Notes
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[1]
Université de Paris-VII - Jussieu, centre d’études en psychopathologie et psychanalyse (CEPP), EA 2374, 11 bis, rue Eugène-Jumin, 75019 Paris, France
gillestrehel@hotmail.com -
[2]
Sur les rapports entre ce courant de pensée et cet auteur allemand, se reporter à : Hachet P. Les psychanalystes et Goethe. Paris, L’Harmattan, 1995.
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[3]
Nous savons par une lettre de Freud qu’il connaissait de longue date l’ouvrage de Flaubert (lettre de Freud à Martha Bernays, du 26 juillet 1883, cité dans [29]). Freud accorde d’ailleurs en 1907 une certaine place à « La tentation de Saint-Antoine », en se référant à la gravure de Félicien Rops [9]. Cette connaissance dut faciliter la discussion avec Reik. D’ailleurs, selon ce dernier, Freud, aurait approuvé la thèse engagée [43].
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[4]
Robert Jokl fera une courte analyse avec Freud, au printemps 1919. À l’automne 1919, il est membre non titulaire de la Société psychanalytique de Vienne, puis membre à part entière en 1922. Notons par ailleurs qu’il devient « résident en psychiatrie » à l’université de Vienne sous la direction de Julius Wagner von Jauregg et Otto Pötzl [50].
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[5]
On retrouve ces vers inscrits par Goethe, le 31 mars 1827, sur l’exemplaire d’« Iphigénie » donné à l’acteur Krüger selon Hyppolyte Loiseau à : Goethe. Iphigénie en Tauride (Iphigenie auf Tauris) (1779). Paris : Éditions Montaigne, 1931, p. LXXXIII (traduction française H. Loiseau).
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[6]
Le programme du Congrès a été publié dans la correspondance de Freud S, Ferenczi S. Correspondance, tome II : 1914-1918 (1914-1918). Paris : traduction du Coq-Héron, Calmann-Lévy, p. 325.
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[7]
Sur ce point consulter : Trehel G. Victor Tausk (1879-1919) et la médecine militaire. L’information psychiatrique 2006 ; 82 (3) : 239-47.
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[8]
Les névroses traumatiques de guerre ont été possibles ou favorisées par un conflit à l’intérieur du moi comme l’indiquent Jones [28, 53], Abraham [1, 54] et repris dans l’introduction de Freud [15]. Ces formulations sont revisitées par Reik à partir de la seconde topique intégrant le ça, le moi, le surmoi [19].
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[9]
Ce point est discuté par Claude Barrois. Se reporter à Barrois C. Les névroses traumatiques. Le psychothérapeute face aux détresses des chocs psychiques. Paris : Dunod, 1988, p. 120.
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[10]
Freud y fait allusion à de très rares passages comme le notent Jean Laplanche et Jean-Bertrand Pontalis. Cf. Laplanche J, Pontalis JB. Vocabulaire de psychanalyse (1967). Paris : PUF, 1990, p. 103.
1Nous nous appuierons sur la biographie écrite par Alby [2] et sur les textes de Reik qui se situent entre autobiographie et ouvrages psychanalytiques [43] pour présenter sa vie. Son père Max Reik, employé des chemins de fer [43], aura sept enfants avec Caroline Trebitsch, son épouse. Trois périront mort-nés ou en bas âge ; des quatre enfants qui vivront, Theodor est le troisième [2]. Il naît en 1888 à Vienne d’après son texte [43], mais en Bohême selon son biographe [2]. Il est élevé par ses parents. Prend part aussi à son éducation son grand-père maternel Lazar Trebitsch qui vient habiter chez les Reik à la mort de son épouse. Ce savant talmudique bien connu fut l’auteur d’écrits sur des sujets bibliques [49]. On perçoit son influence sur Theodor dans son analyse des mythes contenus dans les textes sacrés [48, 49].
2Theodor suit sa scolarité à Vienne où il passe la « Maturitätsprüfung ». En 1906, alors qu’il a 18 ans, il perd son père, sans avoir pu lui montrer ses capacités. En relation avec cette perte, apparaît en lui le désir de réaliser quelque chose d’extraordinaire pour son âge. Ce sera la lecture compulsive de l’œuvre complète de Goethe [2] dans l’Édition historique et critique en 133 volumes, les lettres et les dix volumes de Conversations. Bien plus tard, Theodor Reik consacrera un essai sur Goethe et parlera de son influence sur lui [43]. Suite à la mort de son père, Theodor doit subvenir à ses besoins. Il travaille, donne des leçons d’allemand et de latin, tout en poursuivant ses études de psychologie [43].
3Ayant entendu lors d’une conférence que le professeur Sigmund Freud affirmait que certains oublis ne suivaient pas les lois de Wundt, mais celles d’un processus psychique nommé par le terme de « répression », Reik lut L’Interprétation du rêve qui le passionna [43]. Il se rendit au cabinet de Freud, quelques mois plus tard, en 1910 [47]. Reik fait alors la connaissance du maître viennois et lui parle de la thèse qu’il consacrait à un récit de Flaubert sur Saint-Antoine [3]. Cette même année, 1910, la mère de Reik décède à son tour, après avoir suggéré à son fils d’épouser Ella, l’objet de ses amours enfantines [43].
4En 1911, Reik va chercher à entrer dans le mouvement freudien. Il réalise une conférence d’essai – comme cela est de coutume – intitulée De la mort et de la sexualité, lors d’une séance de la Société psychanalytique de Vienne dont il devient membre (Minutes III [30], séance [150] du 15 novembre 1911). Reik est alors le benjamin de cette Société [43], dont Freud était président [43]. Reik a alors 23 ans.
5L’année suivante, en 1912, il obtient son doctorat de philosophie [2]. Reik insiste sur la place de ce diplôme dans le mouvement freudien en le considérant comme la première thèse de doctorat en psychanalyse en Europe [47]. Freud le découragea de faire ses études de médecine et le poussa à se consacrer à la recherche [43].
6À cette époque, Freud adressa Reik à Karl Abraham à Berlin pour entamer une analyse. Elle lui permit de faire face aux troubles obsessionnels qui le gênaient alors [43]. Reik se spécialisera dans l’aide à apporter aux névroses obsessionnelles comme le rapportera Freud dans l’une de ses correspondances [25] (lettre [n° 69] de Freud à Pfister, du 21-XII-1924). De ce temps passé à Berlin, avant la guerre, Reik en parlera comme d’une « analyse de formation » [46]. Freud aidera financièrement Reik et Abraham prendra en charge son analyse [47] (lettre du 14-VI-1914 et du 15-VII-1914 de Freud à Reik). Freud et Abraham crurent suffisamment en lui et de manière concertée pour le soutenir matériellement, moralement et au travers de leurs relations. Reik était pour Freud un individu brillant, doté d’une grande érudition qui lui apportait une aide dans la recherche de références [47]. D’après le témoignage de Robert Jokl [4], Reik était un des disciples préférés de Freud [50]. Au sein du groupe de psychanalyse, Reik était très proche d’Otto Rank et d’Hanns Sachs, ils étaient nommés le « trio psychanalytique » [48]. Reik écrit que les trois hommes passaient souvent leurs soirées à discuter de leurs projets de recherche [49]. Mais l’appui de Freud et la proximité avec quelques-uns de ses disciples ne seront pas suffisants pour que lui soit donné une place dans le « Comité secret ». Ce groupe fut créé, comme le note Grosskurth, pour développer la cause psychanalytique ; en premier lieu, il comprenait, outre Freud, Ernst Jones, Sandor Ferenczi, Abraham, Rank, Sachs [27].
