Notes
-
[1]
“Contractual relationships, especially long-term ones, are rarely implemented in the mechanical way typically envisioned in economic theory, but are characterized instead by an ongoing process of negotiations over the terms of trade” (Crocker, Masten, 1991 p. 72).
-
[2]
Ce questionnaire est disponible à l’adresse suivante : http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/18/71/50/PDF/Oudot_jean-michel_these.pdf, p. 288-310.
-
[3]
Une renégociation donnant lieu à une réduction du prix résulte, par exemple, d’une réduction de la quantité commandée.
-
[4]
Le surprix est l’écart entre le prix initialement prévu dans le contrat et le prix finalement versé suite à la mise en œuvre de l’accord. Le surprix est engendré par l’occurrence de surcoûts et par le transfert des conséquences financières des événements adverses à la DGA.
-
[5]
Un seul contrat est du type remboursement de coûts dans notre base de données. De nombreux avenants d’ajustement sont signés dans ce type de contrat. Deux motivations principales expliquent la signature de ces avenants. La première est l’affermissement de tranches conditionnelles, prévues dans le marché initial. La seconde fait état des choix techniques ex post et de l’évolution associée du prix. Ces avenants ne correspondent cependant pas à des avenants de renégociation dans la mesure où les partenaires ont décidé ex ante de procéder de cette façon ex post. Il s’agit plutôt d’avenants d’ajustement.
-
[6]
Un prix est dit « ajustable » s’il est basé sur un indice de prix, et « révisable » s’il est basé sur un indice de coût (Kirat, Bayon, 2006 p. 49).
-
[7]
Une co-traitance peut être conjointe ou solidaire. Dans la co-traitance conjointe, chaque société membre du groupement est responsable de la réalisation du ou des lots qui lui sont attribués par le contrat. Seul le mandataire peut être solidaire des autres membres du groupement, et uniquement si le contrat le prévoit. Dans une co-traitance solidaire, chaque société est engagée pour la totalité du marché et est donc tenue à l’obligation de substitution en cas d’éventuelles défaillances de ses partenaires.
-
[8]
Ces règles de décisions informelles ont été établies à travers l’observation des décisions d’allocation des risques, de l’environnement de la transaction (notamment la capacité ou non d’identifier l’origine précise des risques) ainsi que des responsabilités des événements adverses intervenant durant la vie des contrats analysés.
-
[9]
Une allocation [0 ; 1] des conséquences financières causées par les événements adverses signifie que la partie A ne supporte aucun risque, alors que la partie B supporte la totalité de ces conséquences financières.
-
[10]
Ces renégociations sont rendues nécessaires par l’absence du principe de responsabilité dans les contrats formels.
-
[11]
“Foreign affairs, the military, foreign intelligence, managing the money supply, and, possibly, the judiciary” (Williamson, 1999, p. 321). Williamson fournit des exemples de transactions de probité dans le cadre de relations entre administrations. Des arguments sont présentés dans cet article indiquant que les transactions de probité peuvent également concerner des transactions entre organisations publiques et privées dans une relation d’approvisionnement dans le secteur de la défense.
-
[12]
“What distinguishes probity transactions are their needs for loyalty (to the leadership and to the mission) and process integrity” (Williamson, 1999, p. 324).
-
[13]
Cette organisation en nœuds de contrats est illustrée par les retombées d’un marché sur d’autres marchés. Dans notre base de données, 44 contrats ont donné lieu à des retards. Ceux-ci ont causé des retards des programmes dans lesquels ces marchés sont intégrés dans 23 % des cas, et aussi des retards dans des contrats extérieurs aux programmes considérés dans 11 % des cas. Ces effets d’entraînement expliquent en partie pourquoi les interdépendances entre plusieurs contrats ont été identifiées comme étant la troisième source de risques la plus critique dans l’approvisionnement de défense en France (Oudot, 2010a).
-
[14]
“The costs can arise directly from the effort to renegotiate or indirectly through strategic bargaining. That is, the loser might threaten to engage in acts which impose costs upon the other party but do not constitute a legal breach” (Goldberg, 1985, p. 532).
-
[15]
La quasi-rente est l’écart entre la valeur d’un actif à son meilleur usage possible et la valeur de cet actif dans sa meilleure utilisation alternative. Ici, la valeur d’un équipement spécifiquement réalisé pour être intégré dans un système particulier peut être nulle si cet équipement ne peut pas intégrer ce système.
-
[16]
Cette base de données ne comprend aucun contrat lié à la dissuasion nucléaire et à la cyber-sécurité. L’analyse de ces domaines aurait conduit à une hausse du nombre de transactions de probité observées dans notre échantillon.
-
[17]
58 % des contrats analysés sont ainsi exécutés comme des contrats à remboursement de coûts dans notre base de données : 27 contrats à prix ferme exécutés comme des contrats à remboursement de coûts, et un seul contrat à remboursement de coûts exécuté comme tel.
Un contrat à prix ferme est exécuté comme un contrat à remboursement de coûts dans deux cas. Le premier fait référence à une modification explicite du choix du type de contrat dans l’avenant. Le second cas correspond à une modification implicite du type de contrat : il reste à prix ferme mais le surprix accordé par la DGA au titulaire comprend une part de remboursement des coûts du titulaire. Dans cette perspective, Rogerson (1994) précise : “[…] renegotiation where there is an inevitable tendency to ascribe all cost-overruns to the changes. Thus, renegotiations often effectively turn a fixed price contract into a cost-sharing contract” (p. 67). -
[18]
La fréquence des renégociations réduit de façon drastique les incitations dans ce secteur, ce qui annihile l’effet incitatif recherché dans la mise en place des contrats à prix ferme (Jolls, 1997 ; Bolton, Dewatripont, 2005, p. 450).
-
[19]
N’ayant pas eu accès aux données concernant les conditions de mise en œuvre des contrats dans l’approvisionnement de défense aux États-Unis, la comparaison proposée ici n’est que partielle.
-
[20]
Les sources des données américaines proviennent du groupe de réflexion « center for public integrity » pour les firmes de défense, couvrant la période 1998-2003. Les données agrégées sur la période 1999-2003 (dernière colonne du tableau) proviennent du Government Accountability Office (06 – 409T). Notons que la somme des données américaines ne fait pas 100 en raison de l’existence d’une catégorie « autres » dont le contenu n’est pas précisé.
-
[21]
Le Truth In Negotiation Act (TINA) impose à tout titulaire de contrats auprès de l’État américain de soumettre des données de coût et de prix. Ces dernières comprennent toutes les informations que des acheteurs et des vendeurs prudents auraient identifiées comme affectant de façon significative les coûts ou les prix. Les titulaires et les sous-traitants doivent certifier que les informations communiquées sont précises, actualisées et complètes.
-
[22]
Ce résultat est discuté dans Oudot (2007).
-
[23]
“Contracts we call relational are sometimes called self-enforcing, implicit or both” (Baker, Gibbons, Murphy, 2002, p. 40 NBP n° 5).
-
[24]
Un contrat incomplet est un accord qui ne prévoit pas toutes les contingences pertinentes à la coordination des parties à l’échange ex post (Saussier, 2000). Un contrat implicite peut être complet s’il prévoit toutes ces contingences, mais celles-ci ne donnent pas lieu à des précisions formelles dans l’arrangement initial. Les concepts de contrat incomplet et implicite sont donc distincts.
-
[25]
“Informal agreements are self-enforcing when some credible future punishment threat in the event of non-compliance induces each party to stick to the agreed terms” (Bolton, Dewatripont, 2005, p. 461-462).
-
[26]
Une information est considérée comme observable lorsque les parties à l’échange sont capables de la mesurer, et vérifiable lorsqu’une partie extérieure à la relation, un juge par exemple, est capable d’établir une telle mesure. La différence entre l’observabilité et la vérifiabilité des informations fait l’objet de développements notamment dans la théorie des contrats incomplets (Grossman, Hart, 1986 ; Hart, Moore, 1990 ; Aghion, Tirole, 1994).
1« Les relations contractuelles, spécialement celles de long terme, sont rarement mises en œuvre de façon mécanique comme l’envisage la théorie économique, mais sont plutôt caractérisées par un processus continu de négociation des conditions de l’échange » [1] (Crocker, Masten, 1991, p. 72). Au-delà des conséquences économiques des renégociations, entendues comme des modifications substantielles des conditions d’exécution, ces dernières sont susceptibles d’entraîner un changement du type de contrat, faisant passer des contrats à prix ferme à des contrats à remboursement de coûts. Une caractéristique majeure de la structure de gouvernance est alors modifiée (Williamson, 1991). Dans la mesure où les renégociations sont fréquentes, ont des conséquences économiques non négligeables (notamment en matière financière) et peuvent conduire à un changement du type de contrat, leur analyse revêt une importance particulière.
