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Article de revue

Épigénétique et autisme. Entre inné et acquis : un espace de convergence

Pages 753 à 759

Introduction

1Les découvertes récentes dans le domaine de l’épigénétique traitant des interactions entre le matériel génétique et les facteurs de l’environnement réaffirment l’intérêt porté en pédopsychiatrie à propos d’un modèle de compréhension psychopathologique inscrit dans le registre polyfactoriel et intégratif.

2La question des facteurs innés et acquis dans l’apparition, le développement et la persistance de troubles psychiatriques comportementaux, affectifs et relationnels est une question historique qui dépasse la question des référentiels nosographiques envisagés en pédopsychiatrie. Bien avant la description de la forme prototypique d’autisme infantile décrite par Kanner, la question s’est posée de la prédominance de facteurs congénitaux ou acquis dans la compréhension des troubles mentaux affectant les enfants. En effet, à partir des observations réalisées à propos de Victor, l’« enfant sauvage de l’Aveyron », la question des facteurs étiologiques a fait l’objet de débats entre les tenants d’une hypothèse congénitale, acquise se référant à un désordre possiblement biologique et regroupée par Pinel dans la formule de « l’idiot congénital » et les tenants d’une hypothèse faisant référence à une carence de l’environnement et formulée par Itard sous la notion de défaut de « commerce réciproque » [1].

3Pour l’autisme, les premières théories de compréhension faisant référence aux théories de la dégénérescence soutenaient alors le caractère congénital et possiblement neurophysiologique des facteurs impliqués dans l’apparition et le développement des symptômes autistiques. Le modèle psychopathologique sous tendu entre autre par la psychanalyse s’est aussi construit en réaction au pessimisme héréditariste et eugéniste porté par les théories précédentes [2].

4Ce mouvement de bascule entre les tenants du tout biologique et les tenants du tout relationnel s’est progressivement stabilisé autour du modèle polyfactoriel ayant actuellement cours en pédopsychiatrie. Ce modèle tente aujourd’hui de rassembler les hypothèses biologiques, souvent présentées comme du registre de l’inné et les hypothèses relationnelles présentées comme appartenant au registre de l’acquis.

5La multiplicité des facteurs pouvant rendre compte de l’émergence de pathologies autistiques peut s’entrevoir comme en lien avec le caractère syndromique des pathologies autistiques. Ainsi, la prévalence de l’autisme évaluée en population générale reste très dépendante des facteurs diagnostiques choisis. La prévalence de l’autisme en population générale est de l’ordre de 5/10 000 si l’on se réfère aux critères diagnostiques de l’autisme infantile de Kanner ou aux critères du DSM 3 et 4 et passe à 20/10 000 si l’on se réfère aux critères du DSM 4 R [3]. L’ensemble des pathologies autistiques et les différentes formes décrites dans la CIM 10 tendent à témoigner du polymorphisme phénotypique des enfants repérés comme porteurs de symptômes autistiques. Cette large variabilité d’expression du processus autistique illustre pour de nombreux auteurs la grande variabilité des facteurs étiologiques et de leurs associations pouvant rendre compte de l’apparition de symptômes autistiques chez l’enfant.

6Les études réalisées dans le domaine de l’épigénétique nous propose de penser et de concevoir les questions de l’inné et de l’acquis de manière différente de ce que nous portions du côté de l’inné les facteurs génétiques et biologiques et du côté de l’acquis les facteurs environnementaux et relationnels. Ainsi, les études récentes mettant en évidence des modifications d’expression du matériel génétique, inné, en fonction de facteurs environnementaux biologiques, neurophysiologiques mais aussi relationnels nous offre à penser une articulation différente des facteurs étiologiques mis en évidence comme potentiellement en cause dans le développement des pathologies autistiques. De cette conceptualisation différente s’ouvre alors de nouvelles voies de compréhension des phénomènes psychopathologiques observés mais aussi possiblement de nouvelles voies de compréhension des processus thérapeutiques proposés actuellement en pédopsychiatrie.

