Le C3RP : origine et missions
1Comment une structure ressource universitaire peut-elle concevoir des liens forts autour des pratiques de secteur ? Des éléments de réponse peuvent être trouvés dans l’origine du C3RP. Il s’agit d’une structure originale, crée en 2010, reconnue par l’ARS en 2012, puis labellisée en 2015, qui réunit trois services sur deux pôles de l’hôpital Sainte-Anne : deux services adultes et un service enfant : un service adulte basé sur un hôpital de jour « unité de soins psychosociaux (USPS) » (responsable Dr Launay), un service de pédopsychiatrie doté d’un centre ressource autisme (responsable Dr Doyen), tous deux sur le secteur du 16e arrondissement, et une unité émanant du service universitaire et du secteur du 15e arrondissement. La double inscription sectorielle et universitaire a d’emblée existé dès la création de ce dispositif qui a permis :
- l’accueil de patients non sectorisés de l’ensemble de l’hôpital et de l’Île-de-France ;
- l’accueil de patients de secteurs pour lesquels il était important de réfléchir sur des coordinations et des parcours transversaux de réhabilitation en lien avec les unités sectorisées existantes sur le 15e ;
- l’enseignement et la dissémination des méthodes et des pratiques de remédiation cognitive (RC) et de réhabilitation psychosociale (RPS) ;
- enfin le service hospitalo-universitaire de santé mentale et thérapeutique ayant en son sein plusieurs dispositifs : détection précoce-évaluation du jeune adulte (Centre d’évaluation pour adolescents et jeunes adultes : C’JAAD), centre référent maladies rares (CRMR), axes de recherche autour du neurodéveloppement, le C3RP a accueilli des patients dans une approche de « clinique du neurodéveloppement » autour de la schizophrénie, des troubles du spectre de l’autisme et des pathologies complexes du neurodéveloppement (dont nombre d’anomalies génétiques et métaboliques).
Une approche de médecine personnalisée en santé mentale
2Ces différentes orientations impliquent une approche de médecine personnalisée : en effet, il convient de disposer de solutions psychothérapiques et de programmes de RC qui peuvent répondre à des profils de participants très différents :
- des personnes avec schizophrénie débutante, lors d’un premier épisode psychotique pour qui des programmes ludiques et conviviaux doivent être proposés ;
- mais également des patients plus chronicisés fréquentant depuis de nombreuses années des hôpitaux de jour ou des centres d’activités thérapeutiques à temps partiel (CATTP).
3Ces patients ont des altérations cognitives très contrastées entre elles, tant sur le plan neurocognitif qu’en cognition sociale et les répercussions fonctionnelles et environnementales qui en résultent peuvent aussi être très éloignées les unes des autres.
L’évaluation multidisciplinaire
4Rappelons au préalable que chaque patient bénéficie d’une évaluation multidisciplinaire médicale, neuropsychologique et fonctionnelle.
5Les patients sont éligibles pour de la RC s’ils sont :
- stabilisés cliniquement et au niveau thérapeutique depuis au moins un mois sans traitement à impact sédatif ou dysmnésiant dans la journée ;
- s’ils sont prêts à s’engager dans des programmes de RC durant plusieurs mois, parfois à plusieurs séances par semaine ;
- et s’ils ont élaboré (seul ou avec leurs référents de soin) un début de projet concret pour la réalisation de soi (insertion professionnelle, retour aux études, activités dans la communauté, bénévolats…
Programmes de remédiation cognitive disponibles en France
6Ainsi, selon les profils des participants divers programmes ont été déclinés pour répondre à cette médecine personnalisée.