2L’objectif est ici d’identifier les facteurs explicatifs des renégociations, l’enjeu étant de comprendre dans quels cas les choix contractuels initiaux ne sont pas mis en œuvre ex post. Les contrats d’approvisionnements de défense en France sont retenus en tant qu’objet d’étude à l’aide d’une base de données originale constituée de 51 contrats, couvrant une partie des contrats signés par la Direction Générale de l’Armement (désormais DGA) pour la période allant de 1994 à 2005. La Défense est un cas d’analyse particulièrement important, eu égard aux montants financiers considérés. Rappelons à cet effet que le ministère de la défense est le premier acheteur et le premier investisseur public en France, en Grande-Bretagne, ou encore aux États-Unis.
3Cet article est consacré aux déterminants économiques des renégociations. En s’inscrivant dans une perspective transactionnelle, l’incertitude est mise en avant en tant que déterminant des changements contractuels, tout en gardant à l’esprit que les transactions considérées sont caractérisées par un niveau élevé d’actifs spécifiques. Bien que les chocs économiques et les renégociations soient observés de façon concomitante, il est nécessaire d’établir une relation causale entre ces deux variables. Des règles de décision, formelles et informelles, établissant le lien entre chocs et renégociation sont identifiées dans cette perspective. Il est trouvé que les termes contractuels formels, c’est-à-dire écrits noir sur blanc dans les marchés ou dans la réglementation, n’autorisent les renégociations que dans des situations bien spécifiques pas en mesure de justifier la plus grande partie des renégociations observées. À l’inverse, l’analyse d’arrangements informels, i. e. non écrits, permet d’établir le lien causal entre chocs et renégociation de façon systématique. Les transactions dites de probité (Williamson, 1999) sont par ailleurs identifiées comme constituant un environnement favorable aux renégociations.
4Trois sections structurent cet article dans une perspective de theory building, impliquant une présentation détaillée des observations factuelles avant d’identifier leurs conséquences en matière de théorie économique. La première section est ainsi consacrée à une analyse de la fréquence et des impacts des renégociations dans l’approvisionnement de défense. Dans la deuxième section, les déterminants de ces renégociations sont étudiés. L’importance prédominante des arrangements informels établis entre la DGA et les titulaires des contrats dans l’explication des renégociations est mise en avant. Dans la troisième section, les résultats obtenus sont discutés d’un point de vue à la fois théorique et conceptuel, en lien en particulier avec le modèle développé par Guasch, Laffont et Straub (2006) de façon à formaliser les variables explicatives clés identifiées dans cet article. Enfin, les choix contractuels dans l’approvisionnement de défense sont interprétés comme étant à la fois hybrides et relationnels.
Les renégociations
La base de données
5Les données collectées portent sur 51 contrats d’approvisionnement. Compte tenu des contraintes de confidentialité qu’impose le secteur de la défense, ces contrats ont été sélectionnés par la direction de la DGA, responsable de l’acquisition des armements pour le compte du ministère de la défense. Étant donné que cet échantillon n’a pas été tiré de façon aléatoire dans l’ensemble des contrats de la DGA, des précautions doivent être prises en termes de généralisabilité des conclusions tirées de la présente étude. Dans le cadre de relations de confiance établies avec la DGA, trois critères ont cependant été retenus pour guider cette sélection de façon à améliorer cette représentativité notamment : les contrats concernent uniquement des armements, les accords sont terminés ou proches de l’être, et les marchés choisis sont représentatifs de l’activité générale de la DGA (selon l’appréciation de la direction de la DGA).
6Ces contrats ont été signés par la DGA avec 18 industriels français ou européens. Il s’agit principalement d’accords de moyen terme (d’une durée de 5 ans en moyenne), initiés entre 1994 et 2005. L’échantillon concerne une grande diversité d’équipements (aéronefs, bateaux, véhicules, missiles, armements divers…) et toutes les étapes de leur réalisation (recherche, production, maintien en condition opérationnelle) : 2 % des contrats étudiés concernent de la recherche et technologie, 10 % de la recherche et développement, 15 % de la production, 2 % du maintien en condition opérationnelle, 33 % des accords d’étude et de production, tandis que 10 % portent à la fois sur la production et le maintien en condition opérationnelle et 27 % sont des contrats globaux qui comprennent à la fois de la recherche, de la production et du maintien en condition opérationnelle.
7La démarche de collecte s’est appuyée sur la méthode dite de « triangulation », les données recueillies et utilisées étant basées sur les informations issues des contrats et de leurs avenants, croisées avec l’analyse des questionnaires et des entretiens de vérification. Pour chacun de ces contrats, l’accord initial ainsi que les avenants signés lors de leur exécution ont été obtenus. Les contrats formels des marchés étudiés fournissent ainsi la première source d’informations qui s’insère dans une démarche visant à garantir la cohérence et la fiabilité des informations utilisées. À cet effet, un questionnaire a aussi été systématiquement envoyé à la personne responsable de chacun de ces marchés au sein de la DGA [2]. L’objectif central de cette démarche était d’évaluer la performance des contrats dans le cadre d’une approche multicritères et de recueillir des informations précises concernant les événements adverses qui ont pu survenir durant la vie de ces marchés. Ce questionnaire entendait ainsi éclairer la logique de mise en œuvre de ces contrats. Le questionnaire comporte 364 items, renseignés par le responsable DGA en charge de chaque marché concerné. Il a été constitué grâce à 80 entretiens préalables avec 13 industriels français et européens ainsi que des personnels de la DGA. Ces entretiens avaient pour objectif d’identifier et de comprendre les caractéristiques des risques dans l’approvisionnement de défense. Ce questionnaire a ensuite été testé auprès de 10 agents de la DGA, de compétences et d’horizons variés mais tous impliqués dans la gestion des programmes d’armement, avant d’être renseigné systématiquement pour les 51 contrats de notre base, de façon à vérifier que les questions posées ne donnaient pas lieu à des interprétations ambiguës.
8Les données ainsi collectées peuvent être regroupées en deux grandes catégories. Il y a d’abord un ensemble d’informations générales sur le contrat : prix, délais, mode d’attribution, nombre de titulaires impliqués dans la transaction, nombre éventuel d’acheteurs, type d’activité, type d’équipement faisant l’objet du contrat, et informations sur la performance (surcoûts, retards, réductions de la qualité). Deuxièmement, pour chaque risque qui s’est effectivement matérialisé durant la mise en œuvre du contrat, les informations suivantes ont été recueillies : origines du risque, identification des responsabilités lorsque cela était possible, conséquences financières, calendaires, et techniques de ces événements adverses ainsi que les décisions effectives de répartition des surcoûts suscités par ces événements. Ces surcoûts ont donc été évalués par comparaison avec les prévisions du contrat initial, à l’aide des réponses aux questionnaires complétées par les informations tirées des entretiens.
9Des entretiens ont en effet été systématiquement réalisés avec les répondants au questionnaire de façon à vérifier la fiabilité des informations collectées. Cela a conduit à écarter trois marchés pour lesquels l’information est apparue insuffisamment fiable. La base de données finale, utilisée dans ce qui suit, est ainsi constituée de 48 contrats sur les 51 initialement mis à disposition.
10Le prix initial moyen de ces contrats est de 134,7 millions d’euros. Malgré la dispersion que recouvre cette moyenne, il s’agit dans tous les cas de contrats importants par leur enjeu financier. Les données sur l’augmentation moyenne des prix résultant de la matérialisation de risques non ou mal anticipés révèlent que celle-ci s’élève, en moyenne, à près de 5 % du prix initial, ce qui est loin d’être négligeable.
Fréquence des renégociations
11Les renégociations sont validées dans l’approvisionnement de défense en France par la signature d’arrangements contractuels additifs au contrat initial, i. e. par des avenants. Dans la base de données, 104 avenants ont été signés, soit deux avenants par contrat en moyenne. La distribution des avenants dans les contrats est présentée dans le graphique suivant.
Nombre d’avenants par contrat
Nombre d’avenants par contrat
1213 contrats n’ont donné lieu à aucun avenant, alors que 35 contrats sont concernés par la signature d’avenants, soit 73 % de l’échantillon. Par ailleurs huit avenants ont été signés dans trois contrats différents, et un marché a donné lieu à la signature de dix avenants.
13Bien que toutes les renégociations validées impliquent la signature d’avenants, tous les avenants ne signifient pas qu’une renégociation des conditions de mise en œuvre du contrat ait eu lieu. En effet, les avenants remplissent deux fonctions. La première est d’ajuster les conditions de mise en œuvre des contrats. Parmi les exemples d’ajustements dans l’approvisionnement de défense figurent la rectification d’erreurs dans les contrats originaux, la modification des clauses de management, du nom du titulaire (suite à une fusion par exemple), d’indices de prix (suite à leur disparition des documents officiels), du taux de la valeur ajoutée ou encore des modifications du plan d’acomptage. De tels ajustements sont des modifications incrémentales du contrat original. Leur motivation est plus du ressort juridique qu’économique dans la mesure où il s’agit principalement de s’adapter à l’évolution de l’environnement institutionnel. Les avenants donnant lieu à de telles modifications incrémentales sont qualifiés d’ajustements ici.
