Notes
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[1]
« La poupée qui fait non », chanson composée et interprétée par Michel Polnareff, sur des paroles de Franck Gérald. La sortie du disque (Single EP) eut lieu le 29 avril 1966. L’œuvre fut aussitôt traduite en plusieurs langues (avec certaines versions interprétées par Polnareff), et vendue à 200.000 exemplaires à la fin de l’année 1966. Elle fut ensuite interprétée jusqu’à nos jours par les plus grandes vedettes de la musique de variété.
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[2]
Hans Robert Jauss (1921-1997), philosophe, critique littéraire et sociologue de la culture, est l’auteur d’une « théorie de la réception », qu’il exposa à partir de sa nomination à l’Université de Constance en 1966. Ses idées, qui mettent en œuvre le concept d’« horizon d’attente » ont été la base des recherches de l’« École de Constance », dont il fut le directeur de son vivant. Son principal ouvrage a été traduit en français sous le titre Pour une esthétique de la réception (Paris, Gallimard, 1978, coll. » Bibliothèque des idées »).
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[3]
La « loi Neuwirth » (du nom du député gaulliste qui l’a présentée) a été adoptée par l’Assemblée Nationale le 19 décembre 1967. Elle abrogeait la loi du 31 juillet 1920 qui, après la grande saignée de la guerre, interdisait aux femmes tout moyen de contraception. Les débats furent longs et laborieux. L’application de la loi fut ensuite sans cesse freinée, jusqu’ en 1974 où une nouvelle loi officialisa sa prise en charge par la Sécurité Sociale (à nouveau remise en cause aujourd’hui pour raisons budgétaires).
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[4]
Victor Hugo, Les Châtiments, « Nox », dans Oeuvres poétiques, tome II, Paris, Gallimard, 1967, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », p. 18.
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[5]
Allusion à la fameuse lettre de Catherine II à Denis Diderot, qui fut invité en 1773 à la cour impériale ; « Monsieur Diderot, vous oubliez, dans tous vos plans de réforme, la différence de nos deux positions : vous travaillez sur le papier qui souffre tout /.../tandis que moi, je travaille sur la peau humaine, qui est bien autrement irritable et chatouilleuse » (cité, entre autres, par Maurice Tourneux, Diderot et Catherine II, Paris, Calmann-Lévy, 1899). .
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[6]
Emilian Pougachev, ancien cosaque qui ne trouva pas les moyens de se réinsérer dans la société civile, devint le meneur d’un révolte de serfs et de soldats mécontents. Le mouvement dura pendant deux ans (1773-1774), à l’époque même de la lettre de Catherine à Diderot. Pougachev s’était proclamé empereur. Il fut vaincu et exécuté.
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[7]
Ernst Bloch, philosophe allemand (1885-1976) et théoricien de l’utopie politique, initiateur d’une « École de Francfort » qui a rénové la manière de penser l’utopie. Son principal ouvrage a été traduit en français et publié en trois volumes sous le titre Le Principe espérance, Paris, Gallimard, 1976-1991.
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[8]
Victor Hugo, Les Châtiments, dans Oeuvres poétiques, tome II, éd. cit., p. 214.
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[9]
Maurice Levaillant, L’Oeuvre de Victor Hugo, Paris, Delagrave, 1947, p. 433. La citation de la phrase précédente est du même auteur, même page.
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[10]
Saint Jean-Baptiste, qui reprochait, selon les Évangiles, au tétrarque de Galilée son union illégitime avec Hérodiade, est devenu, avec le conte « Hérodias » de Flaubert, et le drame Salomé d’Oscar Wilde, le représentant d’un style oratoire propre à l’imprécation prophétique.
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[11]
Louis Aragon, Les Poètes (1960), poème intitulé « Le discours à la première personne », reproduit dans Georges Sadoul, Aragon, Paris, Seghers, 1967, coll. « Poètes d’aujourd’hui » n° 159, p. 160. Saint Jean du Calvaire désigne saint Jean dit l’Évangéliste, assimilé au « disciple aimé de Jésus », représenté au pied de la Croix dans l’Évangile qui lui est attribué.
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[12]
Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, Acte II, scène VIII (dans l’édition Gallimard-Folio, 1983, p. 142). L’expression « le poète anticourtisan », qui suit, est appelée par opposition avec la célèbre pièce de Du Bellay, « le poète courtisan » (dans Les Regrets, 1559, pièce LXXXVI).
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[13]
Paul Bénichou, Morales du Grand siècle, Paris, Gallimard, 1948.
-
[14]
Cyrano de Bergerac, acte II, scène VII, éd. cit. p.139-140.
-
[15]
Pascal, Pensées, éd. Lafuma, n°167, Paris, Delmas, 1952, p.148 (ed. Brunschwicg, n° 323).
-
[16]
Jacques Lacan a inséré dans ses Écrits le fameux article dans lequel il avait présenté (Zurich, 1949) son hypothèse sur l’importance accordée dans la formation du « Je » à la représentation spéculaire érigée en « stade du miroir » (expression qu’il reprend à des prédécesseurs et qui lui sert de base pour son hypothèse confortée par l’expérience psychanalytique). L’article s’intitule « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je », Écrits, Paris, Seuil, 1966, coll. « Points », tome I, p. 89.
-
[17]
Les formes pronominales « je », « me », « moi », et adjectives « mon », « mes » apparaissent 29 fois en 32 vers.
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[18]
Par référence aux vers de Gérard de Nerval : « Colonne de saphir d’arabesques brodée, reparais »« Et de ton pied d’azur à ton front de granit » (Erythrea, reproduit entre autres dans Jean Richer, Gérard de Nerval, Paris, Seghers, 1953, coll. « Poètes d’aujourd’hui », n° 21, p. 145)
-
[19]
Roman Jakobson, dans ses Essais de linguistique générale, Paris, Éditions de Minuit, 1963, distingue, parmi les six fonctions du langage une « fonction poétique » longuement examinée dans le chapitre VI, « linguistique et poétique » et publiée ensuite à part.
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[20]
Si le terme ich est omniprésent dans l’œuvre de Freud, la réflexion sur son emploi particulier commence dès 1895, avec son Projet de psychologie scientifique et ses Études sur l’hystérie, et se poursuit jusqu ‘en 1920, après qu’il en eut fait, dans sa « deuxième topique » une instance de la personnalité (d’après leVocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 1967, article « moi », auquel nous empruntons les idées qui suivent, en l’ associant au contenu des articles « (dé) négation, idéal du moi, identification »).
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[21]
La citation est l’incrustation d’un vers de Mallarmé extrait de « Brise marine » (dans Stéphane Mallarmé, Poésies, Paris, Gallimard, 1982, coll. « NRF Poésie », p. 22
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[22]
Bruno Bettelheim, La Forteresse vide (1967), traduction française, Paris, Gallimard, 1969.
-
[23]
Henri Michaux, Contre », dans La Nuit remue, reproduit dans René Bertelé, Henri Michaux, Paris, Seghers, 1975 (4e édition), coll. « Poètes d’aujourd’hui », n° 5, p. 134
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[24]
Le « mentir vrai » est une expression qui vient du titre d’un recueil de nouvelles d’Aragon publié en 1980. L’idée est que la fiction littéraire donne parfois un relief supplémentaire qui manque à la narration documentaire du fait authentique.
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[25]
La formule : « le style est l’homme même », devenue un adage célèbre a été utilisée par Buffon lors de sa réception à l’Académie en 1753, dans un discours publié ensuite en fascicule sous le titre Traité du style.
