Notes
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[1]
Insee, enquête « Emploi », 2008-2016.
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[2]
Appelés « micro-entrepreneurs » depuis 2016.
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[3]
Manyika J., Lund S. etal., « Independent work : Choice, necessity and the gig economy »,McKinsey.com, octobre 2016 – en ligne : https://www.mckinsey.com/featured-insights/employment-and-growth/independent-work-choice-necessity-and-the-gig-economy – l’étude a une définitiondutravailindépendant plus large : on y trouve les intérimaires ou les jobs d’étudiants qui peuvent être non déclarés.
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[4]
Ces questions d’opinion sont toujours difficiles à poser. Néanmoins, quand on compare les résultats nationaux, on constate qu’il y a un lien entre la situation dégradée de l’emploi et l’engagement dans le travail indépendant par nécessité.
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[5]
Nouvel espace défini par Ray Oldenburg [7].
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[6]
C’est aussi l’époque où il crée le Centre d’études de communication de masse (CECMAS).
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[7]
Cette conception du travail a été développée par la sociologie pragmatique, notamment John Dewey [10].
-
[8]
Cette enquête a été réalisée à une époque où le numérique était beaucoup moins développé qu’aujourd’hui. Ce n’est donc pas le digital qui est la raison de l’entrelacement entre travail et loisirs constaté par l’enquête.
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[9]
Sur la distinction entre le travail bien fait et le « juste assez bon pour que cela fonctionne », voir [20].
-
[10]
CFDT, Rapport de l’enquête sur le travail de la CFDT, 2017. En ligne : https://www.cfdt.fr/upload/docs/application/pdf/2017-03/rapport_cfdt_enquete_parlons_travail_2017.pdf
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[11]
J’ai rencontré au cours de mes enquêtes des cas de ce type qui sont loin d’être isolés, comme le montre une enquête de l’APEC qui estime que 14 % des jeunes diplômés de bac+ 5 font une reconversion professionnelle.
-
[12]
Aujourd’hui, les développeurs informatiques déclarent avoir appris à coder très largement en ligne et notamment sur Youtube.
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[13]
Certes toutes les formes d’expression ne sont pas visibles sur Internet. On estime ainsi que 60 % des blogs sont invisibles, mais les adeptes du travail ouvert cherchent à acquérir cette visibilité.
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[14]
Contraction de l’anglaisfabrication laboratory, « laboratoire de fabrication ».
1Va-t-on vers la fin du travail, comme le pensait Jeremy Rifkin [1, 2] ? La numérisation et la mondialisation ne vont-elles pas entraîner un sous-emploi massif, mettant au chômage des centaines de millions de travailleurs ? Récemment, deux chercheurs britanniques ont estimé, après une étude sur l’emploi aux États-Unis, que la moitié des emplois pourrait être automatisée dans la prochaine décennie ou la suivante [3]. Pour les travailleurs toujours en emploi, une autre question est régulièrement évoquée depuis quelques années : la fin du salariat [4]. À première vue, il n’y a pas plus de fin du travail que de fin du salariat. Si l’automatisation est la cause de nombreux licenciements, elle est aussi à l’origine de créations d’emplois nécessaires à la mise en place des outils et des logiciels du numérique ainsi que de nouveaux services. Il est encore difficile d’établir le solde exact entre suppressions et créations d’emploi [5]. Quant à la fin du salariat, on constate effectivement en France que le nombre d’emplois salariés ne progresse plus pour la première fois depuis un siècle. Le ratio de non-salariés a augmenté de 2008 à 2013, passant de 9,1 % à 10,4 % des actifs occupés, mais ce nombre stagne depuis à 2,8 millions [1] . Leur augmentation tient en fait surtout à l’émergence des auto-entrepreneurs [2] .
2Mais l’appareil statistique a sans doute du mal à repérer des changements qui seraient plus souterrains. Une étude menée dans différents pays occidentaux par l’institut McKinsey pourrait le laisser croire [3]. À travers une enquête ponctuelle (sans élément de comparaison dans le temps), elle suggère que le travail indépendant est largement sous-évalué par les statistiques publiques. En interrogeant les travailleurs sur leurs sources de revenus, elle parvient, pour la France, à un total beaucoup plus important de 5 millions de personnes dont les revenus proviennent majoritairement d’une activité indépendante. S’y ajoutent 8 millions de personnes qui tirent un revenu complémentaire d’une activité non salariée. Ainsi, 13 millions de Français obtiennent une rémunération d’une activité indépendante. L’autre résultat intéressant de cette enquête est que ce statut serait choisi dans sept cas sur dix. Comme on peut l’imaginer, les indépendants travaillant à plein temps le sont par choix à 80 % tandis que les occasionnels ne le sont qu’à 62 % [4] .