Éléments de compréhension génétique

7Les éléments de compréhension génétiques impliqués dans l’apparition et le développement de symptômes autistiques se sont développés initialement sur la mise en évidence du caractère transmissible de l’autisme à partir des études familiales. En effet, le taux de concordance de développer des symptômes autistiques au sein d’une même fratrie a pu être évalué comme nettement supérieur à la prévalence en population générale. Les différentes études mettent en évidence un taux de concordance de 5 à 10 % pour les enfants issus d’une même fratrie et comptant un enfant autiste et jusqu’à 35 % dans les familles avec au moins deux enfants autistes [4]. Si les études familiales ont pu mettre en évidence un risque de transmission familiale dans l’apparition de l’autisme, le débat entre le facteur génétique ou environnemental n’en est pas pour autant résolu. Les fratries en question partagent en effet tant des similitudes quant au patrimoine génétique transmis par leurs parents qu’une similitude environnementale probable [5].

8Les études de jumeaux ont pu comparer l’apparition de symptômes autistiques pour des fratries partageant le même environnement mais avec des similitudes génétiques différenciées : entre jumeaux monozygotes, partageant le même héritage génétique, et les jumeaux dizygotes partageant le même héritage que des frères et sœurs d’une même fratrie. Les études de jumeaux ont pu mettre en évidence un taux de concordance de 60 à 90 % pour les jumeaux monozygotes et de 0 à 20 % chez les jumeaux dizygotes [6, 7]. Le taux de concordance significativement plus élevé pour les jumeaux monozygotes est un argument important pour évoquer le caractère génétique dans la transmission familiale. Néanmoins, de nombreux auteurs soulignent le fait que même chez les jumeaux monozygotes, le taux de concordance n’est pas systématique et que l’écart mis en évidence de 10 à 40 % pourrait témoigner de la part environnementale ou acquise dans l’expression de l’autisme chez l’enfant.

9À partir de la mise en évidence du caractère possiblement génétique dans la transmission familiale des symptômes autistiques, de nombreuses études génétiques ont pu être réalisées et s’appuient sur les méthodes cytogénétiques, de séquençage du génome et de la recherche de gènes candidats impliqués dans l’autisme.

10Les études cytogénétiques ont pu mettre en évidence de possibles anomalies cytogénétiques concernant presque chaque chromosome [8]. Plus de 200 gènes susceptibles d’être impliqués ont été identifiés aujourd’hui [7]. Les mécanismes mis en évidence concernent tant le polymorphisme d’un seul nucléotide que des mécanismes à type d’insertions, de délétions ou de répétitions de séquences décrites comme pouvant être soit héritées soit issues de mutation de novo [9,10]. Parmi les gènes identifiés comme pouvant être impliqués dans le développement des pathologies autistiques, des régions plus à risque ont pu être identifiées [7] et concerneraient des gènes pouvant jouer un rôle dans la variabilité de l’expression du génome, du métabolisme cellulaire et neuronal et concernant l’homéostasie synaptique [7]. En particulier, il a pu être mis en évidence de possibles implications des gènes codant les récepteurs à la sérotonine (17q11q12) [7] et les récepteurs à l’ocytocine (3p25p26) [7] dont on connaît les implications en termes de régulation neuronale et de lien avec l’environnement extérieur via le métabolisme du stress.

11En plus de l’importance du nombre de gènes mis en évidence, l’interaction gène/gène est actuellement particulièrement étudiée et pourrait être un élément pour de nombreux auteurs de rendre compte de la grande variabilité phénotypique de l’expression de l’autisme en dehors de la part reconnue des facteurs environnementaux potentiellement impliqués [7].

12Les recherches actuelles dans le domaine de la génétique mettent ainsi en évidence une grande multitude de gènes candidats et/ou impliqués dans le développement des pathologies autistiques. Plus que la recherche d’une hypothèse monogénique, les recherches actuelles se centrent sur les interactions gènes/gènes et l’épistatique génétique dans le cadre d’un modèle génétique polyfactoriel n’excluant pas pour autant la dimension des facteurs environnementaux.

Facteurs de risque environnementaux

13En parallèle des études génétiques réalisées, Gardener et al. [11, 12] et Guinchart et al. [13] ont pu proposer différents travaux de revues et de méta-analyses des facteurs environnementaux identifiés comme corollaires au développement de pathologies autistiques chez l’enfant. Outre les éléments de caractérisation psychosociale de la famille, les facteurs de risque environnementaux se partagent entre les facteurs de risque prénataux, périnataux et postnataux.