14La seconde fonction des avenants est de valider des modifications substantielles des conditions de mise en œuvre du contrat, en ce qui concerne notamment le prix, la spécification technique de la demande, la quantité commandée ou encore des délais. De tels avenants sont appelés avenants de renégociation, dont la fréquence est présentée dans le tableau suivant.
Fréquence des avenants
Fréquence des avenants
15Alors que 57 % des avenants analysés sont des avenants d’ajustement, 43 % d’avenants de renégociation sont observés. Ces deux types d’avenants concernent chacun 27 contrats. Le taux de renégociation est ainsi de 56 % dans notre base de données.
Impacts des renégociations
16Les renégociations donnent principalement lieu à une augmentation du prix du contrat et/ou à une réduction de la quantité commandée. Cette dernière a été réduite jusqu’à 30 % dans la base de données, à périmètre budgétaire constant. Cette solution contractuelle est susceptible d’être retenue lorsque la contrainte budgétaire est particulièrement tendue. Une attention particulière est portée ici aux impacts financiers des renégociations, récapitulés dans le tableau suivant.
Impacts financiers des renégociations
Impacts financiers des renégociations
17Il est constaté dans ce tableau que le prix moyen des avenants d’ajustement est proche de 0 alors que celui des avenants de renégociations est de 2,27 millions d’euros courants. Le prix de ces avenants varie de – 4,3 millions d’euros à + 27,3 millions d’euros [3]. Le surprix [4] total de ces renégociations s’élève à 102,15 millions d’euros. Les développements suivants sont consacrés à l’explication à la fois de l’occurrence et des impacts financiers de ces renégociations.
Les déterminants des renégociations
18Un des principes fondateurs de la théorie des coûts de transaction repose sur l’alignement des choix contractuels aux caractéristiques des transactions de sorte que les coûts de gouvernance soient minimisés (Williamson, 1985). Cet alignement est supposé prévaloir non seulement ex ante mais aussi ex post dans la mesure où ces deux périodes de la vie du contrat jouent un rôle significatif dans l’explication de la performance de ce contrat. Durant la conduite de celui-ci, le principe d’alignement prévaut toujours : si les conditions d’exécution du contrat deviennent décalées vis-à-vis des caractéristiques des transactions, alors les parties à l’échange engagent des renégociations, du moins tant que les gains attendus sont supérieurs aux coûts (Klein, 1980). Trois variables caractérisent les transactions dans l’approche transactionnelle : la spécificité des actifs, l’incertitude et la fréquence des transactions. L’incertitude fait ici l’objet de notre attention : lorsque les événements adverses intervenant ex post diffèrent de ceux anticipés, alors les parties à l’échange engagent des renégociations de façon à réaligner les conditions d’exécution du contrat avec ses caractéristiques.
19Il est observé, dans cette base de données, que les chocs économiques et les renégociations interviennent de façon simultanée. Cette concomitance n’est cependant pas suffisante à l’explication des renégociations à travers l’analyse des événements adverses. Les termes contractuels formels ne justifient en effet pas les renégociations face à de tels événements, alors que tout avenant doit être justifié pour des raisons administratives. C’est pourquoi les termes contractuels font l’objet d’approfondissements à travers l’étude des arrangements informels prévalant dans l’approvisionnement de défense en France. Ainsi, la renégociation des contrats peut être expliquée à travers la combinaison de chocs et d’accords informels prévalant entre la DGA et les titulaires des contrats. Un environnement transactionnel, les transactions dites de probité, favorisant les renégociations a également été identifié.
Simultanéité entre chocs et renégociations
20Dans 96 % des contrats étudiés dans la base de données, les parties ont dû faire face à des événements dont la probabilité d’occurrence et/ou l’impact est méconnu et dont l’anticipation ou la matérialisation a entraîné, directement ou indirectement, des effets adverses sur la réalisation des objectifs du contrat, que ce soit en termes de coûts, de délais ou de performance technique (Oudot, 2010a). Par ailleurs, 100 % des contrats renégociés sont caractérisés par de tels événements adverses. Les chocs et les renégociations sont donc observés de façon concomitante.
21Établir une relation causale entre ces chocs et les renégociations serait toutefois prématuré à ce stade de l’analyse. Pour cela, il est en effet nécessaire d’identifier des règles de décision justifiant les renégociations face à de tels chocs. L’analyse des choix contractuels formels constitue une première étape dans cette perspective.
Termes contractuels formels, chocs et renégociations
2298 % des marchés dans notre base de données sont des contrats à prix ferme avec des clauses de révision économique [5] en fonction du coût d’intrants. Des indices du coût du travail, de produits et services divers, de matières premières (aluminium, énergie, acier, cuivre, etc.) sont en effet introduits dans la formule de prix. Il s’agit donc de prix « révisables » (Kirat, Bayon, 2006 p. 49) [6].
23La valeur de chacun des indices est régulièrement déterminée par le Bulletin Officiel de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (BOCCRF) et plusieurs rapports de l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE), notamment le Bulletin Mensuel de la Statistique (BMS). L’application de ces formules de révision ne donne pas lieu à des renégociations dans la mesure où ces ajustements sont prévus dès le lancement du projet. L’utilisation de contrats à prix ferme est révélatrice de la protection de la DGA vis-à-vis des contingences intervenant ex post.
24Cette protection est renforcée par une obligation de résultat du titulaire du contrat, que ce soit en termes de délais ou de performance technique. En ce qui concerne la performance calendaire, des pénalités sont prévues dans tous les marchés en cas de retard dans la réalisation de l’objet du contrat. La formule de pénalité retenue dans l’approvisionnement de défense en France est du type VR/X ; avec V : valeur du poste considéré, R : nombre de jours de retard et X : un coefficient compris entre 1 000 et 9 000 dans notre échantillon. Dans 62 % des contrats analysés, la formule est égale à VR/3 000. Il est ainsi prévu que les titulaires des contrats soient pénalisés pour tout retard, quelles que soient les raisons de ce retard.
25Les titulaires des contrats sont également tenus d’atteindre les objectifs techniques précisés dans l’accord originel. Ces objectifs concernent par exemple la vitesse, l’autonomie, la portée, la résistance aux chocs ou encore la précision des armements. Deux arrangements établissent cette obligation. Le premier repose sur l’application de pénalités si les objectifs techniques ne sont pas atteints. Lorsque de telles pénalités ne sont pas prévues dans le contrat, il est rappelé, c’est le second arrangement utilisé, que le titulaire est soumis à une contrainte de résultat. Dans ce cas, la formule consacrée est la suivante : « Le titulaire a la responsabilité de livrer un produit conforme aux exigences du présent marché. Il doit obtenir le résultat demandé avec les moyens qu’il a choisis ; donner une visibilité satisfaisante sur les processus qu’il met en œuvre. Le titulaire a la responsabilité de mettre en œuvre une organisation, des méthodes et des moyens lui permettant de garantir la qualité des produits livrés ainsi que leur conformité aux exigences du présent marché et en apporter la preuve ».
26Par ailleurs, les clauses de rendez-vous sont quasiment absentes des contrats d’approvisionnement de défense en France. De telles clauses déterminent les conditions sous lesquelles les partenaires se réuniront en vue de renégocier les conditions de mise en œuvre du contrat. Trois cas de figure autorisent formellement des renégociations.
27Le premier concerne un long retard des entrées étatiques, compris entre 6 et 12 mois selon les contrats. Or, les entrées étatiques, prévues dans 73 % des contrats dans notre échantillon, ne sont qu’une source d’incertitude parmi de nombreuses autres, même s’il s’agit de la source la plus critique (Oudot, 2010a). Cette clause de rendez-vous ne peut donc pas expliquer la fréquence des renégociations observée dans l’approvisionnement de défense en France.
28Le second cas de figure concerne de son côté uniquement certains contrats en co-traitance conjointe [7]. Dans ce cas précis, la défaillance d’un co-traitant entraînant un retard supérieur à 3 mois peut donner lieu à des demandes de renégociations des autres co-traitants auprès de la DGA, en tant que maître d’ouvrage. Cependant, les contrats en co-traitance (conjointe ou solidaire) ne représentent que 25 % de l’échantillon étudié. De plus, cette clause de renégociation ne concerne que les co-traitances conjointes et exclut les co-traitances solidaires. Dans notre échantillon, aucune renégociation n’a été justifiée en invoquant cette clause de rendez-vous.
29Enfin, la troisième clause de rendez-vous est spécifique aux marchés à phases, i. e. comprenant plusieurs étapes de réalisation de l’objet du contrat. Il est précisé dans l’article 8 du décret spécifique à la défense n° 2004-16 « qu’à l’issue de chaque phase, la personne responsable du marché peut, sur la base des résultats obtenus, définir dans le marché, après accord du titulaire, les nouveaux moyens à mettre en œuvre ou les objectifs à obtenir pour la phase suivante en vue de réaliser l’opération ». Dans un tel contexte de marché à phases, des renégociations sont donc autorisées. Cependant, dans notre échantillon, aucun contrat ne correspond aux marchés à phase. Cette clause de rendez-vous n’explique donc pas les renégociations intervenues.
