Notes
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[1]
« Il est battu par les flots mais ne sombre pas ».
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[2]
Séverin Legras. « L’agilité, nouvelle transformation pour l’entreprise », Documentaliste-Sciences de l’information, 2014, n°4, p.4-6
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[3]
Présentation de l’étude à la journée d’étude du congrès 2014 de l’ADBU. Voir aussi Michèle Battisti. « À quoi sert une bibliothèque universitaire et de recherche ? » Paralipomènes, 10 septembre 2014
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[4]
« Approche de l’innovation et de son management […], synthèse entre la pensée analytique et la pensée intuitive [qui] s’appuie sur un processus de co-créativité impliquant des retours de l’utilisateur final » (Source : Wikipédia)
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[5]
La conférence est disponible sur www.abf.asso.fr/2/143/514/ABF/61e-congres-de-labf-a-strasbourg-du-11-au-13-juin-2015
1Lors de ce congrès, quatre sessions, représentatives des innovations en cours dans les bibliothèques, ont retenu plus particulièrement notre attention.
« Faire plus avec moins »
2Face à la crise, les quatre médiathèques du Beauvaisis procèdent à des ajustements permanents : fermeture estivale par alternance, fermeture d’un point lecture, recours à un automate de prêt, etc. Elles ont aussi fait le choix d’une collection contemporaine couplée à un désherbage massif, compensant leurs collections incomplètes par des navettes plus fréquentes. En 2015, elles ont bénéficié de décisions déjà prises (nouveaux équipements, création d’espaces de convivialité, nouveau site web, prêt d’œuvres d’art, etc.), créé une page Facebook, proposé des liseuses, etc. Pour le public, les nouveautés se suivent. Développement d’un esprit réseau, remise en cause de routines, recours à des partenariats publics, rationalisation des choix, etc. ; la crise s’avère être une « opportunité » puisque la fréquentation et l’activité, en érosion depuis 10 ans, ont augmenté. C’est la même agilité [2], adaptation rapide et permanente aux situations qui se présentent, qu’elles mettront en œuvre en 2016.
3Les universités gèrent le coût croissant de la documentation électronique et, depuis la décentralisation, une masse salariale qui, sous le poids du glissement vieillesse-technicité de son personnel, tend à augmenter. L’ajustement qui touche tous les services est une source de tension forte. Pour y faire face, l’Université de Lorraine s’appuie sur plusieurs leviers : privilégier les ressources numériques et prioriser les acquisitions en mettant à la charge des laboratoires les ressources qu’ils sont les seuls à utiliser ; s’orienter vers les solutions alternatives (licences nationales, archives ouvertes) ; se regrouper pour faire des économies d’échelle ; optimiser la masse salariale par un « dépyramidage » des effectifs ; travailler en réseau (mutualisation et partenariat avec d’autres établissements publics) ; externaliser les services hors du cœur de métier.
4En Espagne, une étude de la Fesabid [3] sur l’impact économique et social des bibliothèques a démontré que le pays ne pouvait pas se passer de leurs services. Une étude similaire, financée par le ministère de la Culture, sera menée en France, sous l’égide de l’ABF.
Concurrence ou complémentarité ?
5Le bibliothécaire se fait concurrence. Si son rôle consiste à transmettre le savoir, le public trouve des informations sur des sites tels que Wikipédia auquel le bibliothécaire contribue, des sites institutionnels, voire des services en ligne, tels que le Guichet du savoir, créés et alimentés par des bibliothèques. La bibliothèque fournit des documents, tout comme Google books, créé à partir des fonds de bibliothèques accompagnés de notices rédigées par des bibliothécaires. Les bibliothécaires procurent des conseils, tout comme des sites commerciaux de critiques de livres ou de revues ou de sites collaboratifs comme Babelio où ils sont très actifs. Fort de son expertise, le bibliothécaire n’hésite pas à poursuivre sa mission qui l’incite à donner sa plus-value à toute action favorisant l’accès à la connaissance… au risque de se « dissoudre dans le Web ».
6Concurrencées sur leurs expertises, les bibliothèques le sont aussi sur leur territoire lorsque l’enjeu est de se réformer pour « tenir les coûts », en proposant des projets mobilisateurs pour un arbitrage politique en leur faveur, tout en restant lisible pour le public et les tutelles. Une bibliothèque peut alors choisir de développer des actions hors les murs et/ou d’être un tiers lieu, un lieu de socialisation, au risque de brouiller son image et de tomber dans le piège d’une politique de l’offre, en décalage avec la demande du public, et de ne pas être à la hauteur sur le plan des moyens. Elle peut aussi choisir de se recentrer sur ses missions et mener des actions en partenariat avec d’autres structures, démultiplier ainsi ses moyens par des logiques de complémentarité.
7Pour faire ressortir sa spécificité, sa marque, qui variera selon les contextes mais qu’il convient de cerner avec soin, la bibliothèque s’appuiera sur des actions de communication. En fonction de la stratégie fixée, couplée à une communication interne, elle pourra se faire connaître (notoriété), aimer (image), et faire agir, en ayant du poids sur les comportements. Avoir une vision stratégique, être inventif dans sa communication, jouer sur les technologies, c’est ce qui lui permettra aussi d’éviter le piège de l’« ubérisation ».
