Notes
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Médecin colombien, spécialiste en psychiatrie et en addictologie, doctorant en psychanalyse à l’université Paris 7.
<fedecaro@yahoo.fr> -
[1]
Le mot « automatisme » a été utilisé des le début du XIXe siècle, notamment pour exprimer le point de vue cartésien selon lequel les animaux, contrairement aux hommes, sont des machines. Ensuite le terme désigne une activité involontaire [19]. Esquirol l’utilise en faisant allusion à l’épilepsie [2].
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[2]
Dromo signifie en grec course, particulièrement celle des chevaux.
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[3]
À l’époque, la question était de savoir dans quel genre de maladie classifier le déplacement pathologique, l’épilepsie ou l’hystérie. Les discussions voient s’affronter des groupes de médecins qui deviendront après neurologues ou psychiatres-aliénistes.
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[4]
À l’époque, les définitions sont très variées et dépendent de chaque auteur ; par exemple ici, il est contradictoire de prendre les critères de Jules Voisin pour faire la différence entre automatisme hystérique et épileptique : « a) La perte de la conscience n’est pas absolue chez l’épileptique mais totale chez l’hystérique. b) L’amnésie consécutive n’est pas complète dans l’épilepsie. Dans l’hystérie, elle est lacunaire. c) Chez l’hystérique il y a dédoublement des séries mnésiques ; les événements sont donc révocables avec l’hypnose ». J. Voisin, cité dans [2].
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[5]
Selon mon hypothèse, cette épidémie, ou plutôt, la possibilité de se rendre compte des comportements inadaptés des voyageurs, est influencée par l’identification des personnes grâce à la carte d’identité, qui a été créée en 1888 par un décret obligeant les étrangers à une déclaration d’identité. En 1893, la loi a élargi la mesure aux étrangers voulant travailler en France et, en 1912, exige un carnet anthropométrique pour les nomades. Au moment de la première guerre, la carte d’identité devient obligatoire pour tous les étrangers.
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[6]
Pour qu’un individu soit affecté par cette « épidémie », Hacking définit quelques critères : avoir un style de vie régulier, un foyer stable, être citadin (il n’y a pratiquement pas de paysans, ni de fermiers) et un homme. Le prototype du fugueur est donc le conscrit de l’Armée [19].
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[7]
C’est-à-dire une possibilité de devenir malade qui se retrouve « à la mode » pour disparaître plus tard. Si on peut donner des limites d’existence à une maladie, cela serait la notion de « fugue hystérique » et non du voyage pathologique comme l’affirme Hacking.
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[8]
Le syndrome du juif errant est confondu avec le syndrome de Munchausen et parfois donné comme synonyme. Henri Meige, élève de Charcot, décrit dans sa thèse, Certains névropathes voyageurs, des Juifs d’Europe centrale ou de l’Est cherchant remède à leurs maux dans tous les grands hôpitaux d’Europe [14].
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[9]
Avant la première guerre mondiale, les observations pour désertion ou absence illégale sont très importantes dans les expertises médicales militaires en France et en Allemagne. Le problème médical « est d’abord d’empêcher les déserteurs d’aller en prison et ensuite d’être condamnés à des longues peines de travaux forcés. S’il est possible de prouver qu’ils souffrent de dromomanie, ils sont relâchés ou ne se voient infliger qu’une peine mineure » [19]. On comprend pourquoi Hacking considère le conscrit comme le prototype du fugueur et aussi pourquoi les recherches de l’époque se faisaient plutôt dans les pays, France et Allemagne, qui avaient une Armée de conscription.
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[10]
Les fugues au cours des états de démence peuvent être la première manifestation d’un affaiblissement intellectuel dans un contexte de changement du cadre habituel ou d’épisode dépressif.
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[11]
Selon Benon (1908), au cours de l’épilepsie et de sa variété le petit mal peut survenir une fugue [18]. Le syndrome de Lennox-Gastaut entraîne parfois des automatismes et une atonie [30] ; dans les années 1970, Henri Ey évoquait la possibilité d’un déplacement au cours d’une absence « … le sujet peut continuer une activité automatique (marche ou paroles stéréotypées) » [13].
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[12]
Décrit par Richard Asher en 1951, c’est un des exemples de la pathologie factice ; il fait allusion aux personnes qui, comme le baron de Munchausen au XVIIIe siècle, voyagent et mentent en cherchant des bénéfices secondaires à l’attention médicale ; ce syndrome est souvent présent chez les alcooliques et les toxicomanes [14].
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[13]
Le syndrome de Ganser correspond à la production volontaire de syndromes psychiatriques inquiétants au cours desquels on observe parfois des réponses approximatives (par ex. 4 x 5 = 21). Il peut survenir chez des personnes souffrant d’autres troubles psychiatriques. Sa guérison est soudaine et le patient dit habituellement qu’une amnésie recouvre l’épisode en question [21].
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[14]
Le terme running amok est d’utilisation courante aux États-Unis et fait allusion à une action individuelle irrationnelle. Le mot est dérivé du malais mengamok, et la première description en a été faite par le capitaine Cook en 1770 en Malaisie. Les recherches psychiatriques l’ont décrit chez certaines tribus indigènes de Philippines, Porto Rico, Laos et Papouasie Nouvelle Guinée.
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[15]
Landy, en 1985, a décrit comment le pibloktoq pourrait être causé par une hypervitaminose A.
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[16]
Le docteur Graziella Magherini décrit ses observations faites à l’hôpital de Florence. Le nom attribué au syndrome vient d’un passage du livre autobiographique de Stendhal, Rome, Naples et Florence, écrit en 1817. L’auteur raconte comment, dans une visite à l’église de Santa Croce, il contemple longtemps les fresques de Volterrano et éprouve un vertige, une crise d’angoisse accompagnée d’un malaise qui l’obligent à quitter l’église. L’unique possibilité qu’il trouve pour retrouver le calme est de lire un poème de Foscolo : Les sépulcres [20].
