où a vécu Pierre Janet et où il est mort en 1947.
Le xixe siècle
17La Grande Guerre va interrompre les échanges scientifiques entre la France, l’Allemagne et l’Empire austro-hongrois même si dans les deux camps les médecins mobilisés sont confrontés à la question du rôle des traumatismes psychiques subis par les combattants dans la genèse de ce que l’on nomme alors chez nous « psychonévroses de guerre » et des méthodes à utiliser pour traiter ces états. De nombreux médecins sont eux-mêmes mobilisés ; je citerai deux d’entre eux qui ont servis dans l’armée française en raison de la diffusion ultérieure de leurs œuvres ou de celle de leurs élèves en Amérique latine :
18Joseph Lévy-Valensi (1879-1943), ancien combattant de la Grande Guerre qui a publié dans l’entre-deux-guerres deux éditions d’un Précis de Psychiatrie où il cite plusieurs des travaux qu’il a publiés avec certains de ses élèves comme Jacques Lacan [8, 9] dont les Éwehrmcrits, traduits en espagnol par un philosophe argentin connaîtront plus tard une grande diffusion en Amérique latine. Le nom de Joseph Lévy-Valensi, mort en déportation à Auschwitz en 1943, a été donné à un nouveau pavillon du Centre hospitalier spécialisé. Ce pavillon abrite maintenant la chaire de Clinique des maladies mentales et de l’encéphale où le Conseil de faculté voulait en 1941 nommer Lévy-Valensi mais cela lui était interdit par le nouveau statut des juifs l’obligeant à se cacher pendant l’Occupation d’abord en zone libre où il fut finalement pris par une rafle de la Wehrmacht en gare de Nice et déporté à Auschwitz où il mourut dès son arrivée au camp en 1943 [10].
L’Évolution psychiatrique
19Eugène Minkowski (1885-1972), né à Saint-Pétersbourg, a fait ses études de médecine et de philosophie à Munich avant la Grande guerre ; au début de celle-ci il s’est d’abord réfugié, pour ne pas être interné en Allemagne en tant que sujet du Tsar, en Suisse où Eugen Bleuler lui a offert un poste d’assistant au Burghölzli ; mais en 1915, il s’engage volontairement dans l’armée française considérant qu’il ne peut rester neutre. À la fin de la guerre, il s’installe définitivement à Paris et, pour pouvoir après avoir acquis la nationalité française exercer en France, il soutient une autre thèse de médecine sur la schizophrénie. Il y fait la synthèse entre les idées de Bleuler sur la Spaltung et l’autisme et celles de philosophes comme Henri Bergson sur l’élan vital et Edmund Husserl pour la phénoménologie. Il intègre un groupe de médecins d’origine et de formation très diverses qui se sont retrouvés dans l’entre-deux-guerres à Paris et qui ont publié en 1925-1927 un ouvrage collectifintitulé L’Evolution psychiatrique qui est à l’origine d’une revue et d’une association de même nom dont font partie actuellement plusieurs médecins latino-américains ; notons quela thèse de médecine française d’Eugène Minkowski a été traduite et publiée en espagnol en 2000 [11].
20La tradition de traduire des ouvrages d’auteurs français en espagnol se maintient donc en Amérique latine et j’ai eu moi-même plusieurs des livres que j’ai publiés en français à Paris traduits en espagnol et publiés surtout au Mexique par Hector Pérez-Rincon qui est membre de la Société médico-psychologique.
Julio Oscar Trelles Montes
21Un autre médecin nommé « à titre étranger » à l’internat des asiles d’aliénés de la Seine a joué un rôle très important dans les échanges entre la France et l’Amérique latine : le péruvien Julio Oscar Trelles Montes (1904-2004). Celui-ci, nommé à ce concours en 1929 soutient à Paris sa thèse doctorale, dirigée par Jean Lhermitte, sur « le corps calleux ». En 1935, Trelles retourna au Pérou où il mena une double ou triple carrière, à la fois scientifique, politique et diplomatique. Fondateur de la neuropsychiatrie péruvienne moderne, il fut aussi dans son pays ministre de la Santé et Premier ministre pour finir par revenir, après la Seconde Guerre mondiale, à Paris comme ambassadeur du Pérou en France et auprès de l’Unesco dont le siège est à Paris. Trelles a publié à Paris avec P. Masquin, interne des asiles d’aliénés de la Seine comme lui, un Précis d’anatomo-physiologie normale et pathologique du système nerveux central [9] qui est resté longtemps en usage dans notre pays.
22J’ai eu l’occasion de parler de l’œuvre de Trelles au Pérou lorsque, en 2010, j’ai participé au XXI° Congreso Peruano de psiquiatria, qui se réunissait pour la première fois à Cuzco, la capitale inca et non à Lima, la capitale espagnole ; c’est une réunion extrêmement importante pour ce qui est des échanges transculturels entre le Pérou et la France dans le domaine de la neuropsychiatrie.
23J’ai personnellement encore étudié l’anatomo-physiologie du système nerveux dans la 3e édition de ce Précis, mise à jour par J. de Ajuriaguerra, professeur agrégé de neuro- psychiatries [9, 12]. Celui-ci, né à Bilbao en 1911, était venu faire ses études de médecine à Paris avec l’intention de revenir ensuite exercer dans son pays natal. Nommé interne à titre étranger des asiles d’aliénés de la Seine en 1933, il retourna un temps en Espagne au début de la guerre civile, puis revint en 1937 à Paris où il a vécu pendant la Seconde Guerre jusqu’à la fin de celle-ci. Naturalisé français à la suite de son mariage en 1949 il perdit ainsi son titre de professeur agrégé à titre étranger mais il fut nommé à la faculté de Genève pour organiser l’enseignement à la clinique universitaire de Bel-Air. Il revint enfin à Paris en 1973 pour occuper une chaire de neuropsychologie du développement au Collège de France. Notons qu’alors que Julian de Ajuriaguerra (1911-1993) a écrit la quasi-totalité de ses œuvres en français, elles ont été ensuite traduites en espagnol et que ce sont ces traductions qui ont fait connaître en Amérique latine ce grand neuropsychiatre français.
La Guerre d’Espagne et l’exil des médecins républicains espagnols
24À la fin de la Guerre d’Espagne plusieurs neuropsychiatres espagnols républicains s’exilèrent d’abord en France, puis certains ensuite en Amérique latine. Le plus connu de ceux qui restèrent en France est François Tosquelles qui après avoir soutenu une nouvelle thèse de médecine à Paris passa le concours de médecin des hôpitaux psychiatriques en 1953 et fit ensuite la quasi-totalité de sa carrière à l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban en Lozère, actuellement centre hospitalier François-Tosquelles ; la thèse française de Tosquelles a pour sujet Le vécu de la fin du monde dans la folie. Le Témoignage de Gérard de Nerval mais je ne pense pas qu’elle ait été traduite en espagnol même si elle a fait l’objet d’une communication lors d’un congrès mondial de psychiatrie à Madrid.
