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Article de revue

Actualité critique de Léon Bloy

Pages 42 à 46

English version

1La Revue des lettres modernes publie le sixième numéro de sa série éditée par Pierre Glaudes consacrée à Léon Bloy. Le sujet de cette nouvelle livraison est « Bloy critique ». L’opuscule comprend sept articles de fond traitant du sujet, trois articles de varia et un carnet critique rendant compte d’éditions récentes d’ouvrages de Bloy ou d’essais concernant l’écrivain.

2Dans son avant-propos Pierre Glaudes souligne l’originalité de l’entreprise qui s’intéresse à un aspect de l’œuvre de Bloy peu étudié jusqu’alors et le plus souvent considéré comme une simple « suite d’imprécations véhémentes et drolatiques » en même temps qu’il indique la caractéristique essentielle de la posture de Bloy en critique : faire participer le geste critique de l’herméneutique sacrée qui est aux yeux de Bloy la fonction même de la littérature.

3L’étude de Joseph Royer sur « Léon Bloy et la critique historique », à travers l’analyse des violentes attaques de Bloy contre les « savantasses » de l’école positiviste – qui sont les fondateurs de l’histoire telle que la conçoit l’université – et de sa contestation rageuse de ce qui va constituer le fondement épistémologique de la science historique moderne : l’effort documentaire et le souci d’objectivité, permet de mettre en évidence ce qu’on pourrait appeler la conception poétique et symbolique que Bloy se fait de l’histoire. Pour lui la figure de l’historien n’est pas celle du chercheur, des « médiocres ébénistes de l’Ecole des Chartes » mais celle, étrange, d’un « prophète du passé ». Loin de toute neutralité critique et de toute distance objective, c’est un enthousiasme paroxystique, une empathie passionnée, qui permettront à l’historien, nouvel Orphée, de ressusciter le passé et d’en comprendre la vérité : « Il faut se coucher, comme le prophète, sur l’enfant mort, poitrine contre poitrine, bouche contre bouche et lui insuffler sa propre vie ». Discernant dans les événements historiques un « palimpseste de douleurs » Bloy veut en déchiffrer l’énigme et faire de l’historien un « magicien d’exégèse » capable d’apercevoir à travers les horreurs et les obscurités le drame perpétuel de la Chute.

4Au terme de son étude Joseph Royer souligne d’une part que la conception bloyenne de l’histoire peut être légitimement considérée comme participant d’une démarche critique puisqu’elle est pleinement consciente de ses principes, de ses concepts et de ses méthodes et qu’à cet égard elle peut constituer « une alternative théorique cohérente aux thèses positivistes » et, d’autre part, que s’opposant furieusement au rationalisme des Lumières elle heurte la plupart de nos habitudes de pensée. De fait « selon le point de vue moderne, il paraît en effet insensé de subordonner l’analyse historique à un a priori théologique » – remarquons, pour notre part, que les modernes semblent beaucoup moins gênés par les a priori idéologiques et il serait certainement intéressant de comparer, de ce strict point de vue, l’eschatologie de Bloy et le messianisme de Marx – aussi M. Royer va-t-il déplacer le constat de l’originalité bloyenne du propos historique de son contenu doctrinal « réactionnaire » à ce que sa forme implique quant à la nature de l’écriture littéraire de Léon Bloy quelque genre qu’elle revête et qui ressortit toujours à une variété spécifique de poésie, que Joseph Royer nomme le « poème herméneutique ».

