Innovations 2012/2 n°38

Couverture de INNO_038

Article de revue

Le petit producteur du commerce équitable, un entrepreneur (presque) comme les autres ? Une perspective aristotélicienne

Pages 107 à 128

Notes

  • [1]
    « En 2007, 63 % des ventes en France ont lieu dans les Grandes et Moyennes Surfaces (GMS). Le reste des ventes est effectué dans les boutiques spécialisées, les réseaux de distributions de produits biologiques, les cafés, hôtels et restaurants. L’achat public équitable est également un secteur en forte croissance. » En ligne sur : http://www.minefe.gouv.fr/presse/dossiers_de_presse/100422_installation_cnce.pdf Consulté le 12/01/2011.
  • [2]
    « L’homme a deux mains, pas seulement pour écrire et pour bénir, mais surtout pour travailler. La corne aux mains est une bonne chose » (Roozen, Van der Hoff, 2002, p. 44).
  • [3]
    http://www.commercequitable.org/fileadmin/user_upload/gene/Charte2008.pdf Consulté le 12/01/2010. C’est nous qui soulignons. Sauf mention contraire, les citations suivantes en sont issues.
  • [4]
    Même si l’opposition entre deux pôles « marché » et « solidarité » ne nous paraît pas totalement satisfaisante concernant le commerce équitable, qui postule au contraire qu’il est possible de concilier marché et solidarité. La diversité du commerce équitable se situe justement dans les différentes conceptions de cette conciliation. Fondamentalement, l’opposition ne se situe pas (ou plus) entre solidarité et marché. Il ne nous semble pas que l’opposition marché/solidarité nous permette de comprendre aujourd’hui les difficultés que traverse le commerce équitable. Le commerce équitable, dans toutes ses composantes, considère que la solidarité peut passer par le marché. La question qui semble demeurer légitime pour les acteurs du commerce équitable est plutôt de savoir si tous les types de marché sont à même de remplir des objectifs de solidarité.
  • [5]
    On va jusqu’à parler de « consommateur entrepreneur » (Rochefort, 1997), comme si « la véritable dignité du consommateur ne pouvait s’affirmer que dans le vocabulaire de la production » (Karpik, 2007, p. 142). On voit bien ici l’envahissement de l’économie par la poiesis.
  • [6]
    http://www.commercequitable.org/110/ Consulté le 12/01/2010. Souligné par nous.

1Le commerce équitable désigne l’ensemble des échanges basés sur un prix juste et ayant pour objectif de favoriser le développement des pays les plus pauvres par le biais du marché. Au-delà de cette première définition rapide et faussement consensuelle, le commerce équitable demeure malgré tout une vaste nébuleuse. En effet, selon les typologies les plus courantes, on distingue schématiquement deux principaux idéaux-type. Diaz Pedregal (2007) met en évidence une « sphère de spécialisation » qui refuse les pratiques de la grande distribution et insiste sur l’idée selon laquelle, de la production au Sud jusqu’à la vente au Nord, toutes les étapes par lesquelles passe le produit doivent être équitables voire coopératives. C’est le cas par exemple d’Artisans du Monde, ou encore d’Andines. Cette sphère coexiste avec une « sphère de labellisation », portée principalement par Max Havelaar qui s’inscrit dans toutes les formes de l’économie marchande. Toute l’histoire du commerce équitable est marquée par cette opposition que l’on peut résumer rapidement ainsi :

Tableau 1

Les deux conceptions du commerce équitable

Tableau 1
Une alternative au système économique dominant Un correctif du système économique dominant Sphère « Sphère de la spécialisation » « Sphère de la labellisation » Garanties Confiance, liens personnels, bénévolat, militantisme Rationalité, objectivité, cahier des charges, critères standardisés Lieu de distribution Distribution dans des boutiques spécialisées Distribution en moyennes et grandes surfaces Objectif Volonté affirmée d’échapper à la logique marchande et de dépasser le « tout marchand » Volonté de corriger le marché, le rendre plus juste, en revendiquant une inscription dans la logique marchande Philosophie Importance du lien, reconnaissance de l’Autre Importance du bien

Les deux conceptions du commerce équitable

Source : auteur

2Nous ne reviendrons pas sur la question de la diversité du commerce équitable, question abondamment traitée dans toutes les études qui lui sont consacrées. Plus précisément, c’est uniquement la figure du « petit producteur » du commerce équitable, prise comme idéaltype, qui retiendra notre attention dans cet article. Il s’agira donc de s’intéresser spécifiquement à cet acteur pour en interroger la nature et l’originalité. Le commerce équitable donne à voir un échange ayant pour objectif d’améliorer le niveau de vie des « petits producteurs » du Sud, par le biais d’échanges marchands. Ce qualificatif de « petit producteur » ne peut s’appliquer à tous les travailleurs. Le producteur du commerce équitable est un producteur certes, mais qui est « petit » : assez petit pour mériter d’être considéré ou pris en compte, mais pas « trop petit », puisqu’il doit pouvoir vivre de son travail sans être « secouru » ou « assisté ».

3À travers le slogan récurrent du commerce équitable Trade, not Aid, on voit bien que la charité et l’assistance sont profondément dévalorisées car elles priveraient les populations du Sud de leur dignité. Le commerce équitable est avant tout une critique de la charité au profit de l’échange marchand. Son objectif est donc a contrario l’indépendance, l’autonomie du « petit producteur ». Ce dernier doit être « presque » capable de vivre de son travail de façon autonome. Ce « petit producteur » doit certes être « petit », mais doit cependant pouvoir être un « producteur » ; pour le dire autrement, il doit être pauvre mais pas trop. Ainsi, nous montrerons ici qu’il doit pouvoir se transformer en entrepreneur. La rhétorique entrepreneuriale est mobilisée au sein même du commerce équitable afin que ces « petits producteurs » puissent se conformer aux exigences des consommateurs du Nord. Nous espérons ainsi participer au comblement du « déficit de travaux sur l’émergence entrepreneuriale dans l’économie sociale et solidaire » (Schieb-Bienfait et al., 2009, p. 14). Que signifie exactement être un entrepreneur au sein du commerce équitable ? L’entrepreneur du commerce équitable est-il d’une nature spécifique, car poursuivant un objectif de justice sociale ? L’appartenance au commerce équitable rend-elle les pratiques entrepreneuriales différentes ? Le commerce équitable s’appuyant sur l’émergence du « consommateur-citoyen », on peut se demander s’il existe face à ce consommateur une figure se rapprochant d’un « producteur-citoyen », d’un « produc’acteur ».