25D’autres médecins espagnols acceptèrent l’offre généreuse du gouvernement mexicain, qui recruta ainsi d’un seul coup plusieurs spécialistes de haut niveau, d’aller travailler au Mexique en leur offrant d’occuper des postes dans des institutions mexicaines et parmi eux le plus connu est, comme je l’ai dit, Dionisio Nieto.
26Mais il faut aussi citer parmi ces exilés espagnols qui, après avoir vécu un temps en France, partirent en Amérique latine, José Solanes Villapreño. Celui-ci, né en 1909 dans la province de Tarragona, a fait ses études de médecine à l’université de Barcelone ; à la fin de la guerre d’Espagne, pendant laquelle il était médecin des services psychiatriques du IVe corps de l’armée républicaine, il se réfugia d’abord à Toulouse où il travailla de 1939 à 1944 avec Maurice Dide (1873-1944), puis à l’hôpital psychiatrique de Rodez dirigé par Gaston Ferdière où il soigna Antonin Artaud qui était revenu en France après sa malheureuse expédition en 1936 au Mexique chez les Tarahumaras, adorateurs du peyotl. Solanes a été en 1945-46 « fonction d’interne » dans le service de Paul Guiraud à Sainte-Anne avant de partir finalement en 1949 pour le Venezuela, recruté par le ministère de la Santé de ce pays dont il obtint la nationalité ; il a fondé l’enseignement de la psychiatrie sur le modèle français à l’université de Carabobo (Valencia) et il a été élu en 1975 membre correspondant de L’Évolution psychiatrique. Je n’ai pas connu personnellement José Solanes, mais j’ai bien connu certains de ses élèves vénézuéliens et j’ai lu plusieurs des articles qu’il a publiés en français et en espagnol ; je serai invité, après l’instauration de la République bolivarienne au Venezuela par le colonel Hugo Chavez (1924-2013), à faire des conférences à cette université, invitation qui m’a valu bien des surprises – dont je parlerai.
La Seconde Guerre mondiale
27Pendant la Seconde Guerre Mondiale et l’Occupation, la psychiatrie française faillit être totalement détruite matériellement et moralement à la suite de la mort par inanition de plusieurs dizaines de milliers de malades internés en raison de la ration alimentaire insuffisante qui leur avait été attribuée par le ministère du Ravitaillement, puisque les aliments étaient réquisitionnés pour être envoyés en Allemagne, ainsi que par des bombardements d’hôpitaux psychiatriques par l’aviation allemande, puis par l’aviation alliée pendant la bataille de Normandie avec de nombreuses victimes tant chez les malades que le personnel.
28Il fut impossible d’organiser en France des réunions scientifiques importantes pendant l’Occupation, même si la Société médico-psychologique continua à tenir des séances et à éditer les Annales médico-psychologiques alors que L’Évolution psychiatrique interrompit son activité et l’édition de sa revue sous l’Occupation pour ne pas mettre en danger ses membres juifs comme Eugène Minkowski qui échappa miraculeusement à la déportation.
1943, premier colloque de Bonneval
29Henri Ey réussit cependant à organiser à l’hôpital psychiatrique de Bonneval en septembre 1943 une réunion consacrée aux Rapports entre la psychiatrie et la neurologie à laquelle participèrent J. de Ajuriaguerra et Henri Hécaen, dont le compte-rendu ne put être publié qu’en 1947 après la guerre [12]. Ey défendait sa conception de la psychiatrie comme étude de la dissolution généralisée de la conscience alors que la neurologie serait celle de dissolutions partielles, conception à laquelle s’opposèrent ses deux interlocuteurs. Ces journées d’études se transformeront après la guerre en colloques toujours à l’hôpital de Bonneval dont plusieurs vont devenir célèbres, notamment le VIe sur « l’inconscient » ; l’intervention de Lacan au cours de ce colloque à propos de « l’inconscient et le langage » sera plus tard traduite en espagnol et publié en Argentine.
30Henri-Hyacinthe-Octave Hécaen (1912-1983), élève du service de santé de la marine, a soutenu sa thèse pour le doctorat de médecine le 14 décembre 1934 à Bordeaux devant un jury présidé par Abadie : Manie et inspiration musicale. Le cas Hugo Wolf[13]. Ce sera un des fondateurs de L’Évolution psychiatrique et de la Société psychanalytique de Paris bien qu’il n’ait pas été psychanalysé. Ce sujet rappelle celui de la thèse de Tosquelles même si c’est chez un musicien et non un poète qu’Hécaen étudie la question de l’inspiration. Hécaen qui a publié avec Régis un des premiers textes sur la psychanalyse sera un membre actif de L’Évolution psychiatrique.
Les IVe et Ve Républiques
31Dès la Libération de Paris en 1944, des sociétés françaises comme la Société médico-psychologique, L’Évolution psychiatrique et la Société psychanalytique de Paris envisagèrent d’organiser dans la capitale libérée un grand congrès international en invitant les sociétés nationales existantes à travers le monde à y participer. Cette proposition reçut un accueil enthousiaste, notamment de celles des pays d’Amérique latine. Il était prévu que ce congrès soit présidé par Pierre Janet mais celui-ci étant mort en 1947 il le fut par Jean Delay (1907-1987) qui avait été confirmé comme professeur titulaire de la chaire de la CMME lorsqu’en 1945 on apprit que le professeur Lévy-Valensi était mort en déportation à Auschwitz dès 1943. Le secrétaire général de ce congrès qui se tint finalement en 1950 fut Henri Ey. Le succès en fut considérable à tel point qu’il changea de dénomination en cours de route pour devenir le premier congrès mondial de psychiatrie à l’origine de l’Association mondiale de psychiatrie dont le premier président fut Jean Delay et Henri Ey le premier secrétaire général. Surtout, les psychiatres venus à Paris des différents pays latino-américains imaginèrent alors de se réunir en une Asociacion psiquiatrica de América Latina, APAL, qui organise elle aussi depuis régulièrement des colloques auxquels ont parfois participé des psychiatres français ; j’évoquerai une réunion de l’APAL à Caracas, à laquelle j’ai participé bien plus tard.
32Ce premier congrès mondial permit aux psychiatres républicains espagnols exilés en Amérique latine de rencontrer à Paris leurs collègues restés en Espagne sous le régime de Franco ; par la suite, des congrès mondiaux vont se réunir régulièrement d’abord tous les cinq ans puis à des intervalles plus rapprochés dans différentes capitales du monde notamment pour celles hispaniques à nouveau à Madrid, Mexico, Rio de Janeiro et Buenos Aires et en dernier à nouveau à Mexico en 2018 auquel je n’ai pu participer.
33Ey fut invité dans les années soixante, en tant que secrétaire général de l’Association mondiale, à faire des conférences au Pérou, à participer au Mexique aux travaux du Gladet (Grupo latinoamericano de estudios transculturales) et, toujours au Mexique, à ceux du Groupe d’études psychanalytiques fondé à Cuernavaca par le psychanalyste d’origine allemande Erich Fromm (1900-1980) qui, fuyant le nazisme, s’était en 1934 installé aux États-Unis. C’est là une des voies de diffusion en Amérique centrale de la psychanalyse qui avait été d’abord introduite en Argentine par un médecin espagnol Angel Garma (1904-1993) qui, après s’être formé en Allemagne dans l’entre-deux-guerres et n’ayant pu retourner dans son pays en proie à la guerre civile, s’y était exilé en 1936 après avoir vécu un temps à Paris, fondant en 1942 la Asociacion Psicoanalítica Argentina, APA, elle-même affiliée à l’IPA.
