?????? ??????, « ????? ? ??????? ??????????. ?????????? ???? ? ?????????? ???????? (1985-1993) », ?????????? ????? ???????, ???? ?????, ??????, 2005. (Viktor Sheinis, L’envol et la chute du parlement. Les années critiques de la politique de la Russie (1985-1993), Centre Carnegie de Moscou, 2005, tome 1 (703 p.) et tome 2 (766 p.), en russe
1Écrit par le « Grand homme des sciences sociales », cette œuvre fondamentale sur l’histoire du parlementarisme en Russie est aussi le journal du travail au quotidien du bâtisseur de cette Histoire. Viktor Sheinis fut député. Il est professeur et chercheur de l’Académie des sciences. Il est aussi un des leaders du parti d’opposition Yabloko et rédacteur du code électoral de la Russie. Les deux volumes de cet ouvrage fournissent de la matière pour la réflexion, le débat et la catharsis. Rédigé d’une façon originale – les chapitres académiques sont entrelacés avec les mémoires de l’auteur, ses propres articles, ses notes et sa correspondance personnelle aussi bien en prévision des événements qu’après leur avènement – ce fruit de la recherche politique devient passionnant, car la vie démocratique avec ses péripéties, ses espoirs, ses contradictions et ses déceptions (victoires à la Pyrrhus) se présentent sous de divers angles. En constatant qu’en Russie régulièrement se produit une sorte de purge, comme dans le chant « du passé faisons table rase… », Viktor L. Sheinis veut prévenir la venue de la prochaine.
2L’auteur commence par une analyse succincte de l’introduction du parlementarisme au XXe siècle en Russie, des Doumas avant la révolution de 1917 et du quasi parlement, le Soviet Suprême, à l’époque soviétique. La nouvelle page du parlementarisme s’imprime pendant la Perestroïka de M. Gorbatchev. Beaucoup d’analystes pensent que tout venait de ce personnage hors du commun dans le parti communiste : glasnost, pour casser les liens qui empêchaient la volonté du peuple de s’exprimer ; perestroïka, pour transformer la société toute entière. Les échecs subséquents, dans ce cadre d’analyse, sont expliqués par la fuite en avant et par une liberté d’expression incontrôlée jusqu’à « tout est permis » qui ont rattrapé et dépassé M. Gorbatchev lui-même. V. Sheinis développe la logique démocratique des événements et considère que les forces en mouvement ne provenaient pas d’un « messie », mais bien des masses populaires, sur le soulèvement desquelles se greffaient au fur et à mesure les structures organisées d’opposition au pouvoir du parti unique et aux Soviets, qu’il appelle « une fraction de réformateurs », puis « réformateurs au pouvoir » ou encore « les dirigeants ». Selon lui la révolution d’en haut, si elle a eu lieu, s’est terminée avec l’apparition sur la scène politique du Congrès des députés du peuple de la Fédération de Russie (1990) qui s’est proclamé pouvoir alternatif. De cet événement découle le conflit entre B. Eltsine (à l’époque, président du Soviet Suprême de la république fédérale de Russie) et M. Gorbatchev (président de l’URSS), le renforcement du clan des anti-réformateurs et l’implosion du parti communiste.
3En 1990-1991 la lutte se focalisait autour de deux problèmes : les transformations économiques et le sort de l’État basé sur l’union des républiques. Cette lutte se termine par l’échec du putsch anti-réformateur, l’effondrement du parti communiste et la dislocation de l’URSS. La victoire sur les putschistes a dégagé le terrain pour les réformes économiques et le renforcement du pouvoir du président de la Russie. Les deux ont eu des conséquences contradictoires : la variante russe du dit « passage à l’économie du marché » s’est traduite par la dégradation spectaculaire des conditions de vie des masses populaires et l’exacerbation de la situation sociale dans le pays. Les réformes de l’État consistaient à renforcer le pouvoir exécutif, à liquider les reliquats du parlementarisme de l’URSS et à affaiblir le parlement de la Fédération de Russie. V. Sheinis considère attentivement la configuration politique pendant ces deux années, marquée par la confrontation entre le parlement, repris progressivement par les forces nationales et communistes, et l’entourage du président, composée du bloc de bureaucrates et d’intellectuels démocrates. Ces derniers servaient à assurer le lien entre le président et les militants des réformes économiques.