4Il s’agira donc ici de s’interroger sur l’éventuelle originalité de la figure du producteur au sein du commerce équitable. Le commerce équitable peut s’analyser selon nous, comme nous le montrerons, comme une volonté de concrétiser ce qu’Aristote appelait une « bonne économie ». Le producteur du commerce équitable, au sein de cette bonne économie, devient-il un producteur différent, spécifique, un producteur équitable ? On peut en effet se demander si cet espoir de voir apparaître un producteur différent est compatible avec les contraintes liées à la vente dans les grandes surfaces des pays développés [1]. À la question de savoir à quel type de producteur correspond le producteur du commerce équitable, on pourrait penser que le commerce équitable donne à voir une figure inédite car aristotélicienne du producteur, mais le producteur du commerce équitable ne semble pas renouveler la figure du producteur autant qu’on aurait pu l’espérer. Il ne s’agira donc pas ici de procéder à une enquête empirique sur le commerce équitable, sa diversité, ses effets sur le niveau de vie des petits producteurs. Si l’efficacité relative du commerce équitable ne semble plus être à démontrer de ce point de vue, beaucoup reste à faire selon nous concernant l’étude théorique et conceptuelle de cette pratique. C’est donc en tant qu’idéaltype que nous nous saisissons ici du commerce équitable, pour réfléchir à la singularité de la figure de son producteur.

5Nous montrerons donc dans un premier temps que le commerce équitable semble dessiner la figure d’un producteur particulier, inséré dans la bonne économie. Le commerce équitable suscite donc l’espoir de voir émerger un nouveau type de producteur. Cependant, cette originalité est à nuancer car le « petit producteur » doit en effet, et de plus en plus, être capable de devenir un entrepreneur pour être accepté dans les circuits du commerce équitable. Cette injonction à produire toujours davantage semble faire du producteur équitable une chimère. En effet, l’équité du commerce équitable se trouve davantage dans l’échange que dans la production.

L’espoir d’un producteur d’un type nouveau

6Blanchet (2010) évoque une « mythologie » des petits producteurs du commerce équitable. Selon l’auteur, le « petit producteur » deviendrait alors « un Autre stéréotypé » (Blanchet, 2010, p. 21) : « Les discours sur le CE [-Commerce équitable, DP] véhiculent donc une image exotique des « petits producteurs » : désignés comme Autres, ils sont « orientalisés ». » (Blanchet, 2010, p. 21). Suivant l’auteur, cela prend d’abord la forme d’une opposition entre les acteurs du commerce conventionnel, forcément grands, puissants, et ces « petits producteurs » défavorisés, et vulnérables. Cette construction de l’altérité passe ensuite par une certaine mise en scène des producteurs, par exemple sur les emballages, producteurs qu’on nous représente toujours en habits « traditionnels ». Mais surtout, ce « petit producteur » du commerce équitable serait selon nous un producteur particulier, car appartenant à la « bonne économie » telle que la définit Aristote. Ce dernier est parfois présenté comme le véritable « père fondateur » du commerce équitable (Jacquiau, 2006).

7De nombreux chercheurs ayant travaillé sur le commerce équitable mettent en évidence la proximité entre ce commerce et l’économie naturelle aristotélicienne (par exemple Latouche, 2000, Le Velly, 2004, ou Cary 2004). Les associations de commerce équitable, les chercheurs ayant travaillé sur cet objet, situent le commerce équitable dans la lignée des réflexions d’Aristote. Le commerce équitable serait ainsi une incarnation de l’économie naturelle. Dans cette perspective, il paraît alors intéressant de se demander si le producteur du commerce équitable trouve effectivement sa place dans cette bonne économie aristotélicienne. Il faut d’après Aristote distinguer deux formes d’économie : l’art de l’administration familiale, appelé encore économie naturelle, et l’art d’acquérir, appelé aussi chrématistique (Aristote, 1993). Cette distinction, réactualisée par les travaux de Berthoud (2002, 2005), incite dans un premier temps à envisager le producteur du commerce équitable comme un producteur d’un type nouveau car inséré dans l’économie naturelle.

Économie naturelle et chrématistique

8Il existe d’une part une forme d’économie naturelle, organisée par le chef de famille, qui a pour objectif le bien-vivre de la famille au sein du domaine. Cette économie est l’économie domestique, encore appelée parfois « bonne chrématistique ». Il s’agit d’un art naturel d’acquérir, « […] une espèce de l’art d’acquérir qui naturellement est une partie de l’administration familiale : elle doit tenir à la disposition de ceux qui administrent la maison, ou leur donner les moyens de se procurer les biens qu’il faut mettre en réserve, et qui sont indispensables à la vie, et avantageux à une communauté […]. » (Aristote, 1993, p. 113). La quantité nécessaire de ces biens est limitée, puisque c’est « […] de ces biens-là qu’on tire la véritable richesse, car la quantité suffisante d’une telle propriété en vue d’une vie heureuse n’est pas illimitée » (idem, p. 113). Il importe à l’agent économique d’en connaître le terme.

9Dans cette économie, l’échange a pour but de procurer les biens qui ne sont pas produits par et dans le domaine. Ce commerce est donc « naturel », du moins tant qu’il a pour objectif de satisfaire une valeur d’usage. L’économie domestique n’est pas une économie autarcique : « Une famille n’est pas un îlot sans relation avec l’extérieur. Il y a des choses qu’une famille ne peut pas produire ; il y a des acquisitions par troc ou par commerce ; il y a donc des hommes d’autres familles ou d’autres cités avec lesquels on se trouve en relation d’échange » (Berthoud, 2002, pp. 60-61). Comme le précise bien Aristote, le petit commerce relève bien de l’art naturel d’acquérir. C’est dans cette première forme d’économie naturelle que s’inscrirait le commerce équitable ainsi que le petit producteur inséré dans ce commerce. Le producteur du commerce équitable, dans cette conception, témoignerait de la possibilité et de la viabilité de cette forme naturelle d’économie.

10Aristote explique d’autre part que cette première forme d’économie peut être subvertie et dériver en une « mauvaise chrématistique » non naturelle. Dans ce cas, la finalité n’est plus le bien-vivre mais l’accumulation de richesses illimitée. Au sein de la chrématistique, « […] il semble n’y avoir nulle borne à la richesse » (Aristote, op. cit., p. 115). Entre les deux formes d’économie, il s’agit bien d’une différence de nature essentielle, et non d’une différence de degré. Cette économie n’a pas de fin en elle-même, et représente une forme d’économie non naturelle et pervertie. La question de la limite, de la mesure, disparaît : « […] cette richesse, qui provient de la chrématistique ainsi comprise, est sans limite. […] elle n’a pas de but qui puisse la limiter, car son but c’est la richesse et la possession de valeurs. […] tous ceux qui pratiquent la chrématistique augmentent sans limite leurs avoirs en argent » (Aristote, op. cit., p. 118). Cette façon d’acquérir et d’accumuler est intrinsèquement non naturelle et blâmable, car elle s’exerce aux dépens d’autrui. Dans ce contexte, l’échange n’a plus pour objectif la satisfaction d’une valeur d’usage, mais seulement une accumulation illimitée de valeur d’échange.

