Couverture de INPSY_8201

Article de revue

Approche clinique de l'évaluation de l'inter-relation parents-bébé : une forme d'évaluation des pratiques professionnelles

Pages 49 à 57

1La création de l’unité fonctionnelle intersectorielle pour parents et enfants de moins de trois ans en pédopsychiatrie s’est réalisée sur une expérience clinique et une pratique auparavant non individualisée, une formation à l’observation psychanalytique du bébé et une formation théorique sur le développement du très jeune enfant (attachement, interaction, etc.) [3, 4, 6, 7, 8].

2À l’ouverture de l’unité, il a fallu déterminer les bases théoriques de référence, former les professionnels paramédicaux, tâches qui se poursuivent dans la durée du fonctionnement.

3L’élaboration de notre pratique n’est pas survenue de novo, elle est toutefois suffisamment nouvelle dans l’application de ses caractéristiques au soin, étrangère aux pratiques antérieures des soignants, que ce soit en pédiatrie, en psychiatrie ou en médecine somatique, pour créer en nous une forte appréhension qui se vérifie régulièrement dans des difficultés concrètes de réalisation.

4Alors, lorsque la DGAS nous a demandé d’explorer la question de la bientraitance institutionnelle et que, parallèlement, celle de l’évaluation des pratiques professionnelles s’apprêtait à devenir une obligation statutaire, nous avons cherché à mettre en forme une modalité de regard rétrospectif sur le soin prodigué à des « mères-bébés » hospitalisés au Home (hospitalisation mère-enfant). Cette analyse se voulait qualitative et portant sur les points de dynamique positive. Notre référence méthodologique n’a pas été celle préconisée par la Haute Autorité de Santé (HAS) avec validation d’un niveau de preuve, mais fut plus proche du groupe de pairs ou de l’analyse de dossiers avec un regard extérieur en référence à des ouvrages ayant présidé à notre mise en pratique. Nous étions également familiers aux formes de supervision, par exemple lors de la formation à l’observation selon la méthode d’E. Bick. Nous avons choisi une formule proche de notre objet, nous permettant de nous engager dans un processus qui serait profitable à notre pratique en termes de qualité plutôt qu’en termes de validation scientifique.

5Les objectifs furent d’analyser notre fonctionnement avec nos critères de prise de décisions, notre capacité ou non à percevoir les éléments dynamiques d’une dyade, prédictifs d’une relance du fonctionnement que nous devions favoriser et, enfin, d’analyser les périodes charnières des dyades en fonction de l’âge du bébé et des moments d’entrée dans le soin.

6La méthode utilisée s’est déroulée en trois étapes : celle du temps du soin et de l’obligation de procéder à des observations thérapeutiques respectant les trois temps d’attention thérapeutique, de rédaction descriptive et de reprise en groupe avec une personne extérieure formée (F. Dupont, pédopsychiatre), celle de la lecture de quatre dossiers dans leur entièreté par le pédopsychiatre de l’unité et par la pédiatre plus extérieure et ne connaissant pas les dyades. Cela a donné lieu entre les deux médecins à une analyse puis à une confrontation à quelques ouvrages princeps, enfin à une présentation publique des écrits qui en ont résulté. La présentation s’est faite avec les soignants du Home et les intervenants extérieurs du Conseil général (PMI) et de la psychiatrie des adultes.

Conditions préliminaires

7Nous rappelons ici comment nous travaillons dans l’unité d’hospitalisation mère-enfant (Home) du Centre nantais de la parentalité (CNP) afin de créer des conditions de bientraitance, c’est-à-dire des conditions de qualité du soin.

Conditions générales

8Le cadre consiste en une détermination du cadre de travail, de la fonction de chacun, de la coordination du soin, de la cohérence et de la continuité des soins. Nous nuançons ces fonctions car la surprise et l’inattendu, devenus nos compagnons de route, nous confrontent constamment à l’idée que l’essentiel n’est pas de tout prévoir [1], mais plutôt de penser des dispositifs qui puissent servir de contenant à la relation parents-enfant, de support au développement de l’enfant et de soutien à la réflexion des soignants.

9Le cadre des références théoriques et de leur application pour le traitement que nous apportons aux mères (pères) et à leur bébé est donné par le pédopsychiatre responsable de l’unité. Il est classique, et l’essentiel repose sur les références théoriques à l’observation du nourrisson suivant la méthode d’E. Bick et ses applications telles que suggérées par D. Houzel ainsi que l’observation suivant l’approche d’E. Pikler.

10Ainsi, les infirmières, les psychologues, les pédiatres et les psychiatres sont en situation première de respect de la dyade, d’intervention a minima, avec peu d’interprétation, une attention contenante et un appui sur les capacités et les représentations de la constellation familiale telle qu’elle se présente à l’arrivée du bébé.

Méthodes de soin du CNP

11Nous effectuons un accompagnement de la mère et de son bébé (des parents, grands-parents) centré sur le bébé. L’observation y participe dans l’attitude qu’il confère au soignant. L’expérience nous a montré le danger des interventions fondées sur les conseils éducatifs et relationnels qui, au mieux, restent sans effet, glissant à la surface de l’attitude parentale, sans que rien ne puisse s’intérioriser, et, au pire, aggravent les choses, les parents vivant ces interventions comme intrusives, voire disqualifiantes. Il est bien plus intéressant, nous semble-t-il, de faire appel aux qualités créatrices des soignants pour soutenir, dans le moment présent de la rencontre, le lien entre l’enfant et son parent et laisser la place aux émotions.