4Ce conflit s’accentue en 1992-1993, l’influence du président et des intellectuels démocrates dans le parlement décline ; le parlement devient lieu d’une seule force, qui reflète, mais aussi attise, les mécontentements grandissants dans le pays. Avec une attention particulière V. Sheinis analyse les problèmes rencontrés à l’occasion de l’élaboration de la nouvelle constitution de la Russie, qui est devenue l’épicentre du conflit politique en 1993. Deux projets concurrents s’affrontent : un élaboré par la commission de Constitution du Congrès des députés (organe suprême du pouvoir entre 1990 et 1993), l’autre par le conseil de Constitution, nommé par le président. Les versions d’étape de la loi fondamentale révèlent les rapports de force changeants durant cette période tourmentée, qui a failli se terminer en automne 1993 par une guerre civile. Dans sa lutte contre les forces contrôlant le parlement, le président a dépassé les prérogatives constitutionnelles : les troupes loyales au président donnent l’assaut à la Maison-Blanche, siège du Parlement. Du point de vue de V. Sheinis, la mutinerie soulevée par « les revanchards extrémistes » siégeant au parlement, pouvait se solder, en cas de réussite, par des séquelles encore plus graves sur les plans politique et social.
5Le livre de V. Sheinis permet de comprendre le renouveau de la démocratie russe des années 1985-1993 à travers ses analyses du parlementarisme véridique, de la formation d’un État démocratique, du nouveau code électoral et des institutions de la société civile indépendantes. L’involution actuelle de toutes ces institutions démocratiques est évidente, mais il serait impossible, selon V. Sheinis, d’effacer de la mémoire sociale l’élan vers la liberté qui s’est exprimé durant cette phase importante de l’histoire russe.
6Irina Peaucelle
Kotz David, Fred Weir, Russia’s Path from Gorbachev to Putin: The Demise of the Soviet System and the New Russia, Routledge, London, 2007, 377 p.
7Depuis le début des années 1990, plusieurs anciens pays communistes de l’Europe centrale et orientale ont entrepris des réformes plus ou moins radicales pour se transformer en pays capitalistes à part entière. La Pologne et la Hongrie étant à la pointe du changement. David Kotz, économiste à l’Université de Massachusetts-Amherst et Fred Weir, journaliste, dans cet ouvrage bien documenté et riche en faits réels, montrent que la Russie a éprouvé de plus grandes difficultés pour réussir sa reconversion qui n’est toujours pas achevée. La mise en place de politiques inspirées par les plus pures des théories libérales (privatisation des entreprises, libéralisation des marchés et austérité fiscale) a causé de tels dégâts économiques (fraude, crime et corruption) que l’organisation politique (déjà instable) du pays est en danger : à économie disloquée, gouvernement autoritaire ? Les auteurs soutiennent que les politiques à fort contenu idéologique et mal orientées ont été la cause principale de la montée d’un groupe d’oligarques financiers, alliés à la présidence toute-puissante et responsables de l’amenuisement pour des longues années du potentiel économique du pays. Crise financière, effondrement des revenus, concentration et fuite de capitaux, rareté monétaire (au point qu’au milieu des années 2000, il est estimé que la moitié des transactions commerciales internes se font par troc !), etc., la nouvelle économie russe est, peut-être, le cas d’école le plus édifiant montrant comment l’emprise idéologique sur la recherche en sciences économiques sape les bases même de toute observation pertinente.
8Pour les auteurs, après quelques années d’échecs cumulés, le programme « néolibéral » de construction rapide d’une économie capitaliste, conçu conjointement par les conseillers du président Eltsine et les spécialistes du Fonds monétaire international (FMI), est très vite devenu nuisible. La partie du livre sur la crise financière de 1997 résume très bien les causes et les conséquences (économiques, sociales et politiques) de la politique de marchéisation tous azimuts des ressources et des rapports sociaux : les banquiers russes et autres financiers proches du pouvoir continuaient à s’enrichir tirant profit des revenus générés par les exportations de pétrole, de gaz et autres métaux pendant que l’économie entrait dans une phase de dépression rapide. La spéculation, alimentée par les stratégies bancaires occidentales, a fait, puis défait, le « marché financier le plus performant au monde » de 1997 au fur et à mesure que les capitaux volatiles quittaient le pays. L’économie s’est alors vidée de sa substance (capitaux étrangers et une grosse partie de l’épargne domestique) aussi vite qu’ont disparu des rayons des magasins les marchandises les plus élémentaires. L’aide financière accordée par le FMI avec l’aval du gouvernement des États-Unis n’a pas été d’un grand secours politique.
