Couverture de IDEE_158

Article de revue

« Économie sociale et solidaire » : quand les sciences sociales enchantent le travail

Pages 30 à 41

Notes

  • [1]
    Delors, J. (dir.), La création d’emplois dans le secteur tertiaire : le troisième secteur en France, rapport à la CEE, 1978.
  • [2]
    Les chiffres entre crochets renvoient à la bibliographie en fin d’article.
  • [3]
    Hély M., « L’économie sociale et solidaire n’existe pas », La vie des idées, avril 2008, http://laviedesidees.fr/l-economie-sociale-et-solidaire-n.html.
  • [4]
    « L’économie sociale : le choix de l’autre », texte présenté lors du colloque Histoire de l’économie sociale organisé par la MAIF, Lorient, 2007, p. 7 et p. 9 pour la citation suivante.
  • [5]
    Maurice Agulhon, « Associations et histoire sociale », La revue de l’économie sociale, avril 1988.
  • [6]
    Expression par laquelle Pierre Lascoumes se réfère aux travaux de nombreux chercheurs, enseignants-chercheurs et consultants sur le développement durable et qui, en même temps qu’ils ambitionnent de contribuer à la lecture savante ou experte des activités, militent pour leur déploiement. Pierre Lascoumes, L’Éco pouvoir : environnements et politiques, Paris, La Découverte, 1994.
  • [7]
    Source : www.revuedumauss.com/
  • [8]
    Nous pensons notamment ici à La Critique de la raison utilitaire. Manifeste du M.a.u.s.s, d’Alain Caillé paru à la Découverte en 1989.
  • [9]
    Sociologue, professeur à l’IEP Paris, chercheur au Lise CNRS CNAM Paris, et membre jusqu’en 2003 du CRIDA - Centre de recherche et d’information sur la démocratie et l’autonomie (association de recherche créée en 1984 par Renaud Sainsaulieu en marge des laboratoires traditionnels du CNRS).
  • [10]
    Socio-économiste, professeur au Conservatoire National des arts et métiers (CNAM), chercheur au Lise CNRS CNAM Paris, et membre jusqu’en 2003 du CRIDA.
  • [11]
    Auteur en 1959, aux éditions de Minuit, de Journal d’un ouvrier (1956-1958), puis en 1965 et 1973, au Seuil, de Militant chez Renault et Le Métier de militant, il s’associera au M.A.U.S.S. à la fois comme sociologue et comme professionnel « témoin » de la vie en usine et des combats – notamment syndicaux – qu’il convient d’y mener.
  • [12]
    Diplômé de Polytechnique et de l’ENSAE, ingénieur général des Ponts et Chaussées en poste au Conseil général de l’environnement et du développement durable, membre associé du Lise CNRS CNAM Paris.
  • [13]
    Sociologue, directeur de recherche honoraire au LEST CNRS et président du PADES – Programme Auto-production et Développement Social.
  • [14]
    Certains des enseignants-chercheurs et des chercheurs peuvent également être engagés dans les associations, mutuelles ou coopératives
  • [15]
    Alain Caillé, « Sur les concepts d’économie en général et d’économie solidaire en particulier », Revue du M.a.u.s.s, n° 21, p. 234.
  • [16]
    Nadine Richez-Battesti, Patrick Gianfaldoni, (dir.), Les Banques coopératives en France. Le défi de la performance et de la solidarité, Paris, L’Harmattan, 2006.
  • [17]
    « Synthèse de la consultation auprès des caisses locales », Les cahiers du Crédit Mutuel, n° 13-14, février 1978, p. 39. Louis Lichou, alors vice-président délégué de la Confédération Nationale, présenta, par le biais d’un discours, les résultats de cette « vaste consultation » dont la préoccupation majeure était de « faire participer chacun afin de parvenir tous ensemble à dégager les principes fondateurs de notre contrat mutualiste ».
  • [18]
    Interview de Théo Braun par Roger Gicquel retranscrite dans les Cahiers du Crédit Mutuel, op.cit., p. 7.
  • [19]
    Souligné dans le texte.
  • [20]
    L’ensemble des citations provient des lettres et documents référencés dans un dossier de la fédération Laco « Assises 1994 ».
  • [21]
    Voir notamment, Jean-Louis Laville, « L’économie solidaire : une nouvelle forme d’économie sociale ? », RECMA, n° 255, 1995.
  • [22]
    Cf. Qu’est ce que la sociologie ?, Paris, Pocket, coll. « Agora », 1991, p. 58
« C’est pourquoi, si, à beaucoup d’égards, les auteurs de ces systèmes [socialistes et communistes critico-utopistes] étaient des révolutionnaires, les sectes que forment leurs disciples sont toujours réactionnaires, car ces disciples s’obstinent à maintenir les vieilles conceptions de leurs maîtres en face de l’évolution historique du prolétariat. Ils cherchent donc, et en cela ils sont logiques, à émousser la lutte des classes et à concilier les antagonismes. Ils continuent à rêver la réalisation expérimentale de leurs utopies sociales – établissement de phalanstères isolés, création de home-colonies, fondation d’une petite Icarie, édition in-douze de la Nouvelle Jérusalem, – et, pour la construction de tous ces châteaux en Espagne, ils se voient forcés de faire appel au cœur et à la caisse des philanthropes bourgeois. »
Karl Marx et Friedrich Engels, Le Manifeste du Parti communiste, Paris, Union Générale d’Éditions, 1962 (1re édition 1847), p. 58-59.

1 S’il est une utopie emblématique de l’aspiration des mouvements de « l’économie sociale » à se constituer comme un monde « hors du monde », c’est bien celle du familistère de Guise et de son fondateur : Jean-Baptiste André Godin [1] [2]. L’expérience picarde est un concentré de la croyance en l’idéal de « l’économie sociale » dans toutes ses dimensions : la constitution d’un espace clos sur lui-même et capable de résister à la violence du capitalisme ; la réconciliation du travail et du capital ; et enfin, le modèle démocratique. Pour autant, la diversité des doctrines de « l’économie sociale » rend la généralisation abusive, et Godin finalement exploitable, non pas comme preuve universelle, mais plutôt comme cas exemplaire. Les tendances et sensibilités présentes dans l’« économie sociale et solidaire » sont multiples : du mutuellisme de Pierre Joseph Proudhon au réformisme social de Frédéric Le Play, la tradition des doctrines est d’emblée marquée par l’ambition d’une conciliation des contraires. Dès lors, construire l’« économie sociale et solidaire » comme objet de recherches devient périlleux dans la mesure où la posture critique se heurte au monopole de la vertu que les institutions, hétérogènes du point de vue de leurs ancrages politiques, sont parvenues à édifier de façon consensuelle [2].