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[17]
Dans son livre, Fous de l’Inde, délires occidentaux et sentiments océaniques, Airault propose que « l’expérience indienne invite à une exploration de l’originaire » et peut faire apparaître des décompensations psychiatriques graves. Il soutient que « l’Inde peut rendre ‘fous’ les Occidentaux » [11].
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[18]
Description faite par Joseba Achotegui, directeur du Sappir (Servicio de Atención Psicopatológica y Psicosocial a Inmigrantes y Refugiados) de l’hôpital de Sant Pere Claver à Barcelone (document non encore publié).
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[19]
Il détaille sept composants du deuil migratoire : deuil de la famille et des amis, deuil de la langue, deuil de la culture, deuil de la terre, deuil pour la perte du niveau social, deuil causé par la prise de risques physiques, deuil de son ethnie d’origine.
1Le déplacement a toujours été très important dans la plupart des cultures, il fait partie des mythes fondateurs des peuples et des religions. Un grand voyage est souvent initiatique, c’est la fin ou le début d’une époque ou d’une histoire.
2Voyager est actuellement facile et banalisé dans une Europe sans frontières ; on se déplace pour le tourisme, pour le travail, pour le plaisir de voyager, mais cela peut être la conséquence d’une affection physique ou motivé par une idée délirante. On ne peut pas prévoir les réactions des touristes même s’ils n’ont aucun antécédent psychiatrique ; on ne peut pas savoir quelle est l’intention d’un voyageur s’il ne se fait pas remarquer, mais le psychiatre peut peut-être prévenir des décompensations chez ses patients s’il les aide à préparer leur voyage.
3Les études en psychopathologie ont abouti au concept de voyage pathologique, concept exclusivement français qui se réfère au comportement, au passage à l’acte d’une personne qui est atteinte d’une maladie ; on va voir quelle est son évolution historique, sa définition la plus appropriée et ses diagnostics différentiels.
Historique
4Beaucoup de termes ont été utilisés et repris dans la sémiologie du voyage. Tout d’abord, Esquirol a décrit certains déplacements pathologiques à travers la monomanie intellectuelle, qui à l’époque était liée à un trouble de jugement et aux délires partiels, et parle surtout du voyage comme moyen thérapeutique grâce à l’isolement du malade [12].
5Dans la médecine américaine, on retrouve une allusion isolée au déplacement pathologique avec la « drapetomanie », mot créé en 1850 par une commission de la société médicale de l’état de Louisiane, qui, étudiant les caractéristiques de la race noire, a inventé ce type de folie pour désigner la tendance à s’enfuir des esclaves [19].
6Ensuite, avec les travaux de Foville en 1875, commence en France toute une sémiologie du voyage et une grande quantité de termes sont utilisés et repris pendant quelques décennies jusqu’à la définition du voyage pathologique que l’on retrouve de nos jours, par exemple : automatisme [1] ambulatoire (Tissié en 1887), automatisme somnambulique (Garnier en 1887), impulsion à la déambulation (Duponchel en 1890), accès ambulatoire des alcooliques (Crothers en 1890), déterminisme ambulatoire (Verga en 1891, Borri en 1892 et Funaioli en 1893), vagabondage impulsif (Pitres en 1891), dromomanie (Régis en 1893), automatisme ambulatoire épileptique, hystérique ou liés à une ou autre névrose (Clérambault, Janet et Charcot en 1891), délire ambulatoire, fugue psychasthénique (Raymond en 1895), manie ambulatoire (Berkley en 1897) et poriomanie (Donath et Burg en 1900).
Les aliénés migrateurs
7Lors de son travail à Quatre Mares, Foville a eu l’opportunité de rencontrer plusieurs cas de malades voyageurs. Il dit clairement qu’il ne prétend pas « inventer une nouvelle espèce de folie ». Au contraire, il veut montrer comment le voyage, un acte qui est « habituellement aussi réfléchi et aussi rationnellement motivé, peut, dans certains cas, être le résultat maladif d’une conception délirante » [15]. La plupart des aliénés migrateurs sont des persécutés hallucinés. Pour fuir leurs ennemis, ils changent de quartier, de ville, de pays, mais en vain. Ils peuvent voyager aussi pour retrouver l’être bien aimée (érotomanie) ou la reconnaissance d’un titre (délire de filiation).
8Pour Foville, il existait cinq catégories de malades qui voyagent : les imbéciles qui vagabondent, les dipsomanes, les épileptiques, les déments et les aliénés voyageurs. Tous ont en commun avec les aliénés voyageurs le fait de se déplacer et de quitter leur résidence, mais il n’y a pas d’analogie concernant les motifs de leurs déplacements.
Dromomanie ou fugue du dégénéré
9Etienne Régis, un proche associé de Pitres, invente le terme « dromomanie » [2] vers 1893 pour désigner une impulsion irrésistible de fuite. La fugue devient l’épisode, la dromomanie devient le trouble de la fugue compulsive, recouvrant non seulement les fugues épileptiques ou hystériques, mais aussi celles qui ne peuvent être inscrites dans aucune des deux.
Accès ambulatoire des alcooliques
10Décrit par Crothers en 1890, il consiste en une perte de mémoire, un état nerveux particulier produit ou développé par l’alcool. Un grand nombre d’individus agissent comme de coutume et font dans l’état automatique ce qu’ils ont l’habitude de faire chaque jour.
Automatisme ambulatoire hystérique ou épileptique ?
11Le grand maître de l’époque, Charcot, est amené à se prononcer pendant les années 1880 et il parle « d’automatisme » en suivant le concept tel qu’il a été développé par John Hughlings Jackson. Il va en faire le mécanisme commun à un certain nombre de phénomènes préexistants, l’amnésie traumatique, les épilepsies non convulsives, le somnambulisme et les voyages des aliénés [3]. Pour Charcot, un individu a des comportements automatiques après « un accès d’épilepsie et, sous l’influence de rêves épouvantables, il devient violent, il casse, il brise tout, et puis il se met à marcher… ces épileptiques-là peuvent assassiner quelqu’un ou se suicider » [19].
