Couverture de INPSY_8710

Article de revue

Pour un juge garant de la liberté individuelle de chaque patient

Pages 757 à 762

Notes

  • [*]
    Vice-présidente du TGI de Pontoise, Pontoise, France
    Isabelle.Rome@justice.fr
  • [**]
    Los Sages: nombre, con sentido de sabiduría entre sabio y filósofo que se les da a los miembros del Consejo Constitucional francés (NdT).

La garantie de la liberté individuelle comme fondement de l’adaptation du droit

1L’article 66 de la Constitution de 1958 confie à l’autorité judiciaire la mission de gardienne de la liberté individuelle.

2Dans son avis du 26 novembre 2010, rendu sur une question prioritaire de constitutionnalité posée par une patiente hospitalisée sous contrainte à la demande d’un tiers, le Conseil constitutionnel a considéré que le maintien au-delà de 15 jours d’une telle mesure, fondé sur la base d’un simple certificat médical méconnaissait les termes de l’article 66 de la Constitution et a déclaré inconstitutionnel l’article 337 du Code de la santé publique.

3Il a ordonné au législateur d’adopter avant le premier août 2011 les dispositions nécessaires à la mise en conformité du droit positif avec la Constitution.

4Le Conseil constitutionnel énonce très précisément que l’hospitalisation sans le consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe de l’article 66 de la Constitution et rappelle que « la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire, qu’il incombe au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la protection de la santé des personnes souffrant de troubles mentaux ainsi que la prévention des atteintes à l’ordre public nécessaire à la sauvegarde des droits et principes de valeur constitutionnelle et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu’ au nombre de celles-ci figure la liberté individuelle dont l’article 66 de la Constitution confie la protection à l’autorité judiciaire ; que les atteintes portées à l’exercice de ces libertés doivent être « adaptées, nécessaires et proportionnées » aux objectifs poursuivis.

5Cette décision rendue conformément à sa jurisprudence antérieure (DC 21 février 2008) et recentrant la liberté individuelle comme principe constitutionnel fondamental est intervenue à un moment où cette dernière ne semble pas être au cœur des préoccupations sociales et politiques.

La décision du Conseil constitutionnel s’est imposée au législateur

6Une loi était précisément en cours d’élaboration sur les soins psychiatriques sans consentement. Son contenu visait d’autres objectifs que ceux dictés par le Conseil constitutionnel et visait très clairement une restriction de la liberté des malades mentaux, instaurant notamment les soins ambulatoires sous contrainte et durcissant les règles applicables aux patients hospitalisés suite à une décision du représentant de l’État ou de l’autorité judiciaire.

7L’avis du Conseil constitutionnel a donné une injonction contraire.

8Le législateur, sommé de mettre la loi en conformité à la Constitution avant le premier août 2011, aurait pu cependant n’élaborer que les dispositions strictement nécessaires à celle-ci, aucune exigence constitutionnelle n’imposant le vote d’une loi réorganisant la totalité des soins psychiatriques.

9C’est pourtant cette seconde option qu’il a retenue. Une loi « relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge » issue de rapides débats et suscitant de vives contestations a été adoptée par le parlement le 5 juillet 2011.

La décision du Conseil constitutionnel a replacé le juge au cœur de ses missions telles que constitutionnellement définies

10La liberté constitue légalement un principe fondamental.

11En droit civil, la liberté des personnes atteintes de troubles mentaux doit être préservée le plus possible. Les mesures « de protection » ne peuvent être ordonnées par le juge qu’en cas de stricte nécessité. Elles doivent être proportionnées et individualisées en fonction du degré d’altération des facultés personnelles de l’intéressé (article 428 du Code civil).

12Par ailleurs, dès 1838, la loi a toujours désigné le juge comme « protecteur » des malades mentaux.

13Garantie de la liberté et protection des malades mentaux demeurent donc des exigences constantes reconnues par la loi, même si celle-ci évolue. Il apparaît que ces deux notions sont aussi bien souvent juridiquement liées.

14Le sont-elles tout autant dans l’imaginaire collectif ?

15La société actuelle ne perçoit-elle pas souvent aujourd’hui les personnes atteintes de tels troubles comme des êtres susceptibles d’être dangereux, en particulier au sein de la population française ? L’Organisation mondiale de la santé constate notamment que la France est le seul pays où le mot « fou » est associé à celui de « danger ». Pourtant, 95 % des crimes sont commis par des personnes ne présentant pas de trouble mental et les patients psychiatriques sont 12 fois plus souvent victimes de crimes que la population générale (cf. Rapport de la commission « Violence et santé »).