30En résumé, le prix payé par la DGA est révisé en fonction d’indices de coûts précisés dans des documents officiels extérieurs aux parties à l’échange. L’indexation de ces prix ne donne pas lieu à renégociation. De plus, les titulaires des contrats sont soumis à une contrainte de résultat, quelles que soient les contingences intervenant ex post. Les partenaires ne prévoient par ailleurs de renégocier les conditions de mise en œuvre du contrat que dans des conditions précises, insuffisamment observées dans notre échantillon pour expliquer les renégociations intervenues. Les termes contractuels formels ne permettent donc pas d’expliquer la fréquence des renégociations dans l’approvisionnement de défense en France. Le lien causal entre événements adverses et renégociations reste donc à démontrer.
Termes contractuels informels, chocs et renégociations
31À l’inverse des termes contractuels formels, les arrangements informels permettent d’expliquer l’occurrence de renégociations en cas d’intervention d’événements adverses dans la conduite du contrat. Deux règles de décisions implicites reliant chocs et renégociations peuvent être identifiées dans cette perspective [8].
32La première est le principe de responsabilité (Holmström, Milgrom, 1991, p. 27). Ce principe stipule que chaque partie à l’échange supporte les conséquences financières des événements qu’elle contrôle. La motivation recherchée dans l’application de ce principe est d’inciter les partenaires à empêcher l’occurrence d’événements présentant des effets négatifs sur la performance. L’application du principe de responsabilité est susceptible de donner lieu à n’importe quel partage des conséquences financières des événements adverses à l’intérieur du continuum [0 ; 1] [9], selon la responsabilité relative des parties à l’échange. Il est établi que ce principe est appliqué dans l’approvisionnement de défense en France, dès lors que les parties détiennent une information complète sur l’origine des événements adverses ainsi que sur leurs conséquences financières (Oudot, 2010b, chapitre VII). Ce principe influence directement les décisions d’allocation des risques. Il est ici observé que le principe de responsabilité n’est précisé ni dans les contrats originaux ni dans la réglementation. Le principe de responsabilité peut donc être considéré comme une règle de décision implicite gouvernant les conditions de conduite des contrats d’approvisionnement de défense en France.
33Dans la mesure où la réalisation des systèmes de défense implique la participation non seulement du titulaire du contrat, mais aussi de sous-traitants, du ministère de la défense en général et de la DGA en particulier ainsi que du ministère de l’économie et des finances, chacun de ces partenaires est susceptible d’être à l’origine d’événements influençant négativement la performance des contrats. En application du principe de responsabilité, la DGA supporte les conséquences d’événements causés par ses propres actions mais aussi les actions des autres organisations publiques. Dans la pratique, l’application du principe de responsabilité conduit à l’exemption de pénalités et à des renégociations [10]. Le surprix total causé, dans notre base de données, par la combinaison de la responsabilité de la DGA et de l’application du principe de responsabilité s’élève à 64,5 millions d’euros. 63 % des surprix totaux validés par les avenants sont ainsi expliqués par l’application du principe de responsabilité dans l’approvisionnement de défense en France.
34La seconde règle de décision implicite établissant le lien entre incertitude et renégociation repose sur le principe d’équilibre des aléas (Williamson, 1985 ; Masten, 1988). À l’inverse du principe précédent, les parties à l’échange ne sont désormais plus en mesure d’identifier l’origine précise des événements adverses et d’évaluer leurs conséquences financières. Une telle incapacité provient de la combinaison de l’incomplétude de l’information détenue, de la rationalité limitée des agents et de la complexité du processus d’approvisionnement. Ce principe est présenté et testé par Oudot et Ménard (2010). Il y est établi que le principe d’équilibre des aléas est appliqué dans l’approvisionnement de défense en France. L’application de ce principe conduit à un partage à 50-50 des conséquences financières des événements adverses intervenant dans la conduite du contrat. La motivation poursuivie dans l’application de ce principe repose sur la volonté des parties à l’échange d’éviter des renégociations trop longues, et donc coûteuses, en retenant un arrangement conforme à leur perception d’équité lorsque l’origine des événements adverses est ambiguë.
35Il est ici observé que ce principe n’est explicité ni dans les contrats formels signés au lancement des projets ni dans la réglementation. Le principe d’équilibre des aléas peut ainsi être considéré comme une règle de décision implicite prévalant dans l’approvisionnement de défense en France. Ce principe permet d’établir le lien entre incertitude et renégociation. Le principe d’équilibre des aléas a été appliqué dans huit contrats dans notre base de données, donnant lieu à un surprix de 7,5 millions d’euros. 7 % des surprix totaux validés par les avenants de renégociations sont expliqués par l’application du principe d’équilibre des aléas dans l’approvisionnement de défense en France.
36Le principe de responsabilité et le principe d’équilibre des aléas sont ainsi deux règles de décisions implicites prévalant entre la DGA et les titulaires des contrats. Ces deux principes permettent d’établir le lien de causalité entre événements adverses et renégociation. Alors que l’analyse des termes contractuels formels ne permettait pas d’établir une telle relation, celle-ci est démontrée à l’aide de l’identification d’arrangements informels. L’explication des choix contractuels implique donc d’aller au-delà de la lecture des choix formels en cherchant à identifier et à comprendre les motivations informelles poursuivies par les parties à l’échange. Il s’agit d’une étape analytique essentielle en vue de comprendre la mise en œuvre des contrats d’approvisionnement dans le secteur de la défense en France.
Les transactions dites de probité : facteur de renégociation
37Le concept de transaction de probité (probity transaction) a été initialement énoncé par Williamson (1999). Ce dernier fait état de la spécificité de certaines transactions liées à la souveraineté des États : « les affaires étrangères, militaires, le renseignement, la fourniture fiduciaire, et probablement le système judiciaire » [11] (Williamson, 1999, p. 321). Cet auteur ajoute : « ce qui distingue les transactions de probité sont leur besoin de loyauté (envers le leadership et la mission) et l’intégrité du processus » [12] (Williamson, 1999, p. 324). Dans de telles transactions, l’autorité publique a besoin d’un professionnalisme de haut niveau de la part du titulaire du contrat. En effet, toute défaillance de ce dernier concernant la réalisation des objectifs techniques ou calendaires est susceptible de causer de grandes pertes à l’autorité publique. Les transactions de probité sont caractérisées par des enjeux dépassant leur strict périmètre, ce qui crée une dépendance particulièrement importante de l’autorité publique vis-à-vis du titulaire du contrat dès lors que l’externalisation est retenue.
38Dans l’approvisionnement de défense, les transactions de probité correspondent aux contrats dont l’objet est la réalisation d’un système lié à la dissuasion nucléaire, à la cyber-sécurité ou d’un équipement devant être intégré dans un système de défense en cours d’élaboration. Dans ces cas, toute défaillance dans la réalisation des objectifs techniques ou calendaires imposerait à l’autorité publique des coûts dépassant largement les coûts du projet considéré. Envisageons, par exemple, quels seraient les coûts sociaux, économiques et politiques d’une défaillance d’un système nucléaire (explosion, fuite…) ou de la cyber-sécurité. Dans le troisième cas, la dépendance de l’acheteur public est causée par les conséquences techniques et organisationnelles de marchés sur d’autres marchés. L’approvisionnement de défense est organisé en nœuds de contrats [13] dont l’objectif est la réalisation de systèmes complexes dont la performance finale dépend de celle de son composant le moins performant (bien du type maillon faible). La défaillance d’une composante conduit à la défaillance du programme dans son ensemble.
39Dans le même temps, en présence de transaction de probité, si le titulaire du contrat déclare ex post être dans l’incapacité d’atteindre les objectifs techniques ou calendaires, alors il « capture » la personne publique. Simplement en attendant un nouvel arrangement contractuel ou, dans un cas extrême, en menaçant de rompre le contrat en raison d’impossibilités techniques par exemple, le titulaire fera supporter à la personne publique des coûts très élevés. Cette stratégie contractuelle a été identifiée par Goldberg dès 1985 qui stipule que « les coûts peuvent provenir directement d’efforts de renégociation ou indirectement d’une négociation stratégique. Le perdant peut menacer de recourir à des actions qui imposent des coûts à l’autre partie sans que cela constitue une rupture légale du contrat » [14] (p. 532). En retardant un contrat du programme dont l’objectif est la réalisation d’un système de défense, le titulaire retarde le programme entier, ce qui impose des coûts à la DGA. Une telle « stratégie d’attente » va probablement réussir en raison des investissements en actifs spécifiques réalisés par la DGA (les autres contrats du programme), ce qui crée une quasi-rente [15] importante. Le titulaire du contrat peut mettre en œuvre un comportement opportuniste visant à capter une partie de la quasi-rente de la DGA. Cette dernière ayant absolument besoin que les objectifs techniques ou calendaires soient atteints dans les transactions de probité pour les raisons énoncées précédemment, elle est contrainte de trouver un arrangement face à une telle stratégie d’attente.