12Nos objectifs sont de protéger la vitalité du bébé, le processus de parentalité et d’aider parents et bébé à construire une relation suffisamment épanouissante en s’appuyant sur les bonnes expériences vécues.

13Nous n’avons pas de programme éducatif, ni de protocole, ni de norme établie pour être une bonne mère au Home, ce qui ne veut pas dire ni cadre, ni règle.

14Dans cet accompagnement, nous prenons en compte l’environnement et ce, dès le premier entretien qui est d’emblée thérapeutique. L’accompagnement a valeur d’appui pour le bébé et constitue parfois un véritable relais.

15Les indications sont portées sur les nécessités de soutenir l’inter-relation dans laquelle nous puisons les remaniements et les évolutions possibles.

16Pour y parvenir, nous cherchons à développer chez chaque professionnel ses capacités d’empathie, de réceptivité aux différents niveaux de la relation (comportemental, affectif, fantasmatique) et d’observation. Nous leur demandons de se plier à l’exercice de la rédaction descriptive qui s’attache à être présent au bébé comme à la mère et à l’entre-deux.

17Ce travail se fait en premier sur l’inter-relation avec des observations longues ou courtes, de la dyade simple ou élargie mais aussi du bébé seul avec retranscription puis reprise. Ces reprises ont deux formes, celle de la supervision des observations thérapeutiques et celle de la reprise clinique de l’ensemble de la situation. Ce sont deux temps et deux approches différentes, la première venant alimenter la seconde, la première sans conclusion thérapeutique, la seconde avec des décisions diverses pour le traitement, la poursuite des soins, leur orientation mais aussi des décisions éventuelles comme le signalement.

18L’environnement est d’abord celui que la mère se représente pour elle et son bébé. C’est ensuite l’environnement réel proche, père du bébé puis grands-parents, oncles et tantes, cousins, amis et professionnels : PMI, crèche, foyer maternel, curateur, psychiatre, éducateur, assistante sociale, ASE, juge. Nous avançons très rapidement avec tout ce monde autour de nous, environnement dont on verra qu’il est constitutif de la bientraitance ou non.

19Cette prise en compte de l’existence de l’environnement, dans la représentation que s’en font les parents, est fondamentale. Comment pouvons-nous devenir cohérents, entre nous, avec la représentation que s’en font mère et père puis bébé ?

20Nous faisons connaissance avec cet environnement à travers les entretiens puis par des contacts téléphoniques, des synthèses.

21Le quatrième point est le soutien à la mère (au père) dans ce temps particulièrement sensible, le soin qui doit lui être apporté dans la continuité de son histoire thérapeutique quand il y en a une existante ou dans le maintien d’un lien soignant fragile. Le soin au bébé va de soi et nous verrons comment sa continuité et son partage constituent un des facteurs de bientraitance.

22Dans ces quatre axes de l’accompagnement, de l’interrelation, de l’environnement et du soin à la mère/au bébé, nous avons trois soucis fondamentaux :

  • Le travail en continu a pour base la continuité des personnes (nous devons revoir les roulements et les modifications faites par les professionnels pour des raisons personnelles), la continuité psychique de ceux qui portent la dyade avec la notion de référent, la continuité des indications thérapeutiques prises par le pédopsychiatre afin qu’elles ne se multiplient pas sans cohérence, la continuité psychique interprofessionnelle et inter-institutions.
  • Cette continuité autorise les ajustements qui émergent d’un travail de compréhension lors des temps de reprise des observations, de synthèse clinique et de concertation avec les interlocuteurs extérieurs. Ces synthèses (sauf la reprise des observations) sont utiles pour les orientations données à la prise en charge.
  • Enfin, le troisième souci est le croisement à réaliser, pour ce travail précis, entre les observations, la clinique, les transmissions, la reprise des pratiques par la psychologue et les synthèses internes comme externes.

23Nous nous sommes posés la question, au terme de cette réflexion organisationnelle ou institutionnelle, des indicateurs, des clignotants qui nous ont soutenus dans nos décisions pour les bébés et leurs parents.

Évaluation

24L’évaluation est pour nous partie intégrante du soin, elle permet de comprendre ce qui se joue pour l’enfant et pour ses parents, et entre l’enfant et ses parents. Il s’agit de comprendre pour permettre d’introduire un processus de changement, d’inscrire l’enfant dans son histoire familiale tout en protégeant la relation des répétitions mortifères.

Préalables

25Pour ouvrir la voie à l’alliance thérapeutique, le travail de lien avec les autres partenaires en amont de l’accueil et la position réfléchie en équipe et entre équipes de « s’allier à la souffrance plutôt qu’à la défaillance » [5] sont essentiels. Le passage de relais est un moment important : les mots qui sont dits aux parents lors de l’orientation vers le Home seront déterminants pour l’acceptation de la prise en charge. Dès l’indication de soins, il est clair que l’alliance thérapeutique créée et son évolution influencent fortement notre travail thérapeutique. Mais rien n’est jamais définitif dans un sens comme dans un autre. L’alliance du début dépend de l’investissement des professionnels qui font appel à nous, de la reconnaissance des difficultés et du besoin d’aide de la part de la mère, du soutien du père dans cette demande et de sa participation, de l’acceptation de la grand-mère maternelle. Tout au long du travail thérapeutique, ces facteurs seront déterminants dans l’évolution et pour les décisions.