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[26]
Molière, Le Misanthrope, Acte II, scène IV (dans Le Misanthrope, Paris, Gallimard, 1996, coll., « folio-théâtre » p.73).
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[27]
Nous faisons allusion au vers d’Alfred de Musset : « Ah ! Frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie. », vers inclus dans le poème « À Édouard B. » publié dans ses Premières poésies (1835) et, pour la blessure, à la « parabole du pélican », située à la fin de la « Nuit de mai », insérée dan ses Poésies nouvelles (1852).
-
[28]
Madame Bovary, publié en 1856 en revue et l’année suivante en volume, valut à son auteur un procès pour « outrage à la morale publique et religieuse ». Flaubert ne fut pas condamné, mais reçut un avertissement pour avoir outrepassé les limites que « la littérature, même légère, ne doit pas dépasser ». Les Fleurs du mal (1857) reçurent condamnation pour immoralité. Baudelaire fournit une édition expurgée en 1861. Le tableau de Manet, intitulé Le Bain (1863), variation moderniste sur Le Concert champêtre de Giorgione, fut refusé au Salon officiel. Présenté au Salon des Refusés, il fit l’objet d’un scandale et de divers cris d’indignation, et reçut le nouveau titre de Déjeuner sur l’herbe.
-
[29]
Leconte de Lisle, sonnet intitulé « Les Montreurs », dans Poèmes barbares (1862), Paris, Gallimard, 1985, coll. « Poésie/Gallimard », p. 192.
-
[30]
Le Misanthrope, acte II, scène IV ; éd.cit., p.73. Le mot Héautotimoroumenos (« Le bourreau de lui-même ») qui précède est le nom d’une pièce écrite par le dramaturge antique Térence, repris par Baudelaire dans un poème des Fleurs du mal.
-
[31]
On appelle « poètes métaphysiques » les tenants d’une école de poésie anglaise du XVIIe siècle (dont le représentant le plus connu est John Donne), qui utilise le concept comme base du langage poétique. Plus généralement, on utilise ce terme, concurremment avec « hermétisme » (qui renvoie aux traités philosophiques anciens attribués à Hermès Trismégiste) pour les poètes de toute époque (dont fait partie Mallarmé) qui cultivent un art poétique de semblable nature.
-
[32]
Il suffit de citer quelques fragments typiques : Don du poème : « Je t’apporte l’enfant d’une nuit d’Idumée » ; Brise marine : « j’ai lu tous les livres », « je sens que des oiseaux », « je partirai » ; Renouveau : « J’attends, en m’abimant » ; Soupir : « Mon âme vers ton front » ; Autre éventail : « Ô rêveuse, pour que je plonge », etc. Toutes nos citations sont extraites de Stéphane Mallarmé, Poésies, op.cit., (voir note 24).
-
[33]
« Brise marine », éd.cit., p.22.
-
[34]
« Les fenêtres », ibid., p. 11.
-
[35]
Sonnet « Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui », ibid., , p.67
-
[36]
« Les fenêtres », ibid, p. 11.
-
[37]
Sur les notions de « Grand Autre » et d’« objet (a) », élaborées par Jacques Lacan, on trouvera un exposé dans le Séminaire IV « la relation d’objet » et une explication générale, entre autres, dans Anika Lemaire, Jacques Lacan, Bruxelles, Mardaga, 1977.
-
[38]
« Le tombeau d’Edgar Poe », éd.cit. p. 60
-
[39]
Du Bellay, Les Regrets (1559), texte reproduit dans Frédéric Boyer, Joachim Du Bellay, Paris, Seghers, 1958, coll. « Poètes d’aujourd’hui » n° 3, p. 171.
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[40]
« Apparition », éd. cit., p. 7.
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[41]
Texte reproduit intégralement dans Pierre Bréchon, Henri Michaux, Paris, Gallimard, 1959, coll. « Pour une bibliothèque idéale », p.9 -16.
-
[42]
Les notions de « sujet d’énonciation » et de « sujet d’énoncé » ont été théorisées par Émile Benveniste, dans son Cours de linguistique générale (Paris, Gallimard, 1966). Ils ont été utilisés par tous les spécialistes de narratologie, dont Gérard Genette. On en trouvera la définition et les usages, entre autres, dans Sylvie Patron, Le narrateur, introduction à la théorie narrative, Paris, Armand Colin, 2009.
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[43]
Le mot « hétéronyme », utilisé par Fernando Pessoa, ne se confond pas avec « pseudonyme ». Le pseudonyme est un cryptage du nom ; l’hétéronyme met en jeu la structure de la personne dans sa manière d’écrire.
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[44]
Extrait de La Vie dans les plis, Paris, Gallimard, 1949,, reproduit et utilisé par Robert Bréchon, op. cit., chap. « Refus », p. 78.
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[45]
Extrait de La Nuit remue, Paris, Gallimard, 1935, reproduit dans René Bertelé, Henri Michaux, op. cit., p. 130-131.
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[46]
Extrait de Qui je fus, Paris, Gallimard, 1927, reproduit dans René Bertelé, op.cit., p.109- 110.
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[47]
Déjà cité (note 23). Extrait de La Nuit remue, op. cit., reproduit dans René Bertelé, op.cit., p.131-134
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[48]
Extrait de « L’époque des illuminés », dans Qui je fus, op.cit., reproduit dans René Bertelé, op. cit., p.113.
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[49]
Ibid.
1 Cas présentés : Alceste (de Molière) – (Louis) Aragon – Cyrano (d’Edmond Rostand) – (Charles) De Gaulle – (Victor) Hugo – Leconte de Lisle – Mallarmé – (Henri) Michaux – (Michel) Polnareff – (Emilian) Pougachev et Soljenitsyne.
Prologue
2 Le 29 avril 1966, une chanson prit son envol en France pour devenir immédiatement un « tube » tiré en centaines de milliers d’exemplaires. Son titre ? « La poupée qui fait non » :
3 Cette production lyrique [1] ne doit pas son succès principal au texte, plutôt élémentaire comme on peut le constater, de son parolier, ni aux notes de musique, néanmoins assez bien sonnantes, de son compositeur et interprète, mais qui était encore inconnu et dont ce fut le premier grand succès. Le compositeur devint dès lors célèbre et fit une belle carrière médiatique : il s’appelait Michel Polnareff. La chanson, en réalité, doit son succès à ce que Hans Robert Jauss, philosophe et théoricien de la réception culturelle, qui se fit connaître exactement à cette époque, définissait comme l’inscription dans un « horizon d’attente » [2]. Cette attente était double : une impatience immédiate qui trouvait sa place dans un horizon à plus longue durée. L’attente immédiate venait de la découverte d’un moyen oral de contraception, qu’on appela plus tard tout simplement « la pilule », et de la possibilité de sa mise en vente. Or les organismes étatiques officiels, en l’occurrence le Ministère de la Santé, « disait non » à son emploi. La « poupée qui fait non » désigne symboliquement les jeunes filles d’alors condamnées à refuser tous rapports sexuels alors qu’elles pourraient éviter la menace d’une grossesse non désirée. La force de cette attente particulière est confirmée par l’adoption, l’année suivante, de la « loi Neuwirth », qui autorise, sous certaines conditions et après des débats animés à l’Assemblée Nationale, l’usage de ce nouveau contraceptif [3]. Cette expression particulière de demande de libre usage s’inscrit dans un syndrome revendicatif plus large, une demande de libéralisation de la société. En l’absence de toute évolution des gouvernements, la revendication éclatera sous forme explosive, un an plus tard, en mai 1968, avec des slogans qui poussent à l’extrême le désir de liberté, comme : « Faites l’amour (et pas la guerre) », « N’intériorisez pas la répression » et, réponse définitive à toute forme d’interdiction ou même de réglementation : « Il est interdit d’interdire ». On assiste, dans l’évolution de cette affaire, à une progression, d’abord difficile puis accélérée, d’un « non » absolu initial, vers un « non, mais » (inscription de quelques exceptions et dérogations), puis vers un « oui, si » (un usage permis, avec des limites) et enfin un « oui » absolu, oui à tout et à n’importe quoi, qu’exprime le libertarisme à tous vents, mais à courte vue, des assoiffés de liberté, en mai 1968, dont Polnareff se fera un certain temps, avec quelques extravagances soigneusement provocatrices, le porte-parole médiatisé.