7En août 1914, Reik se marie [47]. La même année, il publie un texte intitulé La Couvade [34] qui contribuera à sa renommée. De cette union naîtra Arthur, un an après le mariage [43]. La guerre l’oblige à repartir à Vienne où il est appelé. Il y poursuit son travail d’écriture avant d’être mobilisé au front.
8À la fin de la guerre, Reik participe au cinquième Congrès international de psychanalyse de Budapest, en septembre 1918. Un article de 1915 sera récompensé en 1918 par le prix du meilleur travail scientifique dans le domaine de la « psychanalyse appliquée » c’est-à-dire appliquée à d’autres sciences de l’esprit comme à la religion, à l’histoire, à l’art [14].
9En 1919, Freud rédige la préface [16] d’un ouvrage de Reik, ce qui constitue une nouvelle marque de reconnaissance. D’autres moments féconds d’échange se présentèrent. Par exemple, à l’écriture de l’essai sur Dostoïevski par Freud [21], Reik en formulera un compte rendu critique [39], Freud dans une lettre reconnaîtra la pertinence [22].
10Au retour de la guerre, Reik s’établit à Vienne où il reçoit des patients. Il enseigne la psychanalyse à Berlin et à Vienne. En 1924, il succède à Rank comme secrétaire de la Société [2]. Mais son avenir s’assombrit. En 1925, étant non-médecin et ayant une pratique thérapeutique, il est accusé d’avoir enfreint une loi autrichienne réprimant le charlatanisme. Freud intervient auprès de l’Administration viennoise. Une plainte est déposée par une personne qui sera reconnue comme peu digne de foi. La procédure de ce fait n’aura pas de suite [20]. Cette publicité négative oblige Reik à quitter Vienne. Il ira travailler alors à Berlin en 1928. C’est à cette époque qu’il fait une courte analyse avec Freud [46]. L’arrivée des nazis le contraint à émigrer en 1934 à Leyde en Hollande, puis à s’exiler en 1938 à New York où il décédera en 1969.
11Reik va consacrer sa vie à la recherche psychologique ; il est l’auteur d’une trentaine de livres [42]. Certains ne sont pas traduits en français. Freud reconnaissait à Reik des facilités littéraires [45]. Il se dit habité par la « sainte curiosité » dont parle Einstein [48]. Le travail de Reik témoigne d’une grande érudition. Il s’intéressera, en dehors de la psychologie, à de nombreuses disciplines : la littérature, la musique, l’anthropologie, l’ethnologie, la criminologie. Freud aurait préféré le voir concentré sur un problème et donc moins se disperser [47] (lettre de Freud à Reik, du 9-I-1936). Dans la totalité de ses travaux, nous suivrons un fil directeur entre sa contribution à l’article de Freud, paraissant en 1919, dans L’Inquiétant [17], terme désignant une nuance de l’effroyable, à son travail sur l’effroi et la névrose traumatique [35], et celui sur la technique psychologique où il revient sur cet effroi [40]. Nous en aborderons les différents apports.
La mort et le meurtrier
12En 1914, au retour de Reik à Vienne, la famille s’est agrandie. Mobilisé, Reik est néanmoins affecté sur place pour suivre des cours de formation militaire supérieure. Il profite de cette période pour continuer ses recherches psychanalytiques [43]. Viendra alors la mobilisation en Italie. Un moment particulier marque son passage sous les drapeaux qu’il expose dans un de ses ouvrages. Engagé dans l’armée autrichienne, il est promu lieutenant [47]. En 1916, il est alors envoyé au Monténégro. Ses troupes avaient déjà pris la capitale Cetinje et occupé la plus grande partie du pays. Reik se trouve à Kolasin, petite ville au sud du pays à la frontière de l’Albanie. La résistance des tribus montagnardes avait été réduite, mais de possibles attaques n’étaient pas exclues. Pour cela, une loi martiale avait été proclamée, interdisant aux habitants de détenir des armes sous peine de mort. Le tribunal militaire siégeait à Kolasin. Reik fut obligé d’assister à la pendaison d’un vieil homme et de son fils détenus comme otages. Le spectacle fit sur lui une forte impression. À partir de ce jour, il devint un adversaire déterminé de la peine de mort [43]. Après la guerre, il défendra la position abolitionniste de Freud [37].
13Un mois après les pendaisons, Reik est désigné, à la cour martiale, comme avocat de la défense lors d’un procès. À l’époque, le rapporteur et le procureur étaient des officiers ayant une formation juridique, ce qui n’était pas le cas pour les défenseurs comme Reik. L’accusé, jeune Monténégrin de 17 à 18 ans, avait été pris le fusil à la main, après avoir tué un homme sans raison apparente. Il appartenait à une tribu albanaise d’hommes à demi-civilisés ayant une organisation sociale et une conception primitive du droit. Dans les montagnes, il était normal de venger le meurtre d’un homme du clan par un homme du clan ennemi. C’était le cas de ce jeune Monténégrin. Il n’était possible de lui parler qu’avec l’aide d’un interprète, il ne comprenait pas que son acte puisse être considéré comme un crime. Reik plaida la cause du jeune homme, invoqua des arguments légaux, expliqua sa conduite par des motifs psychologiques, se référa aux différences culturelles. Une loi martiale qui ne serait pas appliquée à la lettre améliorerait la réputation de l’armée en pays hostile. Reik termina par un appel à la clémence en citant un passage de vers placés par Goethe en exergue d’Iphignie en Tauride : « Va et partout proclame/Que quelque crime que l’homme commette/L’esprit humain le rachète [5]. » L’ardeur de sa plaidoirie frappa les membres de la cour. Un des rapporteurs le félicita pour celle-ci, mais lui dit que le jury avait les mains liées par des consignes formelles. Les dés étaient déjà jetés et la sentence fut la mort par pendaison. Reik alla voir le condamné avant son exécution. Le jeune Monténégrin fut pendu deux heures après [43].