34Enrique Pichon-Rivière (1907-1977) d’une famille d’origine française qui s’est installée dans le Chaco en 1911, a fait ses études de médecine à Buenos Aires après lesquelles il a été l’un des fondateurs de l’APA dont il s’éloignera ensuite. Marqué par le surréalisme, il rencontra André Breton, puis en 1955 Jacques Lacan qui le reçut en compagnie de Tristan Tzara (1893-1963) ; c’est lui qui incitera le philosophe argentin Oscar Masotta à traduire les œuvres de Lacan en espagnol. Masotta (1930-1979) se consacrera à partir des années 60 à cette traduction en poursuivant la diffusion du lacanisme à partir de Barcelone où il vécut les dernières années de sa vie ; certaines des œuvres de Pichon-Rivière ont été traduites en français et publiées à Paris ; l’Association franco-argentine de psychiatrie et de santé mentale a organisé en 2002 à la Maison de l’Amérique latine installée au 217 boulevard Saint-Germain dans l’ancien hôtel particulier de la famille Charcot, un cycle de conférences en français sur Enrique Pichon-Rivière.
35Curieusement, la plupart des lacaniens actuels ignorent que le docteur Lacan a fait, à l’invitation de Ramon Sarro Burbano (1900-1994), professeur de psychiatrie à la faculté de Barcelone qui avait été analysé à Vienne dès 1911, une conférence dans cette ville, conférence qui est d’ailleurs passée relativement inaperçue. Le professeur Sarro était très francophile, je dirai même afrancesado, et il venait souvent à Paris à l’invitation d’Yves Pélicier ; il avait réuni dans sa maison familiale de la Ciudad Condal la plus fabuleuse bibliothèque de livres de psychiatrie et de psychanalyse dans toutes les langues que j’ai vue, qu’il nous a fait visiter lorsque le Congrès de psychiatrie et de neurologie de langue française s’est tenu à Barcelone et nous a alors dit qu’il avait l’intention de la léguer à la Faculté de médecine ; mais je ne sais pas ce qu’elle est devenue à sa mort bien que je sois ensuite retourné plusieurs fois à Barcelone pour y parler notamment de mon maître Henri Ey.
36Je pense bien sûr à la fameuse bibliothèque Charcot qui se trouvait à l’hôtel du boulevard Saint-Germain que le commandant Charcot avait léguée à l’hôpital de La Salpêtrière et qui est maintenant conservée à l’Institut du cerveau et de la moelle qui a été construit dans ce groupe hospitalier ? Je ne manque pas de la faire visiter à nos collègues latinoaméricains quand ils viennent à Paris ; de telles bibliothèques ne sont intéressantes que si elles sont cataloguées, enrichies et intégrées dans un centre de documentation comme l’est la bibliothèque Henri Ey de l’hôpital Sainte-Anne.
37Les idées d’Henri Ey étaient bien connues dans les pays latino-américains puisque le Manuel de psychiatrie qu’il a écrit avec Paul Bernard et Charles Brisset a été traduit en espagnol par des collègues catalans et qu’il a longtemps servi à l’enseignement de la psychiatrie dans tout le monde hispanique. La première édition en français date de 1960 et la cinquième et dernière de 1978 ; une traduction en espagnol a été publiée en mai 1965 chez Toray-Masson.
38Ey abandonna ses fonctions de secrétaire général de l’AMP à la fin du IVe Congrès organisé à Madrid en 1966 par J.-J. Lopez Ibor (1909-1991) auquel participèrent de nombreux psychiatres latino-américains qui s’étaient formés dans cette ville. C’est le premier congrès mondial auquel j’ai personnellement participé. Nous eûmes aussi l’énorme surprise de voir participer à ce congrès organisé en Espagne franquiste une délégation de l’Association soviétique des psychiatres et narcologistes, comme on nomme en URSS les alcoologues, l’alcool étant tenu en Russie pour un narcotique ; le pays qui organise un congrès mondial de psychiatrie s’engage à donner des visas d’entrée pour y participer à tous les médecins, y compris ceux venant des pays avec lesquels il n’entretient pas de relations diplomatiques.
1977, VIe Congrès mondial d’Honolulu
39Henri Ey ne put pas assister par contre en raison de son état de santé au congrès suivant, le Ve, organisé par le professeur Ramon de la Fuente Muñiz (1921-2006) à Mexico, où les congressistes commencèrent à entendre parler de l’utilisation de la psychiatrie à des fins de répression contre les dissidents en URSS, grave question sur laquelle les sociétés nationales de psychiatrie et surtout l’Association mondiale vont être amenées à prendre position ; je n’ai pas pu participer à ce congrès de Mexico mais j’ai eu par contre la chance de participer au suivant, le VIe congrès mondial organisé par l’American Psychiatric Association du 27 août au 3 septembre 1977 à Honolulu. Au cours de ce congrès fut adoptée la Déclaration d’Hawaï, condamnant cette utilisation répressive de la psychiatrie. Il fut aussi décidé une unification au niveau mondial des classifications des troubles mentaux, par le vote par la section « classifications » que présidait Pierre Pichot d’une motion demandant aux associations nationales de psychiatrie, qui possédait une classification des maladies mentales, de la réviser pour la mettre en conformité avec le chapitre « Troubles mentaux » de la Classification mondiale des maladies publié depuis la fin de la Seconde guerre mondiale par l’OMS. Alors que l’APA procéda à la révision du DSM II et publia en 1980 le DSM III, en France seules furent révisés, sous la direction du professeur Roger Misès (1924-2013), les chapitres « Enfance et adolescence » de la Classification française des troubles mentaux de l’Inserm de 1968 avec publication d’une Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent CFTMEA dont la révision R-2012 a été traduite et publié en espagnol en Argentine [17].
40J’avais traité de ces difficiles questions de taxinomie psychiatrique dans un dictionnaire qui a été traduit en espagnol et publié au Mexique par Héctor Pérez-Rincón [14]. Misès nous laissa le soin de prolonger cette dernière révision de la CFTMEA [15] selon les mêmes principes aux autres âges de la vie par une Classification française des troubles mentaux R.2015 [16]. Le professeur Juan-Carlos Stagnaro qui a vécu en France pendant plusieurs années et qui a publié en Argentine de nombreuses traductions en espagnol de textes classiques de la psychiatrie française, a pris l’excellente initiative de traduire et de publier dans le même volume les traductions en espagnol de la dernière édition de la CFTMEA et de la CFTM R-2015 dont j’ai dirigé, avec Francois Kammerer, la rédaction par un groupe de psychiatres français d’orientations et de modalités d’exercice aussi diverses que possible. [16]
41Dans les dernières décennies du xxe siècle l’histoire politique de nombre de pays d’Amérique latine a été marquée par plusieurs coups d’État installant des dictatures militaires plus ou moins longues ; en Argentine notamment, plusieurs psychiatres durent s’exiler un temps en France pour fuir la répression qui frappait durement les intellectuels dans leurs pays et c’est à Paris que certains d’entre eux compléteront leur formation psychanalytique.