40Dans notre base de données, deux transactions sont caractérisées par une telle probité [16]. L’une d’entre elles a connu d’importantes difficultés contractuelles. L’objet de ce contrat était la réalisation d’un équipement devant être intégré dans un système de défense majeur dont la réalisation était en cours. Le titulaire du contrat a déclaré ex post ne pas être en mesure d’atteindre des objectifs techniques pour des raisons qui sont de sa propre responsabilité, alliée en partie à des facteurs exogènes. La résolution de ces difficultés impliquait un surcoût de 40 millions d’euros pour un contrat d’une valeur de 350 millions d’euros. Le titulaire a alors adopté une stratégie d’attente. Dans la mesure où la DGA avait absolument besoin que la performance technique visée soit atteinte, elle a accepté de payer la moitié de ce surcoût (20 millions d’euros). Un tel comportement est qualifié par la DGA « d’action participative ». Si la DGA n’avait pas débloqué la situation, d’une façon ou d’une autre, alors les retards du contrat auraient été importants, occasionnant par la suite des retards dans le programme entier. Les coûts induits estimés alors s’élevaient à plus de 100 millions d’euros, soit plus que le surcoût initial ayant causé ces difficultés, ce qui a justifié l’action participative de la DGA.
41Bien que les transactions de probité ne soient pas fréquentes dans notre base de données, leurs conséquences financières sont importantes. Le surprix dû à un tel comportement opportuniste du titulaire dans cette transaction de probité explique 20 % du surprix total validé par les avenants de renégociation.
Discussion
42Deux objectifs sont poursuivis dans cette section. Le premier est de positionner les développements présentés dans cet article vis-à-vis de la littérature existante sur les renégociations. Dans cette perspective, le modèle d’agence de Guasch, Laffont et Straub (2006) concernant la probabilité d’occurrence des renégociations est présenté. Bien qu’une vaste littérature existe sur les renégociations (Holden et al., 2010 ; Kosnik, Lange, 2011 ; Zhao, 2012, parmi de nombreux autres), peu établissent un lien formel quantitatif entre la théorie et les observations factuelles, ce que proposent notamment Guasch, Laffont et Straub (tout comme Gagnepain, Ivaldi, Martimort, 2009). Les faits stylisés identifiés dans l’approvisionnement de défense sont ainsi introduits dans leur modèle de façon à rendre compte des observations établies dans ce secteur et à permettre une comparaison intersectorielle des déterminants des renégociations. Le second objectif poursuivi est d’interpréter les choix contractuels dans l’approvisionnement de défense en France. Les conséquences des renégociations en termes de choix du type de contrat sont en particulier discutées, concluant à la nature à la fois hybride et relationnelle des choix contractuels.
Le modèle de Guasch, Laffont et Straub
43Guasch, Laffont et Straub (désormais GLS) ont publié plusieurs articles portant sur les déterminants des renégociations des contrats de concession en Amérique latine (GLS, 2006 ; 2007 ; Guasch, Straub, 2006). Dans ces articles, les auteurs formalisent les observations empiriques réalisées par Guasch (2004) en introduisant de l’incomplétude contractuelle dans un modèle Principal – Agent. GLS insistent sur le fait que les renégociations peuvent être initiées par l’État (GLS, 2005, 2007) ou par les firmes (GLS, 2003). Alors que les renégociations engagées par l’État sont principalement expliquées par des considérations du cycle politique (l’État expropriant le titulaire du contrat), les renégociations initiées par les firmes proviennent de variables détaillées dans l’équation suivante.
45Avec, ?: probabilité que le titulaire soit efficace (variable exogène dans le modèle de GLS). Si le titulaire est efficace, alors il ne demandera pas à renégocier le contrat. Par contre, un titulaire inefficace demandera à modifier les conditions de mise en œuvre du marché dans la mesure où son niveau d’utilité ex post est inférieur à son utilité tirée du statu quo.
46?: chocs. Alors que des chocs positifs réduisent la probabilité de renégocier, des chocs négatifs (un aléa macroéconomique affectant les coûts à la hausse par exemple) accroissent la probabilité de renégocier.
47 : probabilité que le régulateur soit en mesure d’imposer les conditions initiales de mise en œuvre du contrat. Cette probabilité dépend, dans leur modèle, des dépenses xE de financement des mécanismes d’exécution du contrat. Le régulateur est contraint d’accepter une renégociation avec une probabilité de . Les comportements opportunistes sont présentés comme exploitant les faiblesses de l’environnement institutionnel.
48GLS présentent ainsi deux déterminants principaux des renégociations des contrats : l’incomplétude des contrats, appelant une adaptation aux événements adverses, et les faiblesses de l’environnement institutionnel, donnant lieu à leur exploitation par les titulaires des contrats.
49Dans cet article, il a été suggéré que les renégociations des contrats d’approvisionnement de défense soient principalement expliquées par les événements adverses (? dans le modèle de GLS) associés à des règles de décision permettant d’établir le lien entre ces chocs et les renégociations. Le modèle de GLS est complété en introduisant de telles règles de décision. L’équation suivante est suggérée dans cette perspective.
51Avec, ? : règle de décision autorisant les renégociations en présence d’événements adverses. Cette règle de décision peut être explicite, comme une clause de rendez-vous précisée dans le contrat originel, ou implicite, tels que les principes de responsabilité et d’équilibre des aléas dans l’approvisionnement de défense en France. ? est une variable dichotomique prenant 1 si une telle règle de décision prévaut, 0 sinon. Si aucune règle, explicite ou implicite, ne permet d’établir le lien entre les événements adverses et la renégociation, alors l’intervention de ces chocs n’est pas en mesure d’expliquer l’occurrence des renégociations.
52Parallèlement à ces observations, le second déterminant majeur des renégociations dans l’approvisionnement de défense en France repose sur l’incertitude comportementale. Les actions opportunistes ont pour objectif d’exploiter la forte dépendance de la DGA dans la réalisation des objectifs techniques et calendaires dans les transactions de probité. Contrairement à ce qui se passe dans les contrats de concession en Amérique latine, les titulaires des contrats exploitent non pas les limites des mécanismes d’exécution du contrat mais plutôt les faiblesses de l’organisation du processus d’approvisionnement, en tant que nœuds de contrats, en présence de transactions de probité. D’un point de vue formel, l’équation (1) est complétée de façon à introduire l’organisation du processus d’approvisionnement dans l’analyse (?).
54La probabilité que la DGA soit en mesure d’imposer les conditions initiales de mise en œuvre du contrat est une fonction positive des dépenses d’exécution (modèle de GLS) et également une fonction négative de l’organisation du processus d’approvisionnement (?). Cette dernière est principalement déterminée par une variable dichotomique prenant 1 s’il s’agit d’une transaction de probité, et 0 sinon. Les transactions de probité réduisent et accroissent la probabilité que la DGA soit contrainte d’accepter une renégociation .
Interprétation des choix contractuels
Des choix contractuels hybrides
55Une partie des contrats à prix ferme est mise en œuvre comme des contrats à remboursement de coûts. Ce changement du type de contrat au cours de la conduite du marché est causé par les renégociations. Alors que 98 % des contrats analysés sont du type prix ferme, 56 % de ces contrats sont exécutés comme des contrats à remboursement de coûts [17]. En effet, les titulaires des marchés sont remboursés pour une partie de leurs coûts par la DGA. Ces pratiques contractuelles peuvent être interprétées comme des formes hybrides entre deux cas polaires : des contrats à prix ferme définitif (et exécutés comme tel) et des contrats à remboursement de coûts avec une marge fixe prévue à l’avance. Ce choix hybride est assimilé à l’arbitrage stabilité/flexibilité mis en avant par la théorie des coûts de transaction. Alors que l’objectif de la stabilité des conditions de mise en œuvre du contrat est d’encourager les parties à respecter leurs engagements (Williamson, 1993), la flexibilité vise à minimiser les coûts d’inadaptation en évitant l’effet d’enfermement causé par les choix contractuels (Bajari, Tadelis, 2001). Dans l’approvisionnement de défense en France, les contrats à prix ferme ont initialement été choisis pour inciter les titulaires des contrats à la performance, et ces contrats sont exécutés comme des contrats à remboursement de coûts de façon à s’adapter aux contingences intervenant ex post [18].
56Dans le but d’appréhender de façon plus précise ce choix hybride effectué en France, une comparaison des stratégies contractuelles française et américaine est effectuée. Le cas américain a été retenu ici comme référence de comparaison en raison du montant des budgets consacrés à l’approvisionnement de défense aux États-Unis. Le tableau suivant détaille l’importance relative des types de contrat dans ces deux pays [19].