3De toutes ces données statistiques très diverses, on peut retenir que ces nouvelles formes de travail indépendant se développent incontestablement, mais sont difficiles à saisir. Elles correspondent dans la majorité des cas à des activités pratiquées en complément d’une autre et par choix. Ainsi, les frontières du monde du travail se brouillent, la séparation entre travail et hors-travail ou même entre travail et loisirs s’efface. Pour saisir ces nouvelles formes contemporaines du travail, il conviendra tout d’abord de se demander ce qu’est véritablement le travail, avant de se pencher sur les activités considérées comme des loisirs ou des passionsque j’appelle « autre travail ». J’analyserai ensuite les bouleversements apportés par le numérique et notamment l’émergence d’une nouvelle forme de travail : le « travail ouvert ». Je terminerai en montrant que les opportunités de ces nouvelles formes de travail ne sont pas accessibles à tous.
La nécessité de se réinterroger sur la nature du travail
4Classiquement, les sciences sociales considèrent que le travail crée de la valeur, s’inscrit dans un rapport social, celui du salariat [6]. La plupart des chercheurs estiment que le travail relève de la contrainte et de l’aliénation, tandis que la liberté et le plaisir seraient apportés par les loisirs. Le travail organisé dans le cadre du salariat crée des rapports de subordination, donne lieu à une rémunération et se déroule dans des espaces extérieurs à l’habitation, tandis que le loisir est libre, non marchand, et se déroule à la maison ou dans des « tiers lieux [5] ». La sociologie française du travail autour de Georges Friedmann [8] considère que le « travail en miettes » n’est qu’exploitation ; le loisir est au contraire un moyen de reconstruction qui permet de se libérer de l’aliénation du travail. Le loisir ouvrirait des voies de félicité que le travail n’offre pas. Friedmann estime qu’on ne peut plus espérer transformer le travail pour revenir à la situation du travail artisanal et en faire à nouveau une source de plaisir et d’autonomie. C’est pourquoi, dans la dernière partie de sa carrière, il s’est aussi intéressé aux loisirs [9] [6] . La vie véritable est, en effet, du côté des loisirs, qui constituent une vraie source de plaisir.
5Mais le travail peut être analysé sous bien d’autres angles. S’il est bien une contrainte, un désagrément et une nécessité, il est aussi un élément de la réalisation de soi qui permet de gagner en satisfaction et en autonomie. Le travail est, avant tout, un engagement dans une activité pour la mener à bien, en gérer la pénibilité, et se réaliser. Il s’agit d’articuler un projet initial avec les difficultés de sa réalisation. En ce sens, le travail se distingue de l’emploi et ne peut être réduit au salariat [7] . Quand on adopte cette perspective du travail comme engagement dans l’activité, le travail et les autres activités menées à côté (loisirs-passions, bricolage, travail d’appoint) sont moins opposés qu’on ne le pense. Ils peuvent même comporter de nombreuses proximités.
6L’enquête « Histoires de vie » réalisée par l’INSEE en 2003 [11] [8] permet de mieux comprendre comment les individus articulent concrètement leur travail et leurs passions. Ces dernières permettent-elles de supporter un travail dur et sans intérêt, comme le pensait Friedmann, ou au contraire loisirs et travail sont-ils associés et complémentaires ? L’analyse statistique nous montre à quel point les activités de travail et de loisir s’entrelacent. Au cours de sa vie, l’individu développe des projets, en abandonne d’autres, reprend des tentatives délaissées, construit des cohérences. À côté de cette dynamique temporelle d’entrelacements, on peut observer une dynamique spatiale. On voit apparaître des zones de débordement entre le travail et les loisirs qui révèlent des activités dont on ne sait plus si elles se situent d’un côté ou de l’autre. Les caractéristiques habituelles du travail s’effacent : activité marchande, rapport de subordination entre employeurs et travailleurs, espace de travail spécifique distinct du lieu de résidence, temps de travail séparé du temps de loisir, propriété intellectuelle. Ces nouvelles formes d’activités débouchent néanmoins sur une réelle production de biens ou de services. Contrairement à ce qu’affirme le paradigme friedmannien, les loisirs ne remplacent pas un travail aliénant et dévalorisé. La pratique de certains loisirs s’articule souvent avec des pratiques professionnelles. Les compétences et les expériences acquises dans l’une des deux sphères se réinvestissent dans l’autre. C’est notamment le cas de l’informatique, du bricolage, des voyages, et bien sûr de nombreuses pratiques amateur. Mais, au-delà des proximités et des échanges, de la constitution d’habitudes et de savoir-faire communs, travail et loisirs s’enchevêtrent pour construire une identité commune du faire. Les loisirs ne se substituent pas au travail pour ceux qui en sont insatisfaits ou pour ceux qui n’en ont plus à titre provisoire ou définitif. Les chômeurs ne s’investissent pas plus dans les loisirs que ceux qui travaillent. Quant aux retraités et aux femmes au foyer, elles et ils se consacrent moins à leurs passions que les personnes en emploi. De même, les travailleurs insatisfaits de leur travail ne cherchent pas une compensation dans la pratique des loisirs. Les passions ne sont pas des instruments de libération de l’aliénation. L’enquête « Histoires de vie » montre à quel point loisirs et travail s’entrelacent durant toute l’existence d’un individu. C’est pourquoi j’appelle « l’autre travail » ces espacesindistincts, sans frontière bien définie, qui se développent à côté du travail professionnel.