Construire un projet de service partagé
8Le projet de service en bibliothèque, feuille de route pour un établissement et ses équipes sur plusieurs années, liste les missions et fixe des objectifs. Outil d’adaptation du service public aux besoins des usagers, c’est aussi un outil interne de motivation et de conduite d’équipe, un outil de discussion avec les élus et les tutelles et un véritable outil de pilotage. Dans un projet de service partagé, la consultation des différents protagonistes revêt une importance cruciale car il doit être « l’affaire de tous », pour éviter les tensions : tensions internes entre les équipes, les catégories d’agents et les services ; tensions avec les tutelles ; tensions avec les usagers ; tensions d’ordre budgétaire et matériel qui font décroître la motivation des équipes sur le long terme.
9Pour garantir sa réussite, un projet s’appuiera sur une méthodologie solide. Il répondra à une mission, un objectif spécifique, sera assis sur une organisation claire et lisible, connue de tous, favorisant une communication interne efficace. Un projet doit se concevoir sous un angle multidimensionnel, intégrant la dimension personnelle, sociale, technique, économique et temporelle. Une phase d’observation, un pré-diagnostic, est nécessaire avant de concevoir le plan d’action et de le mettre en œuvre. Conduire un projet de service oblige à appréhender la notion de changement, de métamorphose, surtout dans le contexte actuel de mutation technologique et de nouvelles attentes des usagers. Son conducteur doit savoir expliquer, rassurer, mobiliser et montrer l’exemple.
10La démarche participative, adoptée par les deux projets de services conduits à la BDP du Gard et à la médiathèque de Noisy-le-Grand, a permis aux équipes de prendre réellement part à la construction du projet. Non seulement cette démarche s’est avérée efficace pour le réaliser, mais elle a permis de retrouver une cohésion d’équipe autour d’un projet professionnel co-construit. De tels projets de services partagés permettent, en effet, de gommer les tensions en interne, issues souvent d’un manque d’objectifs communs. Ils favorisent l’ancrage dans la durée des principes de volontariat et de transversalité au sein des équipes, dépassant la notion de clan, pour se tourner vers des objectifs professionnels indépendamment des affinités.
Innover pour exister
11Un conflit suite à l’installation d’une nouvelle médiathèque, une bibliothèque poussiéreuse, une interrogation sur son image, etc. ? Pourquoi ne pas recourir à un designer pour inventer ensemble des solutions ? Alliant pragmatisme, pour les retours concrets du terrain, et imaginaire, pour concevoir les diverses réalisations, la méthode adoptée pour résoudre différents types de problèmes, présentée à partir de plusieurs expérimentations faites en Alsace, est déclinée en 5 étapes. Elle consiste à explorer (recueillir des idées auprès du public), à outiller (cartographier les éléments recueillis), à imaginer plusieurs solutions concrètes, à les faire tester par le public et à mettre en forme celle qui sera retenue.
12Innover, ce n’est pas uniquement proposer quelques services phare, mais savoir penser une organisation dans une vision prospective et dans un avenir incertain. Innover, c’est s’interroger en permanence sur son identité et sur la manière de la présenter. Ce sont, paradoxalement, les tensions, les incertitudes et les désaccords qui sont propices à l’innovation. Le consensus obtenu, une institution n’innove plus. La tension, due à des visions différentes, est donc un signe positif, mais qu’il s’agit de comprendre pour la surmonter. Il faut convaincre en faisant partager une vision sur l’apport d’une technologie, d’un service, d’un projet, etc., en lui donnant du sens par rapport aux valeurs (équité, performance, créativité, etc.) portées par l’institution. Des compromis à trouver ? Adoptez une démarche de design thinking [4]. D’où aussi cette exhortation à adopter une « posture de réflexivité institutionnelle », gage d’innovation.
Congrès ABF, Strasbourg, 11-13 juin 2015. Inventer pour surmonter. Bibliothèques en tension [5]
> La bibliothèque en concurrence : quelle place dans une abondance de biens et services ? Propos de Lylette Lacôte-Gabrysiak, enseignante-chercheur à l’université de Lorraine, et de Juliette Lenoir, directrice des médiathèques de Nancy.
> Nouveaux outils, nouveaux services : comment choisir et évoluer en équipe ? Propos d’Olivier Zerbib, maître de conférences en sociologie de l’innovation, Institut de l’innovation de Grenoble, et de Jean Obrecht, architecte et professeur au lycée Le Corbusier, Illkirch-Graffenstadt.
> Construire un projet de service partagé malgré les tensions. Propos de Guillaume Blazquez, Cabinet Dialexis, et de Laurence Gaidan, Médiathèque de Noisy-le-Grand.
Notes
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[1]
« Il est battu par les flots mais ne sombre pas ».
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[2]
Séverin Legras. « L’agilité, nouvelle transformation pour l’entreprise », Documentaliste-Sciences de l’information, 2014, n°4, p.4-6
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[3]
Présentation de l’étude à la journée d’étude du congrès 2014 de l’ADBU. Voir aussi Michèle Battisti. « À quoi sert une bibliothèque universitaire et de recherche ? » Paralipomènes, 10 septembre 2014
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[4]
« Approche de l’innovation et de son management […], synthèse entre la pensée analytique et la pensée intuitive [qui] s’appuie sur un processus de co-créativité impliquant des retours de l’utilisateur final » (Source : Wikipédia)
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[5]
La conférence est disponible sur www.abf.asso.fr/2/143/514/ABF/61e-congres-de-labf-a-strasbourg-du-11-au-13-juin-2015