Éléments de caractérisation psychosociale

14Il apparaît que l’âge élevé des parents, père et mère, à la naissance de l’enfant pourrait être un facteur de risque de développement d’une pathologie autistique [11, 12]. Si cette donnée est largement partagée dans la littérature, sa présentation en termes de facteur de risque n’engage en rien une hypothèse génétique, biologique et/ou relationnelle sous-jacente. L’immigration parentale a pu faire l’objet d’étude et il apparaît que le fait pour des enfants d’être issus d’un couple parental ayant connu une situation d’immigration peut représenter un facteur de risque de développer une pathologie autistique [14]. Il apparaît important ici de souligner en quoi cet élément confirme que la qualité de l’entourage familial et social des parents de l’enfant nouveau-né constitue un facteur important quant à son bon développement affectif.

Facteurs de risque prénataux

15Concernant les facteurs de risque prénataux, il apparaît consensuel d’évoquer l’exposition médicamenteuse comme représentant un facteur de risque pour l’enfant de développer une pathologie autistique [11, 13] et plus particulièrement vis-à-vis de l’exposition fœtale au thalidomide, au valproate [15] et au misoprostol [16]. Les complications pendant la grossesse à type d’hémorragies gravidiques représentent un probable facteur de risque pour l’équipe de Gardener et al. [13]. Le diabète gestationnel est évoqué par Gardener et al. [13] comme un facteur de risque ; néanmoins il apparaît discuté par d’autres équipes comme celle de Guinchert et al. [12]. Après des résultats contradictoires, les techniques d’assistance médicale à la procréation ne sont plus reconnues aujourd’hui comme augmentant le risque de développer une pathologie autistique pour l’enfant [17].

Facteurs de risque périnataux

16Les facteurs de risque périnataux repérés par les auteurs sont plus nombreux. La prématurité avec un risque plus élevé d’autant que le poids de naissance est faible est repéré comme un facteur de risque important [13], tout comme l’hypotrophie et plus particulièrement un poids de naissance inférieur à 1 500 g [12, 13], un accouchement dystocique avec présentation par le siège [12, 13], le repérage d’une souffrance fœtale [12], un Apgar bas [12, 13], une situation d’hypoxie à la naissance [8], un tableau de circulaire du cordon [8], une inhalation de méconium [12], une anémie néonatale [12], une incompatibilité rhésus [12] et des difficultés d’alimentation en peri-partum [12]. Une naissance en été a été rapportée comme un facteur de risque possible de développer une pathologie autistique [12] et est probablement à articuler avec l’hypothèse d’un déficit de production de mélatonine repérée chez certains enfants autistes. L’hyperbilirubinémie à la naissance, repérée comme facteur de risque, renvoie elle aux complications rencontrées en termes de lésions des ganglions de la base [12, 13].

17Il se discute au travers de la littérature le caractère indépendant des facteurs sus décrits les uns vis-à-vis des autres. En effet, les facteurs de risque décrits en termes de prématurité, d’hypotrophie mais aussi de complications rencontrées à la naissance pourraient s’envisager comme liés. Par ailleurs, la notion de souffrance néonatale pourrait recouvrir différents facteurs de risque s’entendant alors comme symptômes ou facteurs de souffrance néonatale : Apgar bas, hypoxie, anémie néonatale, circulaire du cordon, inhalation de méconium. Enfin, le lien entre l’hyperbilirubinémie et l’incompatibilité rhésus est systématiquement questionné en situation clinique à la naissance devant des symptômes évocateurs.

18Par ailleurs se discute le lien de causalité entre les facteurs de risque périnataux et la dimension étiologique du processus autistique observé et diagnostiqué chez les enfants concernés par ces résultats. Les événements observés et présentés comme facteurs de risque peuvent-ils s’entendre comme une cause des symptômes autistiques observés ou ne représentent-ils pas déjà des manifestations du processus autistique s’entendant comme en appui, par exemple, d’une possible encéphalopathie antenatale fixée d’origine indéterminée ? Un fœtus présentant des fragilités neuro-développementales non détectées pourrait probablement présenter un risque plus élevé de complications peri-partum en lien par exemple avec de discrètes difficultés d’ajustements posturaux toniques et/ou sensoriels.

Facteurs de risque postnataux

19Les situations de déprivations sensorielles et affectives apparaissent dans la littérature être d’importants facteurs de risque pour l’enfant à naître de développer une pathologie autistique.

20Concernant les situations de déprivations sensorielles, il a pu être mis en évidence que les cécités congénitales représentent un facteur de risque [18] tout comme les situations de surdités congénitales [19]. Les troubles de l’interaction avec situations de déprivations affectives sévères sont décrites comme un facteur de risque de développer un tableau d’autisme [20]. Les études menées auprès d’enfants adoptés ayant traversé une situation de probable déprivation d’interactions relationnelles et affectives et ayant développés un syndrome autistique mettent en évidence une atténuation possible du tableau autistique initial surtout sur les items comportementaux [20].