2 Selon ses promoteurs, l’« économie sociale et solidaire » constituerait un monde à part incarnant potentiellement une « autre économie » qui permettrait de dépasser à la fois les conséquences négatives du capitalisme sur la société et la déshumanisation produite par l’organisation bureaucratique des institutions de l’État social. En effet, depuis sa genèse au XIXe siècle, l’économie sociale a fait l’objet d’une multitude de doctrines plus ou moins homogènes. En dépit de cette diversité, plusieurs traits saillants peuvent être dégagés : tout d’abord, force est de constater que la croyance dans l’économie sociale se structure au moment même où le capitalisme se développe sous ses formes les plus efficaces. Comme s’il avait fallu conjurer le spectre de la lutte de classes par le mythe d’une utopique et incantatoire « réconciliation de l’économique et du social ». Comme si la définition de ce qui est moral dans l’économie ne se restreignait plus à l’Église, longtemps désignée comme seule capable de s’en préoccuper, pour être confiée à de potentiels remplaçants, ni tout à fait publics, ni tout à fait privés, ni tout à fait marchands, ni tout à fait agents de l’État. Du phalanstère de Charles Fourier à la publication de l’ouvrage La Nouvelle économie sociale publié à la veille des élections présidentielles de 2002 et préfacé par Lionel Jospin, c’est effectivement la même conviction dans la capacité de l’économie sociale à dépasser la fausse opposition de l’État et du marché qui se donne à voir.

3 Les bases historiques de cette croyance pluriséculaire reposent ainsi sur trois mythes que l’on peut considérer comme fondateurs : les institutions de l’économie sociale formeraient un ensemble cohérent et homogène fondé sur une doctrine commune ; l’organisation démocratique des structures productives de l’économie sociale permettrait de dépasser l’antagonisme entre propriétaires des moyens de production et propriétaires d’une force de travail ; et enfin, ces structures (ré) inventeraient, au travers du principe affirmé « un homme, une voix », les formes possibles d’une « vraie » démocratie.

Le mythe d’un monde « hors du monde »

4 Ainsi, dire que l’« économie sociale et solidaire n’existe pas » [3] ne renvoie pas à la dénonciation d’une imposture, mais davantage au constat de la grande hétérogénéité des idéaux, des mouvements et des formes organisationnelles qui la composent d’une part, et de la conscience aiguë que ses promoteurs ont développée d’elle. En effet, les doctrines sur lesquelles reposent les institutions de l’« économie sociale et solidaire » ne sont pas univoques. Les « familles » qui les constituent (associations, coopératives, mutuelles) se caractérisent par des divisions internes pour différencier les « vraies » organisations légitimes de celles qui s’écartent de l’idéal, perverties par une dépendance excessive soit à l’égard des administrations publiques, soit à l’égard du marché.

5 Les observations conduites ces dernières années dans plusieurs organisations dont l’ambition est de réunir, au sens propre comme au sens figuré, les acteurs de l’« économie sociale et solidaire », les font plutôt ressembler à un conglomérat d’individus, par ailleurs souvent opposés sur les principes, qu’à une force constituée pour la définition univoque d’une forme spécifique d’économie. Ainsi, aux universités d’été ou autres colloques du Centre des jeunes dirigeants et des acteurs de l’économie sociale (CJDES) par exemple, se côtoient des banques (Crédit Mutuel, Crédit coopératif…), des mutuelles de santé (LAM, MACIF, Mutualité française, MNEF…), des représentants de collectivités territoriales, des syndicats (UNEF-ID, CFDT…), des coopératives de consommation, de production, des associations à vocation fortement différenciée (action sociale, insertion, lutte contre les discriminations, éducation, culture…), qui autour des tables rondes constatent en permanence les écarts dans leurs histoires, leurs croyances et leurs missions. Le CJDES – plutôt « à gauche » – tient lieu, au même titre que d’autres organisations plus « à droite », de vitrine aux mouvements qui y adhèrent. L’investissement de chacun se réduit la plupart du temps à une participation irrégulière aux manifestations et autres réunions du centre, chaque institution désignant la plupart du temps un élu bénévole pour la participation à ce type de célébrations.

Des inspirateurs aux pionniers, de l’utopie à la croyance agissante

6 Comme le rappelle Jean-Luc Souchet, « après le premier Empire, malgré les effets persistants de la loi Le Chapelier, les Sociétés de Secours Mutuels, sociétés de bienfaisance et de résistance, trouvent un développement nouveau. Elles se substituent progressivement aux corporations et au compagnonnage qui trouvent difficilement leur place dans le développement de la grande industrie » [4]. Les années 1840 voient la naissance de plusieurs centaines d’associations et de mutuelles que la répression de 1848 mettra partiellement à mal. Pour autant, la dynamique de créations est enclenchée et rendue possible par le combat de quelques intellectuels, politiques et/ou entrepreneurs qui parviennent à obtenir les premiers cadres juridiques pour la « prise en compte du fait social » – comme le revendiquera Charles Gide, l’un des chefs de file du mouvement coopératif français, en 1872. Ces revendications trouvent un écho plus favorable dans la République de 1870 qui, « sous l’Égide des radicaux appuyés à la fois sur la croyance au progrès et sur l’analyse des sciences sociales naissantes », introduit le nouveau concept de solidarité.

7 Les figures emblématiques de ces mouvements, attachés dans leurs ambitions au développement d’une « économie sociale », trouvent, en fonction de leurs trajectoires et des convictions qu’elles sous-tendent, leur inspiration du côté de Saint-Simon ou de Proudhon (portés par la volonté d’imposer la notion de besoins humains contre la logique des résultats financiers), de Fourier (attaché à proposer de nouvelles formes de répartition des richesses en distinguant les rémunérations du capital, du travail et du talent), de Marx puis de Guesde (investis dans la lutte des classes). Parallèlement, l’Église réaffirme, par l’intermédiaire du pape Léon XIII et de son encyclique Rerum novarum, sa légitimité à s’occuper de la question sociale et permet de relancer un mouvement social chrétien autour, notamment, de laTour du Pin et de Harmel.

8 À la fin du XIXe siècle, de « grandes lois républicaines » formalisent et permettent le développement d’initiatives alors pensées comme économiques et sociales. La loi Waldeck-Rousseau en 1884 recode les rapports entre employeurs et salariés en inaugurant notamment les conventions collectives. En 1898, la charte de la mutualité, complétée par une loi de 1910 sur les retraites ouvrières et paysannes, entérine la présence mutualiste dans le champ de la protection sociale. Dès 1880, un premier cadre juridique applicable aux associations est également proposé et permet aux gens ordinaires, en dehors des religieux, de se réunir en association [5]. Ce premier dispositif, qui a déjà alors un effet démultiplicateur (Charles Gide dénombre 90 000 associations en 1900) aboutit à la fameuse loi de 1901 qui lève la suspicion de l’État sur la multitude d’initiatives qu’il peut maintenant mieux contrôler. L’Église, qui perd partiellement la tutelle morale qu’elle conservait sur nombre de ces « associations », en profite également pour déclarer, et de ce fait légitimer, l’activité de nombreux groupements catholiques (hors congrégations). Il faudra attendre 1917 pour que soit promulguée une loi sur les coopératives, largement inspirée par le programme présenté par Charles Gide en 1889 devant la Fédération nationale des coopératives de consommation.

9 Avant 1945, on assiste finalement à un premier partage de la question sociale entre des associations, des mutuelles et des coopératives, que l’État agrée juridiquement, et à qui il délègue le traitement de certaines causes qu’il n’est pas encore parvenu à conquérir.

10 Alors que les associations s’emparent franchement des loisirs et de l’éducation populaire et que des « œuvres sociales » monopolisent l’aide aux plus démunis, les mutuelles s’investissent dans les retraites et l’assurance sociale (23 millions d’adhérents en 1898, 10 millions en 1938), puis très vite dans l’assurance des biens. La MAIF, par exemple, est créée en 1934 par des instituteurs vendéens, qui conjuguent alors la volonté de s’opposer aux assurances commerciales et celle de militer contre les mouvements d’extrême droite qu’elles sont soupçonnées de soutenir.