26Le cadre de l’observation permet la continuité des soins et donne des éléments extrêmement précieux sur la construction psychique du bébé et l’installation de la relation. Les observations sont écrites quotidiennement, partagées et reprises une fois par semaine. Le pédopsychiatre a dans l’unité une fonction essentielle de garant du cadre et de relais, veillant à prendre en compte chacun des protagonistes : « suffisamment à distance pour relier les infirmiers et l’ensemble des professionnels dans des places justifiées, supportant l’attente, l’angoisse, suffisamment proche pour maintenir une proximité psychique à chacun et suffisamment solide pour contenir l’ensemble qui permettra au bébé de poursuivre sa maturation psychique avec les parents qui sont les siens » [5]. Nous verrons que, dans l’une des observations, c’est cette place particulière, un peu décentrée, qui permettra de sortir mère, enfant et soignants d’un sentiment d’impuissance contagieux et immobilisant. Ce cadre est parfois mis à mal lorsque l’alliance est fragile et que la désorganisation parentale est au premier plan. Dans ces situations, le bébé disparaît derrière le discours parental.

Constat d’une évaluation rétrospective

27Le constat d’une évaluation rétrospective est tiré de la lecture de quatre dossiers dans leur entier. Les écrits concernaient essentiellement la relation mère-bébé, le bébé lui-même, les notes de synthèse, les entretiens. Ils reflètent l’accompagnement, l’inter-relation, l’environnement, les entretiens avec la mère. Si la description fine et précise est essentielle, les temps de reprise et les entretiens mettent en valeur les représentations et les remaniements en jeu. Les difficultés sont repérables assez rapidement dans ce contexte alors qu’elles ne sont évidentes ni pour la PMI, ni pour les soignants qui interviennent en ambulatoire, encore moins pour la psychiatrie adulte et le juge pour enfants et ses services.

28La variation de l’état de la dyade entraîne les référents. Ils en ont une connaissance très fine avec une empathie telle que leurs états émotionnels sont les reflets de la tonalité majeure de la relation. L’exigence de description et de récit nous évite les appréciations « court-circuit », les décisions qui font écho à nos angoisses, à nos identifications à la mère ou au bébé. Ces conclusions hâtives font référence, en général, à notre idée normative de bon maternage plus souvent calquée sur un idéal ou sur un contre-investissement personnel que sur un possible pour la famille et le bébé concernés. Le récit lutte aussi contre la recherche de préjugés négatifs constitués en indices.

29De façon paradoxale, les ressources d’un bébé avec ses parents se trouvent dans le texte alors que l’alarme apparaît dans le mot ou la ligne. Rechercher ce sur quoi nous allons nous appuyer dans une inter-relation pour la réorganiser, la structurer, trouver des éléments fiables sur lesquels mère et bébé vont construire une relation suffisamment épanouissante, faire un pari sage sur l’avenir, tels sont nos objectifs.

30Les principaux acteurs sont le bébé et sa mère, nous verrons que les autres ne sont pas négligeables, ils existent en arrière-plan et seront parfois déterminants.

31Les relations dans la dyade prennent des contours différents avec des modifications significatives à la fin du 1er mois, à la fin du 3e mois et au 5e-6e mois.

Connaissance de l’état de la dyade

32Cette connaissance est alimentée essentiellement par la relation corporelle, le portage, le nourrissage, l’œil à œil, les pleurs, leur vécu comme les réponses qui y sont apportées, les paroles avec et autour du bébé, la proximité, la distance. Cette relation corporelle se situe entre les deux partenaires sans négliger la dimension corporelle de la mère et l’expression du bébé par le corps.

33Les signes primaires du bébé de satisfaction des besoins, de bien-être ou de souffrance, de négligence ou d’absence de sécurité, avec ou sans perception maternelle de ce vécu infantile, d’assimilation du bébé à ses besoins personnels ou de perception des besoins spécifiques du bébé sont retenus. Mais pour trouver des ressources à notre travail, nous devons aller au-delà dans l’offre d’un appui sur nous pour la mère afin qu’elle parvienne à une reconnaissance du nourrisson réel. Les signes sont infimes mais suffisamment sensibles pour que nous puissions nous accrocher à eux afin de les travailler. C’est dire l’importance de ces moments de reprise afin de créer des ouvertures, sortir du marasme ou de l’illusion négative pour s’appuyer sur ce qui est possible pour cette dyade-là.

34L’observation ne peut être isolée du discours parental, de la perception que nous avons de leur intéressement à ce bébé (quelle est sa place dans leur histoire personnelle et commune ?), de leur représentation du bébé et de leur fonction, des projections qu’ils effectuent sur lui. La façon dont le père et la mère se placent face à leur bébé mais aussi l’un par rapport à l’autre, par rapport à la génération précédente intervient dans nos ajustements et nos orientations.

35Enfin le critère le plus difficile à tenir et qui devrait être le principal est celui de la continuité relationnelle physique et psychique du bébé. Nous nous efforçons à ce que ce soit le guide de nos actions lors de la recherche des relais. C’est le point d’accroche qui nous fait accepter ou non telle ou telle prise en charge, orientation… La bonne relation avec les parents, l’environnement et les professionnels, une compréhension commune des besoins sont deux dimensions pour lesquelles nous luttons.

36Reprenons les circonstances sur lesquelles nous nous sommes appuyés pour prendre des décisions.