16L’importance médiatique donnée à certains faits divers a conduit aussi à un traitement plus sévère des personnes qui ont commis des faits répréhensibles pénalement, mais dont les facultés sont totalement ou partiellement abolies. La mainlevée d’une hospitalisation sous contrainte prononcée suite à une déclaration d’irresponsabilité pénale ne peut en particulier avoir lieu que si deux experts rendent un avis conforme en ce sens. Une personne reconnue responsable peut être par exemple condamnée à une peine de six mois d’emprisonnement pour des violences. Si elle est déclarée irresponsable et hospitalisée sous contrainte, elle l’est pour une période indéterminée qui peut durer de nombreux mois. Existe une certitude de la peine pour le condamné. N’existe aucune certitude de la contrainte pour celui atteint de troubles mentaux et qui ne peut être déclaré responsable de ses actes. À l’encontre de tous ceux considérés comme responsables, mais pour lesquels une pathologie psychiatrique est néanmoins révélée, une intense pression sociale, une peur exprimée si fort par nos concitoyens, n’inciteraient-elle pas enfin insidieusement à une plus lourde répression pénale ?

17La décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010 se situe à contre courant de cette évolution. Elle renvoie aux fondements de notre république.

18La liberté est le premier terme du triptyque gravé sur le fronton de nos mairies.

19La loi du 5 juillet 2011 prévoit deux moments de contrôle des hospitalisations complètes prononcées sans le consentement des patients : à l’issue d’un délai de 15 jours puis, le cas échéant, à l’issue de chaque période de six mois. Elle a confié expressément ce rôle au juge des libertés et de la détention. En cas de saisine tardive de ce dernier ou en cas d’absence de décision de sa part dans les délais légaux, la mainlevée de la mesure est acquise.

20Cette loi d’adaptation du droit positif à la Constitution n’a à ce jour été accompagnée d’aucun moyen supplémentaire pour les juridictions, hormis quelques affectations de personnels vacataires.

21Les décisions pouvant être rendues sur son fondement pourraient avoisiner le chiffre annuel de 76 000 sur l’ensemble du territoire.

22Pour le TGI de Pontoise, 100 décisions ont été rendues lors du mois d’août 2011. Cela peut permettre d’évaluer à 1 200 environ le nombre de décisions qui pourront être prononcées par le JLD de cette juridiction en une année.

Le contrôle du juge peut-il être la promesse d’une garantie de la liberté et de la reconnaissance d’un statut de « sujet de droit » pour chaque patient ?

23Le décret d’application de la loi du 5 juillet 2011 prévoit l’intervention du juge au sein d’une section intitulée « procédure judiciaire de mainlevée ou du contrôle des mesures de soins psychiatriques » comportant une première sous-section consacrée à la procédure de « mainlevée des mesures de soins psychiatriques » et une seconde sous-section à celle de « contrôle des mesures de soins psychiatriques ».

24La première sous-section (articles R3211-8 et suivants du CSP) complète au vu des nouvelles dispositions législatives la procédure diligentée à la requête du patient, prévoyant notamment la possibilité de contester une mesure de soins ambulatoires sous contrainte.

25La seconde sous-section (articles R3211-27 et suivants du CSP) organise les modalités du contrôle automatique du juge des libertés et de la détention.

26Le terme de « contrôle » rappelle que la procédure n’est pas « contentieuse ». Le juge n’a pas pour mission de trancher un conflit : il a uniquement celle de statuer sur la mesure d’hospitalisation sous contrainte dans les délais précédemment rappelés (article L3211-12-1 du CSP). Il ordonne, s’il y a lieu, la mainlevée de la mesure. Il peut dans cette hypothèse et par décision motivée décider que la mainlevée ne prendra effet que dans un délai maximal de 24 heures afin qu’un programme de soins puisse le cas échéant être établi en application de l’article L3211-2-1 du CSP. Il peut aussi ordonner une expertise, bénéficiant alors d’un délai de 14 jours supplémentaires pour rendre sa décision.

Les critères du contrôle

La validité de la saisine

27Le juge doit vérifier que celle-ci ait été présentée dans les délais légaux : au maximum trois jours avant l’expiration du délai de 15 jours à compter de l’admission, puis huit jours avant l’expiration de chaque période de six mois.