11 De leur côté, les coopératives se développent, le plus souvent de façon sectorielle avec les coopératives agricoles ou ouvrières de crédit. En parallèle, les dirigeants des mouvements les plus anciens organisent des institutions de rassemblement, limitées cependant par leurs appartenances politiques ou leurs convictions. Ainsi, dès 1912, Charles Gide crée l’Union coopérative, à côté de la Bourse coopérative des socialistes de Jean Jaurès.

12 Mais ce qu’il convient de retenir, au-delà de la diversité des engagements et des formes, c’est le lien qui va s’établir dès l’origine des diverses organisations entre développement des activités et élaboration d’outils politico-théoriques de légitimation des pratiques. La plupart des initiateurs et des premiers dirigeants de structures associatives, coopératives et mutualistes vont participer à produire un « discours sur », visant dans un premier temps à asseoir des visions principalement politiques ou religieuses du monde, et progressivement à produire un cadre moral à l’exercice d’une économie pensée comme autre. Sur ce dernier point, les querelles sont anciennes, nombreuses et finalement réduites à des oppositions périphériques (faut-il parler « d’autres façons d’entreprendre à côté du capitalisme », comme Georges Fauquet ? Ou bien « d’alternative », comme Charles Gide ? Ou bien encore de « projet coopératif » comme Henri Desroche ?), les uns et les autres participant ensemble à délimiter les frontières d’une économie qu’ils souhaitent contribuer à penser, à circonscrire, à inventer, et in fine à contrôler.

13 À la fin des années 1940, c’est-à-dire à la veille de la « grande OPA » de l’État sur une majorité de ces initiatives associatives, coopératives et mutualistes d’avant-guerre, les acteurs disposent donc d’un socle conceptuel dense pour envisager leurs actions, et les « intellectuels » de multiples sources d’inspiration.

L’« économie sociale et solidaire » comme « idéologie professionnelle » [6]

14 Au-delà des figures emblématiques de l’époque de constitution et de consolidation des différents mouvements apparentés à l’« économie sociale et solidaire », on retrouve, depuis la fin des années 1980 en France, des individus, dont les carrières d’universitaires ou de chercheurs vont reposer sur leur engagement savant et politique dans le champ de l’« ESS ». C’est donc à l’époque de la redéfinition du rapport instauré après-guerre entre l’État – moins social – et les associations, les mutuelles et les coopératives, au moment où ces organisations se développent massivement mais dans un contexte accru de concurrence avec les entreprises plus visiblement marchandes que ces « intellectuels » vont s’emparer de cette « nouvelle question sociale ». Les inquiétudes des acteurs, alors largement salarisés, quant à l’affirmation possible d’un positionnement spécifique de leurs structures, ni tout à fait public, ni tout à fait privé, offrent une place propice à la production d’un discours d’expert susceptible d’accompagner les transformations et in fine de les légitimer. Ainsi, en même temps que s’organise l’espace de l’« économie sociale et solidaire » au travers de la création des organismes fédérateurs, se déploient quantité de travaux en sociologie, en sciences économiques, en sciences de gestion, pour « penser » le phénomène.

15 Le Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales (le M.A.U.S.S.) est un exemple frappant de cet engouement pour la cause économique et sociale.

16 Comme on peut le lire sur le site de La Revue du M.A.U.S.S, créée parallèlement à cette association de chercheurs : « la décision de fonder La Revue du M.A.U.S.S. a été prise en 1981 par quelques universitaires, sociologues, économistes ou anthropologues français insatisfaits de l’évolution subie à l’époque par les sciences sociales. Ils leur reprochaient de se soumettre de plus en plus à l’hégémonie du modèle économique et à une vision purement instrumentale de la démocratie et du rapport social. La référence à Marcel Mauss et à la critique de l’utilitarisme qui inspirait l’École Sociologique française dans le sillage d’Émile Durkheim permettait de rassembler les énergies critiques de manière suffisamment claire et explicite. Une association de 1901 fut ainsi créée qui, tout de suite décida de publier une revue, conçue de manière très modeste à l’origine comme un outil de liaison et de discussion capable à la fois d’assumer les enjeux théoriques du projet mais aussi de s’ouvrir aux non-universitaires, aux militants et à toute personne soucieuse de réfléchir en dehors des corporatismes disciplinaires et du jargon académique. Au départ trimestrielle et totalement artisanale, La Revue du M.A.U.S. S, qui s’est d’abord appelée Le Bulletin du M.A.U.S.S (1982-1988), puis, après sa reprise par les éditions La Découverte en 1988, La Revue du M.A.U.S.S (trimestrielle), est devenue, en 1993, semestrielle. Au fil des années, elle a su intéresser bien au-delà du petit public initial et trouver auteurs et lecteurs hors de France. De même, peu à peu, dépassant la posture purement critique qui était la sienne au départ, elle a contribué au développement de tout un ensemble de théories et d’approches originales – dont le plus petit commun dénominateur est probablement ce qu’elle appelle le paradigme du don, qui la font maintenant apparaître comme l’organe d’un courant de pensée original dans le champ des sciences sociales et de la philosophie politique. [7]

17 Les publications des auteurs qui, dans les premières années d’existence du M.A.U.S.S., vont essentiellement s’attacher à remettre en cause le paradigme de l’intérêt comme seule explication des conduites – et par là même dénoncer le postulat des économistes [8], vont très vite s’attacher à défendre un projet de société. En 1996, avec la parution de Vers un nouveau contrat social, Bernard Eme [9], Jean-Louis Laville [10], Daniel Mothé [11], Bernard Perret [12] et Guy Roustang [13] affirment ce positionnement d’entre-deux entre science et militantisme et s’imposent progressivement comme ressources « théoriques » pour l’ensemble d’un secteur « ESS » qu’ils participent largement à constituer comme « monde singulier ».

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18 Comme le souligne Fanny Darbus [3], « forts de la définition selon laquelle l’“économie sociale et solidaire” désigne “l’ensemble des activités contribuant à la démocratisation de l’économie à partir d’engagements citoyens”, Bernard Eme et Jean-Louis Laville signalent, à travers la catégorie qu’ils ont créée, un secteur à part entière. (…) [Ils] présentent l’“économie sociale et solidaire” de manière savante comme un espace de production déjà là, mais à développer, au sein duquel la coopération remplacerait la concurrence, la recherche de l’intérêt remplacerait la maximisation des intérêts individuels. Dans un second temps, Bernard Eme et Jean-Louis Laville investissent la catégorie qu’ils ont créée d’ambitions performatives : les ambitions qu’elle décrit ont vocation à se démultiplier dans le champ du réel, tandis qu’au plan politique, elle consiste en un projet de transformation du système capitaliste par la moralisation des entités productives qui le constituent ».

19 Les analyses savantes, produites par les universitaires et les chercheurs (lors des colloques, au sein des laboratoires, dans les revues ou les ouvrages scientifiques) sont presque systématiquement accompagnées de discours programmatiques qui, s’ils existent en filigranes dans les publications, sont plutôt livrés par les auteurs au sein des organisations d’« économie sociale et solidaire » qui ne manquent pas de les solliciter. Ainsi, lors des assemblées générales, des assises, des universités d’été des différents mouvements ou autres fédérations, ces experts universitaires (re)construisent pour eux-mêmes la figure de « l’intellectuel militant » et fabriquent aux côtés des acteurs [14] le socle politique de leurs interventions. Ensemble, dans une correspondance floue entre les positions et les individus, acteurs et savants, « acteurs-savants », « savants-acteurs » définissent les contours d’une société nouvelle où l’« économie solidaire » peut prend toute son ampleur dans un mouvement unitaire et autonome.