5Sous un titre emprunté au Journal inédit de Bloy « Littérature guenilleuse » et « Éclairs magnifiques », Dominique Millet-Gerard étudie les rapports critiques de Bloy avec les auteurs catholiques. On trouvera dans cet article des exemples magnifiques de ce que son auteur appelle avec pertinence la « critique d’exécration » de Bloy – à cet égard les fulminations contre Armand de Pontmartin ou la rageuse exécution de L’Étape de Paul Bourget sont des modèles de cette âcreté savoureuse avec laquelle Bloy fustige chez les auteurs catholiques une « écriture dégénérée » traduisant « une pensée enfermée dans un traditionalisme bien-pensant et intéressé ». Mais ce que Dominique Millet-Gerard va surtout mettre remarquablement en évidence dans son étude, c’est que la critique violente – parfois furibondeque Bloy fait des auteurs catholiques comporte en filigrane un véritable art poétique, les propos agressifs par lesquels Bloy dénonce la fausse littérature des catholiques – joliment synthétisée par Dominique Millet-Gerard comme la « carte du Tendre de la propagande dévote » expriment en contrepoint sa conception de la vraie littérature, « propos qui pourraient parfaitement, toutes proportions gardées, servir de manifeste poétique à Bloy lui-même. », et l’auteur d’analyser brillamment cette survalorisation du dolorisme des Passions – Passion du Christ, Passion de la Vierge – qui informe l’écriture hyperbolique de Bloy et nourrit une « rhétorique négative de la suggestion spirituelle » consistant à désigner inlassablement à travers le fourmillement des signes la présence permanente et obscure de la Révélation.

6On pourrait également ajouter, en examinant, face à la galerie – que le style de Bloy rend quasi tératologique – des auteurs exécrés, Bourget, Coppée et tous les producteurs de la « glaise sulpicienne », celle des auteurs religieux dont il se fait le panégyriste : Jehan Rictus, Eugène Demolder, le père Faber où la mystique allemande Anne-Catherine Emmerich en qui Bloy n’hésite pas à voir « le plus grand de tous les poètes sans exception », que le rapport de Bloy à la littérature catholique « à la fois consternant et désopilant » comme le dit l’introduction de l’article, est également très symptomatique de ce qu’on pourrait appeler la pathologie bloyenne, cette volonté enragée d’être seul contre tous, de discerner les « éclairs magnifiques » où personne ne les voit, de condamner tout ce qui est lié au succès.

7C’est du reste, cette disposition particulière de Bloy à se fixer dans l’attitude d’un « entrepreneur de démolitions » acharné à traquer tout usage de la littérature contraire à l’exigence d’absolu à la fois moral, spirituel et poétique qui est au fond de sa propre esthétique que vont principalement étudier les deux articles suivants.

8Jérôme Solal s’attache à distinguer une « haine du double » dans la polémique acerbe dont Bloy poursuit Daudet. Il montre fort bien la conviction de Bloy qu’une mission lui est assignée, celle d’un infatigable et virulent pourfendeur des « porchers » puisque son axiologie littéraire est manichéenne, les écrivains sont soit – comme lui – des « belluaires » soit – comme Daudet – des « porchers ». Et l’une des marques du porcher c’est le succès. M. Solal donne de multiples exemples du fait que « dans la dialectique bloyenne, le succès se convertit immédiatement en ignominie » ; il cite une lettre de Bloy recueillie dans Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne où l’écrivain revendique la pauvreté comme un choix délibéré, qui distingue et honore celui qui se nomme volontiers l’Invendable et qui se veut radicalement différent et solitaire. M. Solal dit fort justement : « Il n’est comme personne, il n’est avec personne. » et, c’est pourquoi « objet d’opprobre, Daudet croise deux obsessions bloyennes : la singularité et la pauvreté »

9Aux yeux de Bloy le paria, Daudet est doublement abject, auteur à succès il est coupable de conformisme identitaire au social de son siècle, alors que l’écriture doit signifier l’irruption de la différence, et c’est en outre un « copiste » c’est-à-dire un plagiaire et Bloy le caricature comme un « méridional démantibulé, besacier roublard des littérateurs autochtones et des romanciers anglais. »

10Et la haine de Bloy pour Daudet englobe le père et le fils, Alphonse et Léon, ce dernier étant à ses yeux le simple redoublement, le décalque du père. Ce qui donne lieu à une note très intéressante où M. Solal cite un passage du Journal de Bloy où s’expose l’extraordinaire conception que celui-ci se fait de la temporalité : tout ce qui est et tout ce qui se produit est simultané – « C’est pour cette raison qu’il peut y avoir des prophètes » – et c’est seulement la vision humaine qui y introduit la successivité.