Un producteur original car inscrit dans la bonne chrématistique

11Ces précisions étant faites, on peut alors se demander si le « petit producteur » du commerce équitable ne serait pas un producteur particulier, en ce qu’il se situerait dans la bonne économie telle que nous l’a décrite Aristote. C’est bien cette bonne chrématistique qui est implicitement évoquée ici par Van der Hoff, l’un des fondateurs du commerce équitable : « je suis prêtre, mais faire des affaires ne me pose aucun problème. Car nous produisons pour nous-mêmes mais aussi pour les autres. Depuis fort longtemps, cette façon de procéder permet d’échanger des produits (marchandise ® argent ® marchandise, selon le schéma traditionnel) et de répondre à la nécessité d’écouler (le surplus de) sa production afin de se procurer ce dont on a besoin et qu’on ne possède pas. Les petits producteurs ne sont pas intéressés par l’argent au point de manipuler le marché pour en « faire » toujours plus (argent ® marchandise ® argent). Ils veulent surtout des produits de première nécessité : de quoi se nourrir et de quoi boire » (Van der Hoff, 2005, p. 31, souligné par nous). Cette citation est particulièrement intéressante pour nous, en ce qu’elle semble bien placer le producteur du commerce équitable directement du côté de la bonne économie.

12Ainsi, le commerce équitable nous dévoilerait la figure d’un producteur que l’on pourrait qualifier d’« éthique » ou de « moral ». L’objectif de l’échange de produits équitables n’est pas l’argent et son accumulation, mais bien la satisfaction des besoins les plus essentiels, se nourrir et boire. Les petits producteurs se soucieraient avant tout de leurs besoins, supposés modestes et circonscrits. Le commerce ne doit donc pas avoir pour objectif l’accumulation illimitée, mais seulement le bien-vivre : « […] lorsque les agents du commerce équitable affirment leur volonté de construire un commerce différent, ils le font facilement dans les termes de la chrématistique naturelle propre à l’économie domestique. Le commerce doit permettre l’acquisition des biens nécessaires au quotidien, pas l’enrichissement personnel » (Le Velly, 2004, p. 170, souligné par nous). Le producteur du commerce équitable serait particulier car refusant le principe de l’accumulation sans fin. Son objectif est la satisfaction de ses besoins, besoins qu’il serait capable de connaître et de différencier de ses désirs : ce producteur original n’est jamais dans la confusion quant à ses désirs, il se situerait donc dans l’économie naturelle. Le « petit producteur » est ainsi l’agent économique le plus à même de réactualiser et de respecter les principes de la bonne chrématistique. Le « petit producteur » est donc bien l’acteur de la bonne chrématistique, qui aurait du commerce la même conception qu’Aristote : « […] il faut du commerce, il est nécessaire d’échanger, mais sans que cela puisse devenir une fin autonome. Le commerce est une tekhne et comme telle doit rester soumis à l’action en vue d’une fin » (Hénaff, 2002, p. 91).

Un producteur acteur du « marché-rencontre »

13La particularité de ce producteur tient aussi au fait qu’il instaurerait une relation directe avec le consommateur, par le biais de ce que Berthoud appelle un « marché-rencontre » (Berthoud, 1992). Ce marché est la figure opposée du « marché-mécanique », qui fonctionne sur le principe d’une totale interchangeabilité des agents. Le marché mécanique est l’effet d’un mécanisme anonyme, les actions des agents économiques sont coordonnées mécaniquement par des forces. On voit donc immédiatement à quel point ce marché est impuissant à prendre en considérations des réflexions sur le juste et l’injuste : sur ce marché mécanique, la question de la justice ne se pose pas. Le prix ne peut plus être discuté ni faire l’objet d’un jugement. L’interchangeabilité des agents conduit nécessairement à l’exclusion de toutes les caractéristiques propres aux personnes. À l’inverse, la conception du « marché-rencontre » (Berthoud, 1992) met fin à l’interchangeabilité jusqu’à présent supposée des agents, au profit de la reconnaissance de la personne : « […] les agents se lient les uns aux autres par une relation volontaire qui les engage et les détermine mutuellement » (Berthoud, 1992, p. 168) :

Tableau 2

Marché rencontre et marché mécanique

Tableau 2
Marché rencontre Marché mécanique Type d’économie Économie naturelle, Bonne chrématistique Mauvaise chrématistique Type de justice Justice particulière Justice générale (par les institutions de la concurrence pure et parfaite) Type de régulation Régulation par la parole. Prix négocié. Pas de justice sans parole. Échangistes muets. Économie sans parole. Prix comme résultats de forces mécaniques Type d’agent économique Personne Individu Horizon de l’économie Le bien vivre. Les besoins sont limités L’accumulation. Les besoins sont illimités Type de producteur Producteur du commerce équitable Producteur de l’économie conventionnelle

Marché rencontre et marché mécanique

Source : auteur

14Le commerce équitable s’inscrit dans cette logique d’un marché-rencontre, qui reconnaît les individus comme des personnes, et met fin à l’interchangeabilité des agents. Le projet du commerce équitable peut donc être perçu comme la volonté de renouer avec cette attention à l’autre. Le commerce conventionnel a contrario serait synonyme d’ignorance, d’indifférence, et de mise en suspens de l’attention à autrui. Le commerce équitable entend promouvoir la reconnaissance des personnes, et ce sont bien des relations les plus personnalisées possibles qui sont revendiquées. Le producteur du pays en développement, avant d’être un producteur me permettant de satisfaire mes besoins, est un autre être humain, méritant à ce titre de vivre dignement. Acheter des produits issus du commerce équitable témoigne ainsi de cette solidarité envers des « petits producteurs » qui ne sont plus des agents économiques anonymes dont le destin m’est étranger. Cette idée est explicitement présente dans les discours des acteurs du commerce équitable : « Il faut que cesse l’anonymat du marché. Le mot d’ordre devint : « on n’achète pas seulement un produit, on achète à quelqu’un » » (Roozen, Van der Hoff, 2002, p. 104, souligné par nous).

