Couverture de IMIN_042

Article de revue

Éditorial

Pages 5 à 9

Notes

  • [1]
    SZABO M., La Porte, Ed. Livre de poche, Paris, p.176
  • [2]
    DOUVILLE (2003) Du choc au trauma... il y a plus d’un temps, Figures de la psychanalyse, n°8, pp 83-96)
  • [3]
    DOUVILLE (2003) Du choc au trauma... il y a plus d’un temps, Figures de la psychanalyse, n°8, pp 83-96.
  • [4]
    FALQUE E, (2018) Les traumas de l’amour, Imaginaire et Inconscient, n°42.
  • [5]
    HAGUE C, (2009) À propos de Frida Kahlo, peinture et réel du corps, Analyse Freudienne Presse, n°16, pp 35-41
  • [6]
    BOKANOVSKI T., (2015), Le concept de traumatisme en psychanalyse, Sillages critiques, n°19.
  • [7]
    CYRULNIK B., (2004), Parler d’amour au bord du gouffre, Edition Odile Jacob, Paris.
« Apprenez ceci : n’aimez jamais éperdument, cela ne peut que vous mener à votre perte. Si ce n’est pas tout de suite, c’est plus tard. Le mieux c’est de ne jamais aimer personne ».[1]
La porte, Magda SZABO

1 Cette phrase lancée par le personnage Emérence dans « la Porte » constitue une belle entrée en matière pour notre revue sur les Traumas de l’amour et invite à la réflexion.

2 Cette fermeture à l’amour ici évoquée, nous laisse supposer l’existence de traumatismes dans la vie de cette femme. Des traumas d’amour qui provoquent le besoin de se barricader, de se protéger, d’avoir recours à des mécanismes de défense.

3 Emérence tente de se « murer » et de cacher ses secrets. Elle tend à maîtriser son relationnel et alterne entre la générosité envers les autres et la haine, mais au fil des pages, elle finit par ouvrir « sa porte » à sa patronne, une femme écrivain, et fait un premier geste vers elle en donnant à voir une partie de son intérieur.

4 Ce premier pas pourrait être rapproché de celui que le traumatisé fait vers le psychanalyste : « Le travail psychique du traumatisé est souvent de faire du psychanalyste non d’abord un écoutant, mais un témoin. De s’assurer d’une possibilité que les traces de ce réel traumatique puissent être rencontrées (et non seulement évoquées) par le thérapeute ». [2]

5 Un vrai lien est nécessaire pour être entendu et « sortir de la stupeur et de la honte », pour que le patient puisse « reprendre goût à l’amour de la parole ». [3]

6 Dans cette histoire, les liens seront compliqués, et une vraie rencontre ne se fera pas, elle sera manquée. Car la femme écrivain ne sera pas présente psychiquement et physiquement à un moment crucial et difficile de la vie d’Emérence, ajoutant un nouveau traumatisme, qui conduira à la mort de la domestique. La narratrice dira en effet avec culpabilité « c’est moi qui ai tué Emérence » en forçant sa porte...

7 Violence, culpabilité, amour sont des ingrédients que nous retrouvons dans des passés traumatiques de nos patients. La phrase d’Emérence pourrait introduire une cure et être le premier pas d’un chemin thérapeutique.

8 S’il est des parcours marqués par les traumas d’amour, nous pouvons néanmoins souligner que, même si amour et trauma paraissent antinomiques, ils apparaissent dès notre origine, dès notre naissance, comme nous l’explique Emmanuel Falque : « Si “donner naissance” est normalement le témoignage d’un acte d’aimer, il demeurera néanmoins grevé d’une faille ou d’une blessure originelle non pas à réparer ou à combler, mais plutôt à autrement habiter »[4].

9 Aussi, si le trauma s’origine dans l’acte d’aimer, il habite nos vies, il vient s’emmêler dans la structure de notre « corps qui tient avec des ficelles »[5] comme se le représentait Bergès à propos du nouage Réel, Symbolique et Imaginaire.

10 Il incombe alors à chaque individu de construire sa vie psychique avec ses propres fils, ses propres manques pour former un tissage différencié et original.

11 Si nous revenons à Emérence, ce qui se traduit dans ses comportements signe une souffrance plus grande, qui semble l’avoir ébranlée plus profondément et être venue perturber ses liens aux autres. Il en est des traumas dans les liens affectifs, d’amour, qui traversent certaines vies, qui font effraction jusqu’à parfois venir ébranler la structure de l’être. Ils demandent une vraie

12 prise en charge tant ils possèdent un potentiel destructeur au point que le psychanalyste doit très attentif et « dans son travail de contre-transfert, il se devra d’être particulièrement vigilant à maintenir une certaine continuité psychique, garante d’une contenance qui a, autrefois, fait cruellement défaut ».[6]

13 Ces traumas sont alors comme des tsunamis, qui viennent bouleverser toute l’économie psychique tant l’impact et l’effraction sont importants produisant pour le sujet effroi et sidération, du fait d’une confrontation à l’impensable du réel. Tout un travail de cicatrisation et de liaison de ce pulsionnel est alors indispensable.