Repères

37Le bébé est le meilleur indicateur de l’état de l’interaction. Sa bonne santé, son bon développement corporel et psychomoteur témoignent que ses partenaires humains lui ont donné bien-être et confiance. L’observation permet de repérer son répertoire d’expressions affectives : la réciprocité des regards et des sourires, le plaisir dans les contacts tactiles et la capacité à être réconforté ; ainsi que ses capacités à entrer en relation et à mobiliser ses parents [2].

38Les observations de ces tout-petits accueillis au Home montrent des inter-relations à décoder selon l’âge du bébé et selon l’état de la maman. Le nouveau-né, du fait de son immaturité, de son peu d’autonomie et de la palette restreinte de ses modes d’expression, est difficile à observer. Toutefois, la quotidienneté des écrits permet de donner des renseignements précieux sur les fondations de sa vie psychique : sur les petits événements quotidiens qui vont lui permettre de construire son sentiment continu d’exister. Ainsi, dans l’une des situations, nous voyons Patrick qui progressivement parvient à se détendre dans le bain. À presque un mois, l’observatrice note : « Patrick se calme dès qu’il entend l’eau couler dans la baignoire. Il regarde sa maman qui lui parle, se met à pleurer quand elle le savonne sur la table à langer, se détend et se tait dès son immersion dans l’eau. Il regarde beaucoup sa maman qui lui parle en essayant de le faire rire. Patrick lui sourit ». L’évolution montrera les difficultés de cette maman à alimenter cette relation, à l’investir. Des relais seront trouvés pour Patrick, grand-mère, assistante maternelle. Mais ses premières expériences relationnelles avec sa mère au Home, soutenues par les soignants, lui auront permis de tisser une continuité émotionnelle, sensorielle, affective entre sa vie utérine et sa vie du dehors.

39Lorsque l’enfant grandit, son répertoire s’enrichit, son langage corporel donne des indications sur ce qu’il vit. Ainsi Charles accueilli au Home avec sa maman qui a fait un épisode de bouffées délirantes en postnatal. Il est le premier enfant de ses parents. Il a deux mois lors de cette observation « Charles a changé en une semaine, il dort beaucoup moins. Il a déplissé son visage et déplié son corps même s’il reste hypotonique. Sa gestualité s’enrichit et est harmonieuse mais le bas du corps est plus figé. Cette impression est accentuée par son coussin orthopédique qu’il porte de façon constante. Ce bébé mou épouse les formes avec qui il est en contact (corporelles ou non). Il s’épanouit réellement dans la relation et semble y trouver comme une respiration, un plaisir. Parfois il pousse des petits cris ! Sourit dans ces moments avec timidité d’abord puis franchement. Vocalise un peu. Il ne pleure pas souvent et dort bien ». Une description aussi minutieuse et sensible nous permet de nous approcher au plus près du développement du bébé. Un bébé que nous voyons s’ouvrir à la relation.

40Pourtant les observations suivantes ne le montreront pas toujours ainsi. Il va fluctuer au gré des difficultés de sa maman, s’assombrir et s’éteindre dans les moments où aucune rencontre n’est possible. Semaines après semaines pourtant, on comprend qu’il engrange ces bons moments et s’en nourrit pour aller vers sa mère avec le soutien de la soignante « 15 jours plus tard, Charles arrive éveillé ce matin. Dans les bras de maman, presque allongé sur ses genoux, il tourne la tête d’un côté sur l’autre évitant le regard maternel malgré le désir réel de sa maman qui lui demande de le regarder. Très furtivement, à deux reprises, il entr’ouvre la bouche sur un sourire alors qu’il la regarde et un son doux de vocalise sort alors. Cela contente sa maman… Sur le tapis, harmonieusement actif, il semble parfois s’émerveiller : son visage rayonne. Sa maman lui dit qu’il est encore petit, elle l’appelle mon bébé, elle le regarde avec tendresse un long moment puis devient songeuse, triste ? Charles revient à elle alors le regard plus lointain et retourne aux jeux. Ce va-et-vient dure et sa maman s’adresse de nouveau à lui, lui parle doucement, lui dit son contentement de le voir ainsi, sa fierté… je m’éclipse », écrit la soignante. Cette description si fine nous montre bien la délicatesse de l’accordage, la subtilité du soutien de l’observatrice et la qualité d’attention que cela exige.

41L’observation prolongée et répétée de l’interaction mère-bébé dans différents moments de la journée donne beaucoup d’indications sur les compétences et les valeurs maternelles. La mère reconnaît-elle les besoins du bébé ? Sait-elle y répondre ? Dans quels domaines est-elle compétente ou en difficulté ? Accepte-t-elle d’être aidée ? Montre-t-elle qu’elle est préoccupée de son bébé ? A-t-elle des projets d’avenir pour lui ? Des valeurs qu’elle souhaite lui transmettre ?