Une comparaison franco-américaine du choix du type de contrat [20]
Une comparaison franco-américaine du choix du type de contrat [20]
57Alors que les autorités françaises favorisent de façon presque systématique les contrats à prix ferme au lancement des marchés, les autorités américaines s’orientent davantage vers des contrats à remboursement de coûts à la signature du marché. Le taux de contrats à remboursement de coûts retenu initialement n’est que de 2 % dans notre base de données, alors qu’il varie entre 27,42 % (Boeing) et 49,68 % (Lockheed Martin) aux États-Unis. En moyenne, sur la période 1999-2003, toutes firmes confondues, le taux de contrats à remboursement de coûts est de 27,4 % aux États-Unis. En revanche, 58 % des contrats sont exécutés en France, dans notre base de données, comme des contrats à remboursement de coûts. Le taux de contrat à remboursement de coûts effectif n’est donc pas très éloigné en France et aux États-Unis.
58Les développements qui suivent tendent à expliquer les différences initiales de choix contractuel entre la France et les États-Unis. Ces différences ne peuvent pas s’expliquer par la réglementation en vigueur. En effet, les réglementations française et américaine autorisent toutes les deux le recours au contrat à remboursement de coûts. En France, le code des marchés publics et le décret spécifique à la défense autorisent la DGA à utiliser des contrats à remboursement de coûts sous certaines conditions : négociation, système complexe, nouvelle technologie ou encore absence de comparateur de prix, parmi d’autres caractéristiques. Celles-ci sont très répandues dans l’approvisionnement de défense. La réglementation française précise qu’il est même envisageable que le contrat à remboursement de coûts ne comprenne aucun plafond. La réglementation américaine, la Federal Acquisition Regulation (section XVI), recommande de son côté clairement d’aligner le choix du type de contrat au degré de complexité ou d’incertitude de la transaction.
59La différence des choix contractuels initiaux entre la France et les États-Unis peut cependant être expliquée par des dimensions de l’environnement institutionnel autres que la réglementation. En effet, aux États-Unis, les autorités recourent à la fois à la loi (à travers le Truth in Negotiation Act [21]) et à des contrôles de coûts répandus et efficients (de la part du Government Accountability Office, de la Defense Contract Management Agency et de la Defense Contract Audit Agency) pour contrôler les contrats d’approvisionnement. Ces mécanismes permettent aux autorités américaines de connaître précisément les coûts de réalisation des titulaires des contrats, ce qui est fondamental pour assurer la mise en œuvre efficace de tels arrangements. En France, aucune loi ne contraint les titulaires des contrats à révéler leurs informations sur les coûts effectifs de réalisation et, surtout, l’efficience des contrôles de coûts est relative, même si des efforts sont actuellement menés dans cette perspective. Dans les années 1980, les faiblesses des contrôles de coûts associées à la révélation d’excès de la part de certains titulaires des contrats sur les coûts déclarés de consommations intermédiaires notamment, ont conduit les autorités publiques à abandonner les contrats à remboursement de coûts dans l’approvisionnement de défense en France. Étant donné les contraintes imposées par l’environnement institutionnel, les contrats à remboursement de coûts y sont a priori [22] inefficaces.
Des choix contractuels relationnels
60Outre le caractère hybride des choix contractuels dans l’approvisionnement de défense en France, ces derniers peuvent également être qualifiés de relationnel. Baker, Gibbons et Murphy (2002) rappellent que les contrats relationnels sont parfois appelés « auto-exécutés » (Telser, 1980 ; Klein, 1996 ; Bolton, Dewatripont, 2005 ; Doornik, 2006), « implicites » (McLeod, Malcomson, 1989) ou les deux à la fois (Bull, 1987 ; Levin, 2003 ; Carson, Madhok, Wu, 2006) [23].
61Il est suggéré ici que les contrats d’approvisionnement de défense en France sont auto-exécutés, en complément de leur nature implicite détaillée précédemment. Le recours à l’approche implicite pour gouverner les transactions dans l’approvisionnement de défense peut s’expliquer par les facteurs suivants : une incapacité à exprimer explicitement les termes de l’échange (manque de compétences contractuelles : Argyres, Mayer, 2007), par une volonté de favoriser une certaine souplesse dans la conduite des contrats en évitant un effet d’enfermement (lock-in) causé par l’utilisation de clauses qui s’avéreraient inadaptées ex post, ou encore par la nécessité d’éviter d’envoyer au parlement un signal indiquant qu’il est possible que l’exécution des contrats soit associée à des surprix. L’anticipation de conditions équitables de mise en œuvre des contrats est également un facteur favorisant l’acceptation, par les parties à l’échange de contrats incomplets et implicites (Oudot, Ménard, 2010) [24]. Précisons enfin que l’utilisation à la fois de choix contractuels explicites et implicites suggère que ces choix sont complémentaires plutôt que substituables dans la gouvernance des contrats (Poppo, Zenger, 2002).
62La DGA et les titulaires des contrats étant par ailleurs impliqués dans une relation de dépendance bilatérale forte de long terme, ils sont amenés à coopérer de façon à atteindre les objectifs visés. Dit autrement, toute rupture de leur relation entraînerait des coûts très importants pour les deux partenaires, ce qui est la caractéristique d’un large spectre auto exécuté du contrat (Klein, 1996 ; Bolton, Dewatripont, 2005 [25]).
63De plus, la DGA et les titulaires des contrats règlent leurs litiges en interne, sans recourir, généralement, à un arbitre extérieur, un juge par exemple. Très peu de différends donnent en effet lieu à des conflits juridiques ouverts auprès des tribunaux lorsque l’objet du contrat concerne la réalisation d’un armement (Simonel, 2008). L’explication du règlement en interne des contentieux peut s’expliquer par plusieurs facteurs : les faiblesses du système judiciaire (long, coûteux, issues incertaines), la possibilité de fuites d’informations classifiées lors du procès (choix techniques et technologiques), la complexité des affaires (ce qui rend les informations difficilement observables et encore moins vérifiables [26]) ainsi que l’impossibilité de faire exécuter par la cour des accords en partie informels établis entre la DGA et les titulaires des contrats. Le partenariat établi entre la DGA et les titulaires des contrats, associé à la résolution interne des conflits, permet de conclure sur la nature auto exécutée des contrats d’approvisionnement dans le secteur de la défense en France. Les contrats d’approvisionnement de défense sont ainsi à la fois auto-exécutés et implicites. C’est pourquoi ils peuvent être qualifiés de relationnels.
Conclusion
64Après avoir évalué à la fois la fréquence des renégociations et leurs impacts, financiers et techniques, dans l’approvisionnement de défense en France, les déterminants de ces renégociations ont été identifiés. L’observation de la concomitance des renégociations et des événements adverses s’est cependant avérée insuffisante pour expliquer les renégociations. Il est en effet nécessaire d’identifier des règles de décisions reliant ces événements adverses et les renégociations de façon à établir le lien de causalité entre ces deux phénomènes. L’analyse des choix contractuels explicites n’a pas permis d’établir un lien de causalité entre incertitude et renégociation. Ces termes contractuels n’autorisent en effet pas les renégociations face à l’intervention d’événements adverses durant la vie des marchés. Il a alors été établi que des arrangements implicites prévalent entre la DGA et les titulaires des contrats et que ces accords informels permettent d’expliquer pourquoi les chocs peuvent être considérés comme des déterminants des renégociations dans l’approvisionnement de défense en France. Ces règles de décision implicites sont le principe de responsabilité et le principe d’équilibre des aléas. Plus généralement, les développements présentés dans cet article indiquent que la compréhension des choix contractuels implique d’aller au-delà de l’analyse des choix explicites stipulés dans les marchés. Il apparaît fondamental, dans cette perspective, d’identifier et d’étudier les choix contractuels implicites prévalant entre les parties à l’échange.
65Il a par ailleurs été trouvé que les transactions dites de probité (Williamson, 1999) représentent un environnement transactionnel particulièrement favorable à la renégociation. Le titulaire est en effet en mesure d’exploiter la forte dépendance de la DGA à l’égard de la réalisation des objectifs techniques ou calendaires fixés au lancement du projet. La forme d’opportunisme mise en œuvre correspond à une stratégie d’attente d’un nouvel arrangement contractuel remplaçant l’accord originel (Goldberg, 1985). Lors de l’analyse des contrats d’approvisionnement, il apparaît ainsi important d’identifier s’il s’agit, ou non, d’une transaction de probité et d’en déduire les comportements possibles du partenaire.
66Cette analyse des déterminants des renégociations dans l’approvisionnement de défense en France a ensuite conduit à proposer une analyse du modèle de Guasch, Laffont et Straub (2006). Les variables explicatives clés des renégociations dans l’approvisionnement de défense, à savoir des règles de décision reliant chocs et renégociation, ainsi que l’organisation du processus d’approvisionnement (transaction de probité ou non) ont été introduites dans leur modèle, adaptant ainsi la proposition énoncée par ces auteurs à notre cas d’étude.