20 En 2003, Alain Caillé écrit notamment : « Car l’économie solidaire, nous espérons l’avoir suffisamment montré, ne peut pas être un système économique. En revanche, elle peut être un système politique induisant des effets économiques. Mais elle n’induira d’effets économiques bénéfiques et véritables que pour autant qu’elle saura définir le type de démocratie qu’elle présuppose, et qui ne soit ni la seule démocratie marchande-spectaculaire ni la seule démocratie représentative, mais une démocratie associationniste, plus ou moins complémentaire des autres types de démocratie » [15]. Bien que l’on ne dispose d’aucune définition rigoureuse, « l’économie solidaire » s’est donc imposée comme catégorie conceptuelle dans le monde académique pour ensuite accompagner la mise en place de politiques publiques. On note ainsi la création, en 2002, d’un secrétariat d’État dédié dans le gouvernement de Lionel Jospin ainsi que la mise en place de services dédiés à ce qui est perçu comme un « secteur » dans les collectivités territoriales (notamment dans les régions acquises au Parti Socialiste depuis 2004). Or, l’appartenance à la catégorie repose moins sur un espace aux frontières objectivement circonscrites que sur un sentiment d’adhésion plus ou moins explicite, comme le montre Fanny Darbus dans son enquête sur les forums locaux de l’« économie sociale et solidaire » en Midi-Pyrénées. Si l’on peut parfaitement comprendre l’enjeu d’une reconnaissance d’un espace spécifique pour les praticiens, la position des chercheurs en sciences sociales qui apportent à la catégorie un vernis de scientificité et de respectabilité intellectuelle en contrepartie de l’adhésion d’un public de « fidèles » (ré) interroge la tension entre le « savant » et le « politique ».

Le mythe d’une (ré) conciliation du travail et du capital

21 Comme l’indique la citation du Manifeste, au début de cet article, les premiers penseurs et les entrepreneurs de l’économie sociale naissante ont d’emblée pour aspiration commune « d’émousser la lutte des classes et de concilier les antagonismes ». Le salariat est né suite à l’effondrement des anciens ordres professionnels fondés sur la relation maître/apprenti qui organisaient la structure sociale de la société d’Ancien Régime et qui ont été abolis par le décret d’Allarde en 1791. Une majorité des pionniers de l’économie sociale n’auront de cesse de rechercher une alternative à la subordination au capital qu’il institue et au conflit social qui en résulte. L’idéal de l’abolition du salariat est ainsi au cœur de leurs projets comme le met en évidence Robert Castel : « l’association porte une conception du social, dont la réalisation passe par la constitution de collectifs instituant des rapports d’interdépendances entre individus égaux » [4, p. 423]. Les premiers mouvements d’économie sociale portent en eux-mêmes l’ambivalence intrinsèque et fondamentale de leur rapport au capitalisme : d’une part, ils incarnent une aspiration à « travailler autrement » (que dans le cadre des rapports de production capitalistes) et contribuent ainsi à la dynamique naissante de résistance au capitalisme. De l’autre, leur institutionnalisation politique, en particulier au Second Empire par Frédéric Le Play, contribue à l’acceptation du rapport salarial par la socialisation des risques sociaux et la constitution d’un socle élémentaire de protections.

Subvertir l’ordre salarial

22 L’un des fondements communs aux différentes doctrines d’économie sociale est d’incarner une alternative à l’antagonisme des classes par l’association des travailleurs et des propriétaires des moyens de production. Cette spécificité fait qu’il est souvent stérile de plaquer telles quelles les catégories du marxisme aux rapports de travail dans l’économie sociale. Foyers de contestation sociale et de subversion, les premières organisations de l’économie sociale, comme les sociétés de secours mutuels, ont permis le développement de formes embryonnaires de protection sociale et ont incarné un mouvement de défense des intérêts des travailleurs proches du syndicalisme. Le mouvement des canuts de Lyon, dont Fernand Rude nous a décrit les étapes, est probablement un exemple pratique du mutuellisme prôné par Proudhon [5]. Les ouvriers de la soie organisent au sein d’une « association générale et mutuelle des chefs d’atelier de la ville de Lyon et des faubourgs », l’édition du journal hebdomadaire L’écho de la fabrique dont l’ambition est d’être la voix de la « caste prolétaire tout entière ». Rassemblés autour de la devise, « vivre en travaillant », l’association des canuts regroupe 1 234 membres en avril 1833 selon le mutuelliste Charnier. C’est à partir de cette date que la coalition adopte une forme quasi-syndicale en réglementant les prix et en défendant les intérêts de la profession. Réalité ambivalente, l’association des canuts constitue ainsi à la fois un mode de conservation de l’identité professionnelle héritée des corporations de l’Ancien Régime et un espace d’identification au mouvement ouvrier naissant. Par ailleurs, si les conditions matérielles d’existence sont objectivement très proches de celles des prolétaires, les canuts n’en demeurent pas moins des artisans, ce qui leur donne une autonomie et une capacité d’émancipation certainement plus importantes que celles d’autres travailleurs.

23 L’expérience historique des canuts lyonnais donne une incarnation à la conception proudhonienne de l’association selon lequel : « l’association serait un moyen d’inversion sociale en substituant la suprématie du travail à celle du capital » [6,p.79]. Le mutuellisme prôné par Proudhon repose sur la dénonciation de l’appropriation des produits du travail par le capitaliste qui ne paye que la valeur de la force de travail. Cette thèse évoque fortement la théorie de la plus-value chez Marx et a sans doute fortement inspiré ce dernier. C’est donc l’injuste répartition des produits du travail qui va conduire Proudhon à condamner la propriété comme infraction à l’égalité de partage. Pour parvenir à l’émancipation des travailleurs, il faut, selon lui, rechercher d’autres formes d’organisation du travail qui soient plus attentives à la juste répartition des produits du travail. Le thème de l’organisation du travail est par ailleurs l’objet central de la réflexion de Louis Blanc, républicain social et promoteur des « Ateliers nationaux » qui seront mis en œuvre après la révolution de février 1848 et s’achèveront sur la répression sanglante des journées de juin par le général Cavaignac. Dans ce qui n’est au départ qu’une simple brochure, et qui sera par la suite rééditée à maintes reprises, Louis Blanc dénonce la misère des populations laborieuses et prône l’intervention de l’État dans le cadre « d’Ateliers nationaux » : « Le gouvernement lèverait un emprunt, dont le produit serait affecté à la création d’ateliers sociaux dans les branches les plus importantes de l’industrie nationale » [7, p. 103]. Ces Ateliers nationaux, qui consisteront historiquement à des travaux d’entretien de voiries et d’aménagement urbain réalisés par des ouvriers oisifs et inoccupés, constitueront une forme primaire de protection sociale. En effet, Louis Blanc considérait qu’une partie des bénéfices recueillis devaient être répartis en portions égales entre les membres de l’association ouvrière. Ce qui restait devait être consacré à l’entretien des vieillards, des malades, des infirmes ; à l’allégement des crises qui pèseraient sur d’autres industries – toutes les industries se devant aide et secours ; et enfin à fournir des instruments de travail à ceux qui voudraient faire partie de l’association de telle sorte qu’elle pût s’étendre indéfiniment.