L’existence ancienne d’un « autre travail »
7Le travail industriel a masqué la diversité des arts de faire, toutes ces pratiques inventives et rusées célébrées par Michel de Certeau [12]. Le capitalisme a enfermé le travail dans l’entreprise, alors qu’un autre travail, en marge, a poursuivi son développement de façon souterraine, dans l’espace privé. Pour les classes populaires, il s’agissait d’un héritage de la culture rurale [13] ou artisanale et plus tard, avec l’automatisation, du débouché relatif de savoir-faire mécaniques de moins en moins nécessaires à l’usine. Pour les classes moyennes, le « do it yourself » a mélangé plusieurs traditions, celle de l’élaboration de son espace de vie et celle de nouvelles formes d’activité artistique [14]. Cet autre travail a longtemps été dévalorisé, jusqu’au jour où il a été considéré comme un loisir capable de réparer les méfaits du travail en miettes, les dégâts du travail de bureau. Dans les périodes de crise économique (notamment lors de la crise de 1929), les chômeurs ont cherché dans ledo it yourself des occupations plus ou moins rémunérées [15], puis avec l’essor de la consommation de masse il est apparu comme une voie vers le cadre de vie de la modernité.
8L’autre travail ordinaire est d’une très grande diversité. Les compétences mobilisées peuvent être réduites chez certains bricoleurs, ou pointues comme chez les mécanos du tuning qui transforment la carrosserie de leur voiture pour la personnaliser [16], les anciens ouvriers de la sidérurgie ou des industries mécaniques qui réalisent des objets multiples [17], les patrons ou les cadres qui s’investissent dans le bénévolat [18]. L’autre travail peut mobiliser l’expérience professionnelle ou une autre expérience vécue ailleurs. Contrairement au travail contemporain unifié par le salariat, chaque forme d’autre travail est spécifique, comme dans le travail de la Grèce classique [19], il n’y a pas de commune mesure entre ces différentes formes. Dans certaines productions amateur ou dans certaines activités de bricolage, le travail est effectivement secondaire, seule compte la finalité. C’est pour faire un don que je réalise tel objet. Ce qui compte avant tout, c’est qu’il plaise à celui qui le recevra. L’usage l’emporte sur la réalisation. Si le fabricant est lui-même l’utilisateur, la situation n’est pas très différente. Il accepte de faire un travail souvent ingrat pour disposer d’une maison ou d’un meuble bien fait ou « juste assez bon pour que cela fonctionne [9] ». Dans d’autres cas, le bricoleur cherche moins à faire qu’à refaire : son objectif principal est de « comprendre comment ça marche », d’apprendre à maîtriser la technique. Enfin, l’autre travail peut être valorisé en lui-même pour le plaisir qu’il procure, la satisfaction du travail bien fait. À ce plaisir de faire sont souvent associés une estime de soi, mais aussi un plaisir de montrer et un plaisir de donner. Dans tous ces cas, il n’y a pas de valeur unique du travail : c’est la spécificité de l’autre travailpar rapport au travail salarié, d’autant plus que dans de nombreux cas les différents ressorts de l’engagement se combinent. Remarquons enfin que ce travail pluriel et hétérogène ne s’inscrit pas seulement dans un espace et un temps de liberté ; l’individu dépend des entreprises qui fournissent les matériaux et les outils nécessaires, et encadrent ainsi la production alternative, de même les clubs et les associations organisent la pratique.
9Derrière cette profonde diversité, il faut noter que l’autre travail met en place un engagement différent dans le travail au quotidien, de nouveaux modes de faire. Il est donc possible de travailler autrement. Mais cette sphère de l’autre travail reste cantonnée au monde domestique et, si elle organise des échanges, ceux-ci sont réduits à la sphère familiale et locale. Ainsi, les ouvriers-paysans ou les jardiniers étudiés par Florence Weber donnent ou vendent leurs productions à leur famille ou à leurs voisins. Une forme d’engagement dans le faire, voisine de celle du travail salarié, apparaît mais dans un monde différent. Ce travail peut être la résurgence d’un travail abandonné, la perpétuation d’une identité qui ne demandait qu’à resurgir ou les prémices d’un futur travail salarié. Il peut aussi apporter des ressources d’appoint, mais il ne transgresse pas la frontière du travail en entreprise.
La révolution numérique et l’essor du « travail ouvert »
10Cette juxtaposition du travail en entreprise et de l’autre travail a été bouleversée au cours des 25 dernières années. Tout d’abord, le niveau de compétences de nos contemporains s’est élevé. Plus éduqués, les travailleurs peuvent se réinvestir dans de nouveaux projets d’activité. Cela a créé unécart entre le travail disponible et les compétences, comme le montre par exemple l’enquête récente de la CDFT « Parlons travail [10] », qui note notamment la très forte demande d’autonomie des salariés et leur remise en cause de l’organisation du travail : 87 % des répondants estiment que leur hiérarchie ne sert à rien, les trois quarts veulent plus d’autonomie et 62 % souhaitent changer de travail. La disparition du modèle de l’entreprise qu’on rejoint à 20 ans et qu’on quitte à la retraite est intégrée : les travailleurs souhaitent être mobiles et créer un travail qui ait plus de sens, voire créer leur entreprise (36 %). On est donc face à une crise profonde mais peu visible des modes d’engagement dans le travail.