14Dans ce même ouvrage, Reik écrit qu’il eut plusieurs fois peur de mourir pendant la guerre de 1914 à 1918 lorsqu’il s’était trouvé sous le feu de l’artillerie [43]. Mais il n’en dit pas plus. Nous savons que pour ses actes, Reik sera récompensé par une décoration sur le champ de bataille [43]. Les 28 et 29 septembre 1918, avant la fin de la guerre, Reik se rend au cinquième Congrès international de Budapest. Le thème principal des névroses de guerre fut traité par Ferenczi, Abraham et Ernst Simmel [6]. Grosskurth écrit que presque tous les participants étaient en uniforme, exception faite de Freud et des Hollandais [27]. Le nombre total de participants, précise Gay, fut de 42, les Hollandais n’étaient que deux [26]. Ainsi, cette rencontre avait l’allure d’un congrès de militaires. Des communications portèrent sur d’autres sujets. Reik, qui fut l’un des orateurs, communiqua pour sa part sur une étude psychanalytique de l’exégèse biblique, comme on peut le voir sur le programme. Militaire lors de la guerre, il avait pu observer au front et à l’arrière des cas de névroses traumatiques, mais n’avait pu les analyser. Cette expérience militaire sera source d’enseignement. Il en tirera des réflexions cliniques comme dans cet exemple du « soldat qui brûle de monter vers le champ de bataille où il trouvera peut-être la mort car il ne peut plus supporter l’angoisse de l’attente » [36]. Notons aussi : « La guerre, les épidémies, les catastrophes collectives privent […] fréquemment le masochisme de ses satisfactions psychiques personnelles, et ne favorisent pas le développement de sa tendance à la souffrance individuelle. J’ai vu des masochistes déployer une somme prodigieuse d’énergie et de confiance en eux-mêmes sur le champ de bataille [44]. » Il se sert de la guerre pour montrer la place de la mère dans la vie d’un homme car c’est elle que le soldat mourant appelle [45]. Ailleurs, il s’agit plus d’évocation comme celle des mœurs sexuelles des soldats [41].
15Nous avons vu ce que fut pour Reik, lors de la guerre, l’horreur de la vision de la mort d’autrui et le caractère insupportable de l’inutilité de la défense d’un être humain déjà condamné. Ces données prennent un autre relief si nous nous appuyons sur des renseignements biographiques que Reik donne. La mort avait occupé une place dans ses pensées bien antérieurement. En 1914, Reik avait fait paraître De certaines conséquences des souhaits de morts inconscients dont il dira plus tard que cet essai avait été écrit à partir d’expériences personnelles [43]. Les sentiments de culpabilité en raison de pensées criminelles gênaient Reik dans sa vie courante. Avant la guerre, Abraham l’aida à travers l’analyse à faire face à ses difficultés. Freud, qui avait compris l’importance de ces pensées, lui écrit, en 1914 (lettre de Freud à Reik, du 1-I-1914) : « Peut-être devriez-vous combattre la pulsion masoch(iste) d’un sentiment de culpabilité qui vous oblige parfois à gâcher des éléments favorables [47]. » Et quelque temps plus tard : « Je sais que vous êtes de nouveau en train de réussir à vous gâcher autant d’opportunités que possible. » Reik aurait aimé se débarrasser de quelques personnes [47] (lettre de Freud à Reik, du 14-VI-1914).
16La mort d’Abraham, fin 1925, qui fut son psychanalyste et ami, lui fut difficile [46]. En 1928, après son installation à Berlin, Reik vint à Vienne consulter Freud à Vienne. Il l’aida à comprendre ses pensées de mort, ce que nous savons par ses écrits où il livre des éléments personnels [51].
17Notons que dans son œuvre, la criminalité est très présente ainsi que les processus psychiques en jeu. Citons, sur ces thèmes, La Compulsion d’aveu [36], Le Besoin d’avouer [38], Mythe et la culpabilité [48].
L’inquiétant et l’effroyable
18En 1912 à 1913, Freud rédige « Quelques concordances dans la vie d’âme des sauvages et des névrosés » sous le titre de Totem et tabou [11]. Dans une note à ce texte, Freud fait la remarque suivante : « Il semble que nous conférions le caractère de “l’inquiétant” aux impressions qui tendent à confirmer la toute-puissance des pensées et le mode de pensée animiste en général, alors que dans le jugement nous nous sommes déjà détournés de lui [11]. » Freud ébauche un manuscrit qu’il laisse puis reprend le « petit rien » comme il l’écrit dans sa correspondance sur l’« inquiétante étrangeté » [24] (lettre [n° 813] de Freud à Ferenczi, du 12-V-1919), c’est-à-dire après le Cinquième Congrès international de psychanalyse.
19Freud à cette époque avait eu l’idée de créer un prix annuel pour récompenser des travaux publiés. La guerre avait alors restreint leur nombre [24] (lettre [n° 773F] de Freud à Ferenczi, du 17-XI-1919). L’attention de Freud, comme nous l’avons vu plus haut, fut retenue par l’une des publications de Reik, Les rites de puberté chez les primitifs. Remarques sur les correspondances entre la vie des primitifs et des névrosés. Leurs travaux convergeaient.
20Pour cerner au mieux cette inquiétant étrangeté, Freud déclare : « Nous avons même l’impression qu’à beaucoup de langues il manque un mot pour cette nuance particulière de l’effroyable [17]. » Nous savons, par la publication d’une des correspondances de Freud, qu’en 1919, Reik fut employé comme deuxième secrétaire de l’Association viennoise de psychanalyse [24] (lettre [n° 782F] de Freud à Ferenczi, du 6-I-1919), le premier en était Rank. Reik mettra en place une bibliothèque destinée à faciliter le travail de recherche [47]. Freud connaissait en dehors de l’allemand, le latin, le grec, le français et l’anglais. Jones précise qu’il étudia l’italien et l’espagnol. On lui avait enseigné l’hébreu [29]. Mais pour la recherche étymologique, Freud demanda à Reik une investigation lexicographique. Nous savons par une note dans un bas de page que « les extraits qui suivent » sont dus « à l’obligeance » de Reik [17]. Reik dans ce travail prit en compte les langues suivantes : le latin, le grec, l’anglais, le français, l’italien, le portugais, l’allemand, l’arabe et l’hébreu. Il s’appuya méthodiquement sur un à quatre dictionnaires par langue. Freud montra la satisfaction en le remerciant de sa collaboration.
21En général, l’inquiétant renvoie à l’inconnu. Mais Freud relève à travers que l’inquiétant se rattache à l’anciennement connu, il en vient à la question suivante : à quelle condition le familier peut-il devenir étrangement inquiétant ? La réponse qu’il dégage est que l’inquiétante étrangeté émane de complexes infantiles refoulés qui sont ranimés par quelque impression extérieure [17].
22Dans une lettre déjà citée, Freud termine Au-delà du principe de plaisir puis reprend le « petit rien » sur l’inquiétante étrangeté [24] (lettre [n° 813] de Freud à Ferenczi, du 12-V-1919). Les deux textes sont en corrélation. Cela dit, l’ordre de parution est inversé : L’Inquiétant en 1919 et Au-delà du principe de plaisir en 1920. Dans le premier, il ne fait que mentionner la « contrainte de répétition » qui peut prendre un caractère démoniaque [17], dans le second, il développe cette notion centrale dans son explication des cauchemars de guerre notamment [18]. Dans la proximité de Freud, Reik assiste à la conceptualisation du maître.
23Après cette collaboration au texte de Freud à L’Inquiétant – en ce qu’il est lié à l’effrayant – Reik prend alors part seul à un article sur « Effroi ». Il le termine en 1924 et le fait paraître en 1929. Dès les premières lignes de cet article, Reik se réfère à la publication de la brochure sur les névroses de guerre à partir des actes du cinquième Congrès international de psychanalyse et de Au-delà du principe de plaisir où il est question là aussi de cette pathologie. Sur celle-ci, il apporte ainsi, comme les principaux acteurs du mouvement psychanalytique, sa contribution [7].
