Couverture de I2D_153

Article de revue

Salariés, sachez communiquer avec les TIC dans votre entreprise

Pages 20 à 22

Notes

  • [1]
    Source : Médiamétrie, janvier 2012
  • [2]
    CA Versailles, 22 janvier 2014 n°12/03390
  • [3]
    CA Paris, 20 juin 2014 n°14/3090
  • [4]
    CA Paris, 22 janvier 2014 n°12/01863
  • [5]
    C. Cass., civile, Chambre sociale, 12 février 2013 n°11/28649
  • [6]
    CA Paris, pôle 6, ch. 7, 10 avril 2014 n°11/04388
  • [7]
    CA Versailles, 15 janvier 2014 n°12/01664.99
  • [8]
    C. Cass., civile, Chambre sociale, 26 janvier 2012 n°11/10189
  • [9]
    CA Colmar, 9 septembre 2014 n°13/01805
  • [10]
    CA Colmar, 8 avril 2014 n° 12/04500
  • [11]
    CA Limoges, 27 février 2014 n°12/01361
  • [12]
    CA Rouen, 15 novembre 2011 n°11/01830
  • [13]
    CA Besançon, 15 novembre 2011 n° 10/02642
  • [14]
    C. Cass., Chambre civile 1, 10 avril 2013 n° 11-19.530
  • [15]
    CA Lyon, 24 mars 2014 n° 13-03463
figure im1

1 En 2012, sur 40 millions d’internautes en France, 23 millions sont des salariés [1] qui utilisent quotidiennement Internet, Facebook, des disques durs, des fichiers, des courriels, etc. Comment ajuster sa communication personnelle et professionnelle dans l’entreprise avec ces technologies ? Comment concilier liberté d’expression, vie privée et obligation professionnelle du salarié dans l’entreprise ? Autant de questionnements soumis au juge dans les conflits du monde du travail.

Liberté d’expression du salarié et moyens de stockage des données

Le stockage des données fichier sur l’ordinateur professionnel

2 En principe, l’employeur peut prendre connaissance du fichier qui n’est pas identifié comme « personnel » sur l’ordinateur professionnel mis à la disposition du salarié. Le fichier ne sera estimé personnel que s’il porte expressément cette mention. C’est ce qui ressort de l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 22 janvier 2014 [2] qui a considéré que l’employeur pouvait utiliser comme preuve à l’encontre du salarié un fichier intégré dans le disque dur de l’ordinateur fourni au salarié par l’employeur identifié uniquement comme « mes documents ».

3 Ainsi, le fichier créé par le salarié et stocké sur l’ordinateur mis à sa disposition par l’employeur est considéré en principe comme professionnel et l’employeur peut en prendre connaissance hors la présence du salarié. C’est la ligne suivie par la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 20 juin 2014 [3] : l’ordinateur du salarié pouvait être consulté par l’employeur, les répertoires et fichiers n’étant pas expressément identifiés comme personnels.

4 Exceptionnellement, un employeur pourra accéder aux fichiers identifiés comme « personnels ». Ainsi, après autorisation du Président du tribunal de grande instance (TGI), un employeur a été autorisé à faire procéder à des constats par huissier de justice sur de tels fichiers. La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 22 janvier 2014 [4], avait autorisé cette intrusion « compte tenu du risque ou évènement particulier » résultant de l’utilisation sur un site Internet personnel au salarié de vidéos publicitaires réalisées pour les clients de l’employeur contrairement à son contrat de travail. Ce contrôle exceptionnel de l’employeur a été jugé par la Cour « justifié et proportionné au but recherché ».

Les stockages externes tels que le disque dur externe ou la clé USB

5 À leur égard, les décisions suivent la même ligne jurisprudentielle.

6 La clé USB personnelle au salarié connectée à l’ordinateur professionnel est présumée être utilisée à des fins professionnelles, ce qui permet à l’employeur d’avoir accès aux fichiers non identifiés comme personnels qu’elle contient, hors la présence du salarié. C’est ce que la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 2 février 2013 [5], à l’encontre d’une salariée licenciée pour faute parce qu’elle aurait enregistré sur une clé USB des informations confidentielles concernant l’entreprise.

7 Il en est de même d’un disque dur externe identifié par le salarié avec la dénomination « perso ». Cette mention a été estimée insuffisante pour la cour d’appel de Paris, le 10 avril 2014 [6], pour qui cette qualification ne conférait pas un caractère personnel à l’intégralité des données qu’il contient, présumées avoir un caractère professionnel, permettant ainsi à l’employeur d’ouvrir les dossiers et fichiers en présence du salarié.

8 Dans le prolongement de cette décision, la cour d’appel de Versailles a jugé le 15 janvier 2014 [7] un salarié qui avait copié sur un disque dur externe lui appartenant et qu’il emportait chez lui chaque soir des fichiers de la société tenue par un accord de confidentialité. En toute logique, la cour de Versailles a considéré que, même si ce disque dur externe appartenait au salarié, il était présumé l’utiliser à des fins professionnelles permettant à l’employeur, avec l’accord et en présence du salarié, d’avoir accès aux fichiers dont aucun n’était identifié comme personnel.