15La conception du marché-rencontre nous montre bien que l’échange au sein du commerce équitable peut parfaitement s’inscrire dans l’échange marchand. En suivant cette perspective, le producteur du commerce équitable deviendrait une personne à part entière, un acteur : « […] on ne peut pas faire de lui un objet passif. L’autre est automatiquement sujet. Son sort me concerne, il signifie quelque chose pour moi » (Roozen, Van der Hoff, 2002, p. 37). Dans le commerce équitable, le producteur est un producteur particulier, en ce qu’il rencontre véritablement le consommateur. Il n’est pas un producteur anonyme et équivalent aux autres producteurs. Ainsi, même si nous reviendrons sur cette thèse, le commerce équitable semble dans un premier temps confirmer les arguments de Koslowski : « L’inscription de l’acte créateur et de la production dans les conditions de la vie sociale et, de ce fait, dans les normes pratiques de la coopération et de la communication sociales rend […] impossible la tentation de bannir complètement de la sphère de la production les réflexions relatives à la justice » (Koslowski, 1998, p. 272, souligné par nous). D’après ce même auteur, « Le principe d’après lequel il n’y a pas de justice dans la sphère de la production n’est pas exact, car même à la naissance du produit social, la justice doit être accomplie. La justice doit être réalisée à la fois à la naissance et à la répartition du produit social. […] Le processus de formation du produit national dans la coordination du système des prix doit lui-même se conformer aux exigences de la justice » (Koslowski, 1998, p. 299). Le commerce équitable s’inscrirait donc dans cette volonté d’une exigence de justice située dans la sphère de la production.

16Il convient cependant de s’interroger sur la possibilité réelle de cette figure d’un producteur indifférent à la logique chrématistique. Le commerce équitable fait partie de la vaste nébuleuse du « consumérisme politique » qu’analyse Micheletti (2004). Le producteur du commerce équitable peut-il alors incarner la figure du « capitalisme politique », que croient identifier Chessel et Cochoy (2004) et qui viendrait compléter et anticiper ce consumérisme politique ? Le producteur du commerce équitable est-il véritablement un producteur différent dans son essence des autres producteurs ? C’est la capacité du producteur du commerce équitable à agir comme « entrepreneur de morale capitalistique » (Chessel, Cochoy, 2004, p. 9) que nous interrogeons maintenant, pour montrer que tant les principes du commerce équitable que la philosophie aristotélicienne rendent selon nous plus que douteuse cette possibilité séduisante.

L’injonction à devenir un entrepreneur comme les autres

17Nous allons donc voir maintenant que le commerce équitable « […] s’inscrit dans une logique entrepreneuriale et d’échange marchand, et non dans une logique d’assistanat. » (Allemand, 2008, p. 146, souligné par nous). En effet, le producteur auquel s’adresse prioritairement le commerce équitable doit posséder des caractéristiques qui le rapprochent de l’entrepreneur. Ce producteur travaille, il travaille même très dur. Sa persévérance et son courage sont souvent mis en avant. Les producteurs sont en effet incités à investir, afin de vendre des produits à valeur ajoutée et qualité plus élevées. Ce travail acharné doit leur permettre d’accéder à une certaine autonomie. Ce travail est orienté vers la satisfaction des besoins des consommateurs du Nord : le petit producteur du Sud doit donc être à même de produire des biens concurrentiels et de bonne qualité. On observera enfin que les producteurs incapables de se muer en entrepreneurs sont très largement exclus des circuits du commerce équitable, tendance encore accentuée par ses évolutions contemporaines.

De quel entrepreneur parle-t-on ?

18Pour interroger « […] les représentations implicites de l’entrepreneur et les dynamiques entrepreneuriales actuelles en économie sociale et solidaire » (Schieb--Bienfait et al., 2009, p. 14), il convient tout d’abord de revenir sur la conception de l’entrepreneur qui nous semble pertinente dans le cadre du commerce équitable. La figure de l’entrepreneur que mobilisent certaines composantes du commerce équitable ne nous semble pas être prioritairement l’entrepreneur schumpetérien. Ce dernier se caractérise par la recherche d’innovation, il met en œuvre de nouvelles combinaisons productives. C’est un leader économique qui ne cherche pas à tout prix le profit, il est plutôt motivé par le désir de créer, le plaisir d’innover, le goût du changement. Il nage à contre-courant et révolutionne la routine. Cette figure de l’entrepreneur s’oppose principalement à la figure du producteur néoclassique, qui achète des inputs, les place dans une fonction de production pour en obtenir des outputs. Nous souhaitons ici mobiliser une conception de l’entrepreneur autre, dans une acception plus extensive.

19Nous entendrons ici « entrepreneur » dans le sens mobilisé par Ebersold (2001) qui décrit la généralisation actuelle des principes entrepreneuriaux. Examinant les conséquences délétères des politiques de l’emploi, l’auteur montre que les individus sont sommés aujourd’hui de devenir des « porteurs de projets », des entrepreneurs. L’entrepreneuriat devient selon lui le principe fondateur de toute notre organisation économique et sociale. Cela implique de démontrer continuellement ce que l’on apporte à la collectivité, grâce à des capacités d’inventivité, d’adaptation, de dynamisme. Ebersold décrit donc « […] un modèle de société ayant fait de l’entrepreneuriat le fondement de sa cohésion sociale » (2001, pp. 67-68). Ebersold relate la transformation de la figure traditionnelle du chômeur en entrepreneur « […] dont le « métier » est de conquérir un marché de plus en plus fluctuant et de plus en plus exigeant » (2001, p. 148). Il s’agit bien ici d’un « refus des cadres sociaux issus de la condition salariale », afin que chacun « soit l’entrepreneur et le maître d’œuvre de son propre devenir professionnel » (2001, p. 171). C’est bien la figure du salarié qui est ici le repoussoir. Pour le dire encore autrement, notre entrepreneur s’apparente au « grand » de la « cité par projets » (Boltanski, Chiapello, 1999).