42En 1989, pour le bicentenaire de la Révolution française, furent organisées à travers le monde des réunions commémorant celui de la publication du Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale ou la manie par Philippe Pinel et une des plus marquantes fut le Symposium international organisé le 24 novembre 2001 à Mexico par plusieurs associations françaises, dont l’Évolution psychiatrique, et mexicaines où j’ai eu l’honneur d’intervenir. J’y ai retrouvé l’historienne de la psychiatrie Dora Weiner, professeur à l’université de Californie, avec laquelle nous avons publié à Paris en 2005 une édition critique de la 2e édition de ce traité historique [19] ; cette historienne nord-américaine a minutieusement étudié l’histoire de l’introduction de la psychiatrie de langue française en Amérique latine.
6e Congrès de l’Association européenne d’histoire de la psychiatrie
43Nous avons eu la surprise lorsque l’European Association for the History of Psychiatry demanda aux psychiatres français d’organiser à Paris leur VIe congrès que plusieurs psychiatres latino-américains y participèrent et pour certains y firent des communications. Je suis moi-même intervenu sur « Don Quichotte et l’Éloge de la folie » : je souligne que le roman de Cervantes est influencé par les idées exprimées par Érasme dans son Éloge de La Folie (P. 56). Juan Carlos Stagnaro intervint également sur « La réception des idées de la clinique psychiatriques française à Buenos-Aires dans la seconde moitié du xixème siècle » (p.67-76) ; ce congrès de l’association européenne d’histoire de la psychiatrie qui s’est tenu à l’hôpital Sainte-Anne a donc vu venir à Paris des psychiatres et des historiens nord et sud- américains ; les actes en ont été publiés en 2008 par Jacques Arveiller [20, 24].
1993, IXe Congrès mondial à Rio de Janeiro
44Plusieurs psychiatres français ont participé au IXe Congrès mondial organisé en 1993 à Rio de Janeiro, notamment des membres de la Société médico-psychologique qui y avait organisé un symposium franco-brésilien mais je ne pense pas que cette rencontre ait marqué particulièrement les esprits des congressistes français plus fascinés de découvrir les beautés naturelles de la baie de Rio ; c’est le professeur Yves Pélicier (1926-1996), autre psychiatre français cosmopolite, qui prononça le discours d’ouverture de ce congrès de Rio ; il faut noter que nombre de psychiatres français ayant participé à ce Congrès mondial avaient eu l’occasion de participer déjà antérieurement à des congrès internationaux organisés au Brésil.
45En même temps s’étaient constituées pendant ces décennies de la fin du xxe siècle à Paris plusieurs associations loi de 1901 franco-latino-américaines de psychiatrie et de santé mentale, comme par exemple l’Association franco-argentine, la franco-mexicaine, la franco-cubaine, la franco-vénézuélienne ou la franco-péruvienne pour citer celles que je connais. Elles vont, elles aussi, organiser régulièrement des colloques soit en France, soit dans les pays concernés. Par exemple l’association ERIE a organisé en 2004 au centre hospitalier spécialisé Paul Guiraud de Villejuif, un colloque « Histoire et perspectives de la psychiatrie latino-américaine » avec cinq communications faites en espagnol, français, ou anglais. On voit que la langue utilisée pour ces échanges est au début du xxie siècle de plus en plus souvent l’anglais ; les textes de ces communications faites à l’Hôpital Paul Guiraud de Villejuif ont été publiés dans un supplément au n̊ 1 janvier-mars 2014 de Perspectives Psy.
46Une association qui a organisé très régulièrement pendant des décennies des colloques est la Franco-argentine, notamment à l’hôpital psychiatrique de la Queue-en-Brie, en Seine-et-Marne, où le docteur Dominique Wintrebert, qui a des attaches familiales avec l’Argentine était chef de service ; il m’a souvent invité à y participer et à y intervenir.
47À Buenos Aires, la maison d’édition Polemos de J.-C. Stagnaro entreprend au début du xxie siècle la publication des grandes œuvres d’Henri Ey qui n’avaient pas été traduites en espagnol du vivant de celui-ci : Estudios psiquiatricos en 2008, Tratado de las alucinaciones et en dernier La Conciencia[18], traductions dans lesquelles le professeur uruguayen Humberto Casarotti a joué un rôle décisif ; il m’avait auparavant invité à parler de l’œuvre de mon maître Henri Ey dans un Cercle d’études qu’il a créé dans ce but à Montevideo et il est venu souvent à Paris pour étudier des documents conservés à la bibliothèque Henri Ey de Sainte-Anne.
48Le professeur Stagnaro a toujours organisé pendant le congrès annuel de l’APSA, qui se tient à l’automne austral dans la station balnéaire de Mar del Plata, des symposiums avec soit des présentations d’œuvres classiques de la psychiatrie française, soit sur des thèmes d’actualité auxquels j’ai personnellement eu la chance de participer à plusieurs reprises et où j’ai ainsi fait la connaissance de collègues argentins plus jeunes de générations toujours intéressées de connaître la psychiatrie de langue française incarnée par Henri Ey.
L’ethnopsychiatrie mexicaine
49Un jeune médecin de l’université de Guadalajara (Jalisco), Sergio Javier Villaseñor Bayardo était venu à Paris pour rédiger en français une thèse d’anthropologie et d’ethnologie à l’EHESS sur la médecine traditionnelle qu’il avait étudiée dans une communauté nahua. Il l’a présentée devant un jury présidé par le professeur Christian Duverger dont je faisais partie ; cette thèse vient d’être rééditée avec une préface qu’il m’a demandé d’écrire ; dans la présentation de la réédition, nous voyons que l’on parle maintenant plutôt de psychiatrie culturelle que d’ethnopsychiatrie et que mon élève et ami a présidé en 2015-2018 l’Association mondiale de psychiatrie culturelle (WACP) qui organise également des congrès mondiaux, le VIe et dernier en 2018 à New-York. Dans la préface à cette édition je signale que le Ve congrès de psychiatrie culturelle avait été organisé par Villaseñor à Puerto-Vallarta sur la crise des migrants, sujet malheureusement on ne peut plus d’actualité.
50Lorsque l’année France-Mexique organisée par les gouvernements des deux pays pour promouvoir les échanges entre les deux pays a été consacrée à ceux dans le domaine de la médecine, j’ai été recommandé au Quai d’Orsay par le docteur Jean-Pierre Lauzel, chef de service à l’hôpital Sainte-Anne où il recevait des stagiaires mexicains mais qui ne parle pas espagnol, pour aller pendant cette année faire des conférences sur la psychiatrie au Mexique ; le service culturel de l’ambassade à Mexico m’a organisé une tournée des universités publiques ou privées de plusieurs des États mexicains – puisque ce pays fédéral est formé de 31 États – souvent gouvernés par des partis politiques opposés et où les problèmes de santé mentale sont aussi extrêmement divers selon en particulier l’importance prise par le trafic de drogues et des luttes meurtrières entre cartels qu’il provoque.