Effroi et névrose traumatique
24L’article de Reik est très dense, ce qui oblige à se centrer sur certains aspects au détriment d’autres. Freud a mis en avant pour la névrose traumatique comme facteurs étiologiques : l’intensité de l’excitation, c’est-à-dire les sources objectives, et les variations individuelles de la force du moi, de sorte que des excitations relativement faibles peuvent avoir des effets traumatiques susceptibles de rompre la barrière protectrice de l’appareil psychique [18]. Pour étudier le lien causal, Reik porte son attention sur le rêve, dit de la guillotine, du français Maury, auteur parmi les plus cités dans L’Interprétation du rêve [7]. Voici ce que Reik écrit : « Le rêveur se voit transporté à l’époque de la Terreur sous la Révolution, traverse de macabres scènes de meurtre, est lui-même emprisonné et conduit devant le Tribunal, où siègent Robespierre, Marat, Fouquier-Tinville et autres personnages célèbres de l’époque, qui le soumettent à un interrogatoire. Après divers incidents, il est condamné à mort et emmené ensuite au lieu de l’exécution, accompagné d’une foule innombrable. Il monte sur l’échafaud, le bourreau l’attache sur la planche, elle bascule, le couperet tombe. Il sent sa tête se séparer de son corps, se réveille dans un état d’angoisse épouvantable et s’aperçoit que la tête du lit vient de tomber et qu’elle l’a frappé sur la nuque, comme le couperet d’une guillotine [35]. » Il suit la retranscription de Freud [7] reposant donc sur Maury [31].
25Le rêve est marqué par une accélération lors de son déroulement. Entre le moment où la planchette du lit tombe et le réveil dans un « état d’angoisse épouvantable » donc d’effroi, Maury vit un « roman complet ». Le rêve est « long » et parfaitement cohérent. Il se déroule à une période révolutionnaire et prend fin quand le couperet de la guillotine sépare la tête du corps de Maury, ce qui le sort de son sommeil. L’accélération de l’enchaînement des idées se retrouve dans d’autres exemples de rêves cités par Freud. Elle est présente également dans la vie diurne, précise Reik, lors d’une noyade ou d’une chute dans le vide. Comment comprendre que le stimulus qu’est le baldaquin du lit devienne dans le rêve une lame d’échafaud ? Cette transformation est le propre du « travail du rêve ». Pour Freud, il s’agit d’un fantasme qui était prêt depuis longtemps. Il a juste fallu l’« effleurer » pour en voir l’expression [7]. À partir du « point d’impact », selon la formule de Reik [35], le choc extérieur va déterminer le mouvement psychique qui conduit à l’ensemble de cette scène.
26En se référant à une compréhension psychanalytique, écrit Reik, le fantasme de la guillotine de Maury permet d’entre-apercevoir un matériel prenant ses sources dans les complexes infantiles, un fantasme de castration. La signification latente du fantasme rend compte de l’intensité de l’angoisse ressentie. Seul le fantasme de guillotine a pu accéder à la conscience, mais le fantasme de castration qui se cachait derrière ne l’a pas pu ; sa présence explique « la profondeur de l’effroi ressenti ». Il s’agit donc d’un « effroi devant ses pensées », selon la terminologie que Freud utilise pour décrire la sensation au réveil de ce matériel refoulé [7].
27Dans la détermination de l’intensité de l’affect, le fantasme inconscient a un rôle qui peut être explicité au travers d’un exemple : l’histoire donnée par l’un des cas étudiés par le docteur Brunton et discuté par Raban Liertz. Des étudiants en étaient venus à détester un des maîtres assistants. Ils décidèrent de l’effrayer et préparèrent un billot et une hache dans une pièce sombre. Ils s’emparèrent de lui, le traînèrent devant un groupe d’étudiants faisant office de juges. La victime qui pensait jusqu’alors que cela était une blague se mit soudain à croire qu’il n’en était rien, compte tenu du caractère tragique de la mise en scène : ses yeux furent bandés, il fut agenouillé et sa tête fut posée sur le billot. L’un d’entre eux imita le sifflement de la hache, un autre lui laissa tomber une serviette mouillée sur le cou. L’intensité de l’affect fut telle qu’elle entraîna la mort du maître assistant.
28Le « rêve-réveil » de Maury avait suscité un débat intéressant introduit par Jacques Le Lorrain et Victor Egger dans La Revue philosophique, au sujet du rapport temporel entre les deux phénomènes. Reik attribue à Egger un certain nombre d’informations qui offrent un autre regard sur le texte de Maury. Ce dernier, alors qu’il étudie le droit et la médecine, se promène dans la rue de Rivoli. Il n’a aucune raison de craindre un quelconque incident. Un morceau de bois tombe d’un échafaudage, l’atteint à la nuque et le précipite au sol. Maury n’a alors que des contusions superficielles, les médecins des hôpitaux décrivent les symptômes qu’Hermann Oppenheim range sous la dénomination de névrose traumatique : accélération du pouls, excitabilité anormale du système des nerfs cardiaques, augmentation de la tension artérielle, hypnalgésie, troubles de la sécrétion, différences entre les pupilles, troubles moteurs et visuels, etc. Pour sa démonstration, Reik s’appuie sur Oppenheim qui, dans son Manuel des maladies nerveuses, déclare que des blessures même celles ne touchant que des parties périphériques du corps, comme le cou, peuvent occasionner une névrose traumatique. Le rêve de Maury peut donc être compris, Reik le suggère, comme un rêve d’une névrose traumatique.
29Comme autre « rêve-réveil », Freud cite celui de Napoléon [7]. Les analystes savent que ces exemples ne sont pas isolés. Le caractère effrayant tient au fait que l’angoisse inconsciente est actualisée et revécue. Dans le cas du rêve de Maury, il s’agissait, écrit Reik, d’une angoisse de castration déclenchée par un stimulus extérieur inattendu. Allant dans le sens de cette affirmation, il cite deux auteurs Isidor Sadger et Ernst Simmel ayant mis en avant la part prise par l’angoisse de castration dans les névroses traumatiques.
30Quelle explication donner au pressentiment de désastre ? Poursuivons le raisonnement de Reik, tout se passe « comme si » la catastrophe pensée consciemment, rejetée dans l’inconscient devenait réelle. Ainsi, « les situations traumatiques se fondent pour l’essentiel sur une illusion […] ». L’homme a pris l’habitude de se croire maître de ses volontés et « l’attente du désastre est la conséquence du refoulement de ces tendances toutes-puissances » [35]. Reik donne l’exemple d’un voyageur ayant vécu une collision de chemin de fer. L’impression violente produite par la secousse redonne vie à des appréhensions anciennes. Par conséquent au moment du choc, le moi pourtant reposant sur de bonnes assises s’est brusquement représenté le pouvoir menaçant du destin. À l’arrière plan de notre inconscient se dresse toujours le père ou la mère dont la volonté a marqué nos premières années qui ont pris une valeur surmoïque. Lors du choc, avec la rapidité d’un éclair, le moi a été écrasé par le surmoi, il a été obligé de reconnaître sa détresse et son impuissance, en redoutant une faute.