12La définition de l’automatisme ambulatoire sera reprise par Pitres au congrès de médecine de Bordeaux en 1895. C’est un « épisode morbide, survenant par accès, dans lesquels le malade, obéissant à une impulsion subite et irrésistible, quitte brusquement le domicile et erre à l’aventure pendant un temps plus ou moins long. Après quoi, l’impulsion ayant cessé, il rentre chez lui et y vit tranquille jusqu’à ce qu’un nouvel accès provoque une fugue aussi imprévue et aussi irraisonnée que la précédente » [9].
Automatisme ambulatoire (accès ambulant) de l’hystérique
13Le patient présente une méthode dans l’action du départ, la coordination de ses actes est parfaite, il semble sain, peut entreprendre un travail et le fait avec intelligence. Il n’est pas totalement amnésique et il peut se rappeler des actes accomplis par intermédiaire de l’hypnose. Cela s’explique, selon Raymond et Janet, par le « rétrécissement de conscience qui permet l’idée fixe de passer du subconscient au conscient et qui provoque le passage à l’acte ou le voyage » [9] ; cette idée fixe ne laisse pas de place pour une autre pensée qui reste ainsi latente jusqu’au moment d’un changement d’équilibre.
Automatisme ambulatoire (accès ambulant) de l’épileptique
14Le patient présente une inconscience absolue, une absence de coordination de ses mouvements et il n’a pas de notion de la direction qu’il a prise. « Ils errent sans but, s’emparant des objets et renversant souvent devant eux ce qui les gêne. L’amnésie est totale et le souvenir est impossible à l’état de sommeil hypnotique » [4]. Dans la plupart des cas, les patients sont « absolument inconscients des actes qu’ils accomplissent ou des attitudes qu’ils prennent au cours de leur crise comitiale » [8]. Cet acte, qui entraîne comme corollaire l’irresponsabilité du sujet, est assez généralement admis au début du XXe et on tend souvent a priori à regarder comme de nature épileptique tout acte anormal effectué par un individu en apparence sain et ignorant sincèrement les faits qui lui sont reprochés.
L’automatisme ambulatoire de Philippe Tissié
15Philippe Tissié travaille dans le service de Pitres à Bordeaux et entre en concurrence avec le concept de « fugue (automatisme ambulatoire) épileptique » de la Pitié et du maître Charcot. Il écrit sa thèse en 1887 en rapport au cas d’Albert Dadas et la reprend ensuite plusieurs fois pour ses recherches. Dadas « commence à fuguer vers l’âge de 12 ans, il continue en l’adolescence en France et en Algérie ; engagé dans l’Armée, il déserte une première fois et visite la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Autriche. La deuxième fois, il va plus loin en passant par la Belgique, Prague, Berlin, Varsovie, Moscou, la Turquie, Vienne, la Suisse et finalement l’intérieur de la France ». À cause de cette désertion, il est condamné à trois ans de travaux publics en Algérie. À son retour en France, il habite à Bordeaux et se marie. Il est hospitalisé chez Pitres en 1886 d’où il fugue régulièrement. Ces crises sont précédées d’un malaise prémonitoire, « il est captivé par un nom de lieu et ensuite il vole un peu d’argent, et part inconscient. Puis il se réveille, quelques jours plus tard, amnésique, dans telle ou telle ville d’où il se fait ramener à Bordeaux » [2]. Sous hypnose, on peut lui faire raconter ses voyages. C’était un jeune homme, bon travailleur, hostile à l’alcool, menant une vie calme et régulière, mais saisi parfois d’un besoin impérieux de partir [5]. Pitres pense que Dadas est hystérique. Quand celui-ci déménage à Paris en 1889, son cas y est re-étudié et deviendra une sorte de « paradigme national des fugues hystériques » [2].
16Hacking, dans son livre, les Fous voyageurs [19], reprend longuement le travail de Tissié ; il se demande pourquoi cette thèse développe un tel enthousiasme dans le milieu psychiatrique et évoque une épidémie des fugues [5] qui aurait duré plus de vingt ans suite à cette thèse [6] ; c’est une « maladie mentale transitoire » [7]. Il ne s’agit pas d’une épidémie au sens épidémiologique, mais simplement de la manifestation clinique décrite par Foville, déformée et reprise pendant trois décennies très fréquemment dans la littérature médicale, et qui va se redéfinir devant un concept nouveau, celui de Bleuler, la démence précoce qui deviendra ensuite la schizophrénie [5].
Délire ambulatoire
17Ce terme a été proposé par Fulgence Raymond (1895) pour remplacer celui d’automatisme ambulatoire. Successeur de Charcot, celui-ci souligne que même un épileptique peut souffrir de délire ambulatoire-fugue-hystérique. Un homme peut avoir les deux maladies à la fois et, « s’il est hystérique, il doit être traité par l’hypnose et non par le bromure ». Raymond propose aussi le terme de « fugue psychasthénique » repris de Janet à la fin du XIXe siècle, une catégorie qui s’ajoute aux fugues épileptique et hystérique et qui n’implique pas une amnésie sérieuse. Pour lui la fugue comprend une impulsion irrésistible à accomplir un acte ; cet acte est accompli d’une manière intelligente et, à la fin de l’action impulsive, il y a oubli complet [4].
18Dans la littérature, on va parler ensuite des « psychoses migratrices », de la « paranoïa ambulatoire », des « fugues de la mélancolie » quand elles sont liées à la dépression, et même de « manie ambulatoire », mais il s’agit de termes différents qui ne changent pas vraiment les concepts précédents. Chez les patients déments, ont été décrites des « fugues de la démence du paralytique » et de la « démence sénile » [2].