51Je rencontre très régulièrement Sergio Villaseñor qui exerce dans l’État de Jalisco, connu pour la qualité du tequila qui y est produit, soit à Guadalajara – je suis profesor honorario de cette université –, soit enfin à Paris, ville où il vient dès qu’il en a la possibilité, soit dans les congrès de l’Association mondiale de psychiatrie à travers le monde.
52Plusieurs médecins nés en Amérique latine et qui ont parfois étudié la psychiatrie dans d’autres pays sont ensuite partis exercer aux USA ; deux d’entre eux Pedro Ruiz et Juan Mezzich ont ensuite l’un et l’autre présidé l’Association mondiale de psychiatrie grâce aux voix de l’American Psychiatric Association, l’APA, – association dont ils étaient l’un et l’autre devenus membres à la suite de leur immigration aux USA – qui dispose d’un grand nombre de voix à l’Assemblée générale de la WPA où est élu le président.
2000, Congrès du jubilé de l’AMP
53L’Association mondiale de psychiatrie a longtemps fait alterner des congrès mondiaux et des congrès régionaux ; mais lors d’un congrès régional pour l’Amérique à Guadalajara où je faisais une communication en espagnol sur l’œuvre écrite de l’écrivain-cinéaste mexicain Juan Rulfo (1917-1986), les responsables de l’Association mondiale me demandèrent si je pouvais obtenir des sociétés françaises de psychiatrie d’organiser à Paris en 2000 plutôt qu’un congrès régional pour l’Europe de l’Ouest un congrès du jubilé pour commémorer la tenue dans cette capitale du premier congrès mondial en 1950 et permettre ainsi à nouveau la venue à Paris de congressistes du monde entier et pas seulement des Européens. Il me fut facile d’obtenir l’accord de la Société médico-psychologique et de L’Évolution psychiatrique puisque je les présidais toutes les deux cette année-là ; un changement de présidence à la Société psychanalytique de Paris, dont le nouveau président n’était pas médecin fit que je n’obtins pas, contrairement à Henri Ey pour le congrès de 1950, la participation de cette société psychanalytique parisienne. Le thème De la clinique à la Recherche, Penser la psychiatrie fut retenu pour ce congrès qui s’est tenu du 26 au 30 juin 2000 au palais des Congrès de la porte Maillot sous l’égide de la Fédération française de psychiatrie qui s’était constituée entre-temps pour rassembler les nombreuses sociétés existantes en France dans notre discipline dont l’Information psychiatrique. Nous eûmes la surprise de constater qu’il y avait dans le monde en l’an 2000 des sociétés nationales de psychiatrie qui ne comptaient que quelques membres et même qu’il en existe de clandestines dans certains pays dont les autorités politiques ne sont pas favorables à cette forme de médecine très occidentale. Les congressistes espagnols furent nombreux, notamment Juan-José Lopez-Ibor Aliño (1941-2015) qui a présidé, comme l’avait fait auparavant son père Juan-José Lopez Ibor (1909-1991), l’Association mondiale de psychiatrie (j’ai bien connu le fils ainsi que la petite-fille de cette dynastie familiale de psychiatres espagnols). Mais les étrangers les plus nombreux à venir à Paris participer au Congrès du jubilé de l’Association mondiale en 2000 furent les latino-américains, venus en somme à Paris commémorer le Congrès de 1950 et rappeler l’importance qu’il a eu pour l’histoire de la psychiatrie dans leur continent notamment par les activités de l’APAL.
54Lors de ce Congrès du jubilé de l’Association mondiale de psychiatrie à Paris, beaucoup de congressistes étrangers découvrirent le musée du Quai Branly, construit à l’initiative du président Jacques Chirac, récemment inauguré, dont les collections contiennent non seulement des œuvres d’art africain mais aussi des œuvres provenant d’autres cultures, en particulier de celles latino-américaines dites précolombiennes.
Les anthologies de textes psychiatriques
55En 2003, Néstor de la Portilla Gaeda, professeur du département de santé mentale de la faculté des Sciences de la santé de l’université de Carabobo au Vénézuela, a publié un ouvrage intitulé Reseña histórica de las traducciones en psiquiatria. Psiquiatría e idiomas où il étudie le difficile problème des traductions faites dans une langue moderne comme l’anglais, l’espagnol ou le français de textes publiés dans une autre de ces langues au xxe siècle ; il cite dans la bibliographie l’Anthology of French Psychiatric Texts (2001).
Les anthologies de textes classiques de la littérature psychiatrique mondiale
56Le bureau de l’Association mondiale avait souhaité, après les premiers congrès, la création d’une collection d’anthologies de textes classiques de la littérature psychiatrique mondiale publiés dans les différentes langues, traduits en anglais pour qu’ils puissent être lus par les psychiatres du monde. Dans ces anthologies, les auteurs des textes retenus étaient d’abord présentés dans une courte notice biographique qui précédait celui de leur texte retenu. J’ai personnellement participé à l’édition des deux premiers volumes, celui sur la littérature psychiatrique de langue française publié à Paris en 1999, puis celui sur la littérature de langue espagnole publié en 2001 ; ces volumes étaient souvent publiés à l’occasion de congrès mondiaux pour pouvoir être présentés aux congressistes. Nous avons inauguré en 2001 avec F.-R. Cousin et Denis P. Morozov cette série d’anthologies de textes classiques de la psychiatrie traduits en anglais publiées dans le cadre de l’Association mondiale de psychiatrie avec celle des textes en français. J’ai ensuite collaboré avec J.-J. Lopez-Ibor Aliño et Carlos Carbonell à celle des textes classiques de la psychiatrie en espagnol ; mais la WPA n’avait pas prévu de faire une anthologie de ceux publiés en espagnol par des Latino-Américains traduits en anglais et les faire ainsi connaître mondialement ; c’est pourquoi avec Sergio Villaseñor Bayardo et Carlos Rojas Malpica nous avons publié une Antologia de textos clásicos de la psiquiatría latino-americana, qui a été éditée une première fois par le Gladet en 2011 [5], puis une seconde fois par l’Université de Guadalajara, recueil où ces textes écrits en espagnol ne sont pas traduits en anglais contrairement aux anthologies de la WPA, qui a donc surtout été présentée lors de congrès en Amérique latine.
57La WPA a publié une Anthology of Italian Psychiatric Texts, puis 2011 une Anthology of Greek Psychiatric Texts qui ont été présentées lors des congrès mondiaux qui ont suivi.
La Colombie
58Un jeune psychiatre colombien, très impliqué dans la lutte contre le trafic de drogues qui allait dévaster son pays m’offrit lors d’un voyage d’études qu’il fit à Paris un ouvrage El gran libro de Colombia [21] où nous lisons : « La medicina despues de la Independencia y hasta finales del siglo XIX era sin embargo una medicina copiada de la francesa en casi todos sus detalles: tremendamente descriptiva y basada en la clínica en la cual descollaron no pocos de los médicos ilustrados de la época.