I – Dire non à l’altérité
Muse Indignation, viens ! [4]
(Victor Hugo)
5 Remettons pour l’instant la poupée dans le coffre aux jouets. Ce ne sont là que poupées de cire, poupées de son. Avec de la cire ou du son, on peut jouer tant qu’on veut. Ce sont matières de substitution où le jeu n’est qu’une activité métaphorique. On peut même casser la poupée. Elle ne dira plus non. Mais ce n’est pas ainsi qu’on lui fera dire oui. C’est pourtant ce que font les maîtres du pouvoir, lorsqu’ils ont une liberté absolue d’exercice et se trouvent en face d’un opposant. On peut penser à l’empire soviétique et à ses opposants neutralisés par le goulag (au premier rang desquels figure Soljenitsyne, parce qu’il a, au bout du compte, réussi son « non » d’opposant) ou par l’hôpital psychiatrique (les victimes sont trop nombreuses pour être toutes citées). Ils n’étaient pas les premiers. La grande Catherine de Russie, qui travaillait, dit-elle, non sur les pages d’un livre, mais « sur la peau humaine » [5], se vit « dire non » par un obscur cosaque désœuvré, qui se fit le meneur de serfs mécontents de leur sort et se proclama même empereur [6]. Elle le cassa. On ne parla plus d’Emilian Pougachev. Mais on déterra le cas dans les révoltes ultérieures. Pougachev revécut cycliquement dans la mémoire collective jusqu’à Soljenitsyne. La peau humaine malmenée se vengea par un retour au stade symbolique : mieux qu’une poupée de cire, une statue de bronze qu’on érige sur les places publiques ou un exemple qu’on garde et qu’on transmet dans les recoins de la mémoire en attendant l’opportunité de s’en servir.
6 Cette manière de « dire non » à un État ou à un gouvernement jugé inéquitable et qui n’admet pas la possibilité d’une opposition, peut valoir à son auteur soit un extrême honneur soit une égale indignité. Tout dépend de l’issue, qui assure ou non la légitimité. Le succès peut la rendre immédiate, et l’échec en repousser le terme. Il y a des « non » proclamés et amplifiés par tous les haut-parleurs de la renommée, qui sont devenus des « mots historiques » inscrits en lettres d’or dans les livres d’histoire. La moitié des héros de l’histoire de France présentés aux enfants, dans les cours d’histoire d’autrefois, étaient des héros de la résistance, des opposants à un état de choses jugé injuste et révoltant : Vercingétorix, Jeanne d’Arc, les « Philosophes » du XVIIIe siècle, embastillés ou exilés, le Victor Hugo des Châtiments, le Zola de « J’accuse », etc... Le dernier en date de ces refus publics, soumis aux vents divers de l’actualité, mais qui sonnent comme un claquement de drapeau, est celui du 18 juin 1940. Le texte officialisé de l’allocution radiophonique prononcée par le Général De Gaulle se résume en un constat de l’état de fait (la défaite présente) suivi d’un « mais » et d’ une proclamation d’espérance en l’avenir (« la France n’a pas perdu la guerre »). La dynamique qui anime la proclamation est celle du « principe Espérance » qui est, selon Ernst Bloch, la base même de l’utopie [7]. L’utopie de 1940 (poupée de cire à l’avenir incertain) s’est faite histoire en 1945 et s’est ensuite incarnée dans un monument symbolique, destiné à braver le temps comme une pyramide, une gigantesque croix de Lorraine érigée à Colombey.
7 En un autre temps, un autre opposant, tout aussi convaincu de sa légitimité, a dû attendre plus longtemps pour voir légitimé son refus, son exil s’achever par un retour en grâce triomphal dans son pays et une vieillesse de patriarche déjà presque statufié :
8 Ces deux vers sont extraits d’une pièce, « aux strophes de granit et d’airain » des Châtiments de Victor Hugo, intitulée Ultima verba. Ces « dernières paroles » avaient pour titre primitif, selon Maurice Levaillant, « Moi » [9]. Heureusement dépouillées de leur narcissisme initial spectaculaire, elles sont devenues, par leur nouveau titre, le stade ultime de l’incarnation du Verbe éveilleur des consciences, de l’Esprit-colombe qui inspire, depuis le saint Jean-Baptiste de l’histoire revu par la littérature [10], tous les imprécateurs, les récusants, les réfractaires, les indignés, les révoltés, les emprisonnés victimes de leur « non » originel, comme cet autre, en un autre temps :
9 Lorsque la cause défendue s’amenuise en importance, c’est la littérature lyrique qui se substitue à la proclamation publique. L’acte de bravoure est précédé d’un morceau de bravoure, comme dans la fameuse tirade des « non merci » clamée par le Cyrano d’Edmond Rostand :
10 La profession de foi du « poète anticourtisan » exprime, en son dernier vers, un choix de vie : « Ne pas monter très haut, peut-être, mais tout seul ». Le raisonnement suit un cheminement clair : il fait passer du « non merci » à un « non, mais » qui introduit une alternative, un « oui » à une vie sans contrainte, résumée dans l’alternative « pour un oui, pour un non », qui veut dire « selon l’humeur », donc librement. La cause défendue par Cyrano est la défense de l’individu face aux postures d’asservissement que suppose le carriérisme courtisan. Ce choix suscite des objections : c’est celui du « glorieux », selon la terminologie de Paul Bénichou [13], du héros baroque dont le prototype est Don Quichotte, cité dans le texte, celui que les grands bras des moulins peuvent lancer « dans la boue », dit un courtisan, auquel Cyrano rétorque « ou bien dans les étoiles » [14], maintenant ainsi l’alternative, base indispensable d’institution de la liberté. Cette manière de proclamer en public un « non » ostentatoire à l’environnement est la marque d’une affirmation insistante de personnalité.