Vagabondage
19À la différence de la fugue qui est accidentelle, Benon, en 1908, explique que le vagabondage est un comportement permanent : « Un état morbide habituel de l’activité au cours duquel le malade exécute des marches, voyages, etc. sous l’influence de troubles psychiques » [4]. Pour lui, la plupart des malades décrits par Foville, Tissié et Wahl sont des vagabonds.
20Le vagabondage est caractérisé par un mode de vie sans domicile fixe ni moyen stable de subsistance et par la crainte qu’il suscite pour l’ordre public.
21Le concept de « vagabond de race », va se développer à partir du terme « juif névropathe et vagabond » avec le cas Klein décrit par l’école de Charcot [8].
Fugue
22Une fugue [9] est un « acte morbide de l’activité, accidentel, transitoire, qui survient presque toujours par accès, au cours duquel le malade exécute un déplacement anormal, marche, course, voyage, etc. sous l’influence des troubles psychiques » [18]. C’est un accès de durée généralement courte, tandis que le vagabondage est un état chronique.
23Les fugues se caractérisent par leur caractère souvent brutal, explosif, plus ou moins adapté. Il n’y a pas de désorientation temporospatiale et le sujet semble être sain. Elle s’inscrit le plus souvent au cours d’une maladie mentale. Mais il y a aussi la fugue inconsciente et amnésique de l’épileptique, des déments ou de ceux qui souffrent d’une altération de l’état de conscience. Le traitement sera celui de la maladie en cause ou de l’inadaptation sociale.
Fugues de l’enfance et de l’adolescence
24Il est important de les considérer séparément des fugues de l’adulte. À cet âge, c’est souvent une réaction psychoaffective à un milieu social nocif ou à une situation présente anormale ou insoutenable pour un enfant à caractère ou une personnalité fragile. Au cours de ces fugues, il y a une fréquence élevée des délits.
25Dans ses lettres à Romain Rolland, Freud disait de la pulsion de voyage qu’elle « trouve sa cristallisation dans l’adolescence où la tentation de la fugue est la plus forte et s’enracine dans l’insatisfaction de la famille… le désir ardent de voyager était certainement une expression du désir d’échapper à cette pression qui incite tant d’adolescents à s’en aller de la maison… » [32]. Ainsi le voyageur est-il pris dans un mouvement d’insatisfaction et de fuite de l’autorité parentale dans sa fonction limitante.
Errance
26L’errance est une déambulation sans logique ni but apparent. Elle n’est pas sans lien avec le voyage, ou plutôt la « fugue », dont elle pourrait représenter un reste, lorsque le retour se révèle brusquement impossible.
Voyage pathologique
27La notion de voyage pathologique est introduite en 1914 par Briand, Morel et Livet, pour qui ces voyages sont des « voyages pathologiques et non fugues délirantes. En effet, le voyage pathologique ne comporte ni l’impulsivité, ni les troubles de la conscience de la véritable fugue » [6]. Le terme n’a pas été contesté depuis.
28C’est à Lévy-Valensi, en 1935, que l’on doit le fait d’avoir exhumé la notion d’aliéné migrateur pour la réserver aux cadres délirants et en éliminer définitivement les fugues.
29Actuellement, on peut dire que le voyage pathologique est celui qui a été motivé par une raison exclusivement psychopathologique, c’est-à-dire que « le délire a été le moteur du voyage » [11]. Il s’agit souvent d’un délire avec hallucinations, « dans le cadre ou non, de l’automatisme mental » [7]. Il faut prendre en compte le risque d’issue suicidaire.
30En 1981, Caroli et Massé ont proposé une classification du voyage pathologique : simple, sa fonction est d’obéir à une idée délirante sans y être intégré (chez les persécutés, les érotomanes, les hallucinés, les paraphrènes et les maniaques) ; secondaire, il s’intègre au contenu du délire : « il s’agit du voyage pour le voyage, équilibrant peut-être, mais voyage pathologique parce qu’autistique » [7]. Le voyage n’apparaît pas directement lié à une activité délirante, mais à une idée suicidaire qui est son déclencheur. Finalement, le voyage pathologique pur a pour fonction d’obéir au délire ou à l’hallucination et de s’intégrer à son contenu.
31Le voyage pathologique est considéré comme un acte symptomatique, le voyageur part malade. Le patient qui a des antécédents psychiatriques stabilisés peut décompenser et il est important, dans la clinique et le suivi au long cours, de préparer son voyages pour prévenir toute décompensation à l’étranger car ses antécédents psychiatriques peuvent lui faire perdre le droit au rapatriement.
32Les compagnies d’assistance médicale se sont, elles aussi, développées pour répondre à la particularité du rapatriement psychiatrique. Elles ont progressivement compris l’importance de disposer d’une équipe spécialisée pour le gérer [27, 32].
33Les troubles psychiatriques représentaient, en 1993, entre 15 et 20 % des rapatriements sanitaires [29]. Les pathologies délirantes aiguës représentent environ la moitié des cas psychiatriques faisant l’objet des rapatriements. Ensuite viennent les troubles thymiques non délirants avec en premier les troubles anxieux, l’alcoolisme et la toxicomanie [31]. Il n’y a pas de statistiques récentes.
Freud et le voyage pathologique
34Freud, en 1907, dans le commentaire qu’il fait sur la Gradiva de Jensen, se livre à l’analyse du voyage pathologique de Norbert Hanold, le héros. Il montre comment un délire peut surgir chez le névrosé et peut l’amener à des pérégrinations à première vue insensées. « Le voyage à Pompei, à la recherche des empreintes si particulières laissées sur la cendre par les pieds de Gradiva, constitue un type parfait de l’acte accompli sous l’empire d’un délire » [16]. Le cas devrait être qualifié de délire et non de paranoïa. Freud, à ce passage, fait une analyse du délire comme un compromis entre l’érotisme réprimé et les puissances psychiques dans un état de refoulement. « Deux caractères principaux distinguent le délire d’autres perturbations. En premier lieu, il appartient au groupe des états pathologiques qui n’ont pas une influence immédiate sur le soma, mais qui se manifestent uniquement par des symptômes animiques ; en deuxième, il se caractérise par le fait que, dans le délire, la fantaisie acquière la domination suprême », c’est-à-dire se retrouve dans le sujet et influe sur ses actes. Ainsi, le voyage de Hanold à Pompei à la recherche des traces de Gradiva constitue un excellent exemple de voyage pathologique. Pour Freud, il s’agirait d’une « érotomanie fétichiste », mais il précise qu’il « ne faut pas oublier que toutes ces qualifications et divisions du délire, fondées dans leur contenu, sont très peu sûres et inutiles ».