67Enfin, les choix contractuels dans l’approvisionnement de défense en France ont été interprétés comme étant à la fois hybrides et relationnels (i. e. auto exécutés et implicites). En particulier, ont été discutées l’influence des renégociations sur le choix du type de contrat et les motivations poursuivies dans la sélection des contrats à prix ferme en France. Plus généralement, nos développements montrent que les contrats à prix ferme ne constituent pas un engagement crédible en raison des renégociations fréquentes qu’ils engendrent.
68Bien que les choix contractuels se trouvent ainsi interprétés, il n’est pas possible d’apprécier leur performance. L’évaluation de la pertinence des renégociations a en effet donné lieu à des résultats contrastés dans la littérature économique. D’un côté, Jolls (1997) a montré, dans un cadre d’agence, que toute renégociation et toute anticipation de renégociation(s) annihilaient l’efficacité des incitations véhiculées par les termes contractuels. Guasch (2004) insiste, lui, sur les hausses des prix consécutives aux renégociations ainsi que sur les pertes de bien-être associées à ces hausses de prix. D’un autre côté, Gil (2006) a trouvé que les renégociations peuvent être perçues comme positives dans la mesure où elles permettent de répondre à la contrainte de participation de l’Agent. Felli et Villas-Boas (2000) ont par ailleurs démontré que les renégociations peuvent être perçues comme efficaces dans la mesure où elles permettent de réduire les inefficacités causées par une collusion initiale entre les parties à l’échange. Enfin, certains auteurs ont mis en avant à la fois les côtés positifs et négatifs des renégociations. Guasch, Laffont et Straub (2005, 2006, 2007) mettent par exemple en exergue leurs effets positifs lorsque l’objectif est de s’adapter aux chocs (non contrôlables) intervenant durant la mise en œuvre du contrat, et les effets négatifs lorsque les parties à l’échange tendent à exploiter de façon opportuniste les faiblesses de l’environnement institutionnel. Baron (1988) aboutit à un résultat similaire. L’analyse de ces travaux, qui s’inscrivent dans des cadres analytiques différents, montre la diversité des résultats des recherches visant à apprécier la pertinence des renégociations. Conclure sur la performance des renégociations s’avère ainsi jusqu’ici problématique, ce qui appelle des travaux complémentaires dans ce domaine.
Bibliographie
Bibliographie
- AGHION, P., TIROLE, J. (1994), The Management of Innovation, Quarterly Journal of Economics, 109 (4), 1185-1209.
- ARGYRES, N., MAYER, K. (2007), Contract Design as a Firm Capability: An Integration of Learning and Transaction Cost Perspectives, Academy of Management Review, 32 (4), octobre.
- BAJARI, P., TADELIS, S. (2001), Incentives versus Transaction Costs: A Theory of Procurement Contracts, Rand Journal of Economics, 32 (3), 387-407.
- BAKER, G., GIBBONS, R., MURPHY, K. (2002), Relational Contracts and the Theory of the Firm, Quarterly Journal of Economics, 117 (1), 39-84.
- BARON, D. (1988), Procurement Contracting: Efficiency, Renegotiation and Performance Evaluation, Information Economics and Policy, 3 (2), 109-142, reprinted in Hartley, K., Sandler, T. (eds.) (2001), The Economics of Defence, Cheltenham (U.K.), Edward Elgar.
- BOLTON, P., DEWATRIPONT, M. (2005), Contract Theory, Cambridge, MA, The MIT Press.
- BULL, C. (1987), The Existence of Self-Enforcing Implicit Contracts, Quarterly Journal of Economics, 101 (3), 147-159.
- CARSON, S., MADHOK, A., WU, T. (2006), Uncertainty, Opportunism and Governance: The Effects of Volatility and Ambiguity on Formal and Relational Contracting, Academy of Management Journal, 49 (5), 1058-1077.
- CROCKER, K., MASTEN, S. (1991), Pretia ex Machina? Prices and Processes in Long-Term Contracts, Journal of Law and Economics, 34 (1), 69-99.
- DOORNIK, K. (2006), Relational Contracting in Partnerships, Journal of Economics and Management Strategy, 15 (2), 517-548.
- FELLI, L., VILLAS-BOAS, J. (2000), Renegotiation and Collusion in Organizations, Journal of Economics and Management Strategy, 9 (4), 453-483.
- GAGNEPAIN, P., IVALDI, M., MARTIMORT, D. (2009), Renégociation de contrats dans l’industrie du transport urbain en France, Revue économique, 60 (4), 927-947.
- GIL, R. (2006), Renegotiation, Learning and Relational Contracts, University of California Santa Cruz working paper.
- GOLDBERG, V. (1985), Price Adjustments in Long Term Contracts, Wisconsin Law Review, 527-543.
- GROSSMAN, S., HART, O. (1986), The Costs and Benefits of Ownership: A Theory of Lateral and Vertical Integration, Journal of Political Economy, 94, 691-719.
- GUASCH, J. (2004), Granting and Renegotiating Infrastructure Concessions. Doing it Right, Washington, World Bank Institute development studies.
- GUASCH, J., LAFFONT, J., STRAUB, S. (2003), Renegotiation of Concession Contracts in Latin America, World Bank Policy Research Working Paper, 3011, Washington DC.
- GUASCH, J., LAFFONT, J., STRAUB, S. (2005), Infrastructure Concessions in Latin America. Government-led Renegotiations, World Bank Policy Research Working Paper, 3749, Washington DC.
- GUASCH, J., LAFFONT, J., STRAUB, S. (2006), Renegotiation of Concession Contracts: A Theoretical Approach, Review of Industrial Organization, 29 (1-2), 55-73.
- GUASCH, J., LAFFONT, J., STRAUB, S. (2007), Concessions of Infrastructure in Latin America: Government-led Renegotiations, Journal of Applied Econometrics, 22 (7), 1267-1294.
- GUASCH, J., STRAUB, S. (2006), Renegotiation of Infrastructure Concessions: An Overview, Annals of Public and Cooperative Economics, 77 (4), 479-493.
- HART, O., MOORE, J. (1990) Property Rights and the Nature of the Firm, Journal of Political Economy, 98, 1119-1158.
- HOLDEN, H., HOLDEN, L., HOLDEN, S. (2010), Contract adjustment under uncertainty, Journal of Economic Dynamics and Control, 34 (4), 657-680.
- HOLMSTRÖM, B., MILGROM, P. (1991), Multitask Principal-Agent Analyses: Incentive Contracts, Asset Ownership and Job Design, Journal of Law, Economics and Organization, 7, special issue, 24-52.
- JOLLS, C. (1997), Contracts as Bilateral Commitments: A New Perspective on Contract Modification, Journal of Legal Studies, 26, 203-237.
- KIRAT, T., BAYON, D. (2006), Les marchés publics de la défense : droit du contrat public, pratique administrative et enjeux économiques, Bruxelles, Bruylant.
- KLEIN, B. (1980), Transaction Cost Determinants of ‘Unfair’ Contractual Arrangements, The American Economic Review, 70 (2), 356-362.
- KLEIN, B. (1996), Why Hold-ups Occur: The Self-Enforcing Range of Contractual Relationships, Economic Inquiry, 34, 444-463.
- KOSNIKA, L., LANGEB, I. (2011), Contract Renegotiation and Rent Re-Distribution: Who Gets Raked Over the Coals?, Journal of Environmental Economics and Management, 62 (2), 155-165.
- LEVIN, J. (2003) Relational Incentive Contracts, The American Economic Review, 93 (3), 835-857.
- MASTEN, S. (1988), Equity, Opportunism and the Design of Contractual Relations, Journal of Institutional and Theoretical Economics, 144 (1), 180-195.
- MCLEOD, W., MALCOMSON, J. (1998), Motivation and Markets, American Economic Review, 88 (3), 388-411.
- OUDOT, J. (2007), Choix du type de contrat et performance : le cas des marchés publics de défense, Économie Publique, 21 (2), 157-182.
- OUDOT, J. (2010a), Performances and risks in the defense procurement sector, Journal of Public Policy, 30 (2), 201-218.
- OUDOT, J. (2010b), Choix contractuels et performances. Le cas des contrats de défense, Éditions Universitaires Européennes.
- OUDOT, J., MENARD, C. (2010), Opportunisme ou équité ? Le cas des contrats d’approvisionnement de défense, Revue Française d’Économie, 24 (3), 195-226.
- POPPO, L., ZENGER, T. (2002), Do Formal Contracts and Relational Governance Function as Substitutes or Complements? Strategic Management Journal, 23, 707-725.
- ROGERSON, W. (1994), Economic Incentives and the Defense Procurement Process, Journal of Economic Perspectives, 8 (4), 65-90.
- SAUSSIER, S. (2000), Transaction Costs and Contractual Completeness, Journal of Economic Behavior and Organization, 42 (2), 189-206.
- SIMONEL, L. (2008), Pour une refondation du règlement du différend né du marché public de défense, Défense Nationale et Sécurité Collective, n° spécial sur les marchés publics de Défense, 195-208.
- TELSER, L. (1980), A Theory of Self-Enforcing Agreements, Journal of Business, 53 (1), 27-44.