20Dans cette cité, la grandeur se mesure d’abord à l’activité, ce sur quoi nous reviendrons dans le point suivant. La vie est alors une succession de projets, réalisés grâce à des qualités telles que l’adaptabilité, la souplesse, la flexibilité, la polyvalence. Le « grand » selon Boltanski et Chiapello « […] sait repérer les bonnes sources d’information […] » (1999, p. 169), il possède de l’intuition, du talent, et ses qualités le rapprochent bien de celles de l’entrepreneur. C’est bien aujourd’hui cette rhétorique entrepreneuriale qui se diffuse au sein même de l’économie sociale et solidaire. Ainsi Duflo note par exemple à propos de l’usage du microcrédit que « l’espoir est que ces micro-prêts, en stimulant l’esprit d’entreprise chez les pauvres, pourront enclencher un cercle vertueux d’enrichissement et d’épargne » (Duflo, 2010, p. 12, nous soulignons). Elle précise un peu plus loin que derrière le microcrédit domine l’idée selon laquelle « toute personne pauvre est un entrepreneur par nature » (Duflo, 2010, p. 13, nous soulignons). Certaines composantes du commerce équitable partagent selon nous ce même postulat, en cherchant à convertir le « petit producteur » des pays en développement en entrepreneur apte à conquérir les marchés du Nord.

La quête d’autonomie par le travail

21Premièrement, le commerce équitable met donc en œuvre une très forte valorisation du travail en lui-même. Il se base en effet sur l’importance de la reconnaissance du travail du travailleur. La figure du « petit producteur » renvoie immédiatement à l’idée d’une personne active, qui contribue réellement à la richesse de la « communauté » par le biais de son activité. Il n’est pas assisté ou oisif, ce n’est pas un intermédiaire ou un spéculateur. Il participe directement et activement à la création de richesses. Il s’oppose en effet à l’autre personnage qui hante les discours autour du commerce équitable, le « coyote », l’intermédiaire. La figure du « petit producteur » est autant valorisée qu’est stigmatisée celle du « coyote ». On retrouve donc dernière cette appellation du « petit producteur » cette très forte mise en valeur du travail [2]. Le « petit producteur » doit pouvoir vivre des fruits de son travail, sans être assisté. Il doit être actif, courageux et volontaire.

22De plus, ce travail est pour le producteur un gage d’autonomie, dimension sur laquelle insiste très largement la charte du commerce équitable. L’objectif du commerce équitable est en effet que les producteurs retrouvent « […] la maîtrise et le sens de leurs actes[3] ». Il faut donc « renforcer les organisations de producteurs et d’artisans afin qu’elles puissent décider de leurs modèles de développement ». De façon voisine, même si le terme n’apparaît pas explicitement dans la charte du commerce équitable, c’est toute la thématique de l’empowerment qu’on retrouve en filigrane. En effet, « le commerce équitable créé les conditions requises pour permettre aux producteurs et aux consommateurs de vivre dans la dignité et l’autonomie […] ». Chacun doit pouvoir « […] vivre dignement de son travail », il faut donc « encourager les producteurs à l’autonomie […] ». On retrouve ici la critique récurrente de l’assistance.

Le nécessaire apprentissage des contraintes marchandes

23Pour que cet objectif d’autonomisation croissante soit atteint, le producteur du Sud doit avoir accès aux marchés du Nord. Les consommateurs doivent acheter ses produits parce que ce sont de bons produits, et non par charité ou compassion. Le producteur doit donc veiller à la qualité de son produit, afin que cette qualité compense un prix plus élevé. Le commerce équitable, d’après Roozen et Van der Hoff (2002) et Van der Hoff (2005), doit donc respecter les règles de fonctionnement du marché, se doit de proposer des produits compétitifs, dont le rapport qualité-prix est attractif pour les consommateurs. L’insistance sur le respect de critères de qualité est alors le gage que le surcoût payé par le consommateur rémunère une qualité supérieure, et ne s’apparente donc pas à un acte de charité : « […] sous l’angle du business, l’augmentation de la qualité est très appréciée car elle améliore la compétitivité des produits exportés et permet l’accès à des niches très porteuses, telle que celles du café organique ou du café gourmet. Dans cette même logique, la meilleure qualité permet également de justifier aux yeux des producteurs […] le prix supérieur payé par le consommateur équitable et entérine le passage de l’aide au partenariat, d’une logique de don ou de charité à celle de la solidarité et du business » (Poncelet et al., 2005, p. 78, souligné par nous).

24Business, qualité, compétitivité, niches à conquérir… autant de logiques à respecter qui rendent nécessaire cette métamorphose du petit producteur en entrepreneur. Compte tenu de cette insertion dans la logique marchande, l’achat d’un produit équitable ne doit surtout pas léser le consommateur. Les produits du commerce équitable doivent donc se situer « […] dans le cercle vertueux de la concurrence, qui implique une recherche toujours plus forte dans la maîtrise des coûts et la valorisation de la qualité du produit afin qu’il garde sa place au sein de l’offre du marché […] il faut que la concurrence joue à plein, et que les effets bénéfiques de la concurrence continuent à garantir au consommateur le meilleur rapport qualité-prix pour les produits qu’il achète » (Lecomte, 2006, p. 281, souligné par nous). L’entrepreneur du commerce équitable doit donc faire face aux mêmes exigences et contraintes que n’importe quel autre entrepreneur.

25A contrario, les petits producteurs demeurant trop éloignés de la logique entrepreneuriale restent en dehors des circuits du commerce équitable. Le « petit producteur » incapable d’accéder à cette autonomie, ne pouvant être converti au modèle de l’entrepreneuriat, n’est pas concerné par le commerce équitable. La possibilité de la conversion en entrepreneur est donc quasiment une condition sine qua non pour la participation au commerce équitable. Si les petits producteurs sont trop pauvres pour que la thématique entrepreneuriale ait un sens pour eux, au moins à moyen terme, ils n’auront pas accès aux circuits du commerce équitable. Le Velly (2004) relate bien l’embarras et la déception des militants, obligés de sélectionner en amont du marché des producteurs proposant des produits commercialisables, et donc parfois forcés de rejeter des producteurs plus pauvres ou moins bien organisés. Tant les chercheurs que les acteurs du commerce équitable insistent sur les ambiguïtés inhérentes à cette notion éminemment problématique de « petit producteur. ». Ainsi, les producteurs incapables d’endosser le costume et le rôle de l’entrepreneur ne pourront faire partie du commerce équitable.

Une conversion à l’entrepreneuriat aujourd’hui inéluctable

26L’évolution actuelle du commerce équitable rend d’autant plus nécessaire cette adaptation. En effet, l’acceptation des contraintes marchandes pousse parfois à exclure les « plus petits des petits producteurs », ce que montrent aussi bien des praticiens du commerce équitable que les chercheurs : « […] les individus les plus défavorisés risquent d’être régulièrement écartés des circuits du commerce équitable en raison des exigences de qualité des produits, de respect des délais de livraison et d’adaptation à de nouveaux produits » (Ballet, Carimentrand, 2007, p. 182, souligné par nous). Les évolutions actuelles du commerce équitable tendent à confirmer et renforcer cette domination de la logique entrepreneuriale. Un bref historique du commerce équitable permet d’attester de ce mouvement.