9L’enseignement que nous pouvons tirer de l’état de l’économie russe au début de ce siècle est simple : la cause principale de la crise de la Russie est la formation puis l’éclatement d’une énorme bulle financière. Le secteur financier ne peut, en effet, prospérer indéfiniment si l’économie réelle ne suit pas. Suite aux recommandations du FMI, la Russie a rapidement supprimé la planification, démantelé les entreprises d’État et éliminé tout contrôle sur les échanges des marchandises et les mouvements des capitaux. Selon le modèle, la performance économique serait ainsi obtenue par la mise à l’écart de l’État et par la promotion de l’initiative individuelle. Mais, comme les auteurs le soulignent très justement, dans le monde contemporain pour créer un capitalisme efficace, l’intervention publique est indispensable pendant une très longue période.
10Actuellement en Russie la voix d’économistes célèbres s’élève pour exiger une réorganisation de l’économie du pays par l’application des stratégies alternatives : la modernisation de l’industrie et de l’agriculture ; l’orientation de la production vers la satisfaction des consommateurs nationaux plutôt que vers les marchés internationaux ; la réactivation du rôle de l’État par la mise en œuvre d’une stratégie de développement à long terme. Cette stratégie est soumise à six conditions : la connaissance des moyens dont le pays dispose ; la capacité de les mobiliser et de les renforcer ; la définition des objectifs à atteindre ; le repérage des goulots d’étranglement ; le choix des techniques ; la capacité réformatrice de l’État. Le New Deal américain des années 1930 peut être une source d’inspiration pour le lancement d’une telle politique.
11Les auteurs concluent avec fermeté et de manière pragmatique que la Russie ne doit pas se soumettre à l’aide ou aux investissements occidentaux. Cette économie a tout dont elle a besoin : matières premières abondantes, une main-d’œuvre qualifiée et instruite, une base économique diversifiée, un marché intérieur potentiellement grand. Après avoir jeter les fondements d’une croissance endogène, l’économie en se renforçant pourra à terme attirer de capitaux complémentaires à sa propre dynamique.
12Dimitri Uzunidis
Jean-Jacques Hervé, L’agriculture russe, du kolkhoze à l’hypermarché, coll. « Biologie, Écologie, Agronomie », L’Harmattan, 2007, 514 p.
13Cet ouvrage, passionnant, est à la fois, un livre d’histoire (histoire de la Russie et de ses grandes phases depuis de XIXe siècle notamment), de géographie (diversité des paysages, des climats, des ressources naturelles), d’économie (place de l’agriculture dans le produit national, évolution de la répartition de la population active) et de sociologie (évolution de la stratification sociale). Bien documenté, cet ouvrage est aussi richement illustré par des cartes et des graphiques, mais également de petites illustrations au crayon qui lui donne des allures de manuel d’autrefois.
14Huit grands chapitres composent cet ouvrage. Les deux premiers chapitres présentent la géographie et la démographie de la Russie. Le troisième chapitre nous renvoie à l’inertie du passé et à l’explication détaillée des grandes phases de l’histoire de l’agriculture russe de 1917 à 1991. Mais, l’auteur consacre la plus grande partie de son œuvre aux transformations récentes. Le chapitre 4 se concentre sur la période 1991-1998 (privatisation des exploitations agricoles, transformation de la consommation alimentaire et de l’industrie agroalimentaire). Le chapitre 5 focalise notre attention sur le renouveau agricole depuis 1998 (évolution de la politique agricole, apparition de nouvelles organisations professionnelles et arrivée des oligarques dans le secteur agricole). Le chapitre 6 est un inventaire des principales productions agricoles et des grandes régions productrices en la matière. Le chapitre 7 fait le point sur des questions majeures : financement (fonds d’investissement, création d’une nouvelle banque « verte », crédit coopératif…), réforme foncière et évolution du droit foncier, système fiscal, amélioration des équipements et des méthodes. L’ouvrage se termine par une ouverture sur l’international : candidature à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et son volet agricole, création de la Communauté des États Indépendants agricole.