II – Entre un non et un oui, le « moi », lieu de rencontre
Qu’est-ce que le moi ? [15]
(Pascal)
12 La formation du « je », a dit Lacan, passe par le stade du miroir [16]. Parler en public, c’est toujours plus ou moins théâtraliser sa personne dans un rôle de héros tribunicien. Victor Hugo a fait disparaître, a-t-on dit, ce titre, « Moi », qu’il avait donné à une des pièces les plus célèbres de son œuvre poétique. Il n’empêche qu’après s’être longuement fait attendre en entassant des propositions subordonnées, il s’introduit avec fracas à la première personne dans une proposition principale, aussi brève que fermement résolue : « Je ne fléchirai pas ! ». Dès lors, « je » ou « moi », sous la forme d’un pronom ou d’un possessif, apparaît presque à chaque vers [17] pour prendre une place de personne unique dans le dernier vers ; « Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là ». Dans l’hypothèse d’un naufrage total de l’opposition au coup d’État du 2 décembre, le dernier résistant, seul rescapé du Déluge, sur son radeau de la Méduse brandit son étendard, qui n’est ni le drapeau blanc de la reddition, ni le drapeau noir de la déroute, mais le drapeau au front d’azur flottant sur sa colonne de saphir [18]. Il ne signifie pas seulement « je suis », mais parie sur le futur : « je serai », comme un alpha qui se joindrait à l’Oméga divin pour inscrire son « non » dans l’éternité. La section dans laquelle sont situées les strophes d’Aragon précédemment citées renvoie au « Discours à la première personne », caractéristique autrefois retenue pour définir la poésie lyrique, dont Jakobson a dit qu’il s’agissait d’une posture en somme narcissique où l’écriture se donne elle-même pour objet à voir. [19] Ce phénomène ne concerne pas seulement les poètes. Les « moi, général De Gaulle » sont devenus aussi importants par leur affirmation, de la part de celui qui a dit « non », alliée à leur insistante répétition, que la troisième personne utilisée par César dans sa « Guerre des Gaules ». Tous les grands négateurs historiques suivent la même dialectique cartésienne : « Je dis non, donc je m’affirme, donc je suis », ergo sum. La persévérance ou le triomphe de la cause positive, sous-jacente derrière le « non » proclamé, fait quelquefois passer du ergo sum à un ego sum, « moi, je suis ».
13 La notion de « moi », de construction ou d’affirmation identitaire à travers un discours à la forme négative, est essentielle pour comprendre la force et les sens de la négation. Après Victor Hugo, avant Aragon et De Gaulle, au temps de Cyrano, un théoricien de l’activité psychique s’est fort intéressé à la notion de « moi » et en a donné une analyse particulière. Freud (c’est de lui qu’il s’agit) ne précise le rôle et la configuration qu’il donne à ce mot que dans un long processus de découverte, à mesure que se formalisent en son esprit les deux « topiques » [20]. En dernière analyse, le « moi » est bien une instance de la personnalité, mais cette instance apparaît surtout comme un lieu de rencontre où se résolvent les contradictions engendrées par le choc des pulsions, issues du ça et des règles, interdits et attractions venus du surmoi et de l’idéal du moi. Les distinctions établies dans la « première topique » entre l’inconscient et le préconscient-conscience, se répercutent sur l’ensemble des instances qui assument leur rôle dans une atmosphère alternée de nuit et de lumière, de points de conscience et de zones entières qui lui échappent. Le « moi » est la résultante de ce combat interne, en laquelle s’ébauche une conduite déterminée par les représentations et fantasmes qui constituent sa base.
14 Pour maintenir une identité et une fonction, à l’intérieur du psychisme, à cette instance qui pourrait apparaître comme un lieu cosmopolite sans consistance, Freud l’imagine en place publique, en agora peuplée des gens de diverses nations, où s’opèrent les échanges et tractations d’un melting-pot métamorphosant en parts intégrées les divers immigrants aux objectifs contradictoires venus de lieux étrangers (les territoires de l’inconscient, l’antre des pulsions et les miradors du surmoi). Les instruments d’action propres au « moi » sont des procédures d’accueil associées à des mécanismes de défense. C’est dans ce travail « alchimique » (dirait Jung) que se constitue une personnalité et se forge une identité. Les régimes psychiques pathologiques pourraient venir d’un déséquilibre créé par l’hypertrophie de l’activité d’accueil ou par celle de la répression. Lorsque les mécanismes de défense sont nuls ou faibles, le « moi » se fait maîtriser par le tumulte de pulsions chaotiques qui ne fournit que des extravagances plus ou moins délinquantes ou stériles. Il manque une régulation pour vectoriser et orienter cette énergie, en faire un vertu positive, celle que Danton demandait à ses concitoyens en période de crise : « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ». Sans cette aide venue d’ailleurs, le « moi » désarmé ne produit qu’un sujet naufragé, qui perd sa cohérence et devient victime, « sans mâts, sans mâts, ni fertiles ilots » [21] du maelstrom des désirs déchaînés, du tsunami formé par les vagues de ressac d’un retour du refoulé. Inversement, lorsque les mécanismes de défense s’exacerbent et se conduisent en geôliers sadiques, le « moi » se transforme en citadelle silencieuse - la « forteresse vide » de Bettelhein [22] -, en mécanique extravagante, obsessionnelle et absurde d’une « poupée qui fait non non non ». D’autres citadelles contiennent une troupe indisciplinée de forces vainement armées : « Je vous assoirai des forteresses écrasantes et superbes / des forteresses faites exclusivement de remous et de secousses », dit Henri Michaux en se parlant à lui-même en même temps qu’il en fait part à d’autres, ses lecteurs, dans un texte qu’il intitule « Contre » [23]. Si l’on en reste à ces cas extrêmes de défoulement exhibitionniste ou d’inhibition refoulante, on peut parler de pathologie. Mais ces cas ne sont pas toujours cliniques, la créativité artistique ou littéraire peut servir de dérivatif thérapeutique. Le déplacement ou la sublimation constitue une issue possible. Il faut y ajouter l’effet de théâtralité qui fait que le patient peut se vivre comme un acteur faisant étalage théâtral de son mal.
15 Or c’est précisément la fonction du « moi », en tant qu’instance active et donc agissante, d’intervenir pour transformer la pulsion inconsciente en désir exprimable et l’interdit surmoïque, sans raison visible, en refus volontaire et lucide, avec des possibilités de dérogations. En d’autres termes, comme non l’avons déjà dit, c’est faire déplacer le « non non non » vers un « non, mais », un refus global avec cas dérogatoires, puis vers un « oui, si », un agrément de principe avec règles et limitations, qui est la forme la plus répandue de l’acceptation. Ce travail interne de transformation des pulsions incontrôlées en désirs conscients, qui les fait passer dans les divers étages de la « première topique » freudienne peut être illustrée par des productions littéraires d’écrivains qui, tout en affichant ostensiblement leur refus de parler d’eux-mêmes, finissent par se dévoiler non sans quelque complaisance soigneusement mesurée par des dénis.
16 Sans doute le souci littéraire, la « fonction poétique » du langage, amène à formaliser esthétiquement l’expression. Elle peut ainsi paralyser ou tout au moins crypter le compte-rendu d’un fait ou d’un état authentique. Le « mentir vrai » [24] est une règle indispensable à la formation d’un « style » qui fait de l’œuvre une œuvre d’art. On rétorquera que « le style c’est l’homme » [25] et que toute écriture est aussi une signature qui s’inscrit sur la face réfléchissante du miroir, sur laquelle le sujet prétend s’objectiver. Le fait de littérarité – la mise en forme esthétique – qui peut être un écran - joue aussi un rôle actif dans le psychisme, dérivation-élévation que l’on peut assimiler à la sublimation. C’est ce que nous allons essayer d’illustrer par quelques cas particuliers, que l’on peut étager en série à progression signifiante.
III – Dire non à soi-même, ou tant de « non » pour un « oui »
Et ne faut-il pas bien que Monsieur contredise ?