31Pour continuer l’étude de l’étiologie sur l’effroi dans les névroses traumatiques, Reik reprend sa formulation entre « l’angoisse préliminaire » et « l’angoisse finale » constituée à partir de celle présentée par Freud, de « plaisir préliminaire » et de « plaisir final » [36]. Ainsi, « l’angoisse préliminaire » est la préparation psychique à un danger imminent, externe ou interne, c’est une « […] tentative rudimentaire pour établir un premier contrôle sur ce danger […] » [35] présent, en se concentrant sur lui. Quant à « l’angoisse finale », c’est la réaction éprouvée face au danger lui-même. En l’absence de cette « angoisse préliminaire », l’effroi relève de l’angoisse finale. Dans la névrose traumatique, une excitation se produit si brusquement qu’elle empêche la formation de l’angoisse préliminaire. Le stimulus est alors d’emblée connecté aux couches affectives plus profondes, et par régression à « l’angoisse engendrée par la peur de la castration » comme nous l’avons vu « ou de la mort dont le père en serait l’agent » [35]. Par la formation des symptômes s’opère un contrôle sur l’angoisse, une conversion « pour ainsi dire, en petite monnaie », en cela, poursuit Reik, « […] l’angoisse sous-jacente aux symptômes des névroses traumatiques est par nature une angoisse préliminaire » [35].
32La modification de la conception des névroses traumatiques qu’amène Reik est que le moi entrevoit la plupart du temps, en quelque sorte derrière le danger extérieur, une autre menace que la vie soit ou non en danger. Comme si ce danger, ajoute-t-il, avait pour effet de réactiver la peur que le moi éprouve en secret à l’encontre du surmoi. C’est ce que soutint Freud, cette peur de la mort se déroule entre le moi et le surmoi comme il l’écrit dans Le Moi et le ça [19] [8]. Pendant un instant, le moi se sent abandonné par le surmoi ; la certitude d’être aimé et protégé, porté inconsciemment en l’homme depuis l’enfance, a disparu, laisse place au vide.
33Il en découle que « […] le choc a ébranlé la position d’indépendance relative que le moi avait réussi à acquérir face au surmoi » [35]. Il a atteint soudainement la position narcissique du Moi. Cela se mesure pleinement lorsque, dans les situations déclenchant une névrose traumatique, certains individus se trouvent paralysés par l’horreur leur interdisant toute action. Les autres ont au contraire recours à la fuite ou à une autre mesure appropriée. Ce comportement peut s’expliquer par le fait que le système préconscient se chargerait d’interpréter, d’évaluer la situation réelle ou de la comparer à des situations déjà vécues, alors qu’indépendamment l’inconscient envisagerait la situation à la lumière des affects propres à l’enfance. Le jugement de réalité n’influerait pas sur les affects déterminés par des causes profondes, ainsi l’angoisse ne serait pas éliminée. Pour reprendre la terminologie de Freud et de Breuer dans leurs Études sur l’hystérie, l’affect lui, est « coincé » [6]. Ainsi, si le comportement a permis de faire face à l’événement, la décharge de l’affect a été impossible, ce qui a des conséquences à longue échéance.
34Pour approfondir le rôle de l’effroi dans l’étiologie des névroses, Reik s’appuie alors sur L’Inquiétant [17] auquel il avait participé. Pour Freud, comme nous l’avons vu : « […] l’inquiétant dans l’expérience de vie se produit lorsque des complexes infantiles refoulés sont ramenés à la vie par une impression, ou lorsque des convictions primitives surmontées paraissent de nouveau confirmées [17]. » Les deux types d’inquiétude ne sont pas toujours faciles à départager, les convictions primitives prennent racine dans des complexes infantiles. Quel est le rapport entre inquiétante étrangeté et névrose traumatique ? D’un côté, l’expérience traumatique peut avoir quelque chose d’inquiétant mais ce n’est pas sa caractéristique fondamentale. De l’autre, la sensation de l’inquiétante étrangeté provoque souvent le déclenchement d’une névrose traumatique mais ce n’est pas forcément le cas. Il y a alors nécessité d’une conjonction de circonstances exceptionnelles (soudaineté, commotion mécanique, approche d’un danger de mort). Il faut ainsi que l’individu se trouve confronté brusquement à un phénomène inquiétant dont l’objectivité est incontestable. Il faut que le choc soit violent. Reik s’appuie sur les Trois essais sur la théorie sexuelle de Freud. Ce dernier écrivait que les sources d’effroi et d’ébranlement mécanique sont à de faibles intensités sources d’excitation sexuelle. Or, ajoute-t-il avec précaution : « On est tout au moins en droit de supposer […] qu’elles provoquent quand elles agissent à un degré excessif, un bouleversement profond du mécanisme/ou du chimisme/sexuel [8]. » Reik poursuit : la violence de la commotion « a probablement » pour effet de libérer cette excitation qui exerce une action traumatique face à cette intensité, par manque de préparation par l’angoisse. Notre monde est dominé par les conquêtes de la technique. Des accidents banals sont aussi susceptibles d’être vécus comme lugubres ou inquiétants par les intéressés. L’individu admet l’existence de forces obscures dans bien des circonstances, fussent-elles banales. Enfin, il faut que le phénomène menace la vie. Ainsi, le sentiment d’étrangeté peut être vécu par le soldat enterré vivant par une grenade ou encore par le voyageur éjecté de son siège lors d’une collision ferroviaire, l’une ou l’autre de ces expériences pouvant déclencher une névrose traumatique.
35Les facteurs de soudaineté et de surprise sont généralement mis en avant pour expliquer la névrose traumatique. L’effroi ne représente qu’un cas particulier de la surprise. La surprise peut être définie comme « l’expression de difficulté éprouvée à reconnaître une donnée autrefois familière mais devenue inconsciente » [35]. C’est « une sorte de savoir difficilement déterminable », voire « quelque chose comme une préparation à la compréhension », pour reprendre les mots de Freud dans la conclusion d’À partir de l’histoire d’une névrose infantile [13]. Face à cette surprise, le choc est plus profond, plus durable, si l’événement a été imaginé au préalable, et s’il a été refoulé. Cette donnée permet un nouveau regard sur l’articulation entre choc et effroi.
36Reik à la fin de son texte revient sur la spécificité de cet effroi, à l’origine des névroses traumatiques. L’effroi saisit l’individu lorsqu’un danger autrefois redouté inconsciemment – par cette inquiétante étrangeté – et auquel il pensait avoir échappé, se concrétise. Mais cet effroi serait loin d’avoir une telle emprise, s’il n’avait pas la profonde résonance que lui assure le sentiment de culpabilité inconscient. À la lecture de travaux de savants sur la névrose traumatique et la névrose de guerre, il en tire la position que si le choc traumatique s’accompagne d’une blessure ou d’une lésion organique, l’effet de ces dernières est d’empêcher la survenue d’une névrose [9]. Reik donne l’interprétation suivante : la blessure prend la valeur d’un châtiment. Celui-ci se substitue à l’effroi qui ne subit un remaniement que dans un second temps. Il y a sans doute là une des explications à l’esprit euphorique des blessés de guerre quasi maniaques, bien que d’autres facteurs soient en jeu comme le plaisir de rentrer chez eux, la certitude d’avoir échappé à la mort.
