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Article de revue

Démence d’un sujet jeune révélant une maladie de Biermer

Pages 377 à 378

Introduction

1Les démences du sujet jeune, définies comme survenant avant l’âge de 45 ans [1], représentent une situation difficile dont le retentissement familial et social est souvent très sévère. Comparées à celles touchant le sujet âgé, elles sont caractérisées par un éventail plus diversifié de causes parfois réversibles [1, 2].

2Notre objectif est d’illustrer, à travers un cas clinique, une étiologie curable des démences du sujet jeune représentée par le déficit en vitamine B12 secondaire à une maladie de Biermer.

Observation

3Monsieur Y.B., âgé de 40 ans, sans aucun antécédent pathologique, psychiatrique ou toxique notable, célibataire vivant seul et travaille dans une librairie, est amené à la consultation psychiatrique par un collègue de son travail pour troubles de mémoire et difficultés de concentration avec déclin social et professionnel d’installation progressive depuis 12 mois.

4L’entretien psychiatrique a retrouvé une négligence corporelle et vestimentaire, un ralentissement psychomoteur et un discours globalement pauvre ainsi qu’une humeur dépressive et des pleurs spontanés. Un syndrome démentiel manifeste a été identifié avec une note confusionnelle, un MMSE (Mini Mental State Examination) initial à 12/30. L’examen général a noté une pâleur cutanée et muqueuse mais l’examen neurologique n’a pas montré de déficit particulier hormis des paresthésies des extrémités rapportées ultérieurement par le patient. La numération formule sanguine (NFS) a révélé une anémie à 8 g/dl avec une macrocytose à 110 fl. Le taux sérique de vitamine B12 était bas à 102 pg/ml (la normale étant entre 150 et 700 pg/ml) et les anticorps anti-cellules pariétales gastriques ainsi que les anticorps anti-facteur intrinsèque ont été positifs. Le reste du bilan a été sans particularités. Le diagnostic de déficit en vitamine B12 secondaire à une maladie de Biermer a été retenu. Le schéma de substitution par voie parentérale a été instauré à raison d’une ampoule d’hydroxocobalamine 1000 (g/jour en intramusculaire pendant une semaine puis une ampoule/semaine pendant un mois puis une ampoule chaque mois.

5L’évolution a été marquée par une amélioration spectaculaire dès la deuxième semaine. Le patient a pu reprendre son autonomie et son travail. Son MMSE a passé à 26/30 au bout d’un seul mois avec amélioration de son humeur sans aucun antidépresseur.

Discussion

6La démence du sujet jeune est une situation rare dont les étiologies sont plus nombreuses par rapport à celle du sujet âgé, et comprennent un spectre de maladies héréditaires sporadiques, des maladies neurodégénératives, des maladies auto-immunes et/ou inflammatoires, certaines présentations de maladies métaboliques ou de surcharge et d’autres diagnostics syndromiques [1, 2]. Chez certains individus, l’étiologie demeure indéterminée même après une biopsie cérébrale [1].

7La maladie de Biermer est une pathologie auto-immune caractérisée par une malabsorption de la vitamine B12 par défaut de sécrétion du facteur intrinsèque par les cellules pariétales gastriques [3].

8Les manifestations neuropsychiatriques attribuables à la carence en vitamine B12 sont classiques au cours de la maladie de Biermer [4]. Elles sont polymorphes et rarement inaugurales [5]. Bien que des cas de démence associée à d’autres manifestations neuropsychiatriques inaugurant un déficit en vitamine B12 ont été décrits dans la littérature sous forme de rapports de cas [4], nous relevons que la présence d’une démence inaugurale intéresse plutôt des sujets âgés et s’intègre dans un tableau neuropsychiatrique polymorphe. Une série chinoise [6], rapportant 181 cas de maladie de Biermer, a retrouvé chez 5 % de la population étudiée une démence associée qui semble affecter des sujets âgés (médiane d’âge à 75 ans).

9Le cas original que nous présentons se caractérise par une authentique démence chez un jeune patient et par une anémie macrocytaire très évocatrice du déficit en vitamine B12. Toutefois, une anémie sévère dans le cadre de l’hypovitaminose B12 est rarement accompagnée de signes neuropsychiatriques et, inversement, ces manifestations se présentent le plus souvent avec un taux d’hémoglobine normal et sans macrocytose [7]. Les causes de cette corrélation paradoxale restent non expliquées [7].

10Plusieurs mécanismes ont été décrits pour expliquer le dysfonctionnement neuro-cognitif dû à une carence en vitamine B12. La vitamine B12 est essentielle pour la synthèse des neurotransmetteurs comme la sérotonine et la dopamine [8]. Elle est également très impliquée dans le processus de méthylation de l’homocystéine en méthionine qui est activée en S-adénosyl-méthionine qui donne son groupement méthyl à la myéline, aux neurotransmetteurs et aux phospholipides membranaires [9]. Une carence en vitamine B12 métaboliquement significative entraînerait une perturbation du processus de méthylation et une accumulation intracellulaire d’homocystéine potentiellement toxique pour les neurones [8, 9].

11Dans le cas de notre patient, le déclin cognitif et l’anémie profonde n’ont pas été diagnostiqués plus précocement à cause de l’isolement social qui semble avoir favorisé le tableau psychiatrique.

12Une récupération ad integrum a été obtenue chez notre patient après traitement vitaminique substitutif par voie parentérale. Cette voie est fréquemment utilisée dans notre contexte en cas d’observance thérapeutique incertaine. Par ailleurs, il a été démontré que les voies d’administration parentérale et orale de la vitamine B12 ont une efficacité équivalente indépendamment de l’étiologie de la carence en vitamine B12 [10].

Conclusion

13Le cas de notre patient est une autre preuve que la maladie de Biermer peut se présenter par des tableaux cliniques parfois trompeurs. Devant une démence chez un sujet jeune, le dosage de la vitamine B12 fait partie du bilan initial même en l’absence d’anémie ou de macrocytose [11]. Une réponse clinique favorable au traitement vitaminique substitutif est caractéristique et peut constituer un argument diagnostique en faveur du déficit en vitamine B12 surtout si le bilan étiologique est négatif.

Liens d’intérêts

14 les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

Bibliographie

Références

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  • 10. Vidal-Alaball J, Butler C, Cannings-John R, et al. Oral vitamin B12 versus parenteral vitamin B12 for vitamin B12 deficiency. Cochrane Database Syst Rev 2005 ; CD004655..
  • 11. Signes de début et manifestations psychopathologiques des maladies neurodégénératives. L’information Psychiatrique 2008 ; 84 : 579-91..

Mots-clés éditeurs : démence, maladie de Biermer, carence en vitamine B12, anémie

Date de mise en ligne : 28/05/2018.

https://doi.org/10.1684/ipe.2018.1808

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