A la commune voix veut-on qu’il se réduise,
Et qu’il ne fasse pas éclater en tous lieux
L’esprit contrariant qu’il a reçu des cieux ? [26]
(Molière)
18 On peut prendre une nouvelle fois le coup d’État du 2 décembre 1851 (le Président de la République « dit non » à la République et lui casse les reins, pour lui substituer un présidentialisme renforcé non électif appelé « empire ») comme un événement symbolique qui a refermé la boîte à Pandora qu’avaient ouverte les journées de février 1848, laissant s’envoler – comme un vol de colombes, disent les libéraux et les libertaires, comme un vol de criquets nocifs, disent les tenants de l’ordre et de la morale - les droits de s’exprimer, de se réunir et de se comporter librement. Avant même cet envol, explosif et éphémère, terminal, le romantisme, des Confessions de Rousseau aux Nuits et à La Confession d’un enfant du siècle de Musset, avait habitué à la mise dans la sphère publique des événements de la vie privée, et à l’épanchement en public de toutes les formes de l’affectivité. Il n’y a plus de loi du secret pour se confesser. A force de se frapper le cœur (« c’est là qu’est le génie ! »), ou de se le mettre en écharpe (c’est là qu’est la blessure) [27], les cris et chuchotements répétés d’alcôve, transformés en gémissements douloureux, avaient fini par lasser, puis par inquiéter les gens d’ordre et les gardiens de la morale. Désormais l’État prend en charge le rétablissement des valeurs et « dit non » à tous les effrontés qui osent braver une pudibonderie de façade érigée en rempart de la société : Baudelaire, Flaubert, Manet, qu’on appelle aussi bien des attardés du romantisme que des avant-gardistes d’un art nouveau, en firent les frais [28]. Silence ! les censeurs sont de retour et le proclament du haut de la pyramide administrative.
19 Le retour de l’ordre, avec ses défenses et ses interdits, était inscrit dans un nouvel « horizon d’attente ». Lorsque Leconte de Lisle veut exprimer une profession de foi poétique, qui aboutira à l’École des Parnassiens, il l’exprime par des « non » répétés, une série de verbes à la forme négative, qui énoncent sa position par rapport à d’autres, antérieurs ou contemporains :
20 Le maître du Parnasse prend position contre une certaine forme de lyrisme, celle de l’épanchement affectif personnel, et implicitement pour une nouvelle forme de poésie qui se veut impersonnelle et objective, tout à fait en rapport avec le nouvel « esprit scientifique » qui est en train de se construire. Il s’agit là d’une posture délibérée – l’expression d’un « style » – qui s’oppose, en toute conscience, à une autre. Sous la façade d’auto-défense affective, confortée par les règles sociales et morales de son temps, cette période de pudibonderie de façade qu’on appellera le « victorianisme », en harmonie avec les principes de méthodologie scientifique de son temps et de ses utopies, qu’on appellera le « scientisme », on peut lire un « oui » à une conception d’utilisation particulière du langage poétique, qui fournira sa matière et sa manière au mouvement dit du « Parnasse contemporain ». On est ici dans une zone de conscience, qui filtre les accueils en fonction de règles qui seront elles mêmes consciemment déterminées.
21 Il n’en est pas exactement de même pour le contradicteur exacerbé qu’est Alceste, le « misanthrope » de Molière. Alceste émet à la volée des refus et des condamnations qui font dire à Célimène : « Et ne faut-il pas bien que Monsieur contredise ». Devenant systématique, le « non » d’Alceste semble dénoncer une rigidité obsessionnelle, ce que les auteurs latins appelait « la haine du genre humain ». La misanthropie n’est pas un simple pessimisme, elle prend racine dans la haine, dans un récusation totale et inexplicable de tout. La question est de savoir quel en est l’objet véritable. Son créateur, Molière, appelle aussi son personnage « l’atrabilaire amoureux ». Il s’agit là d’une union de mots à sens contraires, un « oxymore ». L’atrabilaire renvoie, dans la médecine galénique, à la bile noire qui fait les mélancoliques. La mélancolie se manifeste par un repliement sur soi et sur des idées noires (c’est le réseau de forces psychiques de « thanatos ») qui perturbent toutes les formes de relation, dont fait partie le sentiment amoureux (le réseau d’« éros ») qui est d’ « appétence » ou de « magnétisme ». C’est Platon qui parle de « pierre de Magnésie » pour expliquer l’amour. Autant dire que nous sommes ici au centre d’un « complexe », si on veut bien ainsi appeler, plus largement que dans sa stricte application freudienne, une rencontre de forces psychiques contradictoires qui forment un nœud bloquant. En d’autres termes, le comportement d’Alceste dénote qu’il échappe pour une part à sa conscience. Comment n’y échapperait-il pas puisque le terme de « misanthrope » comporte en lui-même une contradiction : comment récuser son propre état, son statut d’humanité, qui est d’être « anthropos » ? La misanthropie de façade recouvre en fait un récusation de soi-même qui fait du misanthrope un Héautotimerouménos, un « punisseur de soi-même ». Célimène, qui représente le miroir qui lui dit non, son contradicteur lucide, l’exprime franchement :
22 C’est bien ce qui ressort de l’attitude complexe (au sens que nous venons de définir) d’Alceste qui, après avoir dit non au sonnet d’Oronte, dit non à ce qu’il vient de dire, dans la fameuse scène du « je ne dis pas cela » [34]. Les cas où le héros comique se trouve en situation de se contredire peuvent être tout aussi bien tragiques, car la tragédie met aussi en scène des dilemmes et des choix douloureux. Or ces tumultes ne se font pas sous le soleil de la raison, mais dans l’obscurité d’un psychisme tourmenté, paysage blafard, nuit noire et blanche, qui donne au personnage sa profondeur et éveille chez le spectateur la compassion, sentiment dramatique, en même temps que le plaisir comique de voir un homme qui se débat, comme une marionnette, « une poupée qui fait non non non », avec ses fantômes, autres marionnettes, mais inquiétantes, celles-là, par ce qu’on se leurre sur leur identité, en prenant un refus pour un autre.
23 Après ce cas dramatique, prenons un autre exemple que nous appellerons « métaphysique », au sens qu’on a donné à ce mot lorsqu’il a été appliqué à la poésie [31]. Mallarmé, ce poète qui fait très largement usage de la première personne [32], affirmant par là l’existence d’un « moi » comme sujet créatif, est en même temps celui qui refuse de rester en sa place assignée : « Fuir, là-bas, fuir ! » [33] :
24 Sans cesse revient cette rengaine de « Brise marine » : « Je partirai, steamer balançant sa mature », ou encore « ô mon cœur, entends le chant des matelots ». Or Tous ces départs sont bloqués par un obstacle qui a toujours, sous des formes diverses, verre, glace ou cristal, la même propriété de transparence, et (le mot est long, mais fait ainsi, par son étalement, l’étalage de sa fermeté) d’infranchissabilité. Lorsqu’il attend que « le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui » vienne le « déchirer avec un coup d’aile ivre », il rencontre « le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui », le refoulé des mots mis en réserve dans des ténèbres paradoxalement transparentes [35]. Lorsqu ‘il s’élève pour fuir « l’ encens fétide qui monte en la blancheur banale des rideaux », il rencontre les vitres des fenêtres, qui laissent passer la présence de l’Azur, sans qu’il soit possible d’y atteindre [41]. La tentation de l’Azur reste tentation. Elle se renforce en obsession : « Je suis hanté : l’Azur, l’Azur, l’Azur, l’Azur » et en angoisse :
25 Le « non à la vie » telle qu’elle est donnée, que signifie le désir de fuite, ne trouve d’autre issue que de rester désir. Il ne trouvera pas cet objet utopique, le grand A, le grand Autre de l’Azur, dirait Lacan, qui est l’objet illusoire de son désir, dont il voit l’existence, mais dont l’atteinte est interdite, et se résout en la monnaie de l’absolu, une série de « petits a », comme « attente, aspiration, avenir » qui se heurte à d’autres « petits a », dont le principal est « arrêter » [37].