28Il doit également s’assurer que les pièces la fondant figurent au dossier (article R 3211-11 1 à 4) et veiller à la régularité de la procédure (exemple de la présence d’un avis d’un collège d’experts en cas d’hospitalisation suite à l’application de l’article 122-1 du Code pénal).

29La loi du 5 juillet 2011 prévoit qu’il appartiendra au JLD d’apprécier aussi la validité des actes administratifs rendus en la matière à partir du 1er janvier 2013.

Le bien-fondé de la saisine

30La loi n’apportant aucune indication en la matière, nous pensons que le juge doit notamment se référer aux principes édictés par le Conseil constitutionnel et vérifier si l’atteinte à la liberté du patient résultant de la mesure d’hospitalisation complète et sous contrainte est effectivement adaptée, nécessaire et proportionnée aux objectifs poursuivis.

31Ceux-ci varient selon la nature de la mesure.

32S’agissant d’une mesure de soins sous la forme d’une hospitalisation complète prise en application de l’article L3212-1, il convient de vérifier si celle-ci est justifiée, c’est-à-dire adaptée, nécessaire et proportionnée au vu des deux critères légaux la fondant : l’impossibilité de consentir en raison des troubles mentaux, un état mental imposant des soins assortis d’une surveillance constante justifiant une hospitalisation complète.

33S’agissant d’une mesure prise en application de l’article L3213-1, le même exercice s’opère au vu du double critère de l’existence de troubles mentaux nécessitant des soins et de la nature de ceux-ci à compromettre la sÛreté des personnes ou à porter atteinte de façon grave à l’ordre public.

34Dans une autre précédente décision, le Conseil constitutionnel (DC 18 novembre 2008) avait également rappelé que « la sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d’asservissement et de dégradation est au nombre des droits inaliénables et sacrés de tout être humain et constitue un principe à valeur constitutionnelle ».

35C’est ce principe qui, à notre avis, doit guider le juge dans l’application de la loi, que ce soit :

  • dans la manière dont il rend sa décision ;
  • dans l’organisation des audiences ;
  • dans la tenue des débats.
Nous pensons aussi que l’intervention du juge devrait pouvoir favoriser un meilleur accès aux droits de chaque patient.

La décision du juge

Motivée en fait et en droit

36Le magistrat ne disposant que de peu d’éléments – les certificats initiaux, les décisions ou arrêtés d’admission, l’avis conjoint de deux psychiatres désignés par le directeur de l’établissement (ou avis du collège d’experts le cas échéant) – il y a lieu d’insister sur l’importance de la motivation des avis rendus par les psychiatres.

37Il est nécessaire à notre avis que ceux-ci montrent le plus précisément possible pour quels motifs le maintien de l’hospitalisation complète est indispensable au vu des critères énoncés par la loi.

38C’est à partir de ces données que le juge peut véritablement effectuer sa mission de contrôle, telle que précédemment définie, puis motiver sa décision.

39Depuis la mise en œuvre de la loi, les mainlevées représentent environ 6 % de l’ensemble des ordonnances rendues par les JLD de Pontoise.

40Les décisions nous paraissent devoir être rédigées aussi au regard des objectifs précédemment énoncés. Cela implique une triple exigence :

  • une simplicité des termes employés pour en permettre une compréhension aisée ;
  • le respect de la dignité du patient en évitant si possible d’utiliser une formulation qui pourrait le blesser ou qu’il pourrait percevoir comme péjorative ou brutale ;
  • une ouverture rendant l’espoir possible en mentionnant par exemple les possibilités d’amélioration de l’état de santé, comme celles d’évolution de la prise en charge.

La notification de la décision

41La loi dispose qu’elle doit être faite sur place.

42L’énoncé de celle-ci doit également être effectué avec précaution.

43Il peut provoquer colère ou larmes.

44C’est un moment délicat de l’exercice de la mission du JLD.

45Si les réactions peuvent être multiples, il semble, en revanche, que l’on puisse affirmer que le temps de délibéré doit être assez bref. Si cela est impossible au vu de la complexité du cas soumis, il est peut-être préférable de différer exceptionnellement la notification. Le patient peut ainsi quitter l’audience, regagner sa chambre. La notification de la décision lui sera donnée plus tard par un membre du personnel hospitalier.

L’audience

46La loi dispose que les audiences se tiennent au siège du TGI.