42La mère de Charles montre mois après mois de réelles difficultés à nourrir et à changer son enfant. En revanche, elle n’est pas persécutée par le bébé ni par les propositions qui lui sont faites en fonction de son état psychique. Charles a trois mois lorsque cette observation a été réalisée « Mme D est joyeuse ce matin et annonce que Charles ne doit plus porter son coussin de Becker. Charles bouge beaucoup ses membres inférieurs et sa maman ne parvient pas à réajuster son portage. Charles a eu un bilan psychomoteur. La psychomotricienne lui a expliqué que les mouvements des membres inférieurs se coordonnaient difficilement et que le côté gauche restait en appui de peur de tomber, comme pour s’accrocher. Mme D. l’a entendu et […] reconnaît que Charles était en difficulté il y a quelque temps. Elle fait des liens avec son état à elle ». Elle arrive parfois le matin vers 9 heures avec un bébé qui n’a pas bu son biberon et n’a pas été changé depuis la veille au soir. Elle s’étonne qu’il ne réclame pas et, sur proposition de la soignante, le nourrit. L’observatrice note alors « beau temps de biberon avec un portage doux et enveloppant les yeux dans les yeux, même si la maman dit au bout d’un moment qu’il abuse d’elle ». Si l’on en reste à évaluer les compétences à s’ajuster aux besoins du bébé, nous pouvons être très inquiets. Mais si nous mettons le projecteur sur sa capacité à profiter du contenant offert par le Home pour être disponible au bébé dans ce temps d’échange, alors nous ouvrons sur une perspective moins sombre.

43Le père, l’environnement proche de la dyade sont importants à prendre en compte. Sont-ils soutenants pour la dyade ? Peuvent-ils prendre le relais auprès de l’enfant ? Encouragent-ils les soins ? L’observation, lors du premier accueil au Home, montre le père de Charles enveloppant et rassurant, attentif à sa femme : « Il a commencé le bain par le déshabillage puis a laissé la place à la maman. Très respectueux, rassure et entoure beaucoup Mme D. C’est la maman qui baigne Charles. Le bébé est crispé, il a failli boire la tasse trois fois. Mme D. ne s’en rendait pas compte, était un peu ralentie, dispersée. Elle s’est assise ensuite car fatiguée. Le papa a pris la suite pour l’habillage. Rassure et parle beaucoup à Charles ainsi qu’à la maman ». Il ne sera pas très présent par la suite, mais ces valeurs d’attention, de respect pour sa femme et son fils, repérées au début de la prise en charge, seront un appui dans les décisions qui suivront.

44Dans une autre situation, l’observation réalisée après le placement de l’enfant à la demande du juge, montre un père différent de ce que l’équipe connaissait quand Pierre et sa mère étaient accueillis au Home en hospitalisation de jour. Il se présentait alors comme peu impliqué dans la prise en charge de son fils. Pierre a 7 mois quand a lieu la première rencontre thérapeutique avec ses deux parents. Cela fait deux mois qu’il est confié en famille d’accueil et qu’il ne les a pas vus « Monsieur B. est assis par terre et regarde Pierre qui gazouille et joue dans la piscine à balles. Il est heureux de voir son fils. Il dit qu’il a beaucoup changé. La mère se tient à l’écart et assiste timidement à la scène. Elle semble avoir du mal à pouvoir regarder Pierre qui se met à geindre. (Elle se décide pourtant à le prendre dans ses bras et l’assoit sur ses genoux). […] Pierre surpris de se retrouver sur les genoux de sa mère, s’appuie sur le regard du soignant, puis passe du visage de sa mère à celui de son père. Ils se retrouvent enfin. La mère qui avait exprimé sa crainte que son fils ne la reconnaisse pas, a les larmes aux yeux. Le père prenant à témoin le soignant dit que Pierre ne les a pas oubliés et qu’ils sont les vrais parents de ce bébé ». Il sera présent à toutes les rencontres thérapeutiques, jouant le médiateur entre Pierre et sa mère, trouvant toutes les ruses pour que la rencontre émotionnelle soit possible entre eux, mettant des mots sur les moments difficiles et sur l’impossibilité qu’elle a à lui dire au revoir. Ce père décrit comme absent se montre là un formidable allié du travail thérapeutique entrepris au Home.

45Les progrès ne s’effectuent pas toujours de manière linéaire. La relation, le malaise du bébé, les difficultés de la mère, sont constamment sous le regard de l’équipe. Après la période de mobilisation du début de la prise en charge, la chronicité des troubles devient évidente. Les soins ne transforment pas la mère et ne modifient pas son fonctionnement psychique. L’alliance s’effrite, le soin tourne en rond. C’est alors que survient le moment de la crise, souvent ressenti douloureusement par les soignants qui se sentent en échec. Pourtant, c’est aussi l’occasion de trouver un nouvel équilibre permettant un mieux-être pour chacun.

46Pour Charles, comme pour Pierre, les crises ont permis une réelle transformation. La relation de la maman avec Charles s’enfonçait dans une sorte de marasme. La mère nous montrait qu’elle était beaucoup mieux le matin et surtout quand elle était dégagée de son enfant, pouvant se présenter gaie et deux heures après comme une grande malade « chronique » de psychiatrie avec un bébé qui coulait sur elle et qui n’investissait pas le bas de son corps. Nous avons repris les observations, en particulier celles de l’infirmière puéricultrice sur le bébé. Sous son impulsion, nous avons allégé les temps d’hospitalisation en permettant à la mère et à l’enfant d’être à l’extérieur, non pas ensemble, mais la mère dans ses occupations et le bébé avec une grand-mère puis une assistante maternelle. Simultanément, les temps d’hospitalisation étaient centrés sur Charles à partir d’un bilan psychomoteur qui avait « instrumentalisé » et donc rendu réel l’investissement corporel du bébé.