26 Le poète (le mot signifie, en grec, le « faiseur d’objets », l’« artisan », l’ « artiste », le « créateur »)) ne trouvera pas l’objet qui est le terme apparent de son désir, dans lequel il pourrait consumer son énergie créative, mais il trouvera un dérivatif dans le fait de le dire. De ne pas le dire n’importe comment, mais à la manière et selon les méthodes sophistiquées des créateurs qui font des œuvres d’art avec des signes que sont les mots. C’est ainsi que le Poète, « tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change » trouve une place pertinente au sein de la société, en « suscitant avec un glaive nu » son siècle par le sens plus pur des mots qu’il donne à la tribu [38]. Le poète qui « dit non » à la vie, dit par là même « oui » à une autre vie qu’il appelle l’Azur, et quand l’Azur à son tour « dit non » au poète, le poète revient à lui-même et dit « oui » à son art de poète. En un autre temps, un autre poète, Du Bellay, disait : « Moi qui suis malheureux, je peindrai mon malheur » [39], et il découvre par là le bonheur d’écrire. Il en est de même pour Mallarmé qui fait « neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées » [40], flocons de neige céleste qui subliment en mots qu’on peut atteindre la glace des transparents et imperméables glaciers. Ce travail complexe de passage du « non » au « oui », par le truchement des signes savamment agencés, dont le champ d’action est le « moi », s’appelle la littérature.
27 Une métamorphose semblable, qui fait passer d’un « non » à la vie à un « oui » à sa transformation en écriture, se présente sous une forme, semblable par son parcours et son issue et différente par ses conjonctures et ses contingences, chez Henri Michaux. Dans le compte-rendu de sa vie qu’il a écrit en 1958, non sans quelque dérision à l’égard de lui-même, et qu’il a intitulé : « Quelques renseignements sur cinquante-neuf années d’existence » [41], il présente ses années de petite enfance (1900-1906) en trois mots : « indifférence, inappétence, résistance ». Il parle ainsi de l’installation dans sa sphère de désirs, qui se résout et se résume en un principe d’inertie (« indifférence, inappétence »). Celui-ci s’active en mode d’auto-défense par la constitution d’une « place forte », un « moi » qui n’admet pas d’accueil externe. L’intensité qu’il met dans sa capacité de dire « non » sans même ouvrir les lèvres, est appelée « résistance ».
28 La suite du texte renforce le passage d’un fait passif de non-vivre à un refus volontaire au fait de vivre : « Il boude la vie/.../. Le manger lui répugne/.../ Sa moelle ne fait pas de sang. Son sang n’est pas fou d’oxygène. Anémie ». Anémie, à laquelle on peut ajouter anorexie, apathie, aboulie, tous ces « a » privatifs venus du grec se traduisent en français par autant de « non ». Et il conclut provisoirement : « Sa façon d’exister en marge, sa nature de gréviste fait peur ou exaspère ». Il se voit un peu de la même manière qu’Antonin Artaud voit Van Gogh, en « suicidé de la société », sauf qu’ici ce n’est pas la société, mais la nature même de la vie qui entraîne une tentation passive de ne pas vivre. On l’envoie à la campagne, ce qui exaspère encore plus le principe d’inertie : « Retranché. Honteux de tout ce qui l’entoure /.../ Il continue à avoir le dégoût des aliments, les fourre enveloppés de papier dans ses poches et une fois dehors les enterre ».
29 Le fil de sa vie n’est pas vu sous forme linéaire. C’est une série de « sauvetages (« Retour à Bruxelles. Enfin sauvé ! ») et de nouvelles noyades. volontairement prolongées (« Prépare le PCB. Ne se présente pas à l’examen. Abandonne la médecine »). Le refrain revient, inlassable : « Dégoût. Désespoir. Métiers et emplois divers, médiocres et médiocrement exercés. Sommet de la courbe du raté ». Cette léthargie constitutionnelle est interrompue par des sursauts semblables à des points d’exclamation ponctuant la linéarité affligeante d’une vie sans relief, qu’il n’arrive ni à abandonner ni à adopter. Il n’arrive pas à se loger dans ses habits d’homme.
30 Cette biographie est racontée à la troisième personne. Le « sujet de l’énoncé », pour reprendre des termes fondamentaux de narratologie, celui dont il est parlé, n’est pas celui qui parle, « sujet de l’énonciation » [42]. Celui dont parle l’auteur est transformé en objet de narration, fantasmé par l’imaginaire. C’est un « moi » représenté à travers le miroir déformant que l’« autre », celui qui écrit, présente et formalise au gré de son activité imaginante. Le sujet de l’énonciation se regarde dans le miroir et forme ainsi un « je », qu’il veut être un autre lui-même, mais qui est autant autre que lui-même. Ce dont il a bien conscience en utilisant la troisième personne.
31 En fait Henri Michaux, vu ailleurs par lui-même, ou vu par d’autres, est assez différent de ce qui est ici exprimé. C’est un intarissable expérimentateur, toujours en quête de sensations pour mieux se connaître : « Il préfère une réalité à une autre. Les préférences commencent. Attention, tôt ou tard, l’appartenance au monde se fera ». L’appartenance au monde s’est faite. Il découvre les mots du dictionnaire, en vrac, comme un sac de grains « dont on pourra se servir soi-même à sa façon », les trésors des bibliothèques, les voyages maritimes et terrestres, le peyotl et la mescaline, l’écriture, le dessin et la peinture, et il construit inlassablement une œuvre faite de signes (mots et phrases, graphismes et graffiti, grafouillis, grattages, toutes les formes possibles de la graphie) avec la main qui dit « oui » à la parole tacite qui disait « non ». C’est même avec ce « non », non dit à l’origine, qu’il fait la matière d’un « oui » à l’expression de la négativité. Il continue à proférer des « non », avec un « je » qui se cache sous des hétéronymes [43] : « Tahavi n’a pas trouvé son pain. Tahavi n’a pas trouvé son père/.../ N’a pas accepté, Tahavi. Ayant reçu, n’a pas gardé. Par la porte, par la fenêtre, Tahavi a rejeté » [44]. Le « oui » et le « non » se répartissent les rôles dans une vision dédoublée, comme dans « Mon roi » qui transcrit le combat des pulsions et des interdits sur l’aire d’accueil du « moi » vu comme un espace de lutte, un ring de boxe :
32 La même dichotomie est retrouve dans « Le grand combat » ou la première personne disparaît, et où les mots du dictionnaire se révèlent insuffisants pour dire ce « grand secret » que cherchent les combattants :
33 Un autre texte, dont le titre est « Contre » [47], commence par « je vous construirai /.../ un édifice que vous ne détruirez pas ». Or, l’édifice en question n’est fait que d’éléments de négativité, « loques, fumée, brouillard, remous et secousses, fadaises et galimatias ». Le « oui » et le « non » se partagent l’aire d’un spectacle que met en scène un spectateur invisible, celui qui écrit. C’est là une belle métamorphose, qui consiste à prendre son « non » à la vie, pour le dire, et le faire dire de manière à en faire un « oui » actif et créatif par l’art de le dire.
Epilogue
34 « On n’est pas tous nés pour ouvrir des fenêtres », dit Michaux. « On n’est pas tous nés pour voir clair/ On n’est pas tous nés pour être civils » [48]. C’est vrai, mais cela peut s’apprendre. « Beaucoup, dit-il encore, sont nés pour être tondus, pour être asphyxiés, pour avoir les épaules rentrées, et cætera » [49]. C’est vrai, mais on peut aussi en devenir conscient et réagir.
