1La loi dite Leonetti remet le patient au centre des décisions qui le concernent. Soit il est en capacité de prendre ses décisions lui-même, après un délai de réflexion « raisonnable » non fixé par la loi et cette décision est respectée, soit ses directives anticipées (si elles ont été rédigées), sa personne de confiance, sa famille ou ses proches sont consultés. Dans le cas où il ne peut exprimer sa volonté, une décision collégiale est initiée (par le médecin, la personne de confiance, la famille ou les proches) après consultation de l’équipe soignante et avec un « collège » médical. La décision prise est communiquée et sa traçabilité assurée dans le dossier du patient. C’est donc une loi humaniste ne passant pas par la dépénalisation de l’euthanasie.
Introduction
2Les lois sont le plus souvent mal connues, y compris de ceux qui ont à les appliquer parfois quotidiennement. Une enquête sur la connaissance de la loi du 22 avril 2005, relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite loi Leonetti, ses décrets d’application [1] et la définition de la personne de confiance, [2] a été diligentée au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges à l’initiative du Comité d’éthique de l’établissement.
Matériel et méthode
3Un questionnaire a été adressé au personnel, toutes catégories confondues (soignants, administratifs, techniques…), avec le bulletin de salaire du mois de novembre 2009. 7602 formulaires ont ainsi été distribués. Ce questionnaire (figure 1), qui respectait l’anonymat, tenait en une seule page et comportait tout d’abord des renseignements sur la personne, son établissement d’exercice (le CHU de Limoges comporte cinq sites). Il se poursuivait sur quatre thèmes. Les questions portaient successivement sur la loi elle-même, la personne de confiance (loi de 2002, dite loi Kouchner), [2] les directives anticipées et enfin la décision collégiale. Les réponses étaient en majorité à choix multiples, orientées. Le nombre de questions à réponse ouverte était volontairement limité à cinq. Un délai d’une semaine était laissé pour la réponse.
Enquête du Comité d’Ethique
Enquête du Comité d’Ethique
4Ces réponses ont été colligées par le secrétariat du Comité d’éthique et exploitées de façon informatique par le Service qualité du CHU à l’aide du logiciel ETHNOS.
Résultats
5870 réponses ont été recueillies, soit un taux de réponse de 11,4%.
Connaissance de la loi
6Un peu plus de la moitié (52,3 %) des personnes ayant répondu déclarent connaître la loi (figure 2). Cette connaissance s’est faite essentiellement par les médias (50%). L’information par des conférences (7%), une formation universitaire, professionnelle ou autre représente seulement 3,5%.
Connaissez-vous la loi Léonetti ?
Connaissez-vous la loi Léonetti ?
7Sur les 47% qui déclarent ne pas connaître la loi, la très grande majorité souhaite en être informée (83,4%), et les moyens choisis pour cette information sont en général institutionnels : le journal trimestriel de l’établissement, intranet ou des formations internes. 10,5% ne souhaitent pas d’information sur ces textes.
Personne de confiance
8Une grande majorité (82,9 %) déclare savoir à quoi elle correspond et 79% précisent bien que « c’est la personne qui prend la décision à la place du malade quand celui-ci n’est plus en mesure de le faire lui-même » (figure 3).
Savez-vous ce qu’est la personne de confiance d’un malade ?
Savez-vous ce qu’est la personne de confiance d’un malade ?
928% répondent que c’est la personne à prévenir lors de la survenue d’une évolution dans l’état de santé du malade. De plus, seulement 38,6% estiment que cette personne de confiance est bien identifiée sur les documents administratifs de l’établissement (figure 4).
Vous semble-t-elle bien identifiée sur les documents administratifs du CHU ?
Vous semble-t-elle bien identifiée sur les documents administratifs du CHU ?
Directives anticipées
1054% répondent ne pas savoir en quoi consistent les directives anticipées ; 42% déclarent le savoir, mais lorsqu’ils précisent leur réponse les trois-quarts pensent que ce sont des modalités de soins et un cinquième que ce sont l’équivalent d’un testament (figure 5).
Savez-vous ce que sont les directives anticipées ?
Savez-vous ce que sont les directives anticipées ?
11En ce qui concerne leur rédaction, seuls 20% répondent en connaître les modalités (73% ne savent pas) et encore faut-il nuancer les réponses qui vont de l’exactitude parfaite à l’erreur la plus complète (testament devant notaire, rédaction sur papier timbré, présence de témoins…) (figure 6).
Connaissez-vous leur mode de rédaction ?
Connaissez-vous leur mode de rédaction ?
12En ce qui concerne leur mode de conservation, 62% répondent que c’est le médecin traitant qui doit les détenir, 58% que c’est le patient lui-même, 26% sa famille. 12% seulement pensent que c’est la personne de confiance qui doit les conserver. Enfin, sur leur délai de validité, 44% donnent la réponse correcte de trois ans, 27% pensent que c’est un an et 16,5% dix ans (figure 7).
Quelle est leur durée de validité ?
Quelle est leur durée de validité ?
Décision collégiale
1362% des personnels de notre CHU ne savent pas ce qu’est une décision collégiale contre 32,5% qui semblent le savoir (figure 8).
Savez-vous ce qu’est une décision collégiale au sens de la loi ?