47Pour Pierre, la crise fut aiguë et a concerné tous les professionnels qui gravitaient autour de la famille. Après une synthèse à l’Aide sociale à l’enfance à laquelle nous participions tous, la décision prise a été court-circuitée et accélérée, ce qui a provoqué le placement du bébé en urgence. Cet acte a culpabilisé chacun d’entre nous. Après deux mois, nous avons pu reprendre contact avec les parents et établir des temps de médiation thérapeutique au Home durant lesquels le père prend enfin sa place et tente d’en offrir une à sa femme. Le bébé transformé et méconnaissable cherche à construire à travers ses deux doudous (le premier doudou d’avant le placement et celui de l’assistante maternelle) une place à chacune des figures parentales.

48Pour la maman de Patrick, c’est le sentiment d’endormissement et d’immobilité du temps qui nous a alertés. À partir des observations, nous avons perçu que nous apportions un soutien considérable à la fonction maternelle. Nous avons alors cherché à associer la mère à un travail d’autonomie avec son bébé malgré sa présence en temps plein. Le bébé a montré peu à peu des signes de souffrance et nous avons dû interrompre pour reprendre un soutien plus intense. Nous avons avancé sur la séparation de la mère et du bébé pour un placement devenu nécessaire.

49Enfin Nicolas, constamment avec sa maman, ballotté d’un endroit à un autre, d’un sentiment à un autre, d’un mouvement à un autre, restait ouvert à la relation mais régurgitait et vomissait. Nous avons tenu le lien par tous les moyens, les visites à domicile, la travailleuse familiale, les appels téléphoniques. Le juge qui la connaissait depuis son enfance a maintenu cette aide, formulé un relais nécessaire et progressif. La jeune maman ne peut être dans une médiation, un entre-deux. Le placement s’effectue après une grande crise dans le bureau du juge. Heureusement, Nicolas est absent à l’audience, sa mère ayant su le protéger de ce qu’elle pressentait d’insupportable pour elle et pour lui. Deux jours après, elle le confie en douceur à l’infirmière qui vient le chercher.

Le déroulé et les moments forts

50(Annexe 1)

Les points d’appui

51(Annexe 2)

Conclusion

52Nous nous sommes volontiers pliées à l’exercice d’une recherche d’évaluation de notre pratique lors de cette « commande » concernant la dimension clinique de la bientraitance dans notre travail. Nous avons sollicité les professionnels avec lesquels nous collaborons et ils s’y sont mis malgré l’importance du travail qu’ils ont au quotidien, ce qui montre l’investissement de chacun.

53Ce qui en ressort nous paraît bien pauvre face à la richesse des observations produites par les infirmières et nous voulons nous en excuser auprès d’elles, nous avons un peu l’impression de dénaturer leurs travaux par une réduction du récit, une réduction conceptuelle pour satisfaire à une évidence du temps. Nous les remercions de nous avoir offert ce matériel et nous voudrions témoigner de l’exigence scientifique que représente leur travail, du scientifique non causaliste mais complexe. Nous pourrions également remercier les bébés et leurs parents, ils nous apprennent chaque jour à revoir nos évidences.

54Cet exercice aura permis à chacun de se pencher sur sa pratique et de l’exposer au regard de tous. Ce que nous vous exposons aujourd’hui constitue un arrière-plan de repères. Leur seul intérêt est d’avoir été recherchés, une fois trouvés, ils sont caducs en tant que tels, il faudrait une validation plus générale des orientations plutôt que des critères. Nous n’avons pas pour objectif d’appliquer les critères que nous avons relevés, nous en sommes non seulement incapables mais cette façon de procéder est pour nous une façon d’interdire la pensée, la réflexion, l’interrogation. Le réductionnisme induit par l’utilisation de critères ou d’indices tout faits nous paraît source et risque de rigidité dans le soin. Ainsi que nous le notions dans le fil du récit, l’indice est dans le mot, il n’apporte que du connu comme le texto lisible uniquement par celui qui est dans la connivence. L’appui pour une bientraitance est dans le récit, il est dans le différent, l’original, l’individuel, comme l’orthographe et la grammaire qui offrent un univers complexe, jamais fini, jamais définitif mais qui donne accès à l’inconnu. À l’inverse, nous pouvons réfléchir à une poursuite de cette évaluation d’une pratique professionnelle dans une dimension de recherche de la qualité en reprenant cette méthodologie dans une ou deux années et en confrontant les résultats obtenus.

55Nous retirons deux éléments essentiels à ce travail, la richesse produite par l’exercice, la dimension individuelle et originale de chaque histoire dont seule la complexité et la compréhension sont à poursuivre pour une bientraitance.


Annexe 1

Le déroulé et les moments forts

56Charles et sa maman, situation 1 (S.1) ; Patrick et sa maman, situation 2 (S.2) ; Pierre et sa maman, situation 3 (S3) ; Nicolas et sa maman, situation 4 (S.4)