11Les technologies informatiques sont parties prenantes de cette crise, mais le développement récent du numérique apporte aussi des opportunités nouvelles. Le micro-ordinateur et Internet ont été développés en opposition à la grosse informatique centrée sur l’entreprise comme des technologies universelles, présentes également à la maison. Le micro-ordinateur est apparu comme une nouvelle machine intellectuelle personnelle, utilisable par tous. Internet a permis d’accéder librement au savoir et à l’information, et a donné à chacun la possibilité de s’exprimer et d’échanger. Le numérique est devenu la culture technique commune. Il a remplacé la mécanique en tant que savoir commun, d’autant plus facilement que les services étaient lors de son apparition devenus le secteur dominant de notre économie. Le numérique est devenu ainsi la technologie de base des activités de service.
12Avec le numérique, l’autre travail mené à côté du travail professionnel, comme une activité faiblement reconnue, est remplacé par le travail ouvert qui propose une vision alternative du travail associant activités professionnelles et passions. Les individus peuvent à la fois valoriser ce qu’ils réalisent et faire circuler informations et compétences. Le numérique offre des possibilités nouvelles. Il propose à la fois des outils facilitant un travail autonome pouvant être réalisé à la maison comme en entreprise, des dispositifs de collaboration en réseau, mais aussi – et il s’agit là de la deuxième face du numérique – des grands dispositifs centralisés qui s’imposent aux utilisateurs et encadrent profondément leurs activités. Le numérique permet l’autonomie et la décentralisation, mais aussi le contrôle et la centralisation.
13La flexibilité apportée par le numérique s’accompagne d’une crise des professions : les barrières qui les protègent sont en train d’être abaissées. Les professions bien encadrées du transport (taxis, livreurs), du tourisme (hôtellerie, gîtes), ou de la restauration sont face à l’arrivée d’outsiders. Des réseaux de distribution traditionnels, comme ceux des boutiques d’artisanat, des brocanteurs ou des magasins d’occasion sont concurrencés par des plateformes.
14Dans ce contexte de transformations profondes, les travailleurs ont développé des pratiques transversales variées en s’emparant des opportunités des outils numériques. Les uns tentent d’unifier leur vie. Les développeurs informatiques de logiciels libres dans la tradition des hackers ne font aucune distinction entre leur métier et leur passion [21]. Ils écrivent du code pour gagner leur vie et pour le plaisir. Comme les artistes, ils ont une vision vocationnelle de leur métier. D’autres personnes vont unifier leur vie autour de leurs passions. Ils abandonnent leur métier initial pour professionnaliser les activités d’artisanat, de musique ou de graphisme qu’ils avaient développées à côté [11] . Ceux qui ne peuvent intégrer totalement leur travail et leurs passions vont essayer de rapprocher des domaines d’activités proches où ils peuvent utiliser des compétences voisines : l’informatique et les jeux vidéo, le graphisme et la création picturale…
15D’autres individus trouvent différentes solutions pour accorder leur travail rémunéré avec leurs passions, en aménageant leurs horaires ou en profitant des possibilités de leur entreprise. D’autres enfin trouvent une nouvelle source de revenus en mobilisant leurs ressources domestiques. Ils vendent les objets qu’ils n’utilisent plus, louent leur appartement, leur voiture, leurs outils, transformant ainsi leurs outils de consommation en outils de production de service.
16Au-delà de la diversité des itinéraires, il y a bien un mode d’action spécifique dans l’espace du travail ouvert : les individus choisissent leur activité, leurs horaires et souvent leurs lieux de travail et remettent en cause la division habituelle du travail. Pour le développeur informatique, il s’agit de concevoir une maquette de logiciel dans son intégralité, pour le spécialiste de l’audiovisuel de réaliser totalement une vidéo. Pour la réalisatrice de bijoux ou d’objets d’art de tout faire, y compris l’emballage. Cette réalisation d’un travail complet est fortement valorisée. Le travail ouvert fait appel à des compétences acquises à l’école ou dans le monde professionnel,mais aussi à des compétences ordinaires apprises dans son entourage familial (savoir recevoir des hôtes chez soi, cuisiner, conduire une voiture…) et de plus en plus à des savoir-faire acquis de façon autodidacte, en ligne soit dans un cadre structuré débouchant sur un diplôme (les fameux massive open online course– MOOC), soit de façon informelle (tutoriels sur Youtube [12] , lecture de blogs, recherche de conseils sur des forums…).
17Contrairement aux bricoleurs qui ne se faisaient connaître que dans leur entourage immédiat, les adeptes du travail ouvert cherchent à accéder à une notoriété beaucoup plus large, leur travail devient visible et est présenté dans différents espaces d’Internet [13] . Il permet ainsi de se construire une image de soi. Élaborer son identité numérique permet à l’individu de se distinguer, d’être reconnu et de construire des liens. Il est évalué, reçoit des notes et des commentaires, mais aussi des encouragements, des critiques, des propositions d’évolution.