47Elle prévoit également qu’elles peuvent se tenir au sein d’une salle d’audience spécialement aménagée sur l’emprise de l’établissement d’accueil pour assurer la clarté, la sécurité et la sincérité des débats et permettre de statuer publiquement.

48C’est la solution que nous avons retenue à titre expérimental, au TGI de Pontoise.

49Ce choix a été guidé principalement par le souci de respect de la dignité des patients. Nous avons considéré que les locaux d’un palais de justice ne sont pas forcément adaptés pour les personnes atteintes de troubles mentaux, que celles-ci n’ont formé aucune demande, qu’elles ne sont ni citées ni assignées en justice et qu’elles ne répondent d’aucun acte répréhensible. Leur fragilité pourrait également provoquer sarcasmes ou violences de la part d’autres personnes se trouvant à leurs côtés dans l’enceinte du tribunal. Leur état de santé est enfin parfois très précaire. Doit-on infliger une venue au tribunal à une personne en extrême souffrance comme nous avons pu d’ores et déjà en rencontrer lors de nos différentes audiences ?

50Nous avons donc organisé dans chacun des six établissements du ressort une audience hebdomadaire à jour fixe.

51Une salle répondant aux critères énoncés par la loi a été aménagée dans chaque établissement. Elle est signalée dès l’entrée de celui-ci, puis indiquée expressément comme « salle d’audience JLD ».

52Un ordinateur mis à la disposition du greffier permet de rédiger et de notifier les décisions sur place.

53Pour assurer une nécessaire solennité, magistrats et greffiers tiennent les audiences en robe.

54La présence d’agents de sécurité à l’entrée de la salle d’audience ou de soignants accompagnant le patient contribue à la sécurité des débats.

55La lourdeur de cette organisation réside essentiellement dans le déplacement. Une fois à l’hôpital, l’audience se déroule en revanche de manière fluide avec un très bref temps d’attente entre chaque patient.

56L’intérêt est majeur pour le patient.

57Il existe aussi dans les échanges que nous pouvons avoir sur place avec différents professionnels. Ceux-ci nous permettent de mieux appréhender cet univers que nous ne connaissons pas et de nous entretenir de manière peut-être plus adaptée avec le patient.

La tenue des débats

La chambre du conseil

58La loi énonce que le juge statue publiquement.

59Le juge peut décider néanmoins de tenir les débats en chambre du conseil, en application de l’article 435 du Code de procédure civile, « s’il doit résulter de leur publicité une atteinte à l’intimité de la vie privée, ou si toutes les parties le demandent, ou s’il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice ».

60Il apparaît en pratique que la tenue des débats en chambre du conseil est le plus souvent nécessaire, afin de préserver la liberté de parole du patient et le respect de l’intimité de sa vie privée, celle-ci étant fréquemment évoquée par lui pendant l’audience.

61De surcroît, ce procédé permet de respecter le secret médical et s’inscrit en conformité à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (27 aout 1997, M.S c/Suède), particulièrement stricte sur la protection des données personnelles, particulièrement médicales : « la législation interne doit ménager des garanties appropriées pour empêcher toute communication ou divulgation de données à caractère personnel relatives à la santé qui ne serait pas conforme aux garanties prévues à l’art. 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ».

62La décision est en revanche rendue publiquement.

L’audition du patient

63Elle nécessite un apprentissage progressif pour le JLD.

64Il s’agit tout d’abord de lui expliquer le cadre de l’intervention du juge : lui préciser que celui-ci est là pour vérifier que l’hospitalisation est toujours justifiée. Sans lui donner de vains espoirs.

65En effet, il n’a personnellement présenté aucune demande. Un juge l’a pourtant convoqué à une audience. Ne peut-il pas alors penser qu’une porte est en train de s’ouvrir pour lui, alors même qu’il ne l’aurait personnellement ni imaginé ni même nécessairement souhaité ?

66À un moment où l’état des patients n’est souvent pas encore stabilisé, l’intervention du juge peut également être perçue comme une intrusion. L’audience doit peut-être alors être brève.

67Pour chaque personne, il s’agit en fait de trouver très vite le ton à adopter, afin de ne pas la froisser, de ne pas bloquer sa parole, de ne pas provoquer une irritation non maîtrisée de sa part…

68L’entendre dans sa narration, notamment dans celle des circonstances dans lesquelles elle est arrivée là, lui lire à haute voix l’avis des médecins ou au contraire le lui expliquer de manière moins directe.

