Jacques Constant Voyager en pays autiste Paris : Dunod, 2013, 192 p.
1Préfacé par Jacqueline Nadel, ce livre de Jacques Constant est une invitation à la découverte du « pays autiste ».
2Psychiatre des hôpitaux, médecin responsable de structures sanitaires et médico-sociales ayant participé aux commissions des deux premiers plans autisme, l’auteur nous montre dans cet ouvrage l’immense travail réalisé.
3Mieux que personne, il a su intégrer sans dogmatisme et avec finesse les différents courants de pensée sur la question des enfants autistes et de leurs parents et comprendre avec empathie leur parcours. Son texte en témoigne.
4Lorsqu’une personne ordinaire rencontre une personne autiste, elle ressent qu’il vit « dans son monde », avec un accès au langage variable, une communication particulière, des modalités relationnelles différentes et des comportements inhabituels, répétitifs, stéréotypés. Partant de ce constat, Jacques Constant présente ce livre comme un guide décrivant le pays autiste et donnant des conseils pratiques utiles avant de s’y aventurer. Il le structure en sept chapitres : le passage de la frontière, les populations en présence, les rencontres entre les habitants des deux pays, le code de la route, les bagages pour le voyage, l’administration du pays et une frontière perméable ; et le termine par un glossaire définissant les structures accueillant des patients autistes et les agences nationales travaillant sur ce sujet.
5Jacques Constant nous accompagne avec finesse et simplicité lors de ce périple qui débute par une tentative d’identifier les frontières du « pays autiste », métaphore à double signification : celle du monde intérieur des personnes autistes et celle du phénomène sociologique qu’est l’autisme au sein de la réalité externe.
6Les critères diagnostiques des classifications internationales sont expliqués, tout comme certains tests diagnostiques. L’auteur nous transmet ses connaissances via un « code de la route » comportant des conseils pratiques et clairs afin de s’aventurer en pays autiste. Un des conseils à retenir est celui de la « priorité aux parents » venant témoigner de l’importance à accorder à ce que la famille a perçu de l’enfant, ainsi qu’aux solutions qu’elle a déjà trouvées. Le panneau « conduite accompagnée obligatoire » renvoie à deux aspects de la triade autistique : les troubles de la communication et ceux de la relation, insistant sur l’accompagnement nécessaire de ces patients présentant un déficit des interactions sociales.
7Jacques Constant enrichit ses conseils d’explications et hypothèses étiopathogéniques d’orientations diverses : psychanalytique, cognitiviste, neurodéveloppementale. En France, la seule référence jusqu’à il y a quelques années était le modèle psychanalytique. Actuellement, les différentes méthodes se développent et se complètent : méthode TEACH, méthode ABA consistant en un découpage de l’action, un séquençage afin de pallier aux difficultés de planification des autistes, etc. L’auteur insiste sur l’importance de connaître les différentes méthodes tout en s’adaptant à chaque patient.
8Des « warning » concernant aussi bien les autistes anciennement dit « de Kanner » avec retard mental sévère que les « Asperger » avec quotient intellectuel élevé, ainsi que tous ceux dit « du spectre autistique », c’est-à-dire situés entre ces deux extrêmes, mettent en garde le voyageur sur les pistes dangereuses à ne pas emprunter et sur la prudence à avoir : intervenir de manière globale et coordonnée, s’assurer de la continuité et de la complémentarité des interventions, lier évaluations et projet personnalisé, évaluer régulièrement le développement, etc.
9Au-delà des connaissances théoriques nombreuses, nous découvrons au fil de la promenade des anecdotes et témoignages issus de l’expérience de l’auteur comme celui de cette éducatrice exaspérée par le comportement d’un enfant autiste se voyant tout à coup enlacée par l’enfant soudainement en pleurs lorsqu’elle dit « les bras m’en tombent » ; ou encore comme cette mère qui a repéré que sa fille ne suivait ses conseils que si elle les accompagnait d’un geste et les séquençait.
10Pour ceux qui ne seraient par rassasiés par cette initiation, Jacques Constant propose des itinéraires d’approfondissement permettant d’« aller plus loin » grâce à des liens vers divers sites Internet et à des références bibliographique dont la diversité est précieuse (avec notamment des témoignages de parents et de personnes souffrant de TED).
11L’utilisation d’encadrés, de panneaux de signalisation empruntés au code de la route, de diverses couleurs, de schémas et autres moyens pédagogiques visuels permet de cheminer en se laissant guider et de retenir des messages forts en termes de conduite à tenir en présence de patients atteints d’autisme.
12Didactique et pédagogique, ce livre est une belle initiation au voyage en pays autiste, qui intéressera aussi bien les professionnels de santé que les familles de personnes souffrant de troubles envahissants du développement. En effet, quelles que soient vos convictions, vos idées, vos croyances, votre statut, votre formation, le code de la route est indispensable, il s’impose afin d’entrer en communication avec les personnes autistes.