24 L’émergence des premières organisations de l’économie sociale est donc marquée du sceau de l’ambivalence. Comme le relève fort justement Henri Hatzfeld : « l’association ouvrière qui s’efforce de naître veut à la fois être secourable et défendre les intérêts professionnels d’une catégorie d’ouvriers » [8, p.192]. En ce sens, les sociétés de secours mutuels, créées en 1806, deviennent rapidement des lieux d’agitation sociale qui suscitent la suspicion des autorités. Il faudra en effet attendre le Second Empire pour que Louis Napoléon Bonaparte les reconnaisse, en créant le statut de « mutuelle approuvée » par décret le 28 mars 1852 avec pour objectif clair d’affaiblir leur caractère subversif. Ce statut connaîtra un vif succès puisqu’au moment de la publication du décret, 2 500 sociétés mutualistes étaient comptabilisées pour 270 000 mutualistes. En 1869, 4 200 sociétés étaient « approuvées » sur 5 700 sociétés au total. Ce geste politique fait apparaître la dualité profonde de l’économie sociale comme idéologie, à la fois critique de l’ordre économique capitaliste mais ouverte au compromis et à la réforme sociale. À tel point qu’elle peut se révéler complice d’entreprises politiques réactionnaires comme ce fut le cas notamment sous le régime de Vichy.

Faire accepter l’ordre salarial

25 Le 9 novembre 1940, la CGT est dissoute par le gouvernement de Vichy. La mutualité, qui s’est organisée officiellement au début du siècle au sein de la Fédération Nationale de la Mutualité Française (FNMF), est en revanche épargnée. Celle-ci approuvera la « Charte du travail », promulguée en octobre 1941, qui prône le « rapprochement entre les patrons et les ouvriers ». Romain Lavielle, secrétaire général de la FNMF, estime en effet que la Charte du travail est en conformit é «avec les buts poursuivis par les sociétés de secours mutuels depuis plus d’un siècle ». Si cette position n’est pour autant généralisable à l’ensemble des mutualistes, dont certains s’engagent très tôt dans la résistance comme le rappelle Patricia Toucas [9], elle témoigne néanmoins des limites des institutions de l’économie sociale à contester l’ordre établi et en particulier lorsqu’il s’agit de l’organisation des rapports de production. Comme le rapporte Michel Dreyfus, la FNMF prend clairement position en février 1942 pour la Charte du travail en mettant en avant la volonté de transcender les luttes de classes : « Le but suprême de la Charte du travail est de faire disparaître une des causes principales de division entre les Français, de rapprocher employeurs et salariés, et de réaliser l’unité nationale absolument indispensable au pays. Ce but est en complète harmonie avec la doctrine et l’action de la Mutualité qui a toujours tendu vers le développement d’une union agissante et d’une solidarité effective entre les diverses catégories de travailleurs » [10, p. 142]. Ces faits historiques rappellent l’ambivalence intrinsèque au mouvement de l’économie sociale que le rapprochement avec le pouvoir conservateur sous le Second Empire avait déjà fait apparaître. Issue des luttes sociales du début du XIXe siècle, l’institutionnalisation de l’économie sociale peut ainsi conduire certaines de ses composantes à adopter des positions favorables à l’ordre établi. Il ne faut évidemment pas négliger, parmi les paramètres explicatifs de l’attitude adoptée sous Vichy, la lutte qui l’oppose au mouvement syndical dans la conquête des positions de pouvoir. Quoi qu’il en soit, le regard historique révèle que le consensus politique suscité par l’économie sociale, à la fois plébiscitée par le centre droit comme par des partis politiques plus critiques à l’égard du capitalisme, peut en partie s’expliquer par son inépuisable capacité à concilier les contraires : salariat et esprit d’entreprise, État et marché, bénévolat et travail salarié, etc. Mythifiée pour sa filiation avec le mouvement ouvrier, elle apparaît également, à certaines périodes de l’histoire, comme un précieux instrument d’adhésion à l’ordre salarial capitaliste.

26 Le cas du Familistère fondé par Jean Baptiste André Godin à Guise en Picardie fait également apparaître la proximité de l’économie sociale avec le monde de la petite et moyenne entreprise. Issu d’un milieu modeste (père artisan serrurier), Godin a réalisé l’utopie de Charles Fourier en constituant un familistère inspiré du phalanstère de son auteur fétiche. L’expérience dure de 1859 (début de la construction) à 1968. Michel Lallement, à partir de l’exploitation des archives du Familistère, a étudié de façon approfondie les méthodes d’organisation du travail de l’entreprise de poêles et de matériel de chauffage fondée par Godin. La biographie de l’entrepreneur Picard révèle une profonde adhésion aux valeurs républicaines de la méritocratie et du solidarisme. L’organisation du travail au sein du Familistère est ainsi imprégnée d’une morale traditionnelle, qui vise à récompenser le mérite individuel, comparable à celle de toute entreprise paternaliste qu’elle appartienne ou non au monde de l’économie sociale. Selon Lallement, Godin identifie quatre facteurs qui permettent de définir le talent et de le valoriser par la rémunération : « la nature dont la part doit revenir aux invalides, aux faibles, à l’éducation des enfants… ; le capital (rémunéré sous forme d’intérêts) ; le travail (qui justifie le salaire et les appointements) ; et, enfin, le génie, qui se rend utile au travail et au Capital par ses découvertes, par les moyens de perfection et par l’assistance qu’il donne au développement de la Production » [1, p. 243]. L’entente des ouvriers pour répartir de façon équivalente les rémunérations aura raison des tentatives acharnées de Godin pour déterminer les fondements du « juste salaire ». Mais Godin n’en sera pas découragé pour autant. En 1880, il fondera l’association du capital et du travail après une série de conférences destinées à présenter sa doctrine philosophique. Doctrine qui rappelle les valeurs fondatrices de l’appartenance à l’économie sociale notamment à travers cette maxime : « chaque travailleur doit être associé et pas salarié » [1,p.306]. Parce que le travail libère autant qu’il asservit, les formes de l’organisation du travail sont en tension avec la doctrine élaborée et prêchée par Godin. Au sujet de l’organisation du travail dans le Familistère, Michel Lallement relève ainsi que « nous ne sommes pas loin du système professionnel dans lequel la priorité donnée à l’exécution va de pair avec une forte autonomie d’action et une dépendance directe au marché. Les ouvriers sont payés à la pièce, preuve que l’environnement économique pèse directement sur les formes de reconnaissance de la valeur de la force de travail » [1, p. 327]. De même, les conceptions de Godin sur la direction d’une entreprise expriment une autre contradiction sur l’articulation entre démocratie et méritocratie : les fonctions d’administration doivent selon lui être confiées à des individus éclairés dont les compétences sont très différentes de celles de l’ouvrier. Autrement dit, le pouvoir doit revenir à des individus dont les mérites scolaires auront été éprouvés comme les ingénieurs notamment. On perçoit ici l’influence nette de Saint-Simon et de l’esprit des lumières.