7•Pour entraîner les fonctions neurocognitives, sont proposés :
- pour les participants fréquentant les institutions psychiatriques depuis de nombreuses années, le programme IPT (Integrated Psychological Therapy) [1], groupal, plus orienté vers des principes de thérapies comportementales (délivré au C3RP-USPS) ;
- un programme autour d’une ville virtuelle, le jeu Mathurin en cours de validation actuellement (PHRC PLANI-REV 2017). Il permet de planifier son quotidien dans une ville virtuelle, et a donné des résultats prometteurs tant au niveau clinique que neuropsychologique ou fonctionnel [2] ;
- pour des sujets ayant des troubles cognitifs marqués ou une déficience intellectuelle légère, la CRT (Cognitive Remediation Therapy) [3], proposée en programme papier crayon, en individuel ;
- pour des sujets plus réactifs ou de bons niveaux pré-morbide ayant une désorganisation clinique importante ou ne pouvant rejoindre un groupe : Recos (remédiation cognitive dans la schizophrénie) est dispensé [4] ; il s’agit d’un programme mixte ordinateur et papier crayon ;
- la grande majorité des personnes avec schizophrénie, et nombre de personnes autistes intègrent actuellement le programme NEAR (Neuro Educational Approach for Cognitive Remediation) [5] qui combine exercices individuels de neuropsychologie, échange de stratégies et groupes de parole axés sur le transfert au quotidien ;
- enfin au sein du C’JAAD une application sur tablette pour sujet ayant un premier épisode psychotique ou à ultra-haut risque de psychose est en cours de réalisation (PHRC Scope 2018), afin de s’assurer que ces jeunes pourront bénéficier d’un entraînement cognitif adapté tout en fréquentant peu les institutions psychiatriques.
8• Pour entraîner la cognition sociale sont proposés, en fonction des plaintes cognitives du bilan neuropsychologique et fonctionnel du sujet :
- la méthode Gaia [6], pour améliorer la reconnaissance des émotions faciales. Cette méthode est basée sur la discrimination des émotions de bases à partir de photos dégradées, sur la production d’émotions et le travail de scénarios simples en réalité virtuelle ;
- la méthode SCIT (en cours de validation actuellement, Social Cognition Interaction Training) [7]. Cette méthode groupale permet d’aborder les biais de jugement, les mécanismes de saut aux conclusions qui concourent à générer des pensées automatiques de type biais interprétatifs ou mésestime de soi ;
- le programme TOM Remed, groupal qui cible les anomalies de la théorie de l’esprit [8] ;
- la méthode RC2S (remédiation cognitive de la cognition sociale) [9] qui envisage de travailler en individuel les différents aspects de la cognition sociale et les interactions sociales complexes.
9Plusieurs participants se voient proposer des parcours séquentiels de remédiation neurocognitive puis de cognition sociale en lien avec les altérations cognitives présentées pour réduire celles-ci et trouver des stratégies compensatoires efficientes.
Principes de prise en charge en remédiation cognitive
10Dans cette approche de remédiation cognitive personnalisée, seuls comptent les dimensions cognitives et le profil cognitif que le patient présente [10]. Le participant étant stable cliniquement, la pathologie est mise au second plan ; les participants d’un groupe de RC sont choisis non en fonction de leur pathologie mais en fonction de leur profil cognitif. Ce détail a son importance : en effet cela permet de construire un champ sémantique commun qui sera partagé par les participants, les aidants, les acteurs du soin et les acteurs du médicosocial. Tout l’environnement du participant pourra ainsi s’accorder et se coordonner le long du parcours de réhabilitation patient-centré menant à l’empowerment et au rétablissement [11].
11Ce parcours nécessite un pilote. Celui-ci coordonnera le projet d’insertion et aidera le participant à co-construire son projet. Le choix du pilote est fondé sur la personne qui aura l’idée la plus cohérente du parcours, en accord avec le patient [10]. La psychiatrie de secteur en France et le maillage médicosocial crée par la politique de sectorisation depuis les années cinquante constituent un ferment idéal pour construire et asseoir une réelle politique de santé mentale en réhabilitation [12].