Diagnostics différentiels du voyage pathologique
35Un grand nombre d’affections peuvent être à l’origine d’un déplacement pathologique : troubles dissociatifs, démence [10], épilepsie [11], toutes les causes de confusion comme les infections et les néoplasmes cérébraux, la sclérose en plaques, les médicaments ou substances illicites, les troubles métaboliques, la sismothérapie (ou autre important choc électrique), l’amnésie des troubles du sommeil (somnambulisme), le syndrome de Wernicke-Korsakoff, l’état de stress post-traumatique, l’état de stress aigu, les troubles somatoformes (somatisation, trouble de conversion), la simulation (en particulier avec une activité criminelle) et, enfin, le syndrome de Munchausen [12].
36Dans le cas d’un déplacement pathologique au cours d’un état psycho-organique, il y a une altération de l’état de conscience ou de l’état des fonctions cognitives. Le départ est sans préparation et s’accompagne de troubles du contact ou du comportement. Il s’agit de déambulations plutôt chaotiques, automatismes psychomoteurs qui débutent de façon brutale, et le retour à la conscience s’accompagne d’une amnésie lacunaire de l’épisode. Les examens clinique, biologique et électroencéphalographique permettent de faire le diagnostic.
Les troubles dissociatifs
37Un trouble dissociatif se présente lorsqu’une personne se sent détachée d’elle-même ou de son environnement, comme dans un rêve ou comme si elle vivait au ralenti [10]. Il y a une rupture soudaine ou progressive, transitoire ou chronique, des fonctions normalement intégrées, la conscience, la mémoire, l’identité ou la perception de l’environnement [21]. Pour le DSM IV-TR, les troubles dissociatifs les plus importants sont l’amnésie dissociative et la fugue dissociative [1].
38Il existe une comorbidité importante avec d’autres troubles ou situations de risque psychiatriques, par exemple les états dépressifs, les troubles anxieux, les états conversifs, les états de stress aigu ou post-traumatique, la schizophrénie ou le trouble de la personnalité borderline [17]. Il y a une forte corrélation entre la dépersonnalisation et des signes psychotiques aigus dans la population étudiante. Les expériences dissociatives sont observées fréquemment dans la population générale ; elles surviennent autant chez les sujets masculins que féminins et tendent à diminuer avec l’âge [25]. L’adolescence constitue un point crucial de transition et d’organisation pour les expériences dissociatives qui vont prendre part dans plusieurs processus pathologiques en cours.
39Ces troubles peuvent se diviser en deux catégories : les épisodes de dépersonnalisation et les épisodes de déréalisation. Dans le premier, les perceptions s’altèrent et on perd le sens de sa propre réalité, de son vécu ou de son identité ; il y a une altération de ses processus mnésiques, de ses relations avec le monde ou avec soi-même. Dans le deuxième, on perd le sens du monde externe, les choses peuvent changer de forme ou de dimension. L’influence des facteurs sociaux et culturels est évidente.
40Dans la classification du CIM10, il y a d’autres troubles dissociatifs, comme la stupeur dissociative, les troubles de transe et de possession, les troubles moteurs dissociatifs, les convulsions dissociatives, l’anesthésie et la perte de sensibilité dissociative, les troubles dissociatifs mixtes (syndrome de Ganser [13], trouble de la personnalité multiple, troubles dissociatifs transitoires de l’enfance et de l’adolescence et autres troubles dissociatifs spécifiés) et les troubles dissociatifs non spécifiés.
Fugue dissociative
41Le symptôme primaire de ce désordre est le voyage inattendu loin du domicile, l’incapacité à se rappeler des aspects importants de sa vie et l’adoption partielle ou complète d’une nouvelle identité. Les états de fugue s’interrompent habituellement de façon brutale. Le désordre disparaît seul, typiquement ; les personnes se rétablissent et se souviennent de ce qu’elles ont oublié. Le pronostic de ce syndrome est très bon et il est extrêmement rare qu’il continue plus d’un mois. La psychothérapie psychodynamique vise à aider la personne à reconstituer ses souvenirs perdus, la résolution de ses conflits et situations stressantes et le développement de moyens mieux adaptés à leur confrontation. Si l’amnésie est persistante, l’hypnose ou des médicaments employés en anesthésie comme le Pentothal® (thiopental, le sérum de la vérité) ou l’amobarbital, peuvent parfois aider à reconstituer la mémoire [21].
42Une forme distincte de trouble dissociatif inexistant dans les cultures occidentales est l’amok, dont la plupart des victimes sont de sexe masculin. L’état d’amok s’apparente à une transe, les personnes sont souvent prises de fureurs durant lesquelles elles agressent brutalement, voire parfois tuent, des animaux ou des personnes et ne s’en souviennent généralement pas [28] [14]. À l’exception de l’amok, la fréquence des troubles, dont le symptôme principal est la fuite, est plus importante chez les femmes, comme l’est également la fréquence de la plupart des troubles dissociatifs [10]. Les troubles impliquant la fuite sont appelés pibloktoq en Arctique [24] [15] et folie sorcière chez les indiens Navajos.