37Comment dès lors comprendre les rêves répétitifs de la névrose traumatique ? Ces rêves permettent au sujet, selon Freud, d’échapper à l’emprise de l’excitation subie qui fait naître un état d’angoisse ; l’absence de cet état a été à l’origine de la névrose traumatique. Reik poursuit – modulant une part importante de la représentation développée par Freud en 1920, sans s’y opposer directement. Dans ces rêves, le principe de plaisir cherche à s’exprimer, Reik ajoute que ces rêves représentent une réaction à un sentiment de culpabilité. Il assimile les rêves des victimes de névroses d’accidents aux rêves de punition qui gratifient le sentiment de culpabilité. Reik prend soin de souligner qu’il ne s’éloigne pas de Freud qui avait envisagé cette possibilité : « Si, concernant la tendance du rêve à l’accomplissement de souhait, nous ne voulons pas nous laisser désorienter par les rêves des névrosés du fait d’accident, il nous reste encore, peut-être l’expédient de nous dire que dans cet état la fonction du rêve, tout comme bien d’autres choses, a été ébranlée et déviée de ses visées, ou alors il nous faudrait nous rappeler les énigmatiques tendances masochistes du moi [18]. »
38Reik propose dans ce texte une vision intégrée de nombreux paramètres alors isolés. Outre le fait de rassembler des éléments pris dans l’œuvre de Freud sur certains aspects, il ouvre la névrose traumatique à une autre compréhension. Comment comprendre que cet écrit n’ait pas eu de portée ?
Réception de Freud
39Lors de la guerre, des psychanalystes de formation médicale prennent en charge des névroses de guerre. Avec la fin de la guerre, qu’advient-il de ces patients ? Avec mordant par rapport à Oppenheim qui dut batailler pour défendre sa notion contre d’autres médecins, Freud, anticipant la fin de la guerre, écrivait à ce sujet (lettre [n° 771F], de Freud à Ferenczi, du 9-XI-1918) : « Est-il vrai que tous les névrosés de guerre ont soudain guéri, sauf un ? Qu’en dira Oppenheim [24] ? ». Les névroses traumatiques cessent d’être un objet d’attention ou de recherche comme le note Porge [33]. Freud avait posé des jalons dans la compréhension de la névrose traumatique [52], mais n’avait pas soigné lui-même de névrose de guerre [53], il devait s’en remettre à ceux qui avaient eu une pratique clinique.
40Dans ce texte rédigé en 1924, Reik précise qu’il s’inscrit dans la continuité des réflexions sur les névrosés de guerre, la publication faisant suite au cinquième Congrès international de psychanalyse [5] et Au-delà du principe de plaisir [18]. Ce dernier texte fait référence à plusieurs des écrits de Freud : L’Interprétation du rêve, La Communication préliminaire, Introduction à la psychanalyse des névroses de guerre, Les Trois Essais. Reik reprend ces textes qui correspondent au socle sur lequel repose la théorisation freudienne des névroses traumatiques. En plus, il extrait des éléments dans L’Inquiétant et À partir d’une névrose infantile. L’ensemble très centré donne l’idée d’une synthèse des vues freudiennes sur la névrose traumatique. Ce qui fait l’originalité du travail de Reik, c’est qu’il puise des données dans plusieurs textes où la névrose traumatique n’est pas citée comme L’Interprétation du rêve, L’Inquiétant, À partir d’une névrose infantile. À partir de là, il fait un point de raccord, et donne des bases nouvelles pour penser cette pathologie. L’approche du thème est décalée, Reik se situe à la marge de la pensée de Freud.
41Par la publication des lettres des deux hommes, nous savons que Reik lui adressait ses travaux et recevait en retour son avis. Début 1928, Freud qui se trouve à Vienne relève la pertinence d’un des articles de Reik intitulé Effroi : il écrit qu’il « […] est la continuation, tout à fait légitime et pleine d’ingéniosité, d’une théorie analytique […] » [47] (lettre de Freud à Reik, du 26-II-1928). Cette époque est complexe pour Reik du fait de l’environnement hostile, c’est-à-dire la mise en accusation. La réédition de son Rituel n’est pourtant pas freinée. Freud l’en félicite [47] (lettre de Freud à Reik, du 10-IV-1928). Fin 1928, dans une lettre à Reik en provenance de Tegel, banlieue de Berlin, lieu de résidence où il se trouve alors, Freud, prolongeant la lettre du 10 avril, écrit qu’il a lu les essais reçus, et des trois c’est le texte sur l’Effroi qui l’a le plus marqué. Freud avait été en butte avec la pathologie qu’est la névrose traumatique [52], et Reik s’attelait au sujet. Il lui écrit (lettre de Freud à Reik, du 23-X-1928) : « Je suis fort impressionné par le premier qui concerne les névroses traumatiques [47]. »
42Quelques années auparavant, Freud écrivait que « […] fidèle à ma pratique, j’évite de prononcer un jugement définitif sur un travail fraîchement lu » [47] (lettre de Freud à Reik, du 13-I-1925) et dans sa correspondance privée, Freud ne développe pas ce qui l’a « impressionné ». Mais de plus, s’il est impressionné en 1928, il ne cite pas pour autant l’article de Reik lorsqu’il revient ultérieurement sur le thème de la névrose traumatique, ce qu’il fera en 1930 dans Malaise dans la culture [23].
43Dans son texte, Reik prend soin de préciser qu’« Effroi » a été écrit en 1924, soit deux ans avant la publication d’Inhibition, symptôme et angoisse [20], d’où le fait que « […] les idées avancées demandent à être corrigées sur de nombreux points, alors que sur maints autres elles concordent parfaitement avec les points de vue freudiens » [35]. Le texte est donc à insérer juste avant l’ouvrage de Freud de 1926.
44Freud à la fin de la guerre, en 1919, avait cherché à unifier les névroses traumatiques de paix et de guerre, et à les caractériser [15]. L’enjeu est alors de taille comme le souligne Bertrand [3]. Or, Reik ne s’arrête pas sur cette distinction. La réception de Freud est d’autant plus importante qu’elle nous montre la complexité de la position du maître qui ne souligne pas cet écart, pas plus qu’il ne donne son aval.
45Natterson écrit que les contributions impressionnantes de Reik n’étaient pas dans le développement du champ principal de la psychanalyse [32]. Notons, cependant, que Reik a apporté une pierre à la compréhension de la névrose obsessionnelle et du masochisme. Et la valeur de la théorisation de Reik sur l’effroi mérite toute considération, il est à regretter qu’elle n’ait eu ni reconnaissance officielle ni analyse critique.
L’effroi intellectuel
46À considérer l’œuvre de Reik, l’étude de l’effroi apparaît, en filigrane, comme un fil qu’il tisse à chaque décennie : en 1919, à travers l’apport au de Freud sur L’Inquiétant – ce qui compose un dixième du texte – [17], en 1929, dans l’Effroi [35], enfin en 1935 dans « L’effroi intellectuel », chapitre d’un ouvrage intitulé Le Psychologue surpris [40].
47Ce chapitre est consacré à la capacité d’écoute du psychanalyste. Pour Reik, l’aptitude qui doit primer chez ce professionnel est le « courage moral ». Pour se faire comprendre, il se sert d’une analogie dans laquelle il met côte à côte le soldat et l’analyste : « En Autriche, les soldats qui se sont particulièrement distingués pendant la guerre recevaient une décoration accompagnée de “pour la bravoure devant l’ennemi”. Le courage civil particulier qui me semble si nécessaire pour l’analyste pourrait être qualifié de bravoure pour ses propres pensées. C’est un courage qui se manifeste et fait ses preuves quand un individu rencontre dans son Moi une pensée ou une représentation dont la nature contredit absolument ses exigences morales, esthétiques ou logiques. » Il existe diverses façons de venir à bout de ce type de représentation contre lesquelles le « Moi se hérisse ». La plupart du temps, le Moi déclenche une réaction psychique, un « effroi devant ses pensées » [40]. Cette terminologie empruntée, comme nous l’avons vu, à Freud à propos du réveil [7] trouve ici un usage audacieux.