12Comment faciliter cet empowerment ? Il convient d’élaborer des parcours intégratifs de thérapies psychosociales et de se coordonner ; en effet une plateforme de réhabilitation doit avoir besoin d’un réseau de thérapies psychosociales disponibles autour de celle-ci, permettant des recours spécifiques en fonction des besoins du participant : accès à la psychoéducation pour le participant lui-même et pour ses aidants (tel le programme Profamille [13]), possibilité d’entretiens motivationnels (pour les troubles de l’insight ou les troubles addictifs), le recours aux thérapies comportementales de gestion du stress ou affirmation de soi, la possibilité de recours aux programmes d’habiletés sociales, les solutions pour l’habitat inclusif (foyers de post-cure, appartements associatifs ou partenariats opérés avec les bailleurs sociaux), le recours à l’abord corporel (activité physique, yoga, relaxation), enfin le coaching ou soutien à l’emploi [14]. À chaque participant correspondra un parcours de réhabilitation personnalisé.
13Par ailleurs, nombre de ces éléments seront débutés au préalable sur l’unité de secteur, avant l’accueil dans la plateforme de RPS : en effet l’éducation thérapeutique, les thérapies comportementales, les entretiens motivationnels, l’activité physique, l’aide aux aidants, la construction de solutions pour l’habitat pourront être initiés dès l’accès aux soins durant la phase aiguë ou subaiguë (figure 1).
Figure 1
Figure 1
Parcours intégratifs. Le réseau de soins psychosociaux accessibles lors de la mise en place d’une plateforme intersectorielle de remédiation cognitive et réhabilitation psychosociale (Amado, 2018. In : Santé mentale n̊ 231 [14], figure reproduite avec autorisation).14Par ailleurs le parcours des participants s’inscrira dans un modèle à chronologie temporelle précise appelée modèle tremplin (Amado in [12]). Ce modèle postule qu’à partir de l’instant où le participant est éligible dans un programme de RC, un rétroplanning devra être établi tenant compte à la fois des aspects administratifs (envoi ou retour de dossiers MDPH [maison départementale des personnes handicapées], délai d’attente pour des admissions en structures d’insertion spécialisées) et du projet du participant : date de concours d’entrée ou d’examen, date de rentrée universitaire, date de début de formation…
15Ce rétroplanning est fondé sur une méta-analyse montrant que les bénéfices de la RC perdurent 6 à 8 mois [15]. Le projet de réhabilitation doit survenir dans les 6-8 mois post-programme de RC. Durant ce délai après programme, les infirmières thérapeutes de RC ou ergothérapeutes pourront mensuellement revoir le participant afin de le maintenir mobilisé pour son projet et de s’assurer qu’il n’y a pas de déstabilisation ou stress important avant l’échéance du projet. Ainsi, le participant est aidé par un dispositif « tremplin », une rampe de lancement, et se voit préparé au mieux pour la réalisation concrète de son projet (figure 2).
Figure 2
Figure 2
Le modèle tremplin vers l’insertion et le rétablissement (I. Amado) révisé, et adapté des Annales Médico-Psychologiques (Moualla et al., 2018 [12]), avec autorisation.Spécificités de la réhabilitation dans le premier épisode
16Lorsqu’il s’agit d’un adulte jeune ayant fait un premier épisode psychotique, de manière optimale, une aide devrait être apportée par un case manager, qui va soutenir et accompagner le patient dans ses démarches, personnelles, administratives, professionnelles, etc. [16]. Dans ce dispositif, les structures d’amont qui signalent les jeunes en difficultés seront différentes des structures d’adressage de patients plus avancés dans la maladie : dans le cas d’adolescents ou jeunes adultes, ils se verront adressés plus volontiers par des dispositifs de médecine préventive, scolaire ou universitaire, par des médecins libéraux généralistes ou spécialistes. De même les dispositifs d’aval seront plus volontiers tournés vers le retour aux études, l’aménagement de la formation universitaire ou les écoles d’apprentissage. Enfin, les programmes d’éducation thérapeutiques seront là aussi différents des autres programmes, tel le programme TIPP qui s’adresse plus volontiers aux jeunes en début d’évolution [17], ou le programme à venir I care-You care développé par le C’JAAD (PHRC Scope 2018).