18Enfin, le travail ouvert peut être valorisé de différentes façons. Il peut tout d’abord avoir une valeur en soi ; il est alors réalisé pour la satisfaction de son créateur. Il peut, le plus souvent, être destiné à un tiers sous forme de don à un individu précis ou à l’ensemble d’une communauté plus ou moins large, par exemple en contribuant à des sites collaboratifs. Il peut enfin prendre une forme payante ; il rentre, alors, dans l’économie de marché. Parfois, don et vente peuvent cohabiter (logiciels libres, licence Creative Commons), le marché ne fait pas forcément disparaître le don : le marchand et le non-marchand s’entremêlent, comme dans l’accueil chez soi (ou dans son véhicule), la remise en circulation d’un bien qui n’a plus d’usage, le don ou la vente d’un objet réalisé par soi-même, la participation à la réalisation de biens communs (Wikipedia, Open Street Map…). Dans d’autres cas, on assiste à une évolution définitive du don au marché. Les innovateurs non-marchands deviennent alors les outsiders du marché.
Limites et opportunités du numérique pour les activités laborieuses
19Calculer, écrire, photographier, filmer, créer de la musique, produire un objet et, bien sûr, rendre disponible ce qu’on a réalisé, autant d’activités que le numérique rend plus facile à pratiquer. La technique digitale rend possible la démocratisation de l’activité productive : des tâches qui ne pouvaient être réalisées que par des spécialistes munis de dispositifs technologiques complexes et onéreux peuvent maintenant l’être par tous, ou plus exactement par tous ceux qui le souhaitent. Le travail ouvert s’inscrit directement dans cette « démocratisation » qui était au cœur du projet d’Internet [22, 23]. Les nouveaux travailleurs peuvent, grâce au numérique, s’installer dans des activités professionnelles protégées ; lesoutsiders rentrent dans des espaces de travail fermés – la culture, l’artisanat, la cartographie, la cuisine, l’hébergement, le transport à la personne… Des individus ordinaires peuvent faire valoir leurs talents.
20Le numérique offre non seulement des outils pour le travail ouvert, mais plus largement des dispositifs pour rapprocher les activités professionnelles et privées. Il fournit des outils logiciels pour la création et la conception (dessins 2D, 3D) et des dispositifs matériels accessibles dans des fablabs [14] (imprimantes 3D, découpeuses laser, etc.). Le web permet d’accéder à de multiples dispositifs coopératifs.
21Surtout, Internet permet de contourner lesgatekeepers du commerce classique. Comme sur la place du marché villageoise, chacun peut venir proposer ses produits, mais cet échange est ici médiatisé par des plateformes qui fournissent un accès aux utilisateurs, permettent, à l’aide de leurs algorithmes, d’organiser la rencontre entre l’offre et la demande au sein d’un nouveau cadre de confiance. La société de la confiance interpersonnelle de l’époque précapitaliste fait son retour dans un système complètement mondialisé, à l’aide de dispositifs qui sécurisent la relation interpersonnelle. Mais, en même temps, les plateformes formatent l’activité qu’elles libèrent, classent les propositions des offreurs selon la popularité et la qualité des appréciations. Elles privilégient ainsi systématiquement les individus les plus actifs, les plus engagés, les plus anciens au détriment des nouveaux arrivés. Par ailleurs, elles remettent en cause les régulations sociales existantes en vigueur dans les professions ou fixées par la loi. Si d’un côté elles libèrent le travail, de l’autre elles l’encadrent, voire l’enchaînent.
22Aidées par leurs clients et faiblement contraintes par les régulateurs, les plateformes ne cessent de recadrer les activités, de redéfinir leurs règles. Les régulateurs publics tentent de réglementer à nouveau ce qui a été dérèglementé par les plateformes, sans parvenir pour l’instant à construire un cadre cohérent. Ainsi, pour assurer des activitéstrès voisines de mobilité des personnes, les chauffeurs de Blablacar n’ont besoin que de leur permis de conduire, alors que les chauffeurs de VTC doivent avoir une licence plus accessible que celle des chauffeurs de taxi. En fait, le travail ouvert est une voie d’accès. Il utilise des compétences ordinaires que les gens mobilisent pour franchir les barrières professionnelles. Les plateformes les aident en cela, elles permettent à des coursiers munis simplement d’un vélo – ne disposant pas d’un deux-roues motorisé – et qui ne sont pas inscrits sur le registre des transports légers comme des livreurs classiques de trouver un travail, elles proposent aux chauffeurs de VTC de contourner le numerus clausus des licences de taxis. Reste que ces contournements se font à l’aide des règles qu’imposent les plateformes unilatéralement. Des algorithmes opaques assurent la mise en correspondance (« matching ») entre les travailleurs des plateformes et leurs clients. Le contrat et l’assurance remplacent le règlement (par exemple, les restaurateurs bénévoles ne respectent pas les règles sanitaires, mais sont assurés). La notation se substitue au contrôle et le décentralise. En organisant des collaborations avec les outsiders et le public, les plateformes ont déplacé le travail, avec le risque qu’elles abusent de leur position dominante et détruisent le modèle social au cœur du salariat. Mais elles ne se sont pas imposées seules, elles se sont appuyées sur le mouvement des outsiders. En définitive, le travail ouvert, « libéré », devient à son tour un modèle pour certaines entreprises, il propose aussi un cadre qui structure les activités non marchandes. Par exemple, la plateforme d’hébergement gratuit Couchsurfing fonctionne selon des principes voisins de ceux d’Airbnb.