15Les bouleversements, que connaît l’agriculture russe depuis les années 1980, sont gigantesques. Les paysages agricoles et les industries agroalimentaires ont été radicalement transformés. La plupart des kolkhozes et des sovkhozes ont opté pour les statuts de l’entreprise privée. Ces transformations sont spectaculaires dans leur rapidité en comparaison avec la longue inertie de l’histoire agraire de la Russie. « En Russie, rien ne change jamais », selon un proverbe russe placé en exergue d’un chapitre… Mais, d’un autre côté, « l’agriculture russe semble avoir toujours été tiraillé entre la poursuite de profondes traditions rurales et le lancement à grande échelle d’expériences innovantes pensées par des élites urbaines ; balançant entre les “utopies agraires” de Tolstoï et les “agrovilles” socialistes… » (p. 71). Les transformations organisationnelles de la révolution russe dans l’agriculture s’inscrivent dans l’histoire de ce pays. Les sovkhozes étaient les héritiers des fermes impériales de l’ancien régime et les kolkhozes semblaient poursuivre la tradition des « mirs », ces communautés paysannes fortement encadrées par les autorités publiques.
16La Russie est en ce début de XXIe siècle un grand exportateur de céréales en dépit d’installations et d’équipements souvent vétustes. Mais, la Russie ambitionne de développer ce secteur d’activité dans des proportions très importantes. Pourtant, en dépit de ressources agricoles importantes, la Russie importe de la viandes (des États-Unis et du Brésil) et de produits laitiers (de l’Union européenne). L’agriculture, comme le reste de l’économie russe, intéresse les oligarques. A partir de la dévaluation de 1998, des businessmen considèrent l’agriculture comme un secteur attractif. Affaiblis par la crise financière de 1997, ils recherchent des placements plus sûrs. La terre devient alors beaucoup plus attractive que les placements spéculatifs sur lesquels ils ont construit leur fortune. D’un autre côté, les ex-fermes collectives sont en quête de capitaux : « lasses de subventionner les fermes collectives sans noter un rétablissement suffisant de leur situation économique et financière, les régions décident d’attribuer d’anciens kolkhozes déficitaires à des groupes industriels et commerciaux, en leur demandent de les remettre à flot, d’investir dans les équipements et surtout dans la gestion, en contrepartie d’un moratoire sur les dettes régionales des fermes reprises. » (p. 184) Des « agroholding » font leur apparition dans le monde agricole et agroalimentaire russe. Il existe à l’heure actuelle de puissantes « agroholding » dans les céréales, les huiles alimentaires, les produits laitiers… Ces sociétés puissantes développent leurs activités au niveau international. Elles créent de nouvelles marques et en assurent la promotion par le biais de la publicité.
17Pourtant, les inégalités sociales se creusent : la consommation annuelle moyenne individuelle de viande passe de 80 kg en 1985 à 35 kg en 1995, alors que la consommation de pain augmente. Les retraités sont très largement touchés par ce phénomène. Ils retrouvent le régime alimentaire traditionnel composé de chou fermenté (chtchi), de gruau (kacha) et de pain (khleb) (p. 134-135). Tandis qu’à l’autre extrémité de l’échelle sociale russe, les « nouveaux riches » consomment des vins réputés dans des restaurants luxueux. Le premier restaurant McDonald, implanté à Moscou, connaît un large succès, signe de l’engouement des Russes pour les produits exotiques.
18Sophie Boutillier
Hadjila Krifa-Schneider (dir.), L’élargissement de l’Union européenne. Quels enjeux et défis majeurs ?, série « Le Monde en Questions », coll. « L’esprit économique », L’Harmattan, Paris, 2007, 489 p.
19Près de quarante chercheurs en économie internationale, spécialistes des économies Est-européennes, ont contribué à la rédaction de cet impressionnant ouvrage. Impressionnant par la complétude des sujets traités, mais aussi par la pertinence de la majorité des analyses. Tout récemment l’Union européenne s’est enrichie de 12 nouveaux membres, essentiellement venus de l’Est. Cet Est devra se conformer aux critères économiques, politiques et sociaux de la « vieille union » et, pourquoi pas, adopter la devise euro-monétaire. Pour l’heure, étant donné que les nouveaux entrants sont plus pauvres, mais mieux dotés en termes de ressources coûteuses pour l’Ouest (travail industriel et qualifié), la question posée par les auteurs de ce livre est la suivante : l’élargissement saura-t-il donner un nouveau souffle à l’Union et lui permettre d’asseoir sa puissance économique au niveau international face aux États-Unis, au Japon ou encore à l’Asie émergente, ou, au contraire, sera-t-il un piège amplifiant les divergences internes à l’Union et débouchant à une Europe à deux vitesses ?