27 Concernant les pratiques du dialogue social dans les entreprises « sociales et solidaires », il convient également de mentionner l’enquête pionnière de Danièle Linhart réalisée au début des années 1970 au sein de la SCOP « l’Association des Ouvriers en Instruments de Précision » (AOIP). Cette recherche pointait déjà les limites de l’idéal démocratique dans l’entreprise. À partir d’une observation participante en tant qu’ouvrière de production, Danièle Linhart note en effet que « ni les écrits théoriques sur la coopération ne sauraient rendre compte de ce que sont, dans la réalité, les coopératives ouvrières de production » [11, p.122]. La monographie de l’AOIP révèle ainsi que l’accès au statut de travailleur sociétaire est, dans les faits, limité aux cadres et aux personnels de direction. La majorité du salariat d’exécution (ouvriers, manœuvres, employés, techniciens) ne dispose pas de ce statut. L’organisation du travail obéit aux normes traditionnelles du taylorisme et ne se différencie pas d’une entreprise industrielle capitaliste. En outre, la conscience que les ouvriers ont d’appartenir à une entreprise d’économie sociale est presque inexistante. L’auteure en conclut que l’aspiration humaniste de cette SCOP incarne moins une alternative aux rapports salariaux de production qu’une forme de « capitalisme à visage humain ».

28 L’attitude ambiguë de la mutualité sous le régime deVichy et les formes d’organisation du travail dans le Familistère de Godin, comme au sein de l’AOIP, révèlent ainsi les limites de l’idéal d’une réconciliation du travail et du capital au sein de l’entreprise d’économie sociale. Au mieux, celle-ci ne parvient qu’à en euphémiser le caractère radicalement antagoniste, et le passé mythifié, invoqué comme signe d’appartenance au mouvement ouvrier, apparaît surtout comme une révérence convenue à la fraction dominante des croyants.

Le mythe de la démocratie

29 La question de la différenciation entre les organisations d’« économie sociale et solidaire » est posée d’emblée par les initiateurs des différents mouvements. Ainsi, après les luttes sociales et juridiques menées au XIXe siècle et au début du XXe pour conquérir une existence légitime, les dirigeants des associations, des coopératives et des mutuelles vont s’attacher à inscrire, dans les textes – les statuts et les chartes notamment – et dans les discours, des principes alors réifiés comme fondateurs.

L’idéal démocratique

30 « Un homme, une voix » apparaît rapidement comme un outil potentiellement efficace, tant symboliquement que techniquement, de la distinction à trouver et à maintenir avec le marché. Ainsi, le fonctionnement des structures va privilégier, sous la forme des unions et des fédérations surtout, l’organisation pyramidale, les entités nationales n’étant que le conglomérat de représentants des niveaux régional ou départemental, eux-mêmes relais des unités locales. En parallèle, chaque membre – le plus souvent nommé « sociétaire » dans les coopératives et les mutuelles, « adhérent » ou « membre » dans les associations –, dispose d’un droit de vote, acquérant par le fait une sorte de « double qualité » [16] de propriétaire et client. Ce principe démocratique est d’autant plus mobilisable qu’il renvoie à l’existence d’un corps spécifique d’élus, bénévoles, exerçant leur mandat gratuitement aux côtés de professionnels rémunérés et recrutés au fil des besoins soulevés par la professionnalisation des activités pour prendre en charge le contenu technique des missions. La logique du désintéressement incarné par ces représentants élus profite au maintien de l’idéal démocratique, leur engagement privé de toute compensation financière fonctionnant alors comme garant de leur volonté exclusive de servir la cause de ceux qui les ont désignés.

31 Ainsi, les organisations d’« économie sociale et solidaire » ont inventé régulièrement des formes, des temps et des espaces de promotion de la démocratie, dans un souci constant d’affirmer la particularité d’un fonctionnement « par le bas ». Les assises correspondent par exemple à ce type de célébrations lors desquelles s’en remettre à la base – des sociétaires, des adhérents, des militants – représente une stratégie de légitimation d’une politique particulière, tant en interne pour les bénévoles, les salariés et les membres régulièrement en quête de sens, qu’en externe pour les concurrents à l’affût de privilèges infondés obtenus par ces entreprises « sociales », ou encore pour l’État qui conserve le pouvoir de délivrer l’onction de l’intérêt général.

32 L’examen du Crédit Mutuel et de ses transformations depuis la fin du XIXe siècle a permis de répertorier quelques-unes des manifestations propres à valoriser l’ancrage démocratique. Leurs premières assises nationales, tenues à Paris les 9 et 10 décembre 1977, consacrent cette volonté des instances dirigeantes, depuis lors sans cesse réitérée, d’affirmer la volonté de « rester fidèle à sa vocation d’écoute des besoins » [17]. Le procédé même de la consultation utilisé pour organiser l’événement nous amène à poser la question, non pas du contenu du discours produit ou de l’expression de la base, mais de son « autonomie relative par rapport au travail institutionnalisé d’encadrement et de mobilisation qui la constitue comme telle » [12, p. 58]. L’organisation de cette célébration nationale du culte mutualiste, qui sera reproduite en 1985 à Strasbourg, et en 1994 de nouveau à Paris, suivant une logique de consultation des caisses locales, participe au processus d’autonomisation d’un corps d’élus bénévoles, alors légitimés comme les véritables représentants d’un sociétariat populaire, dont le Crédit Mutuel se targue ainsi de satisfaire au mieux les besoins. L’objectif affiché de ces assises nationales est donc de susciter l’expression la plus large sur les problèmes de financement inhérents aux différentes catégories sociales et, selon les mots de Théo Braun – alors président de la Confédération Nationale du Crédit Mutuel –, de « décentraliser les centres de décision et [de] favoriser la participation ». « Cette participation, pour ne pas être un vain mot, exige bien entendu des structures qui permettent son exercice, et une répartition du pouvoir qui la rende authentique. Elle exige également la communication, la circulation de l’information et du savoir. Il ne saurait s’agir de “circulation à sens unique” et c’est ce qui nous a conduits à organiser cette consultation formalisée et très large. » [18]