Sous le numérique, des inégalités à ne pas occulter
23Les nouveaux espaces du travail ouvert digital nécessitent un fort engagement de l’individu, qui n’est pas vécu de la même façon par tous. Certains disposent de ressources leur permettant de trouver beaucoup de plaisir dans ces nouvelles formes de travail qu’ils peuvent facilement accorder les unes avec les autres. À l’inverse, d’autres ne trouvent dans celles-ci qu’un travail précaire de peu d’intérêt, qui leur donne simplement les moyens de vivre. Les stratégies et les compétences ne sont pas également distribuées. On peut estimer à la suite de Robert Castel [24] qu’il y a ceux qui exploitent parfaitement les possibilités du numérique, de manière très opportuniste : les « individus numériques intégrés » ; et de l’autre ceux qui sont dominés par le système, sans marge de manœuvre, les « individus numériques désaffiliés ». Selon ses capacités, son patrimoine, ses compétences, le travailleur se situe entre ces deux pôles.
24Les modes d’intégration dans la société numérique sont multiples. Les activités concernant directement l’informatique et le monde de la culture sont souvent des activités vocationnelles où le statut de free-lanceest beaucoup plus courant qu’ailleurs et largement revendiqué, les compétences acquises pouvant être mobilisées de multiples façons lorsqu’on exerce la même activité ou des activités proches dans d’autres cadres. Dans ces cas, le statut d’indépendant est lié à un projet professionnel, il permet de concilier travail et passion. D’autres individus qui travaillent pour des employeurs qui leur assurent une grande sécurité d’emploi ont trouvé un moyen différent d’accorder leur travail salarié et leurs passions. Soit ils trouvent au sein de l’entreprise des activités plus proches de leurs intérêts personnels et peuvent alors tenter de profiter d’une mobilité interne pour exercer un métier en affinité avec leurs passions, soit ils réussissent à aménager leur temps de travail (temps partiel, année sabbatique, préretraite…) pour s’engager plus intensément dans leurs passions. L’individu numérique intégré peut aussi, grâce aux opportunités du numérique, changer radicalement d’activité ou monter son entreprise. Le numérique apporte des formations ; des communautés en ligne peuvent soutenir celui qui veut engager cette mutation. Les plateformes permettent de bénéficier de compétences complémentaires et d’une voie d’accès au marché. Dans tous ces cas, le numérique constitue une ressource essentielle pour s’engager dans un travail réellement désiré, pour accorder facilement une production pour soi, une production-don et une production marchande.
25À l’individu numérique intégré, on peut opposer un individu désaffilié qui ne trouve dans les plateformes qu’un travail faute de mieux. Il ne dispose souvent pas d’un patrimoine (logement, véhicule) qu’il pourrait louer ou, quand il en possède un, il est trop éloigné des centres-villes pour trouver des clients. Le travail dans la nouvelle économie numérique auquel il peut accéder n’est qu’une suite detâches répétitives à effectuer sur son ordinateur. Le travailleur du clic à plein temps est ainsi la figure emblématique de l’individu numérique désaffilié (tel celui qui travaille sur Amazon MechanicalTurk). Celui dont c’est l’unique activité (ce qui est loin d’être toujours le cas) est totalement dépendant de la plateforme qui lui fournit un travail rémunéré, de très faible intérêt, haché et consistant à réaliser de micro-tâches très simples. Il est quasiment enchaîné à sa machine pendant de longues heures. Parfois, il mange en cliquant, car il a un temps limité pour effectuer son travail, ou programme une alarme sur son ordinateur afin d’être informé des tâches qui sont proposées au milieu de la nuit. Faible, sa rémunération peut être fixe, avec l’obligation de se décider rapidement, être améliorée à la discrétion de la plateforme par différents dispositifs ou se voir fixée par un système d’enchères descendantes. Dans ce dernier cas, la concurrence mondiale a tendance à faire baisser les prix.
26La situation des livreurs à vélo à plein temps est voisine. La manière dont doivent se dérouler les courses est encadrée par la plateforme, qui fixe les horaires et impose la tenue. L’individu numérique désaffilié travaille seul chez lui derrière son ordinateur ou en dehors sur son vélo, donc avec du matériel qui lui appartient. Il n’est connecté à aucun collectif de travail. C’est un travailleur totalement désocialisé. Le numérique n’offre aucune possibilité d’évolution à ces nouveaux travailleurs indépendants, qui ne bénéficient pas de la liberté proposée généralement par le travail ouvert et qui échappent aux collectifs protecteurs du salariat. Il est donc encore plus important que pour les autres travailleurs qu’ils puissent obtenir une protection sociale analogue à celle des salariés.