Décompensation psychique pendant ou après le voyage : jet-lag
43Ce terme fait référence aux conséquences physiques liées au voyage et, si celles-ci se présentent, à ses répercussions psychiques. Cette décompensation est liée aux conditions particulières du voyage comme le changement climatique (grand froid, forte chaleur, humidité, pluies, etc.), la rencontre des nouvelles cultures et populations, l’affrontement de la surpopulation ou la solitude, les risques sanitaires spécifiques, les infections, les parasites, etc., les infrastructures déficientes (routes ou pistes en mauvais état, ressources sanitaires précaires, etc).
44Le syndrome du jet-lag associe une asthénie, des troubles gastro-intestinaux avec inappétence, des céphalées, une diminution des performances physiques et des capacités cognitives [23], une irritabilité, une labilité thymique, des troubles du sommeil et, enfin, une somnolence diurne. Ces symptômes sont similaires à ceux de la dépression [22]. La mélatonine a été proposée comme traitement.
Décompensation psychique à cause de l’endroit visité : syndrome de Stendhal [16]
45C’est la présence de manifestations psychopathologiques bruyantes et souvent brèves survenues au cours d’un voyage dans une ville d’art ; parfois, peuvent se déclencher des crises psychotiques avec hallucinations et délires, qui résulteraient d’un choc subjectif produit par la contemplation d’une œuvre d’art majeure.
46Ces troubles, relativement fugaces, disparaissent sans laisser de séquelles. Il y a une désorientation temporale, le passé et le présent se mêlent et la notion du temps semble abolie. On est alors clairement devant une épisode dissociatif.
Syndrome d’Inde
47Les services consulaires français ont considéré nécessaire d’ouvrir un service psychiatrique à l’intention des épisodes psychopathologiques des touristes en Inde. Le syndrome de l’Inde a été décrit par Régis Airault [17].
48Le docteur Sauteraud fait partie d’une des premières équipes médicales qui a travaillé en Inde. Dans son étude des rapatriements sanitaires en France, il observe que la plupart des épisodes psychotiques proviennent d’Asie-Océanie, principalement d’Inde, du Népal et de Thaïlande [29]. Selon lui, l’hypothèse de la consommation de psychotropes comme déclencheur pourrait ne pas être toujours l’explication, contrairement à ce que l’on pensait pendant les années 1970 quand a commencé le tourisme à la recherche de toxiques. Tout le monde peut avoir transitoirement une interprétation délirante, dans un pays où on est « regardé » et « poursuivi ».
Syndromes de Paris et de New York
49On décrit depuis quelques années les syndromes de Paris et de New York, surtout chez les touristes japonais qui ont idéalisé leur voyage à « la ville la plus belle du monde » ou « à la capitale du monde » et qui peuvent se retrouver déçus et développer un épisode psychotique devant des situations d’insécurité ou de violence.
Syndrome de Tahiti
50Le syndrome de Tahiti ou des voyageurs en Polynésie est aussi une manifestation psychopathologique après le voyage chez une personne qui n’a aucune pathologie psychiatrique avant le départ [26]. Dans son article, Petit parle de trois mythes qui accompagnent les voyageurs en Polynésie : le mythe du Robinson (cas des exilés volontaires sur des îles désertes où ils pourront se retrouver isolés dans une nature vierge, parfois dans une démarche psychotique), le mythe du bout du monde (souvent des délirants mystiques, qui cherchent les lieux mystérieux et lointains… où se situent les restes de civilisations disparues, civilisations mères détentrices du grand secret) et, enfin, le mythe de la nouvelle Cythère (touriste décu devant la réalité tahitienne qui n’est pas paradisiaque).
Syndrome de Jérusalem
51Entre 1980 et 1993, 1200 touristes ont eu des problèmes mentaux après leur visite à Jérusalem ; 470 ont été hospitalisés et cela a entraîné l’ouverture d’un service spécialisé pour leur accueil. En moyenne, une centaine de patients sont vus par an dont 40 sont admis à l’hôpital [3].
52Le syndrome de Jérusalem s’exprime le plus souvent par des troubles légers – malaise diffus, angoisse modérée, insomnie – accompagnés d’une exaltation de la pensée et parfois une crise psychotique avec confusion, excitation, hallucination et délire [20].
53Les médecins du service spécialisé ont décrit trois sous-groupes de patients dans le syndrome de Jérusalem :
- Type I. Le syndrome de Jérusalem se surimpose à une maladie psychotique préexistante. Le voyage en Israël est directement corrélé avec la « condition mentale et l’influence des idées religieuses ». Le syndrome se sous-divise en quatre et on comprend qu’il s’agit dans les trois premiers de voyages pathologiques.
- Type II. Le syndrome de Jérusalem est surimposé à une idéation idiosyncrasique compliquée. Les personnes ont un trouble mental comme une personnalité pathologique ou une idée obsessive fixe mais sans pathologie psychotique évidente.
- Type III. C’est la forme discrète du syndrome de Jérusalem : il n’y a pas de pathologie mentale préexistante ; cette forme est peu courante (42 cas entre 1980 et 1993). Le touriste a une crise psychotique (sans hallucination, mais une idéation délirante mystique) à Jérusalem, sans avoir consommé de toxique et sans avoir de graves difficultés personnelles. Il aurait une récupération spontanée et progressive après avoir quitté le pays jusqu’à un retour à son état précédent. Ce dernier pourrait être classé parmi les troubles dissociatifs.
Syndrome d’Ulysse ou syndrome de l’immigrant avec stress multiple et extrême [18]
54Il a été décrit en 2002. L’expatrié, celui qui émigre à la recherche d’une meilleure situation économique ou sociale, se retrouve dans un pays d’accueil qui lui pose des conditions et exige de lui des comportements qui dépassent ses capacités d’adaptation ; il est exposé à des situations de stress qui génèrent des manifestations psychopathologiques.
55L’origine de ce syndrome est le « deuil migratoire » [19], qui se distingue des deuils causés par la perte d’un être aimé. En effet, l’objet de deuil – le pays d’origine – ne disparaît pas. Alors, il « existe » toujours la possibilité de retourner au lieu d’origine. Dans ce sens, le deuil migratoire est causé par une séparation et non par une perte. Le fantasme de retour transforme le deuil en quelque chose d’infini et de difficile à élaborer.