59Posteriormente al iniciarse el siglo XX, la medicina modelada al estilo francés, paso de ser una profesión basada en dos ramas, medicina y cirurgía y se fueron estableciendo las distintas especialidades. »(p. 66)
Le Chili
60Je ne suis allé qu’une seule fois au Chili pour participer à une réunion organisée à Santiago alors que j’étais en contact depuis longtemps avec un collègue chilien, Fernando Loas Stepke, né à Santiago qui s’est formé en Europe et aux États-Unis et qui m’envoyait régulièrement à Paris ses ouvrages en espagnol. Je dois dire que ce qui m’a surpris lors de ce séjour, c’est le contraste entre une certaine méconnaissance de la littérature psychiatrique française moderne et l’importance qu’avait dans ce pays, comme d’ailleurs dans d’autres pays latino-américains, la pensée de l’essayiste français René Girard (1923-2015) qui était bien connue comme j’ai pu le constater lors d’une discussion sur ce sujet organisée à la faculté de philosophie de l’université de Santiago
61Nous sommes allés bien sûr à Valparaiso visiter la maison de Pablo Neruda (1904-1973), celle qu’il avait à Santiago ayant été détruite après le coup d’État du général Pinochet ; cet écrivain qui a été ambassadeur du Chili en France, a reçu le prix Nobel de littérature en 1971.
2010, XXI° Congreso Peruano de Psiquiatria à Cuzco
62Depuis que, pendant la Seconde Guerre mondiale, j’avais commencé mes études secondaires au Lycée français de Madrid où, parmi les œuvres de la littérature classique du Siècle d’Or, nous lisions les Comentarios reales écrits par l’Inca Garcilaso de la Vega [22], je rêvais d’aller un jour au Pérou, car nous ne pouvions alors connaître en Espagne la culture inca qu’en allant visiter le Museo de América. Ce rêve d’adolescent finira par se réaliser soixante ans plus tard. En attendant, j’avais accumulé dans ma bibliothèque parisienne beaucoup de documents sur la civilisation inca publiés au xxe siècle.
63En 1959, Alain Gheerbrant a publié à Paris une traduction en français moderne de ce chef-d’œuvre qui avait été traduit en France dès le xviie siècle, avec un essai sur son auteur et des illustrations dont des photographies de Cuzco et surtout une carte du Tahuantinsuyu, les quatre parties du monde qui constituent l’empire inca [22].
64Maria Rostowowski, née au Pérou d’un père polonais et d’une mère péruvienne, a publié en 1999 une Historia del Tahuantinsuyu en espagnol [28] avec une abondante bibliographie de références internationales dont plusieurs à des auteurs français.
65Enfin, l’anthropologue française Carmen Bernard a publié en 2006 à Paris un livre intitulé Un Inca platonicien, Garcilaso de la Vega (1539-1616)[23] avec une très importante bibliographie internationale des nombreux ouvrages dans toutes les langues qui ont été consacrés aux différents temps de la vie de ce penseur métis, aux deux sens du terme puisque né du mariage d’un conquistador et d’une princesse inca et qu’il a vécu successivement dans les deux cultures, inca pendant son enfance et son adolescence, puis hispanique à l’âge adulte. Garcilaso de la Vega signe son livre « el Inca », avec une majuscule comme on le fait pour les membres de la noblesse apparentés à l’Inca, alors que l’on écrit inca avec une minuscule pour le peuple ; il consacre quelques pages de ses Comentarios Reales à nous parler de la médecine à base de plantes indigènes avec laquelle il a été traité quand il était enfant et qu’il était élevé à Cuzco comme le fils d’une princesse Inca qu’il était. Carmen Bernard montre surtout comment, revenu en Espagne pour faire reconnaître ses droits en tant que fils d’hidalgo, celui que nous connaissons comme el Inca Garcilaso de la Vega a contribué par ses œuvres publiées en castillan en Espagne et au Portugal, au renouveau de la pensée philosophique qui s’est alors produit en Europe avec notamment une résurgence du courant néo-platonicien d’où le titre donné par Carmen Bernard à son étude.
66Cet Inca dont le nom espagnol ou chrétien est Gomez Suarez, a vécu à l’âge adulte dans la ville de Montilla près de Cordoue en Espagne, pays où il avait combattu contre les morisques sous les ordres du demi-frère de Philippe II, don Juan de Austria, le vainqueur de Lépante (1571). Il avait été adopté par un de ses oncles paternels don Alonso Vargas qui n’avait pas d’enfant. Il est mort la même année que deux autres écrivains célèbres de son temps Shakespeare et Cervantes ; Garcilaso de la Vega qui avait reçu au Pérou l’excellente éducation classique que les jésuites donnaient à Cuzco aux métis nobles a écrit la plupart de ses œuvres notamment les Commentaires royaux dont seule la première partie a été publiée de son vivant, à Cordoue où il est mort. Il a été enterré dans une chapelle de la cathédrale de cette ville qu’il avait achetée en versant à l’évêque une forte somme pour le repos des âmes du purgatoire ; cet édifice témoigne d’un certain syncrétisme religieux et culturel puisqu’ont été successivement construits en ce lieu un temple païen romain, une église wisigothe, une mosquée et enfin, après la Reconquista, une cathédrale en utilisant d’ailleurs parfois des pierres ou des colonnes provenant des constructions antérieures. Sur la pierre tombale de « El Inca Garcilaso » figure son écu d’armes où l’on peut voir, à la droite de ses armoiries espagnoles, héritées de son père, les emblèmes de la dynastie impériale des Incas : deux serpents « amaru », tenant dans leur gueule le « llautu » et la « Mascapaicha » et au-dessus le couple des dieux créateurs, Soleil et Lune, père et mère des ayllus incasiques.
67L’histoire du Pérou et des Incas a été connue assez tôt en Espagne par un texte écrit entre 1587 et 1615 La primera y nueva crónica y buen gobierno compuesto por don Felipe Guzman Poma de Ayala. Cet ouvrage est illustré de nombreuses gravures pour « ceux qui ne savent pas lire » représentant notamment les Incas et leurs épouses ; ces images ont souvent été reproduites dans les ouvrages modernes sur l’histoire des Incas et la conquête du Pérou. Celle-ci a été facilitée par le fait que si le successeur de l’Inca à sa mort était un de ses fils ce n’était pas nécessairement l’aîné, ni même un de ceux qu’il avait eus avec son épouse principale ; ceci entraînait, à la mort de chaque Inca, des guerres de succession et les conquistadors vont jouer sur celle que se livraient peu après leur arrivée au Pérou en 1526, les fils de l’Inca Huayna Capac, mort sans doute de la variole, auquel avait d’abord succédé son fils ainé, mort lui aussi rapidement, laissant lutter entre eux deux de ses demi-frères paternels Huascar et Atahualpa lequel fut d’abord victorieux mais qui fut ensuite fait prisonnier par les Espagnols et que Francisco Pizarro fit finalement mettre à mort en 1533.