27Il existe, aussi, toute une série de situations intermédiaires. Les chauffeurs de VTC en sont un exemple. Certains ont appris à jongler entre les plateformes selon les opportunités du moment ou se sont constitué leur propre clientèle, ou collaborent avec un autre chauffeur pour partager un véhicule ; ils peuvent ainsi obtenir des revenus décents tout en valorisant leur goût pour la conduite automobile. D’autres au contraire sont les victimes des changements de politique tarifaire des plateformes, des décisions non fondées des algorithmes qui les « blacklistent » sans raison.
Conclusion : la nécessité de renforcer le travail ouvert
28Si on ne considère que le travail salarié classique, les effets du numérique peuvent sembler assez négatifs : l’automatisation va toucher de nombreux emplois en les supprimant, les amputant ou les paupérisant. Elle peut rendre le travail plus oppressant, en enchaînant le travailleur à des systèmes d’information de plus en plus contraignants (la machine fixe des règles très précises et peut surveiller leur exécution). Le numérique peut donc être un instrument d’asservissement et de contrôle. Mais, dans une organisation de la production devenue mondiale et beaucoup plus flexible, les individus ne peuvent plus tous bénéficier d’une activité de travail stable et pérenne, et un nombre important d’entre eux ne le souhaitent plus. Le travail indépendant est susceptible de constituer une voie alternative pour mobiliser des compétences personnelles non utilisées jusque-là ou développées dans le cadre du hors-travail.
29Le numérique est un support pour ces nouvelles activités : il peut être un instrument de libération car il favorise la coopération, facilite l’accès au marché ou aux échanges non marchands et peut finalement permettre de réaffilier les désaffiliés. Pour qu’il puisse jouer ce rôle, il faut définir le travail de façon différente : comme l’ensemble des engagements dans le faire, aussi bien dans l’entreprise que dans la vie privée. On découvre alors que les individus ont un portefeuille de savoir-faire plus important et plus diversifié qu’on ne l’imagine, qu’ils peuvent mobiliser leurs compétences dans des activités multiples. Ils utilisent autrement les formidables possibilités du numérique (outils autonomes, plateformes). Chacun, à partir d’une expérience qu’il a pu réaliser ailleurs, est en mesure de redéfinir le travail, de mener parallèlement plusieurs activités dans des espaces différents. Le travail ouvert qui articule des activités menées pour soi en dehors de l’entreprise, des dons et des nouvelles activités marchandes permet à l’aide des outils numériques de libérer le travail. C’est à cet autre mode de faire qui s’inscrit dans un nouvel espace de travail élargi, marchand et non-marchand, qu’il faut donner toute sa place, car il autorise des formes d’engagement dans l’activité plus valorisantes pour l’individu.
30Finalement, le numérique intervient dans le travail de façon profondément ambivalente. À travers ses capacités d’autonomie et de décentralisation, il peutêtre au sein du travail un instrument de libération, mais il peut aussi asservir, contrôler, surveiller l’activité, segmenter encore plus le travail. La libération du travail par le numérique n’est pas donnée d’office, elle reste à conquérir, notamment en construisant un nouveau compromis social. La grande majorité des indépendants tiennent vraiment à leur statut, mais, comme ils sont extérieurs à la société salariale, ils échappent aux collectifs protecteurs du salariat. Il est essentiel que ces travailleurs puissent obtenir une protection sociale analogue à celle des salariés. Il s’agit donc d’inventer des voies alternatives, de mettre en place de nouvelles régulations, de construire un nouveau compromis social. S’il appartient au politique de se saisir du problème, de favoriser la concurrence entre les plateformes de façon à accroître le pouvoir de négociation des travailleurs, de s’assurer de la loyauté des algorithmes en matière de référencement et d’affichage des évaluations, finalement de réguler un domaine qui s’est développé dans les failles réglementaires, c’est d’abord à travers les luttes syndicales que ce nouveau compromis social pourra être élaboré.
31Il convient aussi d’imaginer de nouveaux modes d’action collective adaptés au monde des indépendants, comme la création de coopératives qui pourraient acquérir un poids suffisant en vue de peser dans une négociation avec les plateformes. L’autre point essentiel du rapport de force à construire entre les travailleurs d’ailleurs et les plateformes est la répartition des profits. Si les salariés peuvent construire un rapport de force avec leur employeur pour obtenir des augmentations de salaire ou un intéressement au niveau des résultats, il n’existe rien de tel pour les prestataires, qui sont mal placés pour réclamer une part des profits réalisés par les plateformes. En définitive, le numérique peut libérer le travail en renforçant le travail ouvert, à condition d’élaborer un nouveau compromis social.
Bibliographie
Bibliographie
- [1] RIFKIN J.,La Fin du travail, Paris, La Découverte, 1996.
- [2] RIFKIN J.,La Nouvelle Société du coût marginal zéro. L’Internet des objets, l’émergence des communaux collaboratifs et l’éclipse du capitalisme, Paris, Les Liens qui libèrent, 2014.
- [3] FREY C., OSBORNE M.,The Future of Employment : How Susceptible Are Jobs to Computerisation ?, document de travail, Oxford, Oxford Martin School, Oxford University, 2013.
- [4] GAUDARD J.-P.,La Fin du salariat, Paris, François Bourin, 2013.