Conclusion
56Nous avons vu comment, par rapport au déplacement pathologique aux XIXe et XXe siècles, les études ont aidé à établir les différences entre la psychiatrie et la neurologie. Le développement du concept du voyage pathologique a donné lieu à de nombreux articles depuis qu’il a été décrit par Foville et qu’il a été à la mode grâce aux travaux de Tissié et de Charcot, ce qui a représenté un fort impact social à cause de ses répercussions médicolégales.
57Mais, après Charcot, l’hégémonie française commence à trouver ses dissidents. L’arrivée de la psychanalyse est une grande révolution et les mêmes phénomènes peuvent être expliqués par une théorie différente.
58L’évaluation clinique approfondie est indispensable pour avoir une approche thérapeutique adéquate devant le patient car un grand nombre d’affections peuvent donner lieu à un tableau clinique similaire.
59Les « syndromes » d’Inde, de Paris, de Stendhal, de Jérusalem et de Tahiti peuvent générer une confusion sémiologique à cause du manque de clarté des concepts des troubles dissociatifs et des différents mécanismes du délire. En revanche, le syndrome d’Ulysse fait réfléchir au voyage et à ses répercussions chez le sujet sans antécédent ; il permet de comprendre comment celui-ci peut développer une symptomatologie de déréalisation ou de dépersonnalisation à cause d’un stress chronique.
60Il est important, dans la clinique et le suivi à long terme des patients, de préparer les voyages pour prévenir une décompensation à l’étranger car la présence d’antécédents psychiatriques peut faire perdre au patient le droit au rapatriement.
Produit dérivé
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Bibliographie
Références
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- 12Esquirol JED. Des maladies mentales. Paris : Frénésie éditions, 1989.
- 13Ey H, Bernard P, Brisset C. Manuel de psychiatrie. Paris : Masson, 1974.
- 14Fenelon G. Le syndrome de Munchausen. Paris : Presses universitaires de France, 1998.
- 15Fovile A. Les aliénés voyageurs ou migrateurs. Etude clinique de certains cas de lypémanie. Ann Med Psychol (Paris) 1875 ; 5 : 5-45.
- 16Freud S. Obras completas, Tome II. El delirio y los sueños en la « gradiva » de W. Jensen. Madrid : Biblioteca nueva, 1996.
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- 18Garnier M, Delamare V. Dictionnaire des termes de médecine. Paris : Maloine, 1997.
- 19Hacking I. Les fous voyageurs. Paris : Les empêcheurs de penser en rond/Le Seuil, 2002.
- 20Haddad A, Haddad G. Freud en Italie : Psychanalyse du voyage. Paris : Albin Michel, 1995.
- 21Kaplan HI, Sadock BJ. Synopsis de psychiatrie. Paris : Pradel, 1998.
- 22Katz G, Durst R, Zislin Y, Barel Y, Knobler HY. Psychiatric aspects of jet lag : review and hypothesis. Med Hypotheses 2001 ; 56 : 20-3.
- 23Kwangwook C, Ennanceur A, Cole JC, Chang KS. Chronic jet lag produces cognitive deficits. J Neurosci 2000 ; 20 : 1-5.
- 24Landy D. Pibloktoq (hysteria) and Inuit nutrition : possible implication of hypervitaminosis A. Soc Sci Med 1985 ; 21 : 173-85.
- 25Moyano O, Thiebaut E, Claudon P. Comparaison des expériences dissociatives à l’adolescence entre un groupe de collégiens et un groupe clinique. Ann Med Psychol (Paris) 2004 ; 162 : 533-40.
- 26Petit Y, Jubert F, Fourcade ML, Amadeo S. Voyages pathologiques à Tahiti : mythes et réalités cliniques. Ann Med Psychol (Paris) 1993 ; 151 : 588-90.
- 27Recassens C. Rapatriements sanitaires pour motif psychiatrique : éléments de psychopathologie du voyage. La lettre de la société de médecine des voyages 2002 ; 3 : 5-7.
- 28Saint-Martin M. Running Amok : a modern perspective on a culture-bound syndrome. Primary Care Companion. J Clin Psychiatry 1999 ; 1 : 66-70.
- 29Sauteraud A, Hajjar M, Goumilloux R, Bourgeois M. Voyages : les psychotiques préfèrent l’Asie. Ann Med Psychol (Paris) 1993 ; 151 : 591-5.
- 30Verdoux H, Goumilloux R, Bourgeois M. Voyages et pathologie psychiatrique : une série de 29 cas. Ann Med Psychol (Paris) 1993 ; 151 : 581-5.
- 31Verebely B, Weil JP. Psychiatrie-assistance : la folie en voyage. Inf Psychiatr 1982 ; 58 : 1267-73.
- 32Zittoun C, Recassens C, Dantchev N. Psychopathologie et voyage : les rapatriements sanitaires psychiatriques. Ann Med Psychol (Paris) 1994 ; 152 : 696-700.
Notes
-
[*]
Médecin colombien, spécialiste en psychiatrie et en addictologie, doctorant en psychanalyse à l’université Paris 7.
<fedecaro@yahoo.fr> -
[1]
Le mot « automatisme » a été utilisé des le début du XIXe siècle, notamment pour exprimer le point de vue cartésien selon lequel les animaux, contrairement aux hommes, sont des machines. Ensuite le terme désigne une activité involontaire [19]. Esquirol l’utilise en faisant allusion à l’épilepsie [2].
-
[2]
Dromo signifie en grec course, particulièrement celle des chevaux.
-
[3]
À l’époque, la question était de savoir dans quel genre de maladie classifier le déplacement pathologique, l’épilepsie ou l’hystérie. Les discussions voient s’affronter des groupes de médecins qui deviendront après neurologues ou psychiatres-aliénistes.