Transformation d’unités sanitaires orientées vers la réhabilitation
17Comment des unités sectorielles classiques peuvent-elles s’orienter vers de la RPS ? Ces unités sectorielles, lorsqu’elles bénéficient de la proximité d’une plateforme intersectorielle de RC et de réhabilitation, peuvent délivrer des prises en charge complémentaires en RPS, tout en déployant elles-mêmes des programmes de RC. Elles peuvent surtout mettre en place des parcours de réhabilitation pour des patients à profils plus complexes, présentant des enjeux d’insertion et des parcours plus délicats à envisager.
18En effet par cette stratégie orientée vers les thérapies psychosociales, elles pourront, pour certains patients difficiles à mobiliser, constituer un « sas de transition » qu’un hôpital de jour doit mettre en place, à savoir :
- des jeux cognitifs, type Michael's game [18] ou Compétences [19], afin d’éveiller les potentialités des patients ;
- des programmes de psychoéducation adaptés, mais aussi des programmes mobilisant certains aspects des difficultés propres à la maladie : programme PEPS pour améliorer la symptomatologie négative [20], PRACS pour améliorer l’hygiène ou la gestion de budget et du temps [21], et programmes de RC type CRT [3], ou jeu Mathurin [2] ;
- lorsque l’équipe en lien avec le pilote du parcours et le participant détecteront qu’une dynamique est amorcée, la co-construction d’un projet de RPS va pouvoir être esquissée et la bonne chronologie pour insérer un programme de RC adaptée au profil du participant sera prévue ; puis le participant sera orienté vers son projet, hors de l’hôpital de jour.
19Ainsi depuis deux ans, le centre de jour du 15e arrondissement a inséré 40 % de ses usagers et les autres usagers ont pu être orientés vers des GEM ou vers le CATTP. Cette nouvelle configuration d’hôpital de jour doit être mise en place à large échelle sur le territoire car elle peut offrir une véritable fonction de « sas de transition » avec un moindre risque d’engendrer de la chronicité.
20La même approche du soin doit être envisagée pour un foyer de post-cure. Celui-ci doit pouvoir accueillir des usagers qui ont besoin de construire une autonomie. Dans le 15e arrondissement, notre foyer (policlinique), en lien étroit avec le centre d’activité thérapeutique à temps partiel et le centre de jour, a dans son équipe des case managers qui vont accompagner le patient dans son effort vers l’autonomie : pour certains patients ils assisteront à certaines séances de RC puis travailleront certaines fonctions clés pour l’autonomie en vie réelle, à l’aide de scripts d’action mis conjointement en place avec l’équipe de RC (aller dans un supermarché, adapter des recettes de cuisine), en vue d’aider l’usager à aller vers un appartement relais ou un retour à domicile. Pas à pas, chaque scénario complexe de la vie quotidienne sera envisagé ; tout cela sur une période moyenne de 18 mois pour un parcours conduisant à l’autonomie. Une fois encore, le moment où le programme de RC est décidé doit être pensé au mieux afin de créer le tremplin vers l’insertion dans la communauté.
21Une coordination doit être établie entre les différentes unités ambulatoires, les unités d’hospitalisation et l’équipe de réhabilitation : en effet, la réhabilitation devant être initiée dès le premier accès aux soins, il est possible de sensibiliser aux thérapies psychosociales les personnes hospitalisées, dès la sortie de la phase aiguë : deux à trois séances, amorces d’éducation thérapeutique autour des symptômes, des traitements et de la gestion du stress, peuvent être mises en place avant que les patients ne sortent, pour les inciter ensuite à participer en ambulatoire à un programme complet de psychoéducation. L’articulation de l’intra- et l’extrahospitalier est ensuite assurée par des infirmières coordinatrices ayant une fonction transversale ; cela peut être assumé par des infirmières en pratique avancée. Ces soignants sont à la fois familiarisés par les programmes de soins de l’intra-hospitalier, les types de prise en charge du centre médicopsychologique, du centre de jour, foyer de post-cure, et du centre de réhabilitation. Ces infirmières de pratique avancées auront alors une place privilégiée pour élaborer des parcours complexes de soins et de réhabilitation en coordination avec chacune des structures, et veilleront à l’harmonisation des différentes phases du parcours de réhabilitation qui vont se succéder pour un patient, dès l’intra-hospitalier. Un type de schéma similaire peut être envisagé pour la psychiatrie infanto-juvénile.