27Schématiquement, nous résumons l’histoire du commerce équitable comme étant la succession de trois grandes périodes. Dans un premier temps, il est possible d’identifier une première ère, qui débute à la fin de la seconde guerre mondiale, et que nous qualifierons d’ère de la compassion. Cette ère est surtout marquée par le rôle des mouvements humanistes et religieux, et donne naissance à un commerce d’abord appelé solidaire. Si ce commerce est déjà équitable dans les faits, ce n’est pas encore le nom qu’il se donne, insistant davantage sur la nécessité d’aider les producteurs des pays en développement. Cette première source du commerce équitable sera ensuite relayée par l’influence du mouvement tiers-mondiste, qui prend toute son ampleur à partir des années 1960, dans une ère que nous pourrions appeler ère de la contestation.

28Davantage tournée vers la critique du capitalisme et du commerce international tel qu’il se pratique, c’est un autre type de commerce qui est dès lors revendiqué, et le commerce alternatif se substitue de plus en plus au commerce solidaire. Le producteur, dans ces deux premières conceptions, est avant tout une victime de l’exploitation du Sud par le Nord et de l’échange inégal. Enfin, à partir des années 1980-1990, la critique du capitalisme s’essouffle, le développement durable s’institutionnalise et marque le commerce équitable de son empreinte. Ce nouveau type de commerce se rationalise, c’est l’ère de la structuration : le commerce ne se veut plus alternatif, il se rallie à la logique marchande, et devient équitable. Le producteur doit se prendre en main et atteindre l’autonomie en faisant siennes les caractéristiques de l’entrepreneur. Le principe est moins d’aider les producteurs mais plutôt de les aider à « s’aider eux-mêmes » grâce à leurs efforts et leur travail. On peut résumer ainsi cette évolution (Tableau 3) :

Tableau 3

Les évolutions du commerce équitable : vers le « petit producteur-entrepreneur »

Tableau 3
Types de commerce Source d’inspiration Objectifs Statut du producteur Ère de la compassion Commerce solidaire Mouvements humanistes et religieux Aider les petits producteurs des pays en développement. Producteur-Victime Ère de la contestation Commerce alternatif Mouvements tiers-mondistes Critiquer les dérives du capitalisme et du commerce international. Ère de la structuration Commerce équitable Développement durable, Mouvements altermondialistes Permettre aux petits producteurs de vivre de leur travail, en leur garantissant un accès aux marchés du Nord. Producteur-Entrepreneur

Les évolutions du commerce équitable : vers le « petit producteur-entrepreneur »

Source : auteur

29L’objectif prioritaire, c’est bien que les produits du commerce équitable trouvent preneur dans les pays du Nord, ce qui suppose des producteurs à même de satisfaire les goûts des consommateurs du Nord. Au fur et à mesure que le commerce équitable « sort » des boutiques spécialisées pour entrer dans les enseignes de la grande distribution, les organisations du commerce équitable se montrent plus strictes par rapport aux produits qui leur sont proposés, et qui doivent correspondre plus précisément aux critères exigés par les consommateurs du Nord. On retrouve ici les propos de Blanchet (2010) qui évoque, dans un article consacré au commerce équitable, « l’idéologie du développement comme incitation au mimétisme » (Blanchet, 2010, p. 23). Il rend bien compte de cette volonté du commerce équitable de faire que l’Autre ressemble davantage aux canons de l’Occident. Blanchet montre que, dans son propre intérêt, « […] cet Autre est incité à ressembler aux canons du modèle occidental ».

30Pour finir, il faut bien sûr rappeler que cette tendance s’applique aux principales composantes du commerce équitable, mais que toutes ne cautionnent pas pour autant ces évolutions. L’opposition entre les sphères de spécialisation et de labellisation revêt davantage la forme d’un continuum, et ce continuum illustre bien la plus ou moins grande place qu’occupe cette dynamique entrepreneuriale. Comme le montre le schéma 1 [4], la « forte dynamique entrepreneuriale » est d’autant plus présente que l’on se trouve proche du pôle « logique de marché » :

Schéma 1

Logique de marché et conversion à l’entrepreneuriat

Schéma 1

Logique de marché et conversion à l’entrepreneuriat

Source : Huybrechts, 2008, p. 5.

Encadré 1 – Entrepreneur, entrepreneur social, et commerce équitable

Il peut paraître pertinent de s’arrêter un instant ici sur la figure de l’entrepreneur social. S’il n’en existe pas de définition canonique, on peut néanmoins affirmer qu’il y a « […] un état d’esprit commun : concilier l’efficacité économique et l’innovation sociale, l’initiative privée et la solidarité » (Allemand, 2010, p. 104). L’entrepreneur du commerce équitable est-il un entrepreneur social ? La question nous paraît en réalité assez peu pertinente dans le cadre de cette étude. En effet, la question concernant l’inscription du petit producteur du commerce équitable dans la bonne économie aristotélicienne s’applique ici uniquement au petit producteur du Sud. Ce dernier, préoccupé prioritairement par sa survie et par celle de sa famille, ne poursuit pas explicitement un objectif visant à produire différemment. L’objectif de ces petits producteurs n’est généralement pas d’« […] entreprendre autrement, en conciliant leur activité économique avec une finalité sociale, des préoccupations éthiques ou en impliquant leurs salariés à la prise de décision » (Allemand, 2010, p. 93). Par contre, la dénomination d’entrepreneur social s’applique potentiellement davantage aux chefs d’entreprise du Nord commercialisant des produits équitables. Ces derniers tentent bien « […] de permettre aux publics visés de recouvrer leur dignité en s’insérant dans des circuits économiques et/ou financiers » (Allemand, 2010, p. 94). Si la thématique de l’entrepreneuriat social interpelle le commerce équitable, elle est sans doute pour le moment valable pour les entrepreneurs du Nord davantage que pour les petits producteurs du Sud. Dans une autre logique, on pourrait aussi considérer que le petit producteur du Sud a toujours produit différemment, notamment en étant plus soucieux des enjeux environnementaux.

La chimère d’un producteur équitable

31Partant de la distinction aristotélicienne entre bonne et mauvaise économie, le producteur du commerce équitable semblait pouvoir se positionner dans la bonne économie et révéler une figure originale du producteur, un producteur équitable. Nous allons pourtant montrer que, intrinsèquement, le commerce équitable s’adresse avant tout à un consommateur équitable, et ne propose pas une conception inédite du producteur. Dans cette logique, le producteur ne peut être juste, et cette exigence de justice repose dans le commerce équitable uniquement sur les épaules du consommateur.