48En présence du matériel qui lui est exposé, c’est une tâche de l’analyste de ne pas perdre son sang-froid devant l’effroi intellectuel, de ne pas s’effrayer, quand émergent en lui des représentations paraissant absurdes ou déviantes du contexte. L’analyste peut être tenté de rejeter ces représentations sous prétexte qu’elles sont futiles ou stupides. Il faut à l’analyste du courage pour considérer ces pensées comme précieuses, Reik parle même de « performance » de l’analyste. Cette réussite assurera au clinicien une plus grande liberté dans la capacité d’exposer à la clarté de sa conscience ce qu’il n’ose ni penser ni sentir.
49Il s’agit ici d’effroi et non d’angoisse. À l’effroi appartiennent la paralysie des mouvements, l’oppression, la pâleur, la sensation de froid. Selon Reik, l’effroi vaut pour toutes les réactions à ce qui fait irruption, l’angoisse à ce qui menace. L’angoisse se distingue de l’effroi : par son intensité et par le fait qu’elle protège le moi contre la brusquerie et la violence de l’effroi. L’affect d’effroi a une durée extrêmement brève.
50Soulignons ce passage : « Devant certains phénomènes de la civilisation, et pour éviter l’effroi et l’angoisse qui en résultent, les gens sont prêts à sacrifier une part de leur personnalité et à imposer à leur Moi d’importantes limitations [40]. » En d’autres mots, l’inhibition du moi permet de parer à ce qui peut occasionner un débordement et par suite des risques d’une pathologie traumatique.
51Dans ce texte, Reik s’intéresse à ce qui caractérise les réactions inconscientes de l’analyste à la personne analysée que Freud nommait le « contre-transfert [10] ». Il « s’installe » chez le psychanalyste par l’influence du patient sur la sensibilité inconsciente du soignant. Il faut à celui-ci reconnaître en lui-même ce contre-transfert et le maîtriser car « chaque psychanalyste ne va qu’aussi loin que le permettent ses propres complexes et résistances internes […] » [10]. Ailleurs Freud écrit : « […] tout être humain possède dans son propre inconscient un instrument avec lequel il est en mesure d’interpréter les manifestations de l’inconscient chez l’autre [12] […] ». Reik s’attaquait ainsi à ce thème ardu, à ce qui pour le clinicien, dans la pratique, vient rompre l’ordre en lui. Dans Écouter avec la troisième oreille, il développera l’idée que le psychanalyste doit se servir de son intuition dans la relation contre-transférentielle avec son patient [43].
52Lorsqu’il parut, Reik l’adressa à Freud. Il avait imaginé que Le Psychologue surpris ne soit pas lu par le maître. Pensait-il qu’il pourrait lui déplaire ? On le suppose par la réponse de Freud : « Vous n’avez pas eu raison de prédire que je n’allais pas lire votre nouveau livre. » Il poursuit par un propos flatteur et soutenant (lettre de Freud à Reik, du 9-I-1936) : « Je le trouve plein d’esprit et stimulant de même que tout ce que vous écrivez [47] […] ».
53Freud voyait en Reik un disciple et nourrissait, selon ce dernier, un grand espoir dans ses travaux, il reconnaissait son talent pour le travail psychanalytique [47]. Dans ses souvenirs, Reik rapporte la proximité qu’il eut avec Freud qui fut source de stimulation. Il écrit : « On n’est jamais “intime” avec un génie, même si celui-ci peut parler familièrement à quelqu’un comme à un ami [47]. » Copiant les allures de ce maître qu’il louait, il sera surnommé « le simili-Freud » [4]. Il faut saluer ici la recherche de Reik qui tout en marquant par son originalité se situait dans la continuité du maître viennois.
Conclusion
54Alors qu’il est étudiant, Reik rencontre Freud. Jeune docteur de philosophie, il intègre la Société psychanalytique de Vienne. Souffrant de troubles obsessionnelles, il est en proie à des désirs de meurtre. Il se rend à Berlin où Abraham le prend en analyse. Lorsque arrive la guerre, il est mobilisé et doit retourner à Vienne. De 1915 à 1918, il est affecté en Italie et au Monténégro. C’est là qu’il assiste à l’exécution d’un père et de son fils. Désigné pour une autre affaire, comme avocat de la défense à la cour martiale, il plaide pour sauver la vie d’un jeune ; plaidoirie qui échoue car la sentence de pendaison était déjà prévue. À l’armée, il n’occupe pas de fonctions soignantes. Il garde de cette époque des souvenirs à partir desquels il proposera une lecture clinique.
55Après la guerre, Reik, vient s’installer à Vienne où il travaille aux côtés de Freud. Dans L’Inquiétant de Freud, paru en 1919, Reik contribue à la recherche étymologique. Il participe ainsi à la démonstration du maître posant que l’inquiétante étrangeté prend sa source dans les complexes infantiles refoulés.
56En 1924, il revient seul sur ce thème dans un texte publié en 1929. Il reprend l’apport freudien où il est directement question de la névrose traumatique qu’il relie au matériel jusque-là inexploité. Il propose ainsi une synthèse originale ainsi que de nouvelles perspectives de compréhension à partir de l’effroi, en mettant en valeur l’importance de l’inquiétant. Ce texte lu par Freud sera considéré comme la continuation légitime et innovante de la théorie analytique. Plus est, il dira en être impressionné.
57Après avoir pensé l’effroi du côté du patient, Reik se concentre, en 1935, dans Le Psychologue surpris sur la capacité d’écoute de l’analyste. Il formule ainsi une règle fondamentale concernant l’acte de bravoure devant « l’effroi de ses pensées », terminologie freudienne, utilisée par Reik dans le travail paru en 1929 et repris en 1935. Le Psychologue surpris porte sur le contre-transfert que Freud avait peu étudié. Ce dernier donnera son aval à ce texte en le trouvant stimulant.
58Dans l’œuvre de Reik, un fil directeur sur l’effroi apparaît sur trois décennies. Reconnu pour ses travaux de psychanalyse appliquée, il contribua aussi à une plus grande connaissance sur la névrose obsessionnelle, le masochisme, ainsi que l’effroi, dont nous pouvons mesurer ici l’apport.
59On pourrait mettre en relation le manque de portée d’Effroi, cette synthèse jusque là manquante, avec les ennuis judiciaires de Reik liés à sa non-formation médicale qui le mirent à mal.
60Conflits d’intérêts: aucun.
Bibliographie
Références
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- 31Maury A. Le sommeil et les rêves. Études psychologiques sur ces phénomènes et les divers états qui s’y rattachent. Suivies de recherches sur le développement de l’instinct et de l’intelligence dans leurs rapports avec le phénomène du sommeil. 4e ed. (revue et considérablement augmentée). Paris : Didier et Cie, Libraires-Éditeurs, 1878.