22Au final, cette configuration a un atout supplémentaire : celui de rendre plus attractif la fonction de soignant infirmier, éducateur, aide-soignant ou travailleurs sociaux pour acquérir une véritable expertise sur la connaissance des déterminants et des réseaux utiles sur le territoire, pour l’insertion et le rétablissement.
23Ces pratiques de soins en transversal ont été depuis plusieurs années enrichies par l’expertise des soignants infirmières, ergothérapeutes et neuropsychologues, autour du transfert en vie quotidienne : en particulier dès les premières années de pratique du C3RP avec la méthode CRT ont été ajoutées un enrichissement autour du transfert des acquis au quotidien [22] : pour enrichir la méthode CRT, il a été décidé d’adjoindre lors des séances d’exercices à domicile des tâches de la vie quotidienne à réaliser chez soi, en lien avec les modules et exercices travaillés. Des principes de goal management training avec une procédure générale aidante pour le participant pour mobiliser ses ressources cognitives sont un préalable à chaque exercice. Puis au fil des années et de l’enrichissement des pratiques, ces tâches ont été compilées dans un livret personnalisé, autour des tâches à domicile, un livret qui va servir d’appui antistress pour le participant, même plusieurs années après le programme. Enfin, cet enrichissement du programme CRT avec transfert au quotidien permet au mieux de travailler et d’appliquer les stratégies apprises en séance, avec une aide, un soutien et accompagnement d’une personne ressource (aidant familial, soignant). Celle-ci pourra reprendre si nécessaire ces tâches à décomposer et effectuer avec le participant en vie réelle. Un manuel d’enrichissement de la méthode CRT est actuellement créé et en voie de diffusion.
24Cette technique ainsi que l’apport du jeu Mathurin, ville virtuelle permettant la planification de problèmes complexes du quotidien, permet de lier au mieux, une fois encore le travail de secteur et le travail de réhabilitation en apportant l’aide transversale de soignants ou aidants.
Implantation des plateformes intersectorielles de réhabilitation sur une région : l’exemple de l’Île-de-France
25En 2016, le C3RP a été missionné pour établir une carte d’accessibilité de la RC sur l’Île-de-France. Une enquête en ligne a donc été envoyée aux services administratifs des unités sanitaires de santé mentale publiques et privées, en psychiatrie adulte et infanto-juvénile de la région (avec adaptation des questionnaires).
26Les principaux résultats de cette enquête ont été publiés dans les annales médicopsychologiques [12]. Il en résultait une offre faible dans des départements comme la Seine-et-Marne ou la Seine-Saint-Denis en psychiatrie adulte, et très faible en infanto-juvénile avec, pour ces dernières, une absence d’information sur les thérapies psychosociales et des techniques citées, non validées ou en dehors du champ de la réhabilitation.
27Au total, sept territoires de l’Île-de-France en psychiatrie adultes souhaitaient opérer une orientation vers la réhabilitation. La seconde phase a alors consisté :
- à rencontrer les unités sanitaires d’Île-de-France souhaitant créer des plateformes intersectorielles de réhabilitation au sein d’un territoire en lien avec un hôpital psychiatrique ;
- à présenter les différents modèles de prise en charge, les différentes indications et les programmes existant pour l’adulte et pour l’enfant ;
- à proposer un tutorat pour l’accompagnement de la transformation de ces unités avec la rédaction d’un projet de création et développement de cette plateforme.