69Lui rappeler également que sa situation va évoluer.

70Lui indiquer aussi qu’elle peut si elle le souhaite former une requête auprès du JLD si elle considère que l’hospitalisation complète à laquelle elle est soumise est de trop longue durée.

71Les psychiatres des différents établissements du ressort indiquent qu’il est nécessaire pour eux de bien expliquer au patient pourquoi il est convoqué par le juge, ce qui va se passer à l’audience afin de réduire son angoisse et son éventuelle appréhension.

72Ils soulignent en revanche le fait que les personnes sont plutôt soulagées après les débats et trouvent important que le juge « veille » sur leur situation.

73Rencontrer physiquement les patients nous paraît ainsi primordial. Lorsque le langage est difficile, les attitudes et les regards deviennent d’importants modes de communication qu’une image ne permet pas de restituer. C’est pourquoi nous n’avons pas opté pour l’organisation d’audiences en visioconférence.

74Nous demandons cependant aux établissements de bien vouloir s’équiper du matériel nécessaire. Cette solution peut être un recours possible, notamment en cas d’impossibilité de déplacement de notre part ou de saisine tardive.

Pour un véritable accès aux droits et au droit des patients

75L’intervention du juge peut être un signe pour le malade : la société ne l’oublie pas. Il a des droits. Il a notamment celui de voir sa situation systématiquement examinée par un magistrat dans les 15 jours de son admission à l’hôpital, puis le cas échéant tous les six mois.

76En revanche, un véritable accès aux droits et au droit ne peut exister si l’accès à la défense n’est pas facilité.

77Aucun moyen n’a à ce jour été affecté aux barreaux en vue de l’exercice d’une telle mission.

78La loi prévoit un seul cas dans lequel la présence de l’avocat est obligatoire : celui dans lequel les deux psychiatres établissant l’avis conjoint constatent une impossibilité d’audition du patient. Sa représentation par un conseil est alors obligatoire.

79Dès réception de la saisine, le greffe du JLD avise le bâtonnier de l’ordre des avocats qui commet si nécessaire un avocat d’office.

80En pratique, l’avocat rencontre le patient puis le représente.

81À plusieurs reprises, il est arrivé que ce dernier souhaite et puisse être entendu. Il a pu ainsi comparaître, assisté de son conseil.

82Dans les autres cas, la personne peut demander à être assistée par un avocat.

83Un projet est en cours d’élaboration avec le barreau du Val-d’Oise afin de permettre une intervention des avocats de manière plus régulière : constitution d’une liste d’avocats volontaire, simplification de la procédure auprès du bureau de l’aide juridictionnelle…

84D’autres axes de travail, en lien notamment avec la commission départementale des soins psychiatriques et le conseil départemental d’accès aux droits, devront aussi donner lieu à la diffusion d’une meilleure information sur les droits au sein des différents établissements.

85« Les troubles psychiques n’aliènent pas les droits humains et la citoyenneté » (docteur Roelandt, l’Information psychiatrique, 6 juillet 2009).

86Les patients atteints de tels troubles doivent avoir précisément connaissance de leur droits et pouvoir les exercer.

87Ils ont aussi le droit à une application complète du droit, respectueuse de la dignité de chacun.

88Nous pensons donc que l’intervention du juge est, en tant que telle, porteuse d’un lien social qui peut aider tout patient à sortir de son enfermement. Appliquée par le juge dans le respect de la liberté individuelle et de la dignité des patients, la loi nouvelle peut ainsi constituer une garantie pour les patients.

89La lourdeur des procédures qu’elle instaure, aucunement nécessaire à la mise en conformité de la loi à la Constitution, ainsi que les paradoxes qu’elle contient semblent néanmoins quelque peu restreindre la voie de liberté qui pouvait pourtant s’ouvrir.

90Pour le reste, le chantier est immense et dépasse largement les compétences du juge. Et est loin d’être achevé.

91Conflits d’intérêts: aucun.


Mots-clés éditeurs : juge, rôle, droit du malade, législation, liberté individuelle, hospitalisation sous contrainte

Mise en ligne 15/11/2012

https://doi.org/10.1684/ipe.2011.0861

Notes

  • [*]
    Vice-présidente du TGI de Pontoise, Pontoise, France
    Isabelle.Rome@justice.fr
  • [**]
    Los Sages: nombre, con sentido de sabiduría entre sabio y filósofo que se les da a los miembros del Consejo Constitucional francés (NdT).
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