11Ce sera d’ailleurs l’originalité majeure de cet excellent article que l’analyse précise et subtile de la conception bloyenne du double. Le double c’est d’abord l’image inversée de l’un et les porchers fonctionnent à la manière d’autoportraits inversés. Le double c’est aussi le dédoublement c’est-à-dire la duplicité que Bloy conçoit comme la duplication imitative qui fonde l’existence de cet être sans pensée qu’est le Bourgeois : « Toujours à la recherche du bonheur dans le même, le petit bourgeois ne se retrouve, ne se recueille que dans la copie conforme : son propre est le double » écrit un sociologue que cite M. Solal définissant l’idéal de médiocrité et d’adhésion aux lieux communs qui assure la cohésion sociale où Bloy voit le triomphe de la bassesse et de la sottise. Le double c’est enfin le redoublement c’est-à-dire la reproduction à l’infini de ce paradigme infâme qui explique que Caïn Marchenoir, le Désespéré, se sente « amoureux de toutes les grandeurs conspuées et seul contre tous » et qu’il éprouve « l’incompatibilité sans remède, infinie, de tout son être. »

12À la source et au cœur de la critique bloyenne se place l’exigence absolue d’une parole véridique qui est la Parole Véridique, le langage vrai se mesure à sa capacité à représenter le Verbe pour reprendre une formule de Pierre Glaudes, et Bloy voit dans sa dilection pour la véhémence, pour l’exacerbation de l’invective, une élection le chargeant de traquer la parole mensongère : « Est-il croyable qu’une telle opulence de rage m’ait été octroyée pour rien ? »

13Gilles Megrello commence son article intitulé « Le désir d’être un autre. Bloy critique de Villiers de l’Isle Adam » par une réflexion générale concernant la critique d’auteur à la fin du xixe siècle qui permet de bien préciser la posture critique de Bloy qui commande son rapport à Villiers, rapport d’identification et d’imitation, une véritable obsession spéculaire dans un premier temps annihilant toute vraie possibilité d’analyse critique, puis éloignement lorsqu’il réussit à objectiver le souvenir de Villiers en le transformant en personnage de fiction par exemple dans Sueur de sang sous les traits du vicomte du Glas Saint Sauveur.

14Sur cette passionnante question de la critique des écrivains par des écrivains que M. Megrello situe dans son contexte de la fin du xixe siècle et en référence à la notion de « critique des maîtres » telle que l’a conceptualisée Albert Thibaudet, il serait tout à fait opportun, d’un point de vue non plus rigoureusement historique mais axiomatique, d’interroger les considérations de Montherlant sur ce sujet, telles que les a regroupées et magistralement glosées Jean François Domenget dans son ouvrage Montherlant critique publié chez Droz. On découvrirait chez Bloy et Montherlant, artistes on ne peut plus différents, opposés et même étrangers sur presque tous les plans, de curieuses convergences dans leur façon d’envisager l’acte critique et notamment cette idée qui leur est commune et que signale Michèle Fontana dans son article dont nous parlerons plus loin que les critiques authentiques ne parlent que d’eux-mêmes, comme le dit Léon Bloy « ivrognes de la fantaisie, à la recherche de leur propre lit dans des domiciles étrangers » et comme en écho, Montherlant : « Peut-être une personnalité très forte ne peut-elle et ne doit-elle pas supporter autre chose qu’elle, et doit-elle déchirer tous les autres. » (Carnet XXI).

15Dans la mouvance de cette problématique Gilles Megrello fait bien apparaître dans l’axiologie critique de Bloy le primat des postulats religieux sur les critères esthétiques ou plutôt l’intime fusion des deux. Ainsi quand Bloy commence à s’éloigner de Villiers formule-t-il ce reproche à propos de L’Ève future : « Trop de science humaine et trop peu de science divine », ainsi encore dans un texte théorique où il exalte la valeur suprême de l’imagination pour un artiste, Bloy écrit-il qu’elle est essentielle « quand elle se met en grand gala pour penser seulement à Dieu dont elle est le profond miroir. » et dans Un brelan d’excommuniés, il affirme que « l’Art moderne est un domestique révolté qui a usurpé la place de ses maîtres » signifiant par là que cette usurpation scandaleuse et dégénérescente est le produit de l’émancipation de l’Art par rapport à la religion qui a commencé dès la fin du Moyen Âge.