- 32Natterson JM. Theodor Reik. Masochism in modern man. In : Alexander F, Eisenstein S, Grotjahn M, éds. Psychoanalytic pioneers. New York/London : Basic Books, 1966, p. 249-64.
- 33Porge E. « Préface ». In : Eissler KR, éd. Freud sur le front des névroses de guerre (1979). Paris : PUF, 1992, p. V-XVIII (traduction française par Drouin M. en collaboration avec A. Porge, E. Porge, A.-V. Vindras).
- 34Reik T. « La couvades et la psychogenèse de la crainte des représailles ». In : Le rituel. Psychanalyse des rites religieux (1914 [1919]). Paris : Denoël, 1974, p. 41-104 (traduction française M.-F. Demet).
- 35Reik T. « Effroi ». In : Le besoin d’avouer, psychanalyse du crime et du châtiment (1924 [1929]). Paris : Payot, 1997, p. 310-30 (traduction française S. Laroche, M. Giacometti).
- 36Reik T. « La compulsion d’aveu ». In : Le besoin d’avouer, psychanalyse du crime et du châtiment (1925). Paris : Payot, 1997, p. 161-305 (traduction française S. Laroche, M. Giacometti).
- 37Reik T. « Post-scriptum : le point de vue de Freud sur la peine de mort ». In : Le besoin d’avouer (1926). Paris : Payot, 1997, p. 397-401 (traduction française S. Laroche, M. Giacometti).
- 38Reik T. Le besoin d’avouer, psychanalyse du crime et du châtiment (1926-1928). Paris : Payot, 1997 (traduction française S. Laroche, M. Giacometti).
- 39Reik T. « Freud, critique de la culture, chapitre VII : Dostoïevski et le parricide ». In : Trente ans avec Freud (1929). Paris : Éditions Complexe, 1975, p. 79-89 (traduction française E. Sznycer).
- 40Reik T. Le psychologue surpris. Deviner et comprendre les processus inconscients (1935). Paris : Denoël, 2001 (traduction française D. Berger).
- 41Reik T. Psychologie des rapports sexuels (1945). Paris : Éditions du Triolet, 1947 (traduction française J.A. Lacour, B. Heuvelmans).
- 42Reik T. Écouter avec la troisième oreille. L’expérience intérieure d’un psychanalyste (1948). Paris : EPI S.A. éditeurs, 1976 (traduction française E. Ochs).
- 43Reik T. Fragments d’une grande confession (1949a). Paris : Denoël, 1973 (traduction française J. Bernard).
- 44Reik T. Le masochisme (1949b). Paris : Payot, 1953 (traduction M. Ghyka).
- 45Reik T. Écrits sur la musique (1953a). Paris : Société d’Édition Les Belles Lettres, 1984 (traduction française C. Davenet).
- 46Reik T. Variations psychanalytiques sur un thème de Gustav Mahler (1953b). Paris : Denoël, 1972 (traduction française P. Rousseau).
- 47Reik T. Trente ans avec Freud. Suivi des lettres inédites de Sigmund Freud à Theodor Reik (1956). Bruxelles : Éditions Complexe, 1975 (traduction française E. Sznycer).
- 48Reik T. Mythe et culpabilité (1957). Paris : PUF, 1979 (traduction française J. Goldberg, G. Petit).
- 49Reik T. La création de la femme. Essai sur le mythe d’Eve (1960). Bruxelles : Éditions Complexe, 1975 (traduction E. Sznycer, M. van Berchem).
- 50Rozaen P. Dernières séances freudiennes. Des patients de Freud racontent (1995). Paris : Seuil, 2005 (traduction française R. Havas).
- 51Soler C. Theodor Reik, 1888-1969. Un analysant modèle. Ornicar? 1985 ; 33 : 160-7.
- 52Trehel G. Karl Abraham (1877-1925) et Hermann Oppenheim (1857-1919) : rencontre autour des névroses traumatiques de paix. L’Information psychiatrique 2005 ; 81 : 811-21.
- 53Trehel G. Ernst Jones (1879-1958) : psychanalyse et choc de guerre. L’information psychiatrique 2006 ; 82 : 611-21.
- 54Trehel G. Karl Abraham (1877-1925) : psychiatre de guerre à l’hôpital d’Allenstein. Perspectives psychiatriques 2010 ; 49 : 144-57.
Notes
-
[1]
Université de Paris-VII - Jussieu, centre d’études en psychopathologie et psychanalyse (CEPP), EA 2374, 11 bis, rue Eugène-Jumin, 75019 Paris, France
gillestrehel@hotmail.com -
[2]
Sur les rapports entre ce courant de pensée et cet auteur allemand, se reporter à : Hachet P. Les psychanalystes et Goethe. Paris, L’Harmattan, 1995.
-
[3]
Nous savons par une lettre de Freud qu’il connaissait de longue date l’ouvrage de Flaubert (lettre de Freud à Martha Bernays, du 26 juillet 1883, cité dans [29]). Freud accorde d’ailleurs en 1907 une certaine place à « La tentation de Saint-Antoine », en se référant à la gravure de Félicien Rops [9]. Cette connaissance dut faciliter la discussion avec Reik. D’ailleurs, selon ce dernier, Freud, aurait approuvé la thèse engagée [43].
-
[4]
Robert Jokl fera une courte analyse avec Freud, au printemps 1919. À l’automne 1919, il est membre non titulaire de la Société psychanalytique de Vienne, puis membre à part entière en 1922. Notons par ailleurs qu’il devient « résident en psychiatrie » à l’université de Vienne sous la direction de Julius Wagner von Jauregg et Otto Pötzl [50].
-
[5]
On retrouve ces vers inscrits par Goethe, le 31 mars 1827, sur l’exemplaire d’« Iphigénie » donné à l’acteur Krüger selon Hyppolyte Loiseau à : Goethe. Iphigénie en Tauride (Iphigenie auf Tauris) (1779). Paris : Éditions Montaigne, 1931, p. LXXXIII (traduction française H. Loiseau).
-
[6]
Le programme du Congrès a été publié dans la correspondance de Freud S, Ferenczi S. Correspondance, tome II : 1914-1918 (1914-1918). Paris : traduction du Coq-Héron, Calmann-Lévy, p. 325.
-
[7]
Sur ce point consulter : Trehel G. Victor Tausk (1879-1919) et la médecine militaire. L’information psychiatrique 2006 ; 82 (3) : 239-47.
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[8]
Les névroses traumatiques de guerre ont été possibles ou favorisées par un conflit à l’intérieur du moi comme l’indiquent Jones [28, 53], Abraham [1, 54] et repris dans l’introduction de Freud [15]. Ces formulations sont revisitées par Reik à partir de la seconde topique intégrant le ça, le moi, le surmoi [19].
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[9]
Ce point est discuté par Claude Barrois. Se reporter à Barrois C. Les névroses traumatiques. Le psychothérapeute face aux détresses des chocs psychiques. Paris : Dunod, 1988, p. 120.
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[10]
Freud y fait allusion à de très rares passages comme le notent Jean Laplanche et Jean-Bertrand Pontalis. Cf. Laplanche J, Pontalis JB. Vocabulaire de psychanalyse (1967). Paris : PUF, 1990, p. 103.