35 Il existe une analogie de structure et de fonction entre la vie publique – ce qu’on appelle par synecdoque l’« agora »- et cette aire particulière du psychisme et de la vie privée que Freud, après d’autres et avant d’autres – a appelé le « moi ». Ce sont dans les deux cas des lieux d’accueil et de refoulement ou les intervenants, venus d’instances extérieures ou de partis distincts du parti de gouvernement, se répartissent entre ceux qui disent « oui », ce qui peut être soit ordre soit progrès, et ceux qui disent non, et qui peuvent eux aussi participer de l’ordre ou du progrès. Peut-on faire la synthèse entre l’ordre et le progrès ? Ce n’est pas inné, mais cela s’apprend. On l’appelle dans un cas l’expérience raisonnée du pouvoir, et dans l’autre, la maîtrise de soi.
36 Lorsqu’un régime politique interdit de séjour dans l’agora ceux qui disent non, les refoulés de la participation à la vie publique, à plus ou moins long terme, suscitent émeutes et violences poussées jusqu’aux guerres civiles. Les débats refusés n’engendrent que des combats. Lorsqu’une instance du psychisme se comporte tyranniquement et refuse la part de l’autre, que celle-ci soit la règle ou la liberté, la personnalité dérive vers une pathologie de comportement, soit vers l’exhibition délinquante soit vers l’inhibition paralysante.
37 Dire non, s’indigner, s’opposer, résister, faire grève, quand il n’y a pas d’accueil de l’autre part, c’est condamner tout le monde à un exercice plus ou moins proche de violence. Savoir doser le « oui » et le « non », c’est un exercice difficile, c’est la voie la plus héroïque de toutes, la « voie du milieu », disent Bouddha et Montaigne. Une société, mais aussi un individu, ne sont pas naturellement constitués pour l’exercice de l’équilibre. Mais cela peut s’apprendre. On peut l’apprendre si on le désire, et l’objet de ce désir c’est la paix, qui n’est pas naturelle, mais acquise à force d’expérience, de savoir et de désir, bien dosés.
Mots-clés éditeurs : Thérapie par l’écriture, Tendances suicidaires, Opposition, Résistance, Apathie, Créativité, Dénégation, Anorexie, Équilibre, Indignation
Date de mise en ligne : 06/04/2016
https://doi.org/10.3917/imin.035.0025Notes
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[1]
« La poupée qui fait non », chanson composée et interprétée par Michel Polnareff, sur des paroles de Franck Gérald. La sortie du disque (Single EP) eut lieu le 29 avril 1966. L’œuvre fut aussitôt traduite en plusieurs langues (avec certaines versions interprétées par Polnareff), et vendue à 200.000 exemplaires à la fin de l’année 1966. Elle fut ensuite interprétée jusqu’à nos jours par les plus grandes vedettes de la musique de variété.
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[2]
Hans Robert Jauss (1921-1997), philosophe, critique littéraire et sociologue de la culture, est l’auteur d’une « théorie de la réception », qu’il exposa à partir de sa nomination à l’Université de Constance en 1966. Ses idées, qui mettent en œuvre le concept d’« horizon d’attente » ont été la base des recherches de l’« École de Constance », dont il fut le directeur de son vivant. Son principal ouvrage a été traduit en français sous le titre Pour une esthétique de la réception (Paris, Gallimard, 1978, coll. » Bibliothèque des idées »).
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[3]
La « loi Neuwirth » (du nom du député gaulliste qui l’a présentée) a été adoptée par l’Assemblée Nationale le 19 décembre 1967. Elle abrogeait la loi du 31 juillet 1920 qui, après la grande saignée de la guerre, interdisait aux femmes tout moyen de contraception. Les débats furent longs et laborieux. L’application de la loi fut ensuite sans cesse freinée, jusqu’ en 1974 où une nouvelle loi officialisa sa prise en charge par la Sécurité Sociale (à nouveau remise en cause aujourd’hui pour raisons budgétaires).
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[4]
Victor Hugo, Les Châtiments, « Nox », dans Oeuvres poétiques, tome II, Paris, Gallimard, 1967, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », p. 18.
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[5]
Allusion à la fameuse lettre de Catherine II à Denis Diderot, qui fut invité en 1773 à la cour impériale ; « Monsieur Diderot, vous oubliez, dans tous vos plans de réforme, la différence de nos deux positions : vous travaillez sur le papier qui souffre tout /.../tandis que moi, je travaille sur la peau humaine, qui est bien autrement irritable et chatouilleuse » (cité, entre autres, par Maurice Tourneux, Diderot et Catherine II, Paris, Calmann-Lévy, 1899). .
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[6]
Emilian Pougachev, ancien cosaque qui ne trouva pas les moyens de se réinsérer dans la société civile, devint le meneur d’un révolte de serfs et de soldats mécontents. Le mouvement dura pendant deux ans (1773-1774), à l’époque même de la lettre de Catherine à Diderot. Pougachev s’était proclamé empereur. Il fut vaincu et exécuté.
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[7]
Ernst Bloch, philosophe allemand (1885-1976) et théoricien de l’utopie politique, initiateur d’une « École de Francfort » qui a rénové la manière de penser l’utopie. Son principal ouvrage a été traduit en français et publié en trois volumes sous le titre Le Principe espérance, Paris, Gallimard, 1976-1991.
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[8]
Victor Hugo, Les Châtiments, dans Oeuvres poétiques, tome II, éd. cit., p. 214.
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[9]
Maurice Levaillant, L’Oeuvre de Victor Hugo, Paris, Delagrave, 1947, p. 433. La citation de la phrase précédente est du même auteur, même page.
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[10]
Saint Jean-Baptiste, qui reprochait, selon les Évangiles, au tétrarque de Galilée son union illégitime avec Hérodiade, est devenu, avec le conte « Hérodias » de Flaubert, et le drame Salomé d’Oscar Wilde, le représentant d’un style oratoire propre à l’imprécation prophétique.
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[11]
Louis Aragon, Les Poètes (1960), poème intitulé « Le discours à la première personne », reproduit dans Georges Sadoul, Aragon, Paris, Seghers, 1967, coll. « Poètes d’aujourd’hui » n° 159, p. 160. Saint Jean du Calvaire désigne saint Jean dit l’Évangéliste, assimilé au « disciple aimé de Jésus », représenté au pied de la Croix dans l’Évangile qui lui est attribué.
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[12]
Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, Acte II, scène VIII (dans l’édition Gallimard-Folio, 1983, p. 142). L’expression « le poète anticourtisan », qui suit, est appelée par opposition avec la célèbre pièce de Du Bellay, « le poète courtisan » (dans Les Regrets, 1559, pièce LXXXVI).
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[13]
Paul Bénichou, Morales du Grand siècle, Paris, Gallimard, 1948.
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[14]
Cyrano de Bergerac, acte II, scène VII, éd. cit. p.139-140.
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[15]
Pascal, Pensées, éd. Lafuma, n°167, Paris, Delmas, 1952, p.148 (ed. Brunschwicg, n° 323).
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[16]
Jacques Lacan a inséré dans ses Écrits le fameux article dans lequel il avait présenté (Zurich, 1949) son hypothèse sur l’importance accordée dans la formation du « Je » à la représentation spéculaire érigée en « stade du miroir » (expression qu’il reprend à des prédécesseurs et qui lui sert de base pour son hypothèse confortée par l’expérience psychanalytique). L’article s’intitule « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je », Écrits, Paris, Seuil, 1966, coll. « Points », tome I, p. 89.
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[17]
Les formes pronominales « je », « me », « moi », et adjectives « mon », « mes » apparaissent 29 fois en 32 vers.