Le producteur équitable, un oxymore

32L’intelligence du producteur, de tout producteur, est une intelligence technique, assimilable à l’intelligence des machines et des robots. L’intelligence technique est celle mise en œuvre par l’homo œconomicus de la théorie standard : il s’agit « seulement » d’obtenir le plus par le moins. Le choix économique n’a pas à être ici plus ou moins juste, mais uniquement plus ou moins efficace et performant. L’agent économique effectue un calcul déconnecté alors de toute préoccupation morale ou éthique : « Le calcul économique n’implique pas une réflexion sur les grandeurs et les mesures à partir de l’éthique […]. Le calcul économique n’est qu’une opération sur des nombres à préférences et fins données et, en cela, il n’est qu’une technique non distinguable de l’art des machines » (Berthoud, 2005, p. 85). L’économie est alors une production au sens de poiesis : l’objectif n’est pas d’agir et d’agir toujours mieux (praxis), mais de produire (poiesis) et de produire toujours plus. C’est d’ailleurs aujourd’hui toute l’économie qui tend à être analysée sous le prisme de la poiesis. L’économie ne sait plus ce qu’est l’action, et est envahie par la production et la mauvaise chrématistique. Tous les acteurs économiques, qu’ils soient producteurs ou consommateurs, sont alors analysés sous le prisme de la théorie de la production. C’est le cas par exemple du consommateur de la théorie standard, qui produit son bien-être à l’instar d’un producteur. Ainsi, dans les travaux de Becker (1965) et Lancaster (1966), le consommateur produit ses satisfactions en combinant par le biais d’une fonction de production du temps et des biens. Même le comportement du consommateur s’apparente alors à celui d’un producteur-entrepreneur [5]. La science économique devient alors l’étude de la coordination automatique des comportements mécaniques.

33L’agent de l’économie qui mobilise prioritairement cette intelligence technique est justement « […] le constructeur de machines, l’homo faber, le producteur, l’organisateur des forces productives ou l’entrepreneur » (Berthoud, 2005, p. 28). Le producteur n’a pas recours à une intelligence pratique mais à une intelligence technique, prenant modèle sur l’intelligence des machines. Le producteur du commerce équitable reste inscrit dans cette poiesis. Il n’est pas du côté de la mesure ou de la limite. En effet, si l’on se penche sur la conception de la production révélée par le commerce équitable, on observe que ce commerce, tout comme l’économie sociale et solidaire dont il fait partie et sur laquelle porte cette citation, « […] n’a, en effet, jamais cherché à remettre en question le principe d’expansion de la production, seul garant de la croissance durable de l’économie » (Rahnema, 2003, p. 365, souligné par nous). Loin de refuser le principe de l’accumulation, « Le CE [Commerce équitable, DP] incite ainsi les producteurs à entrer dans le cercle vertueux du développement et de la croissance, par l’accélération de la productivité et des ventes » (Blanchet, 2010, p. 25).

34La rationalité du producteur, y compris donc au sein du commerce équitable, a donc pour modèle l’intelligence des machines. Son objectif est de réduire le temps de travail, d’augmenter l’efficacité de la production afin de produire le plus possible. L’agent économique demeure ici « […] un agent technicien et économe pour lequel l’habileté et l’efficacité sont les seules formes de vertu » (Berthoud, 2005, p. 183). L’objectif des petits producteurs du commerce équitable reste de vendre le maximum. Ils sont, de ce point de vue, étrangers à la bonne économie aristotélicienne. Comme on peut le lire sur le site de la Plate-Forme pour le Commerce Équitable, les militants souhaitent « instaurer concrètement ce marché pur et parfait avec les conditions idéales qu’il suppose : des agents qui maximisent leur profit, des usagers qui maximisent leur utilité, un contexte d’information et d’interaction optimales entre acteurs » [6]. La maximisation du profit est donc ce qui motive le producteur du commerce équitable, qui reste en cela inscrit dans la mauvaise chrématistique. Le producteur, quelque que soit sa forme, y compris en tant que producteur au sein du commerce équitable, demeure attiré incessamment par les sirènes de la mauvaise chrématistique. Que le producteur se fasse artiste, artisan ou technicien, il « […] ne peut pour Aristote devenir un sujet. […] Il possède la règle exacte ou la loi de production de son objet, mais il ne peut accéder à sa compréhension. Il détermine sa fin sans savoir qu’elle est une fin relative et qu’elle s’ordonne à une fin absolue » (Berthoud, 1981, p. 157). Il demeure en cela par définition même de la production du côté de la poiesis.

L’équité du commerce équitable se situe dans l’échange et non dans la production

35Comme nous l’avons vu, Koslowski considère que « Le principe d’après lequel il n’y a pas de justice dans la sphère de la production n’est pas exact, car même à la naissance du produit social, la justice doit être accomplie. La justice doit être réalisée à la fois à la naissance et à la répartition du produit social. […] Le processus de formation du produit national dans la coordination du système des prix doit lui-même se conformer aux exigences de la justice » (Koslowski, 1998, p. 299). Cette conception est cependant selon nous à la fois incompatible avec la logique aristotélicienne et étrangère au projet du commerce équitable. Paradoxalement, ce commerce affiche la figure d’un producteur différent, mais nie en même temps la possibilité d’un producteur équitable.

36En effet, le commerce équitable revendique une « plus grande équité dans le commerce mondial », et cette dernière passe par l’établissement d’un prix plancher, considéré comme devant être un prix « juste ». Le commerce équitable situe donc l’équité d’abord dans la sphère de la circulation et non dans la sphère de la production. Ce sont les modalités de l’échange qui permettent au commerce d’être équitable, à condition que le prix clôturant l’échange soit jugé juste par les échangistes. Implicitement, le commerce équitable semble donc renouer avec l’idée selon laquelle le producteur ne peut être juste. La responsabilité de la justice dans l’échange est imputée uniquement à l’acheteur. Le commerce équitable nous renvoie donc l’image d’un producteur que l’on voulait croire différent mais qui in fine s’apparente plutôt à un producteur comme les autres. La réussite du commerce équitable est basée tout entière sur l’idée que le consommateur, lui, peut et doit être juste.