21La dépression maternelle est repérée comme un facteur de risque important pour les enfants de présenter des symptômes autistiques [21]. À partir de ces résultats d’étude a pu se discuter l’impact de la prescription d’antidépresseur, en particulier de type IRSS agissant sur le métabolisme sérotoninergique sur l’émergence de symptôme autistique chez l’enfant. La prescription d’antidépresseur pouvant s’entendre ici non pas comme un facteur indépendant mais comme une conséquence de l’état dépressif repéré de la mère de l’enfant à naître ou par ailleurs faire écho aux hypothèses de trouble du métabolisme sérotoninergique mis en évidence chez des enfants autistes.

Indépendance des facteurs de risque envisagés

22Dans la littérature, les auteurs questionnent le caractère indépendant des facteurs de risque postnataux sus décrits. Le statut d’immigré par exemple pourrait représenter lui-même un facteur de risque de développer des troubles dépressifs dans la période sensible qu’est l’accueil d’un enfant par sa famille.

23Ces facteurs de risque peuvent s’entendre comme représentant des difficultés pour l’enfant nouveau-né à lier une relation secure et affectivement satisfaisante avec son environnement et son entourage. Néanmoins, l’indépendance de ces facteurs se discute au vue de leurs intrications avec des pathologies sous-jacentes. Les déficits sensoriels peuvent par exemple être liés à des pathologies neuro-développementales génétiques et être le témoin de difficultés neurologiques sous-jacentes. Les discussions ayant trait à l’impact de la prescription de traitement antidépresseur de type IRS font par ailleurs écho aux hypothèses de troubles de la régulation sérotoninergiques mis en évidence chez les enfants autistes. Ainsi la dépression maternelle, si elle s’entend comme possiblement responsable de troubles des interactions précoces peut aussi s’entendre comme le stigmate d’un trouble fonctionnel du métabolisme sérotoninergique chez la mère de l’enfant et dont la transmission génétique, épigénétique ou biologique se discute actuellement.

24À l’image des recherches portant sur les facteurs génétiques en cause dans l’autisme, la plupart des auteurs évoquent que les recherches futures pourraient se centrer sur des combinaisons de facteurs de risque plus que sur des facteurs de risque isolés.

Découvertes en épigénétique

25Les recherches en épigénétique concernent l’étude des modifications fonctionnelles du génome qui modifie l’expression des gènes sans modifier la séquence nucléotidique. Les mécanismes épigénétiques possibles mis en évidence sont la méthylation de l’ADN et les modifications des histones par méthylation ou acétylation. Ces changements observés peuvent alors modifier la configuration du matériel génétique intracellulaire et en modifier son expression. Les modifications épigénétiques des histones sont décrites comme transitoires et réversibles alors que les modifications épigénétiques de l’ADN sont décrites comme plus stables et potentiellement transmissibles d’une génération à l’autre. Les modifications fonctionnelles observées sont décrites comme en lien avec des facteurs environnementaux qui peuvent être internes ou externes à l’organisme et être représentés par des variations de constantes biologiques, mais aussi par des facteurs dits externes comme la qualité ou la quantité de soins de nursing dispensés au nouveau-né.

26Concernant les modifications épigénétiques mises en évidence aujourd’hui, plusieurs études se sont portées sur les fréquentes mais inconstantes anomalies cérébelleuses retrouvées chez les patients autistes, et en particulier sur les anomalies de l’architecture neuronale du cervelet et du métabolisme des cellules de Purkinje qui pourrait en être responsable.

27Ainsi, il a pu être mis en évidence la persistance de l’expression du gène EN 2 et de la méthylation des histones chez des patients autistes adultes alors que physiologiquement on observe une répression de l’expression de ce gène en période postnatale [22]. Ces modifications d’expression génétique pourraient rendre compte de malformations cérébelleuses rencontrées de manière plus fréquentes chez les individus autistes.

28Par ailleurs, des modifications de la transcription du matériel génétique et de l’ARNm ont été mises en évidence par l’entremise de modifications enzymatiques du système A to I Editing impliqué dans les systèmes de régulations synaptiques et la régulation stimulation sensorielle/comportement [23].