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[18]
Par référence aux vers de Gérard de Nerval : « Colonne de saphir d’arabesques brodée, reparais »« Et de ton pied d’azur à ton front de granit » (Erythrea, reproduit entre autres dans Jean Richer, Gérard de Nerval, Paris, Seghers, 1953, coll. « Poètes d’aujourd’hui », n° 21, p. 145)
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[19]
Roman Jakobson, dans ses Essais de linguistique générale, Paris, Éditions de Minuit, 1963, distingue, parmi les six fonctions du langage une « fonction poétique » longuement examinée dans le chapitre VI, « linguistique et poétique » et publiée ensuite à part.
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[20]
Si le terme ich est omniprésent dans l’œuvre de Freud, la réflexion sur son emploi particulier commence dès 1895, avec son Projet de psychologie scientifique et ses Études sur l’hystérie, et se poursuit jusqu ‘en 1920, après qu’il en eut fait, dans sa « deuxième topique » une instance de la personnalité (d’après leVocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 1967, article « moi », auquel nous empruntons les idées qui suivent, en l’ associant au contenu des articles « (dé) négation, idéal du moi, identification »).
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[21]
La citation est l’incrustation d’un vers de Mallarmé extrait de « Brise marine » (dans Stéphane Mallarmé, Poésies, Paris, Gallimard, 1982, coll. « NRF Poésie », p. 22
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[22]
Bruno Bettelheim, La Forteresse vide (1967), traduction française, Paris, Gallimard, 1969.
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[23]
Henri Michaux, Contre », dans La Nuit remue, reproduit dans René Bertelé, Henri Michaux, Paris, Seghers, 1975 (4e édition), coll. « Poètes d’aujourd’hui », n° 5, p. 134
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[24]
Le « mentir vrai » est une expression qui vient du titre d’un recueil de nouvelles d’Aragon publié en 1980. L’idée est que la fiction littéraire donne parfois un relief supplémentaire qui manque à la narration documentaire du fait authentique.
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[25]
La formule : « le style est l’homme même », devenue un adage célèbre a été utilisée par Buffon lors de sa réception à l’Académie en 1753, dans un discours publié ensuite en fascicule sous le titre Traité du style.
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[26]
Molière, Le Misanthrope, Acte II, scène IV (dans Le Misanthrope, Paris, Gallimard, 1996, coll., « folio-théâtre » p.73).
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[27]
Nous faisons allusion au vers d’Alfred de Musset : « Ah ! Frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie. », vers inclus dans le poème « À Édouard B. » publié dans ses Premières poésies (1835) et, pour la blessure, à la « parabole du pélican », située à la fin de la « Nuit de mai », insérée dan ses Poésies nouvelles (1852).
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[28]
Madame Bovary, publié en 1856 en revue et l’année suivante en volume, valut à son auteur un procès pour « outrage à la morale publique et religieuse ». Flaubert ne fut pas condamné, mais reçut un avertissement pour avoir outrepassé les limites que « la littérature, même légère, ne doit pas dépasser ». Les Fleurs du mal (1857) reçurent condamnation pour immoralité. Baudelaire fournit une édition expurgée en 1861. Le tableau de Manet, intitulé Le Bain (1863), variation moderniste sur Le Concert champêtre de Giorgione, fut refusé au Salon officiel. Présenté au Salon des Refusés, il fit l’objet d’un scandale et de divers cris d’indignation, et reçut le nouveau titre de Déjeuner sur l’herbe.
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[29]
Leconte de Lisle, sonnet intitulé « Les Montreurs », dans Poèmes barbares (1862), Paris, Gallimard, 1985, coll. « Poésie/Gallimard », p. 192.
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[30]
Le Misanthrope, acte II, scène IV ; éd.cit., p.73. Le mot Héautotimoroumenos (« Le bourreau de lui-même ») qui précède est le nom d’une pièce écrite par le dramaturge antique Térence, repris par Baudelaire dans un poème des Fleurs du mal.
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[31]
On appelle « poètes métaphysiques » les tenants d’une école de poésie anglaise du XVIIe siècle (dont le représentant le plus connu est John Donne), qui utilise le concept comme base du langage poétique. Plus généralement, on utilise ce terme, concurremment avec « hermétisme » (qui renvoie aux traités philosophiques anciens attribués à Hermès Trismégiste) pour les poètes de toute époque (dont fait partie Mallarmé) qui cultivent un art poétique de semblable nature.
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[32]
Il suffit de citer quelques fragments typiques : Don du poème : « Je t’apporte l’enfant d’une nuit d’Idumée » ; Brise marine : « j’ai lu tous les livres », « je sens que des oiseaux », « je partirai » ; Renouveau : « J’attends, en m’abimant » ; Soupir : « Mon âme vers ton front » ; Autre éventail : « Ô rêveuse, pour que je plonge », etc. Toutes nos citations sont extraites de Stéphane Mallarmé, Poésies, op.cit., (voir note 24).
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[33]
« Brise marine », éd.cit., p.22.
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[34]
« Les fenêtres », ibid., p. 11.
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[35]
Sonnet « Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui », ibid., , p.67
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[36]
« Les fenêtres », ibid, p. 11.
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[37]
Sur les notions de « Grand Autre » et d’« objet (a) », élaborées par Jacques Lacan, on trouvera un exposé dans le Séminaire IV « la relation d’objet » et une explication générale, entre autres, dans Anika Lemaire, Jacques Lacan, Bruxelles, Mardaga, 1977.
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[38]
« Le tombeau d’Edgar Poe », éd.cit. p. 60
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[39]
Du Bellay, Les Regrets (1559), texte reproduit dans Frédéric Boyer, Joachim Du Bellay, Paris, Seghers, 1958, coll. « Poètes d’aujourd’hui » n° 3, p. 171.
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[40]
« Apparition », éd. cit., p. 7.
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[41]
Texte reproduit intégralement dans Pierre Bréchon, Henri Michaux, Paris, Gallimard, 1959, coll. « Pour une bibliothèque idéale », p.9 -16.
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[42]
Les notions de « sujet d’énonciation » et de « sujet d’énoncé » ont été théorisées par Émile Benveniste, dans son Cours de linguistique générale (Paris, Gallimard, 1966). Ils ont été utilisés par tous les spécialistes de narratologie, dont Gérard Genette. On en trouvera la définition et les usages, entre autres, dans Sylvie Patron, Le narrateur, introduction à la théorie narrative, Paris, Armand Colin, 2009.
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[43]
Le mot « hétéronyme », utilisé par Fernando Pessoa, ne se confond pas avec « pseudonyme ». Le pseudonyme est un cryptage du nom ; l’hétéronyme met en jeu la structure de la personne dans sa manière d’écrire.
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[44]
Extrait de La Vie dans les plis, Paris, Gallimard, 1949,, reproduit et utilisé par Robert Bréchon, op. cit., chap. « Refus », p. 78.
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[45]
Extrait de La Nuit remue, Paris, Gallimard, 1935, reproduit dans René Bertelé, Henri Michaux, op. cit., p. 130-131.
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[46]
Extrait de Qui je fus, Paris, Gallimard, 1927, reproduit dans René Bertelé, op.cit., p.109- 110.
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[47]
Déjà cité (note 23). Extrait de La Nuit remue, op. cit., reproduit dans René Bertelé, op.cit., p.131-134
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[48]
Extrait de « L’époque des illuminés », dans Qui je fus, op.cit., reproduit dans René Bertelé, op. cit., p.113.
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[49]
Ibid.