Liberté d’expression du salarié et messagerie électronique

9 Chaque jour en France, 6 millions de courriels sont échangés par 40 millions d’internautes dont 23 millions sont salariés. Distinguer les courriels professionnels des courriels professionnels est donc essentiel. La jurisprudence a fixé une série de cas.

10 • Un courriel envoyé de la messagerie personnelle en dehors du temps et du lieu de travail est privé.

11 C’est ce que la Cour de cassation, le 26 janvier 2012 [8], a décidé à l’égard d’un salarié licencié pour faute avec mise à pied conservatoire pour avoir dénigré sa supérieure hiérarchique. Il n’y avait pas, selon la Cour, de non-respect de l’obligation de discrétion et de loyauté puisque le salarié a envoyé son courriel litigieux de sa messagerie personnelle en dehors du temps et du lieu de travail à l’adresse électronique personnelle d’un collègue de travail. La Cour en conclut que ce message conserve un caractère purement privé.

12 • Un courriel adressé de la messagerie professionnelle est professionnel.

13 C’est un principe. Mais si ce message, même adressé à une messagerie professionnelle, a un contenu privé, il ne peut pas être utilisé par l’employeur contre le salarié car il relève de sa vie privée. Ainsi en a jugé la cour d’appel de Colmar, le 9 septembre 2014 [9], à l’égard d’un salarié qui s’est adressé via sa messagerie professionnelle à sa compagne, la Cour considérant qu’il ressortait de ce courriel une correspondance privée et que le salarié a droit, même pendant et sur son lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée et au secret des correspondances. Pour la cour, l’employeur pouvait consulter ces fichiers qui n’étaient pas identifiés comme personnels, mais il ne pouvait pas les utiliser à l’encontre du salarié dans une procédure judiciaire.

14 A contrario, le message envoyé d’une messagerie professionnelle peut être lu et utilisé par l’employeur à l’encontre du salarié si le message qu’il contient n’a pas de caractère privé. C’est ce qu’ont jugé les cours d’appel de Colmar, le 8 avril 2014 [10], et de Paris, le 4 mars 2014 [11]. La décision du tribunal de Paris est intéressante puisqu’il s’agissait d’un courriel placé dans la poubelle de l’ordinateur par le salarié et que, même dans ce cas, il doit être identifié comme personnel pour exclure son utilisation par l’employeur à l’encontre de son salarié.

Liberté d’expression du salarié sur Facebook

15 Sont inscrits sur Facebook 26 millions de Français dont 76 % appartenant à la tranche d’âge 18-54 ans, en âge de travailler. Or, le droit d’expression sur Facebook est également limité par les juges. Il appartient, en effet, au salarié de paramétrer son espace Facebook pour limiter le partage de ses informations. Des arrêts des cours d’appel de Rouen [12] et de Besançon [13], datés du 15 novembre 2011, rappellent que Facebook sera qualifié d’espace privé ou public en fonction des paramétrages effectués par l’utilisateur et que l’utilisateur qui souhaite assurer la confidentialité de ses propos doit vérifier que son interlocuteur avait limité l’accès à « son mur ».

16 D’autres précautions sont nécessaires. Le salarié doit limiter la diffusion de ses propos à une « communauté d’intérêt », ses amis agréés. Ainsi en a jugé la Cour de cassation, le 10 avril 2013 [14], à l’égard d’une salariée qui avait tenu des propos qualifiés d’injures publiques par son employeur. La Cour de cassation constate que les propos litigieux avaient été diffusés sur des comptes accessibles uniquement aux personnes agréées par la salariée, en nombre très restreint, formant une « communauté d’intérêt ».

17 Dans le cas contraire, le salarié peut être condamné pour abus de sa liberté d’expression. Ce fut le cas dans l’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon le 24 mars 2014 [15] à l’égard d’un salarié ayant diffusé un message sur Facebook sans activer les critères de confidentialité de son compte. Toutefois, la cour, qui avait examiné avec attention le comportement du salarié dans sa communication, avait constaté que les propos litigieux n’étaient accessibles qu’aux personnes connaissant son identité, ce qui n’était pas le cas des clients de l’entreprise. La cour a alors requalifié le licenciement pour faute grave du salarié en cause réelle et sérieuse.

18 La matière, comme on le constate, est complexe, évolutive, et la jurisprudence n’en est qu’à ses prémisses. Néanmoins, les juges font preuve d’un pragmatisme remarquable.

Récapitulatif

Fichiers
  • Ordinateur professionnel mis à la disposition du salarié
Principe : l’employeur peut accéder aux fichiers non identifiés comme « personnels » hors de la présence du salarié.
Exception : l’employeur accède aux fichiers identifiés comme « personnels » après autorisation du tribunal, « en cas de risque ou évènement particulier »
  • Disque dur externe ou clé USB connectés à l’ordinateur professionnel du salarié
Principe : la clé USB ou le disque dur du salarié