Savez-vous ce qu’est une décision collégiale au sens de la loi ?
14Ceux qui ont répondu positivement citent à 99,44% la pluridisciplinarité comme étant le point essentiel de cette décision. Mais très peu savent que cette décision peut être initiée par la personne de confiance (25,3%), la famille (19,1%) ; qu’il faut tenir compte des directives anticipées lorsqu’elles existent (11,2%) et seules quatre personnes (2,25%) ont la notion que le patient doit en être informé lorsqu’il est en capacité de l’être. Enfin, quatorze personnes seulement (8%) déclarent que cette décision doit être tracée dans le dossier du patient (figure 9).
Vous savez ce qu’est une décision collégiale au sens de loi, décrivez-la succinctement ?
Vous savez ce qu’est une décision collégiale au sens de loi, décrivez-la succinctement ?
Discussion
15Bien que votée en avril 2005 et ayant vu publier ses décrets d’application en février 2006, la loi Leonetti ne paraît pas avoir été bien appréhendée par le personnel des hôpitaux. II semble que le dispositif de la personne de confiance, datant lui de la loi Kouchner en 2002, mais renforcé par la loi de 2005, ne soit pas mieux connu. Le Comité d’éthique du CHU de Limoges, devant les questions soulevées, a voulu diligenter une enquête pour avoir une vue plus précise de la connaissance de la loi et de ses décrets d’application par le personnel de l’établissement.
16Le questionnaire a été adressé à l’ensemble des personnels, la liste restreinte aux personnels soignants et administratifs n’ayant pu être obtenue pour des raisons techniques. Le taux de réponse est relativement faible. Toutefois, si l’on prend en compte uniquement les soignants médicaux et paramédicaux, on obtient un pourcentage de réponses légèrement supérieur (16%). Le délai donné pour répondre était court (une semaine), mais délibérément choisi : les bulletins de salaire sont en général classés rapidement.
17Une faible majorité, 52,3%, déclare avoir eu connaissance de la loi par les médias.
18Ceux qui ne la connaissent pas souhaitent une information dans le cadre de l’institution, ce qui renforce la volonté de l’établissement de mieux faire connaître ces textes.
19Le CHU de Limoges a fait un effort d’information concernant la personne de confiance : celle-ci est mentionnée avec son mode de désignation dans le livret d’accueil de l’établissement et sur un document que le patient signe, lorsqu’il en est capable, lors de son admission dans les services recevant des adultes. Une question était d’ailleurs posée quant à savoir si l’identification de la personne de confiance était bien faite sur les documents remis aux patients. 38,6% pensent que oui ; 35,6% pensent que non et 25,7% ne se prononcent pas. En revanche, si on croise les réponses, 98,5% des personnes, qui ont répondu savoir qui est la personne de confiance, déclarent qu’elle est bien identifiée.
20Pour ce qui est de la connaissance des directives anticipées, les résultats sont décevants. Moins de la moitié du personnel croit savoir ce qu’elles sont et la plupart se trompent, tant sur leur finalité que sur leur mode de rédaction, leur mode de conservation et leur durée de validité.
21Enfin, en ce qui concerne la décision collégiale, là encore, une majorité des personnels ignore de quoi il s’agit. Cette disposition, qui met fin sur certains points à la décision médicale unique et absolue, a du mal à pénétrer les services hospitaliers. II s’agit effectivement d’une méconnaissance, mais aussi parfois de réticences, essentiellement de la part du corps médical.
22Les textes récents [3] donnant l’initiative de cette décision collégiale au patient, à sa personne de confiance ou à sa famille, viennent encore compliquer un peu plus ce processus qui a un peu de mal à se mettre en place. Toutefois, dans notre établissement, un protocole écrit est disponible et commence à être utilisé. II semble que ce soit une aide précieuse pour les équipes concernées par les problèmes de limitation ou d’arrêt de traitement dans le cadre d’une fin de vie.
23La mauvaise connaissance des textes relatifs aux droits des malades, et plus particulièrement ceux concernant la fin de vie, est patente. II serait étonnant que ces lacunes soient propres à notre établissement, ce que confirme d’ailleurs une enquête récente. [4] Un effort de formation important semble nécessaire dans l’ensemble des établissements.
Conclusion
24Cette enquête a permis de faire le point sur la connaissance d’une loi votée en 2005 et qui s’applique au quotidien. Elle est notablement insuffisante. La connaissance de la loi, de même que ses applications, est pourtant nécessaire au quotidien pour les soignants comme pour les administratifs. La demande formulée par les personnels va déboucher sur la mise en place d’une formation continue qui, nous l’espérons, va redresser les erreurs de ceux qui croient connaître la loi et permettre aux autres de l’appréhender de la façon la plus précise possible.
Bibliographie
- 1Loi no 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie et ses décrets d’application du 6 février 2006. Journal officiel de la République française.
- 2Loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Journal officiel de la République française.
- 3Code de déontologie médicale, code de la santé publique : Ordre national des médecins : 2006, R.4127-1à R.4127-112.
- 4Dumont R, Asehnoune K, Pouplin L, Volteau C, Simonneau F, Lejus C. Limitation ou arrêt de thérapeutiques actives en situation d’urgence. Le point de vue des anesthésistes réanimateurs. Ann Fr Anesth Reanim 2010;29:425-30.