28Ce projet devait intégrer une réflexion sur la couverture des besoins de proximité du territoire, sur le type de population cible, sur le maillage et les partenaires médicosociaux qui seraient intégrés dans le parcours, sur une mutualisation et redéploiement des moyens pour asseoir cette plateforme et enfin sur un calendrier de formation des soignants médicaux et paramédicaux pour les différentes dimensions (éducation thérapeutique, remédiation cognitive, entraînement aux habiletés sociales…). Les projets associaient la direction de l’hôpital, la CME et étaient ensuite présentés à l’Agence régionale de santé Île-de-France (Arsif) pour obtenir si possible un soutien financier. Plusieurs plateformes et projets ont ainsi été aidés.
29Par ailleurs, plusieurs hôpitaux de jour ont pris le pas pour se réorienter vers la réhabilitation psychosociale. Certains d’entre eux déjà implantés depuis quelques années ont déposé des projets de plateforme intersectorielle territoriale (ex : hôpital de jour de Fontenay-sous-Bois ; plateforme intersectorielle 94/Les Murets, en lien avec l’hôpital Henri Mondor).
30Sur notre groupe hospitalier de territoire Paris psychiatrie & neurosciences qui regroupe l’ensemble des unités des trois hôpitaux Sainte-Anne, Maison Blanche et Henri Ey, le comité de pilotage de réhabilitation très actif, compte un grand nombre d’hôpitaux de jour des différents arrondissements parisiens et l’ensemble des foyers publics de post-cure. Nous avons récemment reçu un soutien de l’Arsif et pu développer une plateforme sectorielle de réhabilitation sur le nord de Paris (autour des secteurs des 8e, 9e, 19e et 20e arrondissements). Actuellement se sont créées des réunions de concertation pluridisciplinaire autour du copil RC et RPS du Groupe hospitalier universitaire Paris Psychiatrie Neurosciences en conviant nos partenaires médicosociaux parisiens et de la petite couronne. Ce copil a permis d’homogénéiser les programmes de remédiation, de fédérer les différents programmes d’éducation thérapeutique et d’unifier les bilans neuropsychologiques et fonctionnels. L’objectif est de pouvoir fluidifier les parcours d’insertion et de réhabilitation pour l’amélioration des pratiques de soins pour les usagers et de faciliter l’accès à ces dispositifs pour les patients et les familles.
Conclusion
31Au total, les plateformes intersectorielles de réhabilitation qui se déploient actuellement sur le territoire d’IDF et ailleurs sur le territoire national, sont accompagnées pour nombre d’entre elles, actuellement, par le centre ressource C3RP avec la diffusion de modèles de prise en charge innovants, de proposition de programmes de RC personnalisés à décliner en fonction des spécificités de populations accueillies, pour chaque unité en devenir. Ces plateformes s’accompagnent d’une mutualisation et de redéploiement de moyens, et reçoivent en grande majorité des soutiens financiers aidants de l’agence régionale de santé d’IDF. Ces plateformes amorcent un changement des pratiques de soin de proximité en profondeur, une réorientation des pratiques vers les thérapies psychosociales et élaborent pour leur changement un projet complètement adapté aux spécificités locales de l’hôpital au sein duquel elles se construisent. Elles reçoivent un soutien personnalisé du C3RP qui accompagne et soutient ces transformations et tente d’impulser des politiques de soins en RPS innovantes. L’ensemble de ces plateformes se construit sur des prises en charge personnalisées des usagers ayant un handicap psychique en lien avec le maillage médicosocial de leur territoire avec des acteurs du soins médicaux et soignants formés aux différentes techniques disponibles et validées actuellement en France. Nul doute que ces innovations, qui actuellement à partir de l’exemple français s’implantent également au niveau international conduiront à transformer le pronostic du handicap psychique en France et ailleurs, vers le rétablissement.
Liens d’intérêt
32les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.
Bibliographie
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