16De telles conceptions déterminent la méthodologie critique de Bloy que Gilles Megrello étudie avec une grande finesse à travers les commentaires que l’écrivain a faits de divers ouvrages de Villiers et il constate que la lecture bloyenne suit toujours le modèle de l’interprétation des Textes Saints, et se développe sur deux plans : eschatologique et mystique.

17C’est cette même idée d’une pratique critique qui n’est qu’un masque pour proclamer ses propres thèses et ses propres convictions qui est au centre de l’article de Gaëlle Guyot consacré au commentaire que fait Bloy de l’essai de Gourmont Le Latin mystique, anthologie critique des vieux hymnes chrétiens de l’antiphonaire qui vise à démontrer que le latin des moines poètes du xie et xiie siècles, que les tenants du classicisme considèrent comme décadent, vaut largement celui de Virgile et même exprime des valeurs, des sentiments et des impressions autrement riches que ceux des écrivains de la latinité classique.

18Gaelle Guyot établit magistralement à cette occasion les principes qui président à l’activité critique telle que la concevait Bloy et qu’on pourrait qualifier de critique prétexte. Cette critique prétexte qui consiste à investir un discours apparemment explicatif et interprétatif par l’inscription d’une thèse occulte est du reste déjà pratiquée par Gourmont puisque sous l’étude stylistique des textes de l’antiphonaire et leur approche linguistique transparaissent la contestation romantique de la perfection classique et une défense et illustration du symbolisme. Léon Bloy, quant à lui, va imposer à l’essai de Gourmont un écart bien plus grand. En effet rendant un compte élogieux du Latin mystique, il en inverse totalement les perspectives et les intentions et il en bouleverse totalement le sens. Là où Gourmont pratiquait une lecture littéraire des vieux textes, assez technique et marginalisant leur aspect proprement religieux, Bloy instaure une expérience hallucinée de la « Langue de Dieu ». Négligeant les textes du corpus établi par Gourmont, Bloy déploie une lecture allégorique du latin lui-même expérimenté comme le miroir mystérieux de la Passion Christique.

19Ainsi par une déformation systématique et au prix de contresens volontaires et excessifs – comme par exemple celui qui consiste à interpréter comme un acte de dévotion mariale la lecture symboliste que fait Gourmont du bréviaire chrétien en y discernant la marque d’un imaginaire féminin érotique – Bloy impose-t-il un masque à l’œuvre qu’il commente pour l’enrôler dans la littérature de la glorification de l’Esprit Saint.

20Dans un article intitulé « Bloy critique, des journaux au Journal » Michèle Fontana met au jour, avec beaucoup d’habilité dans l’utilisation des contributions journalistiques de Bloy – dont Madame Fontana est la spécialiste – le rêve secret et affleurant de Bloy d’une école spiritualiste dont il serait le chef et qui abolirait toutes les autres écoles. Paradoxe apparent pour cet écrivain qui affirmait sa solitude comme une élection et le signe de sa supériorité, mais réalité psychologique indéniable dont Michèle Fontana montre les cheminements et les manifestations tant dans les comportements de Bloy que dans ses écrits.

21Dans cette optique l’activité critique de Bloy prend une dimension nouvelle, celle d’être, au-delà du compte-rendu et du commentaire, un manifeste réitéré ; et donc chaque critique particulière permet aussi la compréhension globale du procès critique. Celui-ci, pour Bloy, n’est ni analytique – l’analyse est abandonnée aux myopes – ni théorique, – domaine des « savantasses » –, il est oraculaire, il est l’« ambition d’entrer dans les âmes – comme Empédocle se précipita dans son volcan – pour les explorer dans les plus incandescentes profondeurs ».