2010, Cuzco XXI° Congreso Peruano de Psiquiatria
68J’ai finalement enfin réalisé ce rêve d’adolescent d’aller à Cuzco en participant en 2010 au XXI̊ Congreso peruano de psiquiatría lorsque nos collègues péruviens se sont réunis pour la première fois non pas à Lima, ville espagnole fondée par Pizarro, mais dans cette ville inca, avec plusieurs amis français et sud-américains, membres de L’Évolution psychiatrique ; le Gladet y tenait aussi son II̊ Congreso. J’y ai rencontré Oscar Arbulu, membre de la Société médico-psychologique et j’y ai fait une conférence en espagnol « Los intercambios franco-peruanos en neurología y psiquiatría où j’ai parlé de ceux entre Jean Lhermitte (1877-1959) et Oscar Trelles (1904-1993) et ceux plus tardifs entre Humberto Delgado (1892-1969) et Henri Ey (1900-1977) et enfin, pour la psychiatrie transculturelle, entre Yves Pélicier (1926-1996) et Javier Mariategui (1928-2008).
69Nous avons à Cuzco visité les admirables édifices des palais des Incas puisqu’on en construisait un pour chaque nouvel Inca, dont la momie était conservée et servie après sa mort comme s’il était toujours en vie, édifices que les conquistadors ont surélevés d’étages à l’architecture typiquement espagnole. Parmi les gravures qui illustrent l’ouvrage de Guzman Poma de Ayala, l’une représente la procession que l’on faisait faire à travers Cuzco aux momies des Incas. J’avais pu acheter un guide illustré sur Cuzco y el valle sagrado de los incas[27] édité dans la ville même qui permet à un non-initié de tenter de décrypter la symbolique extrêmement complexe de cette architecture cyclopéenne faite d’énormes pierres, caractéristique des constructions incas.
70Garcilaso de la Vega nous explique que si les Incas imposaient aux peuples qu’ils conquéraient de parler quéchua pour uniformiser leur empire, ils parlaient entre eux une langue secrète que l’on ne connaît plus puisqu’ils ont tous été tués avant de pouvoir la transmettre à leur successeur et que lui-même ne l’a pas apprise dans son enfance ; je suis sûr que celui qui connaîtrait cette langue secrète perdue parviendrait sans difficultés à interpréter le symbolisme des bâtiments de Cuzco.
71Les congressistes étrangers français ou latino-américains sont allés visiter, après ce congrès péruvien de psychiatrie à Cuzco en suivant la voie sacrée du rio Urubamba, qui venait d’ailleurs d’inonder la vallée en causant des dégâts, le Machu Picchu, mais nous avons dû commettre quelque sacrilège, peut-être celui de nous conduire en touristes curieux et non en pèlerins respectueux, car à peine étions nous arrivés au sommet pour contempler le lever du soleil que se déchaîna un véritable déluge qui obligea les gardiens à nous faire redescendre pour évacuer en urgence les visiteurs de ce site admirable inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco qui estime d’ailleurs que son exploitation touristique excessive risque de le mettre en danger.
L’Examen des esprits de Juan Huarte (de San Juan)
72Carmen Bertrand cite, dans son étude sur Garcilaso un autre livre important de la littérature espagnole El examen de ingenios para las ciencias de Juan Huarte (de San Juan) (v. 1530-1583) publié en castillan et non plus en latin par ce médecin, comme c’était encore le cas pour les ouvrages de médecine. M’intéressant à la littérature espagnole du Siècle d’or dans tous les domaines, c’est tout naturellement que j’ai été aussi amené à étudier cet ouvrage qui a fait l’objet de deux éditions en 1575 et 1594 en Espagne et de pas moins de trois traductions en français avec de nombreuses éditions sous le titre L’Examen des esprits pour les sciences, les traducteurs n’ont pas trouvé un mot français qui convienne pour traduire « ingenio », vocable utilisé par Cervantes pour qualifier le héros de son roman « el ingenioso hidalgo Don Quijote de la Mancha ».
73J’ai parlé de cet ouvrage et de son auteur dans mon discours d’ouverture du Congrès de psychiatrie et de neurologie de langue française lorsque la 97e session que je présidais s’est tenue à Biarritz puisque Juan Huarte est né, comme l’indique son nom, dans une ville proche du pays basque français, Saint-Jean-Pied-de-Port, étape sur le chemin de saint Jacques que les congressistes sont allés visité. Ce texte de mon discours a été repris dans L’Évolution psychiatrique[29], mais alors que l’Examen de ingenios de Juan Huarte a longtemps été cité et commenté tant en France qu’en Espagne, je pense que cet ouvrage écrit en Castillan n’est pas très connu en Amérique latine.
Échanges personnels avec German Berrios
74Mais le collègue et ami péruvien avec lequel j’ai le plus de contacts, échangeant en espagnol quand nous nous rencontrons quelque part dans le monde, est le professeur German Berrios. Celui-ci est né à Tacna au sud du Pérou, pays où il a fait ses études de médecine et de philosophie, puis il a complété sa formation à Oxford et il a ensuite été, à partir de 1977, professeur à Cambridge de sorte que ses livres ont été publiés en anglais en Grande-Bretagne mais si nous lisons par exemple un des plus importants d’entre eux, comme celui intitulé The history of mental symptoms. Descriptive psychopathology since the nineteenth century[25-26], nous constatons qu’un très grand nombre des auteurs cités dont il donne une très longue liste, Ajuriaguerra, Anzieu, Charcot, Capgras, Clérambault, Dupré, Esquirol, Ey, Garrabé, Georget, Guiraud, Hécaen, Lacan, Lantéri-Laura, Lempérière, Leuret, Lévy-Valensi, Lhermitte, Luys, Minkowski, Moreau de Tours, Morel, Pinel, Porot , Régis, Ribot, Ritti, Rogues de Fursac, Séglas, Semelaigne, Sérieux, Simon, Toulouse, Trémine, Vaschide, etc., sont des français, ce qui montre que pour lui la contribution de ces auteurs français à l’édification de la psychopathologie descriptive est fondamentale. Ce remarquable ouvrage a été traduit en espagnol et publié au Mexique en 2000 avec une présentation de Héctor Pérez-Rincón [29] et une courte biographie de l’auteur.
75Le professeur Berrios a longtemps présidé la section « Histoire » de l’Association mondiale et il est l’editor de la revue History of Psychiatry publiée à Londres chez l’éditeur Sage et dont je suis assistant editor pour la France ; depuis que la langue anglaise est devenue la plus employée dans le monde, il est nécessaire pour faire connaître les textes psychiatriques publiés dans les autres langues modernes comme le français, l’allemand ou l’espagnol de les traduire en anglais comme on l’a fait pour les anthologies de la WPA.