20Wladimir Andreff est pessimiste. Dans sa préface, en effet, l’auteur souligne la montée des déceptions dans les PECO (les pays de l’Europe centrale et orientale) dues pour beaucoup au non respect de la nécessaire solidarité entre l’Ouest et l’Est, le Nord et le Sud. « De l’Europe solidaire… à l’Europe solitaire ! »… Dans son chapitre, la directrice de cette publication, Hadjila Krifa-Schneider, fait, preuves à l’appui, le constat suivant : « L’élargissement de l’UE aux pays de l’Europe de l’Est semble ainsi aboutir à une “Europe à plusieurs vitesses”… résultat qui permet de relativiser l’idée selon laquelle la construction européenne favorise l’uniformisation des trajectoires de développement économique » (p. 58), mais, ajouterions-nous, qui fait supporter par les populations et les économies les plus fragiles les risques d’un certain égoïsme néo-mercantile de la part des grandes économies et des grands groupes industriels et financiers. Ceux-ci saisissant à l’Est toute nouvelle opportunité de vente et d’investissement à coût réduit.
21Le livre est composé de quatre parties. La première partie est consacrée aux rapports entre élargissement et rattrapage. L’histoire économique et sociale des PECO définit quelques spécificités sur les plans industriel et du travail dont la réforme a besoin de temps, d’argent et… de convictions. Ce n’est pas, selon nous, une question de mesure comptable (niveau du PIB par tête, par exemple), mais, comme le soulignent les auteurs, un problème de fond relatif aux mesures réformant les structures productives sur lesquelles s’appuiera la croissance des richesses produites, de la productivité ou encore de l’emploi.
22La deuxième partie discute du problème de la monnaie et du rôle des banques centrales. La trajectoire de la convergence étant tracée en relation avec les aspects monétaires du puzzle économique européen, les mécanismes de transmission monétaire dans les nouveaux membres, ainsi que le potentiel (comme aussi les conséquences) de leur intégration dans la zone euro sont mis en avant par deux très bons chapitres du livre. Jérôme Héricourt et Iouliana Matei d’une part, Jérôme Creel et Sandrine Levasseur de l’autre, soulignent l’importance de la cohérence des mécanismes monétaires de l’Est et de l’Ouest avant toute tentative d’adhésion à l’Union économique et monétaire. Les banques centrales de ces pays, comme la Banque Centrale Européenne ont un destin (monétaire avec toutes les répercussions économiques que ceci entraîne) à gérer en commun à court terme.
23Réformes internes, gestion monétaire, compatibilité avec le reste de l’UE… les économies est-européennes doivent se faire une place dans l’« économie européenne » et prendre place dans les relations économiques internationales. Le retard technologique actuel peut-il être comblé par une plus grande attraction d’investissements étrangers directs ? Le marché et l’abondance de ressources humaines peu coûteuses pour les firmes des pays de l’Ouest (et une épargne en quête de débouchés) attirent les investissements à contenu technologique intéressant, mais dont l’incorporation dans l’ensemble économique est pour l’heure source d’accentuation des inégalités sociales.
24Les questions sociales de l’intégration sont traitées dans la quatrième partie du livre, à commencer par les enjeux démographiques. Camal et Karim Gallouj, dans leur étude comparative Nord / Sud – Est / Ouest, concluent que non seulement la population des nouveaux membres tend à décliner, mais aussi que l’élargissement devrait probablement accentuer le ralentissement de la croissance démographique européenne. Ce problème ajouté à l’accentuation des inégalités de revenu et d’accès aux services de base (santé, éducation, logement), fait que ce n’est pas demain que les européens (de l’Est et de l’Ouest) se mettront à faire des enfants. Et dans une économie à population vieillissante, la créativité et la volonté d’innover sont vite supplantées par la réalité de la gestion du temps, de l’argent et du quotidien de la population inactive (ou en fin d’activité) qui ne cesse de croître. Le pessimisme relatif du livre est solidement argumenté. Les défis immédiats lancés par l’élargissement sont bien plus graves que les enjeux auxquels celui-ci devrait répondre.
25Dimitri Uzunidis