29Plusieurs études centrées sur des expérimentations animales ont apporté des éléments de compréhension quant aux facteurs pouvant être impliqués dans les modifications épigénétiques, en particulier vis-à-vis des facteurs environnementaux concernant la réalisation des soins apportés aux nouveau-nés.

30Les soins maternels dans la première semaine de vie activent les sensations tactiles du nouveau-né et activent l’expression des récepteurs aux glucocorticoïdes cérébraux à travers des modifications épigénétiques de l’ADN et tendent alors à diminuer les réponses au stress [24]. Pour Bagot et Meonay [25], les soins maternels agissent sur l’expression génique et des modifications épigénétiques stables peuvent se transmettre d’une génération à l’autre.

31Les facteurs de risque environnementaux et postnataux peuvent, à partir de ces travaux, s’entendre comme avoir une influence sur l’expression génique. L’épigénétique se propose aujourd’hui comme un mécanisme d’action possible rendant compte de l’interaction gène/environnement.

Un modèle polyfactoriel de compréhension

32Le modèle étipathogénique de l’autisme ayant cours actuellement en pédopsychiatrie se propose de rassembler les différents facteurs sus décrits au sein d’un même modèle de compréhension articulant des éléments de natures différentes pouvant interagir les uns avec les autres sur le même registre, génétique ou environnemental. L’épigénétique nous apporte un élément de complexité supplémentaire en nous proposant de penser une interaction possible entre des éléments de nature différente, en particulier en envisageant des interactions gènes/environnement.

33Plusieurs hypothèses sont évoquées aujourd’hui pour expliciter le poids de chaque facteur génétique, environnemental et issu de l’interaction gène/environnement. Le facteur génétique apparaît comme la fondation à partir de laquelle le processus pathologique va se développer [26]. Si la part génétique semble s’exprimer au travers de stigmates notamment dysmorphiques et de troubles des fonctions intellectuelles [27], il apparaît que les facteurs environnementaux puissent modifier l’expression phénotypique de l’autisme.

Conclusion

34L’épigénétique et l’influence du remodelage par l’environnement de l’expression génétique ouvrent de nouvelles perspectives pour une meilleure compréhension, prévention et réalisation de soins précoces vis-à-vis d’enfants présentant des symptômes autistiques [28].

35L’autisme peut être considéré comme une organisation psychopathologique en appui de facteurs divers biologiques et/ou psychologiques incluant des facteurs génétiques, des facteurs environnementaux et une interaction gène/environnement [28].

36Penser les pathologies autistiques au sein d’un système complexe polyfactoriel nous enjoint alors à réaffirmer toute l’importance du dépistage et de la réalisation de bilans exploratoires somatiques exhaustifs, particulièrement dans la recherche d’anomalies neuro-génétiques, mais aussi à nous ouvrir à d’autres voies de compréhension des mécanismes thérapeutiques proposés en pédopsychiatrie actuellement. Ainsi, les recommandations actuelles des auteurs [29], en prônant une diversité des modalités thérapeutiques à proposer aux enfants : pharmacologiques, rééducatives, pédagogiques et psychothérapiques tend à rendre compte du caractère polyfactoriel de l’étiologie des pathologies autistiques et des cibles thérapeutiques multiples nécessaires.

37Par ailleurs, les découvertes récentes dans le domaine de l’épigénétique nous offrent aussi la possibilité de penser d’autres voies de compréhension de nos actions thérapeutiques proposées aux enfants autistes. En décloisonnant les registres du génétique et de l’environnement, on pourrait alors envisager que les projets de soins multifocaux tels que proposés par les pédopsychiatres aujourd’hui ont un effet synergique supérieur aux effets cumulés de chaque intervention. Dans le cadre d’un projet de soin résolument intégratif, les effets thérapeutiques attendus pourraient se penser tant en termes d’inscription relationnelle que dans le registre neurophysiologique pouvant représenter un facteur d’enracinement des progrès réalisés.

38Les recherches les plus récentes dans le domaine de l’épigénétique et de l’autisme nous enjoignent à considérer l’autisme au-delà de la notion de handicap pour inscrire cette pathologie au sein d’un modèle de compréhension médical dans une dimension processuelle, développementale et psychopathologique dont la pédopsychiatrie se propose d’en être l’acteur et le coordinateur.

39Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

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Mots-clés éditeurs : trouble envahissant du développement, autisme infantile, pédopsychiatrie, facteur de risque, étiologie, inné-acquis

Mise en ligne 28/11/2014

https://doi.org/10.1684/ipe.2014.1262

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