- [5] Conseil d’orientation pour l’emploi, Automatisation, numérisation et emploi, janvier 2017. En ligne : http://www.coe.gouv.fr/Detail-Nouveaute.html%3Fid_article=1347.html
- [6] LALLEMENT M.,Le Travail. Une sociologie contemporaine,Paris, Gallimard, 2007.
- [7] OLDENBURG R.,The Great Good Place, New York, Paragon House, 1989.
- [8] FRIEDMANN G.,Où va le travail humain ?, Paris, Gallimard, 1950.
- [9] FRIEDMANN G.,Le Travail en miettes. Spécialisation et loisirs,Paris, Gallimard, 1964.
- [10] BIDET A.,L’Engagement dans le travail. Qu’est-ce que le vrai boulot ?, Paris, PUF, 2011.
- [11] GUERIN-PACE F., SAMUEL O., VILLE I. (dir.), En quête d’appartenances. L’enquête Histoire de vie sur la construction des identités, Paris, Ined, 2009.
- [12] CERTEAU M. DE, L’Invention du quotidien. Les arts de faire, Paris, Gallimard, 1990 (1980).
- [13] WEBER F.,Le Travail à-côté. Étude d’ethnographie ouvrière,Paris, EHESS, 2001 (1989).
- [14] BROMBERGER C. (dir.), Passions ordinaires : du match de football au concours de dictée, Paris, Hachette, 1998.
- [15] GELBER S.,Hobbies : Leisure and the Culture of Work in America, New York, Columbia University Press, 1999.
- [16] MAURICE S.,La Passion du tuning, Paris, Seuil, 2015.
- [17] BELLEVILLE P., « Technique professionnelle et travail libre »,Culture technique, no 8, 1982, p. 113.
- [18] BIDET A., BOUTET M., « Travail sur soi et engagements multiples : le cas de salariés engagés dans une pratique ludique ou bénévole », Réseaux, no 182, 2013.
- [19] VERNANT J.-P.,Mythe et pensée chez les Grecs, Paris, La Découverte, 1996.
- [20] SENNET R.,Ce que sait la main. La culture de l’artisanat.Paris, Albin Michel, 2009.
- [21] LEVY S.,L’Éthique des hackers, Paris, Globe, 2013.
- [22] FLICHY P.,L’Imaginaire d’Internet, Paris, La Découverte, 2001.
- [23] CARDON D.,La Démocratie internet, Paris, Seuil, 2010.
- [24] CASTEL R.,La Montée des incertitudes. Travail, protections, statut de l’individu, Paris, Seuil, 2009.
Référence complémentaire
- FLICHY P.,Les Nouvelles Frontières du travail à l’ère numérique,Paris, Seuil, 2017.
Notes
-
[1]
Insee, enquête « Emploi », 2008-2016.
-
[2]
Appelés « micro-entrepreneurs » depuis 2016.
-
[3]
Manyika J., Lund S. etal., « Independent work : Choice, necessity and the gig economy »,McKinsey.com, octobre 2016 – en ligne : https://www.mckinsey.com/featured-insights/employment-and-growth/independent-work-choice-necessity-and-the-gig-economy – l’étude a une définitiondutravailindépendant plus large : on y trouve les intérimaires ou les jobs d’étudiants qui peuvent être non déclarés.
-
[4]
Ces questions d’opinion sont toujours difficiles à poser. Néanmoins, quand on compare les résultats nationaux, on constate qu’il y a un lien entre la situation dégradée de l’emploi et l’engagement dans le travail indépendant par nécessité.
-
[5]
Nouvel espace défini par Ray Oldenburg [7].
-
[6]
C’est aussi l’époque où il crée le Centre d’études de communication de masse (CECMAS).
-
[7]
Cette conception du travail a été développée par la sociologie pragmatique, notamment John Dewey [10].
-
[8]
Cette enquête a été réalisée à une époque où le numérique était beaucoup moins développé qu’aujourd’hui. Ce n’est donc pas le digital qui est la raison de l’entrelacement entre travail et loisirs constaté par l’enquête.
-
[9]
Sur la distinction entre le travail bien fait et le « juste assez bon pour que cela fonctionne », voir [20].
-
[10]
CFDT, Rapport de l’enquête sur le travail de la CFDT, 2017. En ligne : https://www.cfdt.fr/upload/docs/application/pdf/2017-03/rapport_cfdt_enquete_parlons_travail_2017.pdf
-
[11]
J’ai rencontré au cours de mes enquêtes des cas de ce type qui sont loin d’être isolés, comme le montre une enquête de l’APEC qui estime que 14 % des jeunes diplômés de bac+ 5 font une reconversion professionnelle.
-
[12]
Aujourd’hui, les développeurs informatiques déclarent avoir appris à coder très largement en ligne et notamment sur Youtube.
-
[13]
Certes toutes les formes d’expression ne sont pas visibles sur Internet. On estime ainsi que 60 % des blogs sont invisibles, mais les adeptes du travail ouvert cherchent à acquérir cette visibilité.
-
[14]
Contraction de l’anglaisfabrication laboratory, « laboratoire de fabrication ».