tableau im1
L’entrée au Home s’est toujours faite sur un minimum : - « Je ne suis pas prête, je suis désemparée » - de reconnaissance des difficultés dans la relation, d’une souffrance liée à ces difficultés, - Bébé. est calme dans son cosy : « il dort en gendarme », dit la mère amusée c’est-à dire qu’il dort avec un œil ouvert (Pierre, S.3) - une expression d’amour + ou – précisé, - La maman a eu son premier bébé placé. A la naissance du deuxième, un an après elle a 18 ans, elle souhaite le garder « ce n’est pas pareil avec lui » « il ne faut pas qu’elle (le juge) me l’enlève mon petit » ; « j’ai envie de lui donner tout mon amour, mon petit est mignon, on est obligé de lui donner des bisous ». (Nicolas, S.4) - un minimum de confiance vis-à-vis de ce que l’on propose, - d’un désir de faire différemment pour cet enfant, - d’une alternative au retrait. Durant le premier mois en général juste après la maternité : - La mère du petit Pa n’a pas de refus du Home car sa priorité c’est son bébé. Elle a des gestes doux, voix douce, regard enveloppant et souriante elle dit : « il était dans mon ventre ». Elle évoque l’amour qu’elle avait pour le papa avant la grossesse et son désir de garder le bébé, en évoquant ensuite le danger qu’il représente pour elle (Patrick, S.2) - l’investissement du thérapeutique est flou, - une relation souvent fusionnelle avec un bébé réel qui ne se détache pas du bébé imaginaire, - se joue déjà la place du père présent ou absent, sa position face au - La mère a confiance mais le père ne veut pas venir, sous le prétexte du travail ; c’est lui qui favorisera le retour au Home pour les temps de médiations thérapeutiques (Charles, S.1) Home et au besoin de la mère, - si le bébé est plus grand à son entrée cette phase n’existe pas au Home et nous nous trouvons tout de suite dans la suivante. Du 2e au 3e mois, installation dans le soin d’un bébé dont les besoins se différencient : - Le bébé l’interpelle, gazouille dans le bain vers sa mère, elle ne le regarde pas, est brusque, il finit par pleurer et se replier. - le portage, - Plus tard, très bonne relation, l’enfant est calme, le groupe porte la maman, le bébé s’accroche bien, il s’appuie sur le souvenir d’une bonne relation et peut la regarder. Il régurgite beaucoup, se récupère avec son infirmière référente et vocalise (Nicolas, S.4) - les échanges visuels, - la reconnaissance des besoins : - sommeil - alimentaire - éveil - pleurs - rythme. - la place du bébé dans le discours. Du 2e au 3e mois, la relation apporte encore du bien-être, le soin est vécu positivement. Au 3e mois, souvent un décrochage : - La maman est en colère après nous, elle élève la voix très fort, repousse le bras de N. vivement quand il lui touche les cheveux, il ne réagit pas. N. se cogne parfois la tête, la maman nous dit « moi aussi je suis fragile comme lui ». (Nicolas, S.4) - la relation s’enfonce dans une tonalité déjà perceptible mais qui devient dominante, - nous réajustons notre place, nos demandes, adaptons les appuis extérieurs, nous pouvons diminuer le temps d’hospitalisation trop pénible pour la mère et le bébé parce que les relais extérieurs sont de qualité. - Le bébé regarde beaucoup sa maman, détendu, il jase. Il tient un doigt de sa maman, elle est triste, le regarde. Elle lui propose toujours les mêmes stimulations, il bouge très très peu. Livré à lui-même il sourit aux visages qui le regardent (Patrick, S.-2) - La maman de l’enfant. nous dit “il pèse trop lourd pour moi parce que j’ai mal au dos à la fin” “il est nerveux, il pleure tout le temps, il veut quelque chose, j’en ai marre de l’entendre, je ne veux pas le taper alors je le mets dans son lit… j’ai peur de le taper (Pierre, S.3) - Nous intensifions le soutien sur les capacités de chacun. - Nous soutenons un projet vers l’autonomie en maintenant l’hospitalisation et renforçons la substitution le week-end. - Nous proposons une synthèse avec les intervenants extérieurs pour préparer une garde. - Nous multiplions les aides à la fois en hospitalisation, en ambulatoire, sanitaire et judiciaire pour alléger, maintenir le lien. Au 5e mois, la première mère est toujours avec son bébé, Home à temps partiel car elle a toujours des propos qui préservent le bébé, des relais familiaux, une volonté de mobilisation pour que le bébé soit heureux et se développe bien. - L’intérêt porté au bébé réel, avec la prise en charge, soutenue par la psychomotricienne, la réduction des temps d’hospitalisation ont permis au bébé de mobiliser et investir son corps. Les propos de sa mère sont tournés vers lui. Malgré ces investissements, la mère ne peut assurer les changes du petit qui la confrontent aux selles et au sexe. Malgré notre soutien, l’enfant revient excessivement abîmé au niveau du siège, non changé, la couche pleine de selles de la veille. Cet événement crée une panique chez les parents. La pédopsychiatre leur donne un rendez-vous en urgence. Le père y assumera ses responsabilités, il connaît les peurs de sa femme et n’a rien fait pour protéger son enfant. Après avoir précisé ce qui est du registre du travail thérapeutique et de la limite possible pour un bébé, nous les soutenons grâce à la présence de C. qui babille joliment, prend ses pieds, effectue des retournements, appelle son père durant l’entretien. Le père n’accuse pas la mère et ce partage aura des effets bénéfiques sur la suite de la relation mère-bébé (Charles, S.1) La deuxième est toujours en HTP, l’expérimentation des solutions d’autonomie ne pouvant se poursuivre. Relation pauvre entre la mère et le bébé, absence de reconnaissance des difficultés, peu de désir pour le bébé, bébé toujours endormi avec sa mère mais qui prend appui sur les relais soignant et grands-parents maternels (ou AM). Placement en famille d’accueil, maintien lien avec grand-mère, lien avec la mère dans le cadre du Home. - La maman a son esprit repris par le père du bébé. réapparu dans sa vie. Au Home, elle se dit fatiguée et se réfugie dans le sommeil. Elle confie de plus en plus le bébé à ses référents. Durant le bain, elle reste figée à côté, s’il s’anime ou grogne elle l’interprète comme une souffrance « c’est dur de faire souffrir ». L’enfant s’anime dès qu’il voit sa grand-mère, il boit alors son biberon assis et non couché, ne ferme pas les yeux et utilise tout son corps. (Patrick, S.2) La troisième a provoqué un placement en urgence en famille d’accueil. - L’infirmière dit : « Finalement j’ai proposé aux parents de prendre leur bébé. Le père. dit : c’est pour Mme (la mère qu’il nomme ainsi) Elle a refusé dans un premier temps, froide, distante puis avec les propos de son ami qui répète : ‘allez prends-le’ elle a accepté, elle le met à distance malgré un bon portage » (Pierre, S.3) Au centre de nos préoccupations, les propos de la mère, la relation douloureuse entre les deux, l’état du bébé. Après le placement une médiation thérapeutique a été instaurée au Home. La quatrième n’a pas permis de mettre en place un relais progressif. - Le bébé est triste, vigilant, il vomit tout, il a les fesses en mauvais état (Nicolas, S.4 Placement judiciaire pour le bébé malgré un lien très fort, une expression d’amour mais des défaillances physiques et psychiques, des ruptures, absence de rythme. Il n’y aura pas de médiation thérapeutique.
Annexe 2