22Quant au dernier article « Léon Bloy dans Portraits du prochain siècle (1894) par Émile Van Balberghe il fournit des informations rares et inédites sur un aspect peu connu de l’activité critique de Bloy : le portrait ou le croquis d’écrivains. À l’occasion d’une exposition de peinture en juillet 1893 et intitulée “Portraits du prochain siècle” », les organisateurs envisagent la publication de trois volumes de notices biographiques des modèles des portraits ; seul verra le jour le volume consacré aux écrivains portraiturés parmi lesquels figurait Bloy qui avait par ailleurs écrit la notice consacré à Ernest Hello. Par un travail très fin de critique d’attribution, M. Van Balberghe démontre alors que la notice du portrait de Bloy, signée par son ami le peintre De Groux est en fait de Bloy lui-même. Notice frappante, qualifiée d’étrange par son auteur même, elle l’identifie à l’absolu : « Bloy n’a qu’une ligne et cette ligne est son contour. Cette ligne c’est l’Absolu. » À ce remarquable travail de restitution s’ajoute la longue citation d’une lettre de Bloy à De Groux où il lui suggère des illustrations pour une nouvelle édition de Portraits du prochain siècle configurant ainsi une galerie de croquis extraordinaires d’écrivains qui montrent que le style bloyen si ample et nombreux habituellement peut aussi se resserrer magistralement dans le trait expressionniste de la charge. Nous ne résistons pas à citer celui de Rimbaud : « Un avorton qui se soulage au pied de l’Himlaya » injuste peut-être mais si savoureux dans un temps où le moindre texte de Rimbaud plonge la critique dans les transes admiratives et les pâmoisons d’extase.

23À ces sept articles de fond traitant le sujet de la publication s’ajoutent trois articles portant sur l’œuvre de Bloy des regards variés. « La tragédie latine de Léon Bloy » par Lioudmila Andreeva, qui présente et introduit un article du philosophe russe Nicolas Berdiaev consacré à Bloy sous le titre « Le chevalier de la misère », pourrait fournir une bonne introduction à la lecture de Bloy.

24Lydie Parisse étudie, à partir du Mendiant ingrat de Bloy, son imaginaire du deuil constituant une expérience du seuil séparant la négativité de la lumière mystique et Théodor Paleologu propose une mise en parallèle rapide de Léon Bloy et de l’auteur allemand Carl Schmitt.

25Cette nouvelle livraison de la série Léon Bloy offre donc un éventail d’études de grand intérêt et de grande qualité pour une meilleure connaissance de l’activité et des postures critiques de Bloy jusqu’alors moins connues que d’autres côtés de sa vie et de son œuvre, alors même que ses choix, ses postulats, ses tons en ce domaine fournissent une clef importante d’intelligence de son œuvre, d’accès à son « étymon spirituel ».

26C’est donc une lecture à recommander aussi bien à ceux qui connaissent déjà Léon Bloy qu’à ceux qui souhaiteraient découvrir cet écrivain extraordinaire, d’une force presque unique dans notre littérature.

27Nous nous bornerons pour finir à trois remarques. Un léger agacement d’abord devant cette exaspérante manie de ne pas traduire les citations latines. Une réserve concernant la façon dont tel article semble ériger la postérité – ou la critique actuelle – en juge infaillible des valeurs littéraires : « La postérité a réévalué les auteurs » lit-on et cela justifie la critique que fait Bloy de Bourget et de Coppée, ou encore la critique que fait Bloy du dernier Zola est pertinente car « elle recoupe sur ce point la critique actuelle ». Pourquoi la critique actuelle, c’est-à-dire la mode intellectuelle du moment, serait-elle habilitée à trancher du vrai, du juste et du faux en matière artistique où, quels que soient les efforts des « chercheurs » vers la « scientificité » – concept admissible pour l’établissement et la description exégétique des textes – tout en matière d’interprétation et de jugement ressortit à la subjectivité ? Un regret enfin, celui de n’avoir pas vu convoquer Celine, celui des écrivains qui, par sa conviction d’isolement et de supériorité, par son phantasme d’un complot contre lui, par sa puissante invention langagière et la stridence de sa diction, par la véhémence pamphlétaire de sa critique, se prête le mieux à un rapprochement avec Bloy, rapprochement d’écrivains d’exception, rapprochement d’écrivains formidables au sens étymologique du terme.

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