-
[4]
À l’époque, les définitions sont très variées et dépendent de chaque auteur ; par exemple ici, il est contradictoire de prendre les critères de Jules Voisin pour faire la différence entre automatisme hystérique et épileptique : « a) La perte de la conscience n’est pas absolue chez l’épileptique mais totale chez l’hystérique. b) L’amnésie consécutive n’est pas complète dans l’épilepsie. Dans l’hystérie, elle est lacunaire. c) Chez l’hystérique il y a dédoublement des séries mnésiques ; les événements sont donc révocables avec l’hypnose ». J. Voisin, cité dans [2].
-
[5]
Selon mon hypothèse, cette épidémie, ou plutôt, la possibilité de se rendre compte des comportements inadaptés des voyageurs, est influencée par l’identification des personnes grâce à la carte d’identité, qui a été créée en 1888 par un décret obligeant les étrangers à une déclaration d’identité. En 1893, la loi a élargi la mesure aux étrangers voulant travailler en France et, en 1912, exige un carnet anthropométrique pour les nomades. Au moment de la première guerre, la carte d’identité devient obligatoire pour tous les étrangers.
-
[6]
Pour qu’un individu soit affecté par cette « épidémie », Hacking définit quelques critères : avoir un style de vie régulier, un foyer stable, être citadin (il n’y a pratiquement pas de paysans, ni de fermiers) et un homme. Le prototype du fugueur est donc le conscrit de l’Armée [19].
-
[7]
C’est-à-dire une possibilité de devenir malade qui se retrouve « à la mode » pour disparaître plus tard. Si on peut donner des limites d’existence à une maladie, cela serait la notion de « fugue hystérique » et non du voyage pathologique comme l’affirme Hacking.
-
[8]
Le syndrome du juif errant est confondu avec le syndrome de Munchausen et parfois donné comme synonyme. Henri Meige, élève de Charcot, décrit dans sa thèse, Certains névropathes voyageurs, des Juifs d’Europe centrale ou de l’Est cherchant remède à leurs maux dans tous les grands hôpitaux d’Europe [14].
-
[9]
Avant la première guerre mondiale, les observations pour désertion ou absence illégale sont très importantes dans les expertises médicales militaires en France et en Allemagne. Le problème médical « est d’abord d’empêcher les déserteurs d’aller en prison et ensuite d’être condamnés à des longues peines de travaux forcés. S’il est possible de prouver qu’ils souffrent de dromomanie, ils sont relâchés ou ne se voient infliger qu’une peine mineure » [19]. On comprend pourquoi Hacking considère le conscrit comme le prototype du fugueur et aussi pourquoi les recherches de l’époque se faisaient plutôt dans les pays, France et Allemagne, qui avaient une Armée de conscription.
-
[10]
Les fugues au cours des états de démence peuvent être la première manifestation d’un affaiblissement intellectuel dans un contexte de changement du cadre habituel ou d’épisode dépressif.
-
[11]
Selon Benon (1908), au cours de l’épilepsie et de sa variété le petit mal peut survenir une fugue [18]. Le syndrome de Lennox-Gastaut entraîne parfois des automatismes et une atonie [30] ; dans les années 1970, Henri Ey évoquait la possibilité d’un déplacement au cours d’une absence « … le sujet peut continuer une activité automatique (marche ou paroles stéréotypées) » [13].
-
[12]
Décrit par Richard Asher en 1951, c’est un des exemples de la pathologie factice ; il fait allusion aux personnes qui, comme le baron de Munchausen au XVIIIe siècle, voyagent et mentent en cherchant des bénéfices secondaires à l’attention médicale ; ce syndrome est souvent présent chez les alcooliques et les toxicomanes [14].
-
[13]
Le syndrome de Ganser correspond à la production volontaire de syndromes psychiatriques inquiétants au cours desquels on observe parfois des réponses approximatives (par ex. 4 x 5 = 21). Il peut survenir chez des personnes souffrant d’autres troubles psychiatriques. Sa guérison est soudaine et le patient dit habituellement qu’une amnésie recouvre l’épisode en question [21].
-
[14]
Le terme running amok est d’utilisation courante aux États-Unis et fait allusion à une action individuelle irrationnelle. Le mot est dérivé du malais mengamok, et la première description en a été faite par le capitaine Cook en 1770 en Malaisie. Les recherches psychiatriques l’ont décrit chez certaines tribus indigènes de Philippines, Porto Rico, Laos et Papouasie Nouvelle Guinée.
-
[15]
Landy, en 1985, a décrit comment le pibloktoq pourrait être causé par une hypervitaminose A.
-
[16]
Le docteur Graziella Magherini décrit ses observations faites à l’hôpital de Florence. Le nom attribué au syndrome vient d’un passage du livre autobiographique de Stendhal, Rome, Naples et Florence, écrit en 1817. L’auteur raconte comment, dans une visite à l’église de Santa Croce, il contemple longtemps les fresques de Volterrano et éprouve un vertige, une crise d’angoisse accompagnée d’un malaise qui l’obligent à quitter l’église. L’unique possibilité qu’il trouve pour retrouver le calme est de lire un poème de Foscolo : Les sépulcres [20].
-
[17]
Dans son livre, Fous de l’Inde, délires occidentaux et sentiments océaniques, Airault propose que « l’expérience indienne invite à une exploration de l’originaire » et peut faire apparaître des décompensations psychiatriques graves. Il soutient que « l’Inde peut rendre ‘fous’ les Occidentaux » [11].
-
[18]
Description faite par Joseba Achotegui, directeur du Sappir (Servicio de Atención Psicopatológica y Psicosocial a Inmigrantes y Refugiados) de l’hôpital de Sant Pere Claver à Barcelone (document non encore publié).
-
[19]
Il détaille sept composants du deuil migratoire : deuil de la famille et des amis, deuil de la langue, deuil de la culture, deuil de la terre, deuil pour la perte du niveau social, deuil causé par la prise de risques physiques, deuil de son ethnie d’origine.