Les points d’appui

tableau im2
L’expression maternelle de la souffrance liée à cette difficulté ou l’expression d’une aspiration pour le bébé, le couple, la famille - « Il est toujours dans le vide (le bébé), pour moi cela va, pour eux (la pmi) non, je n’aime pas toucher son sexe, j’ai peur de casser quelque chose en lui. » (Pierre, S.3) Le désir de faire quelque chose pour ce moment-là, ce bébé-là. - La maman peut dire qu’elle a été « mal » avec sa fille (le 1er bébé). Elle prenait ses pieds et les tordait de l’intérieur jusqu’à ce qu’elle pleure, elle tapait le cosy. Elle dit qu’elle… a perdu pied, fatiguée elle ne savait plus quoi faire. De son 2e bébé, actuel, “j’avais peur parce qu’il n’avait pas grossi, il avait régurgité son biberon hier.” Elle va voir s’il respire, elle a peur de la mort subite (Nicolas, S.4) Le discours maternel sur le bébé, la préoccupation des parents pour le bébé. Acceptation de l’aide, du soin et un minimum de reconnaissance du besoin par la mère, le père. - La famille du père de C. est beaucoup plus calme dit la mère, et « lente », plus attentive et plus entourante ce qui la déroute mais aussi la ravit. Le papa a une relation douce avec son enfant. Il trouve que sa femme va mieux, il y a eu un petit épisode dépressif à Noël, retour au Home, ce qui a amélioré son état (Charles, S.1) La possibilité de faire confiance. La capacité à supporter le Home, l’environnement. - Elle ne veut pas venir quand son mari est en vacances, veut être en famille mais elle revient dès qu’elle est mal pour trouver une aide (Charles, S.1) L’observation de l’inter-relation qui montre la persistance de point d’accroche entre les deux partenaires, suivant leur propre modèle, avec ou sans soutien du soignant. - C. pleure souvent avec un grand désespoir semblant appeler en vain, il ne s’apaise pas facilement dans les bras maternels. Dans le bain, il apprécie que sa mère le masse, le touche, il s’étire quand elle le fait (Charles, S.1) La capacité du bébé à puiser dans cette relation, à puiser dans les1ers échanges (1er mois) malgré tous les écueils. - Le bébé l’interpelle, gazouille dans le bain vers sa mère. Il y a des moments de réels bons échanges. Il la sollicite, maintient la communication avec l’environnement. La poursuite du développement du bébé malgré déjà des atteintes. - Pa. est installé dans son transat, détendu, souriant, regardant sa maman, dans le bain il a de bonnes interactions. Pa. m’interpelle (écrit la référente), me sourit, gazouille dès qu’il me voit. Il rit aux éclats dans le bain, tape les jambes et éclabousse partout. (Patrick, S.2) Le langage corporel de ce bébé, avec sa mère, son père, le substitut maternel, le soignant- référent. L’investissement du corps par le bébé, par la mère. - Sur le tapis, il sourit, regroupe ses pieds sur son ventre et les saisit avec ses mains. Installé sur le ventre il se relève sur ses mains, observe et sourit à sa maman assise face à lui, elle regarde le visage fermé, sans lui parler. La place du bébé réel/bébé imaginaire. Le bébé est aidé pour se retourner sur le dos quand il commence à manifester de la fatigue. La maman évoque sa difficulté de voir son enfant « souffrir », elle explique qu’il est dur de voir son bébé grandir trop vite puis de nouveau elle se ferme (Patrick, S.2) La poursuite des interrogations et des ouvertures

Bibliographie

Références

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  • 7
    Haag M. La méthode d’Esther Bick pour l’observation régulière et prolongée du tout-petit au sein de sa famille. Paris : Autoédition, 2002.
  • 8
    Lamour M, Barraco M. Souffrance autour du berceau. Paris : Gaëtan Morin Editeur, 1998.

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