33 Ainsi, les dirigeants nationaux ont identifié « des thèmes relatifs à la vie du Crédit Mutuel », qu’ils ont soumis aux caisses locales, chargées ensuite d’organiser leurs réflexions dans des rapports écrits. Ces documents envoyés aux fédérations régionales ont fait l’objet de synthèses, qui, après acceptation par le réseau, producteur initial des informations, sont remontées à la Confédération. La faible place accordée dans les documents finals à la restitution brute des problèmes évoqués par les administrateurs locaux, mais plutôt la multiplication de textes plus construits, plus rédigés attestent de ce que Charles Suaud décrit comme « un acte d’imposition symbolique », que seul ce type de consultation « populaire » pouvait produire. Celui-ci a « revêtu dans la pratique la forme de directives “méthodologiques” d’autant plus aisément acceptées qu’elles apportaient “une aide” indiscutable dans l’élaboration des rapports » [12, p. 70]. En effet, l’organisation des assises – qui suit le même schéma pour les trois éditions – entraîne la désignation de responsables chargés de retranscrire les discours à chacune des étapes de leur restitution, puis de les organiser selon une cohérence elle-même induite par les thèmes initialement proposés par la Confédération. À ce stade, trois axes sont proposés (« le client du Crédit Mutuel, la banque Crédit Mutuel et sa différence, le Crédit Mutuel et la société »), dont les contours encore peu précis construisent l’espace de réappropriation par les agents régionaux et locaux. Au même moment est posée par le comité national la question du choix des délégués, c’est-à-dire des représentants des caisses locales et des fédérations qui assisteront aux assises. À Annecy, on souligne que « les choix des délégués ne sont pas faits afin de ne pas démotiver ceux qui ne sont pas choisis » ; le président de Strasbourg « précise qu’il ne faut sans doute pas aller trop vite dans la désignation des délégués (...) pour motiver davantage de personnes ». L’organisation générale des assises – manifestation, mise en place des ateliers, logistique – est confiée à une agence spécialisée en communication. Un guide d’animation de réunions délimite les objectifs des assises, « les moyens pédagogiques, les conditions d’efficacité et le scénario » appropriés pour les atteindre. Des transparents sont fournis, précisant « les questions à ne pas manquer », des façons de « relancer la discussion », et proposant des rubriques « pour les provocateurs » et enfin « quelques éléments de réflexion sur l’environnement général, bancaire et financier ». Une lettre « du chef de projet » national stipule que « la réussite des ateliers – et donc des assises – dépend en grande partie de la capacité des présidents et secrétaires à exercer leurs missions respectives. Aussi convient-il d’accorder une attention toute particulière à leur désignation. Pour vous aider dans cette tâche, je vous adresse une courte note précisant le rôle et les qualités recherchées (...) ». Une fiche technique précisant le « rôle du président », les « qualités d’un président efficace » et les « qualités d’un bon secrétaire » est alors mise à la disposition des responsables. Un groupe de travail est mis en place : « [Il] devra identifier les points clés qui constituent le code de déontologie des élus et salariés et les droits et devoirs des sociétaires. Tout apport des groupes régionaux sur ces points sera le bienvenu. Sur la forme, il sera recherché une expression courte et directe (type “dix commandements”) qui pourrait être présentée aux médias. […] Un questionnaire « Moi, sociétaire, client du Crédit Mutuel, j’ai envie de vous dire… », préparé par la confédération, est mis à disposition des fédérations dans la perspective d’une enquête auprès des sociétaires, « afin de mobiliser l’ensemble des acteurs du Crédit Mutuel[19], [...] même si cette mobilisation générale est plus difficile une fois les délégués désignés ». Cette enquête sera finalement conduite lors des assemblées générales annuelles de caisses locales entre février et avril 1994, dans une volonté affichée de « permettre l’expression du plus grand nombre, […] d’apporter aux journées de juin la mémoire de ce brassage d’idées qui permettra aux 370 ateliers de s’alimenter en partie de la sensibilité des 50 000 acteurs du Crédit Mutuel » [20].

34 Ce qui est en jeu dans ce type de consultation n’est pas en soi l’exercice de la démocratie mais son idéal comme moteur de l’action. Les organisations d’« économie sociale et solidaire », qui ne peuvent prendre le risque d’une banalisation, trouvent dans ces formes spécifiques de management – pourtant coûteuses en temps, en ressources humaines et en moyens financiers – des outils de maintien de la croyance en leur différence.

35 Qui plus est, au fil des transformations, souvent destructrices du mythe militant de la première heure, seul le compromis démocratique permet l’engloutissement des disparités d’intérêt. Dans le cas du Crédit Mutuel, les initiateurs catholiques de l’Ouest, les pionniers historiques de l’Est, les nouveaux dirigeants parisiens, les représentants de l’État, les élus de caisses locales, les banquiers et autres commerciaux d’agences, les responsables des services centraux, retrouvent ensemble leur identité de citoyen, leur conscience humaniste, le temps de ce qu’ils nomment eux-mêmes une « piqûre de rappel ».

Démocratie et représentation

36 À la consultation du peuple s’ajoute la préoccupation du peuple. En effet, les organisations d’« économie sociale et solidaire » sont historiquement portées à s’occuper des catégories populaires dont elles ont à la fois la charge et la conscience. De fait, et alors que pouvaient perdurer aux prémices de certaines organisations – d’origine chrétienne par exemple – des formes traditionnelles d’encadrement des populations où les acteurs associatifs demeuraient dans une posture plus assistantielle que solidaire – la doctrine ecclésiale cherchant à maintenir les individus dans un ordre « divin » –, la question de la représentation se pose avec de plus en plus d’acuité à l’intérieur des associations, des mutuelles et des coopératives tandis que s’installent au dehors les démocraties politiques…

37 Les rapports de proximité entre membres, quelle que soit leur position institutionnelle, sont pensés comme étant au fondement des structures d’« économie sociale et solidaire ». Certaines analyses contemporaines [21] en proposant d’ajouter « solidaire » à « social » entérinent comme consubstantiel à ce secteur l’ancrage au niveau local, le lien avec le territoire, l’existence de liens sociaux de proximité. Cependant, les différents processus de professionnalisation, de salarisation, de développement qui affectent les organisations rendent difficile le maintien de la logique d’interconnaissance qui prévaut à des échelles réduites d’existence et dans certaines configurations sociales favorables notamment à l’exercice d’une notabilité traditionnelle. Dans ce contexte, la délégation des orientations et des décisions accordée par le vote à des représentants élus devient l’instrument privilégié pour le maintien de cette logique de la proximité. Et, alors que les dirigeants bénévoles sont très rarement les équivalents sociaux et économiques des membres, ils deviennent pourtant la figure emblématique du fonctionnement démocratique. Dès lors, les élus et leurs élections deviennent l’objet de maintes préoccupations tant sur le plan de la recherche des individus les « mieux placés » pour exercer la fonction que sur celui de la mobilisation des électeurs. On pense ici notamment au temps consacré à la préparation des assemblées générales, au sein desquelles la participation des membres est généralement très faible, mais qui fonctionnent comme des temps manifestes de l’exercice de la démocratie et du souci de la représentation. Ce qui compte ici n’est pas tant la représentativité effective que le fait de la construire collectivement comme but à atteindre.

38 Le vote, très souvent à main levée, – du bureau, du budget, du projet – qui reste l’outil incontournable de la consultation démocratique est systématisé, voire routinisé, lors des réunions annuelles où les présents valident la plupart du temps des choix et des bilans préparés en amont des assemblées. Au-delà de la nécessité juridique, les élections et les élus demeurent les marques de la différenciation et permettent symboliquement de se protéger d’une banalisation périodiquement crainte.

Conclusion

39 La tradition historique de l’« économie sociale et solidaire » repose sur des faits symboliques qui continuent de nourrir l’imaginaire de subversion du capitalisme invoqué par les institutions qui la représentent aujourd’hui. Il ne s’agit pas ici de jeter l’opprobre sur des militants, dont les convictions et la sincérité ne font aucun doute, mais plutôt d’interroger l’ambivalence intrinsèque du discours des institutions de l’économie sociale. Ambivalence qui demeure toujours actuelle : aussi à l’aise dans la célébration du nouvel esprit du capitalisme, par la référence à la fin du salariat fordiste et la promotion des vertus du modèle de l’employabilité ou de la rhétorique de l’entrepreneuriat, que dans la critique du capitalisme et de sa « nécessaire » moralisation, les institutions de l’économie sociale ont en effet toujours eu pour utopie fondatrice de concilier les contraires et juxtaposer les oxymores. Cet équilibre instable est au fondement des initiatives sociales et solidaires et suppose d’y ajuster des convictions suffisamment consensuelles pour assurer à la fois la pérennité et le renouvellement des institutions. Les analyses proposées ici, au contraire d’une « sociologie de la mauvaise foi », ont pour ambition de reconstruire les systèmes de croyance qui sous-tendent les actions et les sacralisent.