2011, le XVe Congrès mondial de psychiatrie à Buenos Aires
76La WPA a confié aux Argentins l’organisation du 15th World Psychiatric Congress « Our Heritage and Our Future » puisque la langue de travail quasi exclusive dans les congrès mondiaux était devenue l’anglais. Cependant, comme il est permis d’organiser des symposiums où est utilisée la langue dite locale, des sociétés françaises comme L’Évolution psychiatrique ou l’Association pour une fondation Henri Ey ont pu avec leurs collègues argentins en organiser plusieurs centrés sur la clinique et la psychopathologie, où les échanges entre congressistes français et latino-américains se faisaient en espagnol et qui ont connu de ce fait un succès considérable, plus grand que ceux en anglais sponsorisés par l’industrie pharmaceutique ; il faut dire que ce congrès a réuni un nombre d’inscrits vraiment incroyable avec des congressistes venus de toute l’Amérique du Sud, non seulement d’Argentine mais aussi du Brésil ou du Mexique. Les Français qui venaient pour la première fois à Buenos-Aires ont découvert le Paris du Río de la Plata comme on nomme cette ville. C’est à ce congrès mondial que nous avons présenté la deuxième édition de cette Antología de los textos clásicos de la psiquiatría latino-americana en espagnol.
Découverte tardive de la République bolivarienne
77Paradoxalement, alors que mon arrière-grand-père maternel Manuel Osio est vénézuélien, qu’il a fait ses études de médecine à la faculté de Caracas et qu’il est venu ensuite se spécialiser en ophtalmologie à Paris avant de s’installer à Barcelone, je n’avais jamais eu l’occasion d’aller au Venezuela avant la révolution du colonel Chavez instaurant en 1998 dans ce pays latino-américain la République bolivarienne. J’avais reçu en 2000-2001 quelques numéros de Zona torrida. Revista de cultura de la Universidad de Carabobo avec notamment des articles parlant de José Solanes. Je vais finir par aller au Venezuela invité pour faire une conférence dans cette université où a enseigné cet exilé espagnol et participer par la même occasion à Caracas à une réunion de l’APAL. Je dois dire que j’ai été effrayé par l’atmosphère qui régnait dans la capitale où, par exemple, des meurtres étaient commis tous les jours par des voleurs de portables, objets de luxe convoités. Pendant la réunion de l’APAL, j’observai qu’il y avait une certaine tension entre les psychiatres venus des différents pays sud-américains qui était sans doute le reflet des tensions politiques entre leur pays et le Venezuela à la suite de cette révolution chaviste.
78Par contre, la conférence à l’université de Carabobo, mis à part l’éprouvant voyage en voiture jusqu’à Valencia sur une autoroute surencombrée qui n’était plus entretenue depuis sa nationalisation à la Révolution et encombrée des carcasses des nombreux véhicules accidentés, eut beaucoup de succès auprès des jeunes médecins vénézuéliens, très surpris d’entendre leur parler en castillan un psychiatre parisien qui avait assisté à la « naissance des neuroleptiques » en France en 1958 et qui pouvait répondre à leurs questions sur l’impact qu’a eu cette découverte sur l’histoire mondiale de la psychiatrie pendant la seconde moitié du xxe siècle. Maduro n’avait pas encore succédé au colonel Hugo Chavez à la présidence de la République bolivarienne, mais on pouvait déjà prévoir qu’elle allait être la catastrophe qui allait s’abattre sur le Venezuela.
79Freddy Seidel, né au Venezuela, qui a lui-même étudié puis enseigné à l’Université de Carabobo, est ensuite venu, en passant par l’Espagne, exercer en France où il a présenté en 1998 à l’Université Paris XII Val-de-Marne une thèse de philosophie et d’histoire des idées « Antipsychiatrie : Approche clinique et historique » devant un jury présidé par Georges Lantéri-Laura (1929-2004) qui m’avait invité à en faire partie. Ce texte est particulièrement intéressant, car Seidel ne se borne pas à étudier les antipsychiatries en Europe seule mais dans le monde et en particulier en Amérique latine. Nous avons publié en 2015 chez l’éditeur John Libbey un ouvrage intitulé Promenades dans le Paris de la folie : les êtres et les lieux[30] qui a fait l’objet d’une analyse par Martin Reca dans L’Information psychiatrique [31] ; il est maintenant question de traduire en espagnol ce guide qui permet aux touristes de découvrir à Paris des lieux ou des êtres en rapport avec l’histoire de la folie pour le publier au Mexique. Nous y donnons notamment les adresses de deux bibliothèques parisiennes importantes en neuropsychiatrie : la bibliothèque Charcot, installée maintenant à l’Institut du cerveau et de la moelle à la Salpêtrière et la bibliothèque Henri-Ey du CHS Sainte-Anne où nous avons d’ailleurs présenté notre guide.
Conclusion
80Mon âge et mon état de santé ne m’ont pas permis d’assister au dernier Congrès mondial de psychiatrie qui s’est tenu à Mexico en 2018 dont les organisateurs m’avaient demandé d’intervenir dans un symposium en honneur au professeur Pierre Pichot qui a fêté cette année son centenaire. J’ai donc rédigé un texte sur le rôle qu’il a eu pendant qu’il a présidé la WPA, texte qui a été lu par un congressiste français. Je ne pense pas qu’après ce deuxième congrès de la WPA à Mexico soit organisé prochainement un nouveau congrès mondial en Amérique latine. La Société médico-psychologique a organisé à Paris une séance d’hommage à monsieur Pichot où notamment Hector Pérez-Rincón a présenté une communication sur « Pierre Pichot et le Mexique » dont le texte devait paraître avec les autres communications dans un des premiers numéros 2019 des Annales médico-psychologiques.
81Au cours de ces dernières années il s’est amorcé un regroupement des différentes associations franco-latino-américaines qui continuent à organiser dans la région parisienne des colloques franco-latinos car il y a en ce début du xxie siècle un grand nombre de psychiatres et de psychanalystes originaires d’Amérique latine qui exercent en France, mais aussi de nombreux médecins et psychologues latino-américains plus jeunes qui viennent se former dans des universités ou des hôpitaux parisiens. S’est ainsi constituée la Cofalp dont j’ai parlé au début qui réunit des associations franco-latino-américaines de psychiatrie, mais aussi la Fédération française de psychiatrie et l’APAL, association psychiatrique d’Amérique latine.
82À l’inverse, de nombreux jeunes Français partent en Amérique latine, notamment en Argentine ou au Mexique pour s’y former, conformément aux conventions qui ont été signées entre les institutions universitaires ou hospitalières françaises et celles des pays concernés et découvrir par la même occasion une autre culture et une autre psychiatrie que celle qu’ils connaissent, car ce serait une erreur que de penser que les médecins de la psyché puissent traiter de la même façon tous les malades, quelle que soit la culture où ils ont été élevés ou celle où ils vivent pour ceux qui ont choisi ou ont été obligés d’émigrer ; le phénomène des émigrations de masse de populations entières menacées pour des raisons politiques, religieuses ou économiques et les soins médicaux à apporter à ces émigrés forcés marque le début du xxie siècle.
Liens d’intérêt
83l’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.
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Mots-clés éditeurs : relation, publication, psychiatrie, histoire de la psychiatrie, France, Amérique latine
Date de mise en ligne : 26/11/2019
https://doi.org/10.1684/ipe.2019.2027