37Le consommateur mobilise en effet une intelligence pratique, qui exige pour sa part une véritable délibération, ainsi qu’une réflexion sur les fins poursuivies. Le choix économique est ici plus ou moins juste, plus ou moins adapté à la vie que nous souhaitons mener. Il s’agit d’un choix ancré dans une éthique. Cette intelligence est mise en œuvre par un sujet moral. Le véritable choix économique, c’est bien ici d’établir la bonne mesure et non d’atteindre « le plus par le moins » par le biais de l’intelligence dite intelligence technique. L’agent économique caractérisé par cette intelligence pratique ne peut être que le consommateur. L’agent de la bonne économie, qui conçoit l’action économique comme praxis, est le consommateur. L’action du consommateur est spécifique, elle n’est pas réductible au comportement du producteur. Dans cette logique, « le consommateur prend soin de sa propriété. Il en use le mieux possible. Faire usage d’une chose n’est pas la renouveler ou la reproduire. Le consommateur n’est pas un producteur. Il n’est donc pas autonome au sens où il chercherait le rapport convenable entre sa consommation et ses conditions de reproduction ou entre l’effet recherché dans la consommation et la dépense ou le coût exigé par la production de ses richesses. Le problème économique du consommateur n’est pas d’avoir demain autant ou plus qu’aujourd’hui. Le problème économique est pour lui de bien user de ce qu’il a aujourd’hui et demain sans poser la question de l’origine et du coût de ses ressources » (Berthoud, 2005, p. 78). Il importe donc de ne pas confondre l’étude de la consommation, qui relève de l’éthique, et l’analyse de la production, qui ressort de l’intelligence technique des machines. Ainsi, seul l’acheteur peut s’inscrire dans la critique de la mauvaise économie, et le producteur semble finalement échouer dans cette tentative.

38C’est finalement ce que nous révèle le commerce équitable. L’acheteur qui choisit de consommer des produits du commerce équitable a le droit d’acheter des produits conventionnels, considérés comme inéquitables, mais fait le choix éthique d’aller au-delà dans ses exigences de la justice. Cet acheteur sait que c’est sa responsabilité qui est engagée quand il cherche à acheter au plus bas prix, sans tenir compte des conséquences économiques, sociales, environnementales, morales de son geste. Le commerce équitable mobilise donc implicitement l’idée selon laquelle la théorie des préférences aurait fini par confier au consommateur la défense de nos valeurs. Comme le rappelle Godbout, avec la théorie des préférences, le consommateur est devenu roi : seul le consommateur décide de ce qui est bon pour lui. Tout le système marchand est ainsi orienté vers le bien-être des consommateurs. Le producteur deviendrait un simple instrument, un moyen pour satisfaire les désirs des consommateurs quels qu’ils soient : « La théorie des préférences soumet le producteur aux aléas d’un marché dicté par les préférences du consommateur » (Godbout, 2007, p. 72). Par exemple, si les consommateurs sont désireux de consommer des produits éthiques, équitables, ils pourront se les procurer car alors les producteurs les produiront. La société devient soumise aux décisions morales du consommateur.

39Cette analyse, qui renvoie également à l’apparition du « consomm’acteur » ou du consommateur-citoyen, souligne bien le fait que, comme le montre le commerce équitable, c’est au consommateur qu’on attribue la tâche de rendre notre système plus vertueux. Au sein du commerce équitable, c’est bien la responsabilité du consommateur qui est en jeu, et non pas celle du producteur. Le commerce est équitable car le prix est juste, et le prix est juste car le consommateur accepte de payer un prix plus élevé que le prix conventionnel.

Conclusion

40Nous avons montré que le commerce équitable visait à faire des petits producteurs des entrepreneurs. Pourtant, ce projet de transformation du petit producteur en entrepreneur restait a priori original. Ce dernier serait ainsi un producteur étranger à l’accumulation illimitée caractéristique de la mauvaise chrématistique. Le producteur du commerce équitable révèlerait ainsi la possibilité de l’existence d’un producteur « éthique » ou encore « équitable ». Cependant, le producteur du commerce équitable est d’abord producteur avant d’être équitable. Les exigences propres à la production, notamment la mobilisation d’une intelligence technique, surpassent les exigences liées à l’équité. Bien plus, les évolutions contemporaines du commerce équitable exacerbent encore cette tendance. À son corps défendant, le commerce équitable révèle alors le caractère chimérique du producteur équitable. En cela, il nous confirme que l’agent de la bonne économie ne peut être le producteur. Le commerce équitable fait donc de l’équité une propriété et une exigence propre à l’échange mais étrangère au monde de la production.

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Mots-clés éditeurs : consommateur, entrepreneur, equité, chrématistique, commerce équitable

Date de mise en ligne : 01/06/2012.

https://doi.org/10.3917/inno.038.0107

Notes

  • [1]
    « En 2007, 63 % des ventes en France ont lieu dans les Grandes et Moyennes Surfaces (GMS). Le reste des ventes est effectué dans les boutiques spécialisées, les réseaux de distributions de produits biologiques, les cafés, hôtels et restaurants. L’achat public équitable est également un secteur en forte croissance. » En ligne sur : http://www.minefe.gouv.fr/presse/dossiers_de_presse/100422_installation_cnce.pdf Consulté le 12/01/2011.
  • [2]
    « L’homme a deux mains, pas seulement pour écrire et pour bénir, mais surtout pour travailler. La corne aux mains est une bonne chose » (Roozen, Van der Hoff, 2002, p. 44).
  • [3]
    http://www.commercequitable.org/fileadmin/user_upload/gene/Charte2008.pdf Consulté le 12/01/2010. C’est nous qui soulignons. Sauf mention contraire, les citations suivantes en sont issues.
  • [4]
    Même si l’opposition entre deux pôles « marché » et « solidarité » ne nous paraît pas totalement satisfaisante concernant le commerce équitable, qui postule au contraire qu’il est possible de concilier marché et solidarité. La diversité du commerce équitable se situe justement dans les différentes conceptions de cette conciliation. Fondamentalement, l’opposition ne se situe pas (ou plus) entre solidarité et marché. Il ne nous semble pas que l’opposition marché/solidarité nous permette de comprendre aujourd’hui les difficultés que traverse le commerce équitable. Le commerce équitable, dans toutes ses composantes, considère que la solidarité peut passer par le marché. La question qui semble demeurer légitime pour les acteurs du commerce équitable est plutôt de savoir si tous les types de marché sont à même de remplir des objectifs de solidarité.
  • [5]
    On va jusqu’à parler de « consommateur entrepreneur » (Rochefort, 1997), comme si « la véritable dignité du consommateur ne pouvait s’affirmer que dans le vocabulaire de la production » (Karpik, 2007, p. 142). On voit bien ici l’envahissement de l’économie par la poiesis.
  • [6]
    http://www.commercequitable.org/110/ Consulté le 12/01/2010. Souligné par nous.
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