40 Il convient donc de mettre à distance les prophéties auto-réalisatrices et les rhétoriques performatives sous peine de réifier un secteur que l’on présente régulièrement comme porteur d’avenir alors qu’il signe surtout « l’avenir d’une illusion » [13]. Illusion de la subversion de l’économie capitaliste, constamment invoquée comme un rituel d’appartenance à la famille « sociale et solidaire ». Illusion de la proximité avec le service public, puisqu’en contribuant à substituer le travail d’intérêt général par du travail « d’utilité sociale », elle subvertit les fondements du statut de la fonction publique. Attendre l’avènement de l’« économie sociale et solidaire », comme Vladimir et Estragon attendent Godot dans la pièce de Beckett, relève donc bien de la croyance. En entretenant l’espoir d’une « autre économie », on est donc fondé à interpeller les chercheurs en sciences sociales, et plus particulièrement les sociologues : jouent-ils réellement leur rôle de « chasseurs de mythes », comme le préconisait Norbert Elias [22] ? //

Bibliographie

  • [1] LALLEMENT M., Le Travail de l’utopie. Godin et le familistère de Guise, Paris, Les belles lettres, 2009.
  • [2] MOULÉVRIER P., « Le Crédit Mutuel : l’économie sociale comme consensus », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 146-147, 2003.
  • [3] DARBUS F., « Pratiques et praticiens de l’“économie sociale et solidaire” (2000-2007). Contribution à la sociologie des croyances économiques ». Thèse de sociologie, Paris, EHESS, 2009.
  • [4] CASTEL R., Les Métamorphoses de la question sociale, Paris, Gallimard, 1999 [1995].
  • [5] RUDE F., Les Révoltes des canuts (1831-1834), Paris, La Découverte, 2007 [1982].
  • [6] GUESLIN A., L’Invention de l’économie sociale, Paris, Economica, 1992.
  • [7] BLANC L., Organisation du travail, Paris, Bureau de la société de l’industrie fraternelle, 1847.
  • [8] HATZFELD H., Du Paupérisme à la sécurité sociale, Nancy, Presses Universitaires, 2004.
  • [9] TOUCAS-TRUYEN P., Histoire de la mutualité et des assurances. L’actualité d’un choix, Paris, La Découverte/Syros, 1998.
  • [10] DREYFUS M., Liberté, égalité et mutualité. Mutualisme et syndicalisme 1852-1967, Paris, Éditions de l’Atelier, 2001.
  • [11] LINHART D., L’Appel de la sirène ou l’accoutumance au travail, Paris, Le sycomore, 1981.
  • [12] SUAUD C., « Le mythe de la base. Les États Généraux du développement agricole et la production d’une parole paysanne », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 52, 1984.
  • [13] BOIVIN L., FORTIER M., L’Économie sociale : l’avenir d’une illusion, Montréal, FIDES, 1998.

Notes

  • [1]
    Delors, J. (dir.), La création d’emplois dans le secteur tertiaire : le troisième secteur en France, rapport à la CEE, 1978.
  • [2]
    Les chiffres entre crochets renvoient à la bibliographie en fin d’article.
  • [3]
    Hély M., « L’économie sociale et solidaire n’existe pas », La vie des idées, avril 2008, http://laviedesidees.fr/l-economie-sociale-et-solidaire-n.html.
  • [4]
    « L’économie sociale : le choix de l’autre », texte présenté lors du colloque Histoire de l’économie sociale organisé par la MAIF, Lorient, 2007, p. 7 et p. 9 pour la citation suivante.
  • [5]
    Maurice Agulhon, « Associations et histoire sociale », La revue de l’économie sociale, avril 1988.
  • [6]
    Expression par laquelle Pierre Lascoumes se réfère aux travaux de nombreux chercheurs, enseignants-chercheurs et consultants sur le développement durable et qui, en même temps qu’ils ambitionnent de contribuer à la lecture savante ou experte des activités, militent pour leur déploiement. Pierre Lascoumes, L’Éco pouvoir : environnements et politiques, Paris, La Découverte, 1994.
  • [7]
    Source : www.revuedumauss.com/
  • [8]
    Nous pensons notamment ici à La Critique de la raison utilitaire. Manifeste du M.a.u.s.s, d’Alain Caillé paru à la Découverte en 1989.
  • [9]
    Sociologue, professeur à l’IEP Paris, chercheur au Lise CNRS CNAM Paris, et membre jusqu’en 2003 du CRIDA - Centre de recherche et d’information sur la démocratie et l’autonomie (association de recherche créée en 1984 par Renaud Sainsaulieu en marge des laboratoires traditionnels du CNRS).
  • [10]
    Socio-économiste, professeur au Conservatoire National des arts et métiers (CNAM), chercheur au Lise CNRS CNAM Paris, et membre jusqu’en 2003 du CRIDA.
  • [11]
    Auteur en 1959, aux éditions de Minuit, de Journal d’un ouvrier (1956-1958), puis en 1965 et 1973, au Seuil, de Militant chez Renault et Le Métier de militant, il s’associera au M.A.U.S.S. à la fois comme sociologue et comme professionnel « témoin » de la vie en usine et des combats – notamment syndicaux – qu’il convient d’y mener.
  • [12]
    Diplômé de Polytechnique et de l’ENSAE, ingénieur général des Ponts et Chaussées en poste au Conseil général de l’environnement et du développement durable, membre associé du Lise CNRS CNAM Paris.
  • [13]
    Sociologue, directeur de recherche honoraire au LEST CNRS et président du PADES – Programme Auto-production et Développement Social.
  • [14]
    Certains des enseignants-chercheurs et des chercheurs peuvent également être engagés dans les associations, mutuelles ou coopératives
  • [15]
    Alain Caillé, « Sur les concepts d’économie en général et d’économie solidaire en particulier », Revue du M.a.u.s.s, n° 21, p. 234.
  • [16]
    Nadine Richez-Battesti, Patrick Gianfaldoni, (dir.), Les Banques coopératives en France. Le défi de la performance et de la solidarité, Paris, L’Harmattan, 2006.
  • [17]
    « Synthèse de la consultation auprès des caisses locales », Les cahiers du Crédit Mutuel, n° 13-14, février 1978, p. 39. Louis Lichou, alors vice-président délégué de la Confédération Nationale, présenta, par le biais d’un discours, les résultats de cette « vaste consultation » dont la préoccupation majeure était de « faire participer chacun afin de parvenir tous ensemble à dégager les principes fondateurs de notre contrat mutualiste ».
  • [18]
    Interview de Théo Braun par Roger Gicquel retranscrite dans les Cahiers du Crédit Mutuel, op.cit., p. 7.
  • [19]
    Souligné dans le texte.
  • [20]
    L’ensemble des citations provient des lettres et documents référencés dans un dossier de la fédération Laco « Assises 1994 ».
  • [21]
    Voir notamment, Jean-Louis Laville, « L’économie solidaire : une nouvelle forme d’économie sociale ? », RECMA, n° 255, 1995.
  • [22]
    Cf. Qu’est ce que la sociologie ?, Paris, Pocket, coll. « Agora », 1991, p. 58
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