14 Entre cette blessure originelle dans les liens d’amour et ces traumas, venant entamer l’économie psychique, chaque individu partira sur le chemin de la résilience, qui finalement est un parcours propre, original :

15 « La résilience ne s’intéresse qu’aux manières de recoudre ces déchirures traumatiques. Mais pour penser la résilience il faut faire de son histoire une vision où chaque rencontre est un choix d’existence. Cette manière de donner un sens non inexorable à sa vie témoigne d’une capacité de liberté intime. Elle autorise mille scénarios possibles avec les hésitations, les coups de chance et les angoisses que provoquent tout choix ».[7]

16 La couture des déchirures traumatiques peut effectivement prendre différentes formes et vient s’inscrire sur des histoires tout aussi différentes, que celle de l’amitié, de l’amour, du couple, de l’adoption, que nos auteurs ont su décrypter. Avant de leur laisser la parole, en quelques mots, j’introduirai ainsi leurs propos :

17 Dans le premier texte, Emmanuel Falque vient nous parler de ces traumas de l’amour qui nous sont constitutifs, qui sont comme des aspérités sur lesquelles nous pouvons nous appuyer pour nous élever dans notre relation à l’autre. Cette manière de regarder autrement les failles, de leur donner toutes leurs places dans la vie de couple qui ne peut être fusion mais incomplétude et différenciation nous permet de les envisager différemment.

18 Lolita Natter nous emmène dans l’intimité du couple, où les blessures d’amour viennent entraver les relations conjugales. Elle nous explique dans son article que le couple peut être un espace où il est possible de travailler sur ses propres traumas, pour s’ouvrir à la remise en cause afin de devenir un partenaire adéquat plutôt que de changer de partenaire.

19 Jean-Yves Le Fourn nous transporte dans une autre époque et nous retrace l’amour tragique entre Verlaine et Rimbaud. Un amour de débauches avec pour lien l’écriture, la poésie. Amour marqué par la violence et un trauma lorsque Verlaine tente d’attenter à la vie de Rimbaud. Evènement qui aura une incidence dans la vie de Rimbaud qui arrêtera d’écrire et pour Verlaine qui entrera dans une longue déchéance.

20 Le couple intéresse également Bénédicte Berruyer Lamoine, elle se demande si l’amour guérit des traumas en considérant différentes configurations relationnelles. Elle suggère que les individus se rencontrent dans une problématique complémentaire ou opposée, souvent de manière inconsciente. Son approche nous invite à changer notre regard et à regarder la scène du couple comme un possible espace de représentation, voire de transformation.

21 Jacques Sédat nous amène à nous pencher sur la relation entre Freud et Jung. Si leurs échanges intellectuels ont été riches et fructueux pour la recherche psychanalytique, leur relation a abouti à un schisme. Pourrait-on alors parler d’un trauma qui permit à Freud d’envisager le transfert sous un autre aspect ? Il a pu alors appréhender la relation thérapeutique qui ne place plus le psychanalyste dans une position de savoir mais plutôt dans celle qui permet de « se déplacer d’une place psychique à une autre selon les besoins du patient ».

22 Danielle Brun nous plonge dans les arcanes de la relation transférentielle. Pour elle, la situation analytique est une possibilité offerte au patient pour apprendre à aimer autrement et à dépasser ses traumas.

23 Florence De Wailly vient nous parler des traumatismes de l’abandon et nous invite à suivre le parcours de Lilly. Elle évoque le clivage du moi consécutif au traumatisme de séparation de cette jeune fille d’avec sa mère biologique comme une protection psychique et une manière de se structurer. La cure analytique va permettre progressivement un travail de réunification et l’amener à trouver sa propre voie.

24 Chantal Noblet a été touchée par le destin de Bakhita, une jeune fille enlevée à sa famille au Darfour, qui aura une vie marquée par les traumatismes. Cette enfant, devenue adulte trouve son propre chemin de résilience dans les soins aux autres. En réponse à ce vécu plus que douloureux Chantal Noblet choisit la poésie, le beau et écrit des rakus, puis évoque une autre histoire d’une jeune fille à recoudre.

25 Avant de refermer cette revue, nous vous proposons de vous arrêter aux recensions, comme une invitation à vous plonger dans d’autres livres.

26 Marie Claire Bruley nous ouvre la boîte aux lettres de la correspondance de Anne Pingeot et François Mitterrand et sa description fine de leur relation épistolaire est comme une exhortation à effeuiller ces lettres d’amour, un peu, beaucoup, à la folie....

27 Chantal Noblet attire notre attention sur l’histoire d’une petite fille sur la banquise écrite par Adelaïde Bon. Ce livre retrace avec une finesse clinique et une écriture poétique le parcours d’une enfant violée à l’âge de 9 ans.

28 Benédicte Berruyer Lamoine s’arrête au récit de Christine Angot sur un amour impossible, qui évoque le trauma de l’inceste. Ce dernier semble transparaitre dans une écriture particulière qui fait l’intérêt de ce récit, pour nous cliniciens.


Date de mise en ligne : 25/01/2019

https://doi.org/10.3917/imin.042.0005

Notes

  • [1]
    SZABO M., La Porte, Ed. Livre de poche, Paris, p.176
  • [2]
    DOUVILLE (2003) Du choc au trauma... il y a plus d’un temps, Figures de la psychanalyse, n°8, pp 83-96)
  • [3]
    DOUVILLE (2003) Du choc au trauma... il y a plus d’un temps, Figures de la psychanalyse, n°8, pp 83-96.
  • [4]
    FALQUE E, (2018) Les traumas de l’amour, Imaginaire et Inconscient, n°42.
  • [5]
    HAGUE C, (2009) À propos de Frida Kahlo, peinture et réel du corps, Analyse Freudienne Presse, n°16, pp 35-41
  • [6]
    BOKANOVSKI T., (2015), Le concept de traumatisme en psychanalyse, Sillages critiques, n°19.
  • [7]
    CYRULNIK B., (2004), Parler d’amour au bord du gouffre, Edition Odile Jacob, Paris.

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