- WILLIAMSON, O. (1985), The Economic Institutions of Capitalism. Firms, Markets, Relational Contracting, New-York, The Free Press.
- WILLIAMSON, O. (1991), Comparative Economic Organization: The Analysis of Discrete Structural Alternatives, Administrative Science Quarterly, 36 (2), 269-296.
- WILLIAMSON, O. (1993), Opportunism and Its Critics, Managerial and Decision Economics, 14(2), 97-107.
- WILLIAMSON, O. (1999), Public and Private Bureaucracies: A Transaction Cost Economics Perspective, Journal of Law, Economics and Organization, 15 (1), 306-342.
- ZHAO, R. (2012), Renegociation and Conflict Resolution in Relational Contracting, Games and Economic Behavior, 75 (2), 964-983.
Mots-clés éditeurs : défense, relationnel, contrat, renégociation, hybride
Mise en ligne 13/08/2013
https://doi.org/10.3917/inno.042.0059Notes
-
[1]
“Contractual relationships, especially long-term ones, are rarely implemented in the mechanical way typically envisioned in economic theory, but are characterized instead by an ongoing process of negotiations over the terms of trade” (Crocker, Masten, 1991 p. 72).
-
[2]
Ce questionnaire est disponible à l’adresse suivante : http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/18/71/50/PDF/Oudot_jean-michel_these.pdf, p. 288-310.
-
[3]
Une renégociation donnant lieu à une réduction du prix résulte, par exemple, d’une réduction de la quantité commandée.
-
[4]
Le surprix est l’écart entre le prix initialement prévu dans le contrat et le prix finalement versé suite à la mise en œuvre de l’accord. Le surprix est engendré par l’occurrence de surcoûts et par le transfert des conséquences financières des événements adverses à la DGA.
-
[5]
Un seul contrat est du type remboursement de coûts dans notre base de données. De nombreux avenants d’ajustement sont signés dans ce type de contrat. Deux motivations principales expliquent la signature de ces avenants. La première est l’affermissement de tranches conditionnelles, prévues dans le marché initial. La seconde fait état des choix techniques ex post et de l’évolution associée du prix. Ces avenants ne correspondent cependant pas à des avenants de renégociation dans la mesure où les partenaires ont décidé ex ante de procéder de cette façon ex post. Il s’agit plutôt d’avenants d’ajustement.
-
[6]
Un prix est dit « ajustable » s’il est basé sur un indice de prix, et « révisable » s’il est basé sur un indice de coût (Kirat, Bayon, 2006 p. 49).
-
[7]
Une co-traitance peut être conjointe ou solidaire. Dans la co-traitance conjointe, chaque société membre du groupement est responsable de la réalisation du ou des lots qui lui sont attribués par le contrat. Seul le mandataire peut être solidaire des autres membres du groupement, et uniquement si le contrat le prévoit. Dans une co-traitance solidaire, chaque société est engagée pour la totalité du marché et est donc tenue à l’obligation de substitution en cas d’éventuelles défaillances de ses partenaires.
-
[8]
Ces règles de décisions informelles ont été établies à travers l’observation des décisions d’allocation des risques, de l’environnement de la transaction (notamment la capacité ou non d’identifier l’origine précise des risques) ainsi que des responsabilités des événements adverses intervenant durant la vie des contrats analysés.
-
[9]
Une allocation [0 ; 1] des conséquences financières causées par les événements adverses signifie que la partie A ne supporte aucun risque, alors que la partie B supporte la totalité de ces conséquences financières.
-
[10]
Ces renégociations sont rendues nécessaires par l’absence du principe de responsabilité dans les contrats formels.
-
[11]
“Foreign affairs, the military, foreign intelligence, managing the money supply, and, possibly, the judiciary” (Williamson, 1999, p. 321). Williamson fournit des exemples de transactions de probité dans le cadre de relations entre administrations. Des arguments sont présentés dans cet article indiquant que les transactions de probité peuvent également concerner des transactions entre organisations publiques et privées dans une relation d’approvisionnement dans le secteur de la défense.
-
[12]
“What distinguishes probity transactions are their needs for loyalty (to the leadership and to the mission) and process integrity” (Williamson, 1999, p. 324).
-
[13]
Cette organisation en nœuds de contrats est illustrée par les retombées d’un marché sur d’autres marchés. Dans notre base de données, 44 contrats ont donné lieu à des retards. Ceux-ci ont causé des retards des programmes dans lesquels ces marchés sont intégrés dans 23 % des cas, et aussi des retards dans des contrats extérieurs aux programmes considérés dans 11 % des cas. Ces effets d’entraînement expliquent en partie pourquoi les interdépendances entre plusieurs contrats ont été identifiées comme étant la troisième source de risques la plus critique dans l’approvisionnement de défense en France (Oudot, 2010a).
-
[14]
“The costs can arise directly from the effort to renegotiate or indirectly through strategic bargaining. That is, the loser might threaten to engage in acts which impose costs upon the other party but do not constitute a legal breach” (Goldberg, 1985, p. 532).
-
[15]
La quasi-rente est l’écart entre la valeur d’un actif à son meilleur usage possible et la valeur de cet actif dans sa meilleure utilisation alternative. Ici, la valeur d’un équipement spécifiquement réalisé pour être intégré dans un système particulier peut être nulle si cet équipement ne peut pas intégrer ce système.
-
[16]
Cette base de données ne comprend aucun contrat lié à la dissuasion nucléaire et à la cyber-sécurité. L’analyse de ces domaines aurait conduit à une hausse du nombre de transactions de probité observées dans notre échantillon.
-
[17]
58 % des contrats analysés sont ainsi exécutés comme des contrats à remboursement de coûts dans notre base de données : 27 contrats à prix ferme exécutés comme des contrats à remboursement de coûts, et un seul contrat à remboursement de coûts exécuté comme tel.
Un contrat à prix ferme est exécuté comme un contrat à remboursement de coûts dans deux cas. Le premier fait référence à une modification explicite du choix du type de contrat dans l’avenant. Le second cas correspond à une modification implicite du type de contrat : il reste à prix ferme mais le surprix accordé par la DGA au titulaire comprend une part de remboursement des coûts du titulaire. Dans cette perspective, Rogerson (1994) précise : “[…] renegotiation where there is an inevitable tendency to ascribe all cost-overruns to the changes. Thus, renegotiations often effectively turn a fixed price contract into a cost-sharing contract” (p. 67). -
[18]
La fréquence des renégociations réduit de façon drastique les incitations dans ce secteur, ce qui annihile l’effet incitatif recherché dans la mise en place des contrats à prix ferme (Jolls, 1997 ; Bolton, Dewatripont, 2005, p. 450).
-
[19]
N’ayant pas eu accès aux données concernant les conditions de mise en œuvre des contrats dans l’approvisionnement de défense aux États-Unis, la comparaison proposée ici n’est que partielle.
-
[20]
Les sources des données américaines proviennent du groupe de réflexion « center for public integrity » pour les firmes de défense, couvrant la période 1998-2003. Les données agrégées sur la période 1999-2003 (dernière colonne du tableau) proviennent du Government Accountability Office (06 – 409T). Notons que la somme des données américaines ne fait pas 100 en raison de l’existence d’une catégorie « autres » dont le contenu n’est pas précisé.
-
[21]
Le Truth In Negotiation Act (TINA) impose à tout titulaire de contrats auprès de l’État américain de soumettre des données de coût et de prix. Ces dernières comprennent toutes les informations que des acheteurs et des vendeurs prudents auraient identifiées comme affectant de façon significative les coûts ou les prix. Les titulaires et les sous-traitants doivent certifier que les informations communiquées sont précises, actualisées et complètes.
-
[22]
Ce résultat est discuté dans Oudot (2007).
-
[23]
“Contracts we call relational are sometimes called self-enforcing, implicit or both” (Baker, Gibbons, Murphy, 2002, p. 40 NBP n° 5).
-
[24]
Un contrat incomplet est un accord qui ne prévoit pas toutes les contingences pertinentes à la coordination des parties à l’échange ex post (Saussier, 2000). Un contrat implicite peut être complet s’il prévoit toutes ces contingences, mais celles-ci ne donnent pas lieu à des précisions formelles dans l’arrangement initial. Les concepts de contrat incomplet et implicite sont donc distincts.
-
[25]
“Informal agreements are self-enforcing when some credible future punishment threat in the event of non-compliance induces each party to stick to the agreed terms” (Bolton, Dewatripont, 2005, p. 461-462).
-
[26]
Une information est considérée comme observable lorsque les parties à l’échange sont capables de la mesurer, et vérifiable lorsqu’une partie extérieure à la relation, un juge par exemple, est capable d’établir une telle mesure. La différence entre l’observabilité et la vérifiabilité des informations fait l’objet de développements notamment dans la théorie des contrats incomplets (Grossman, Hart, 1986 ; Hart, Moore, 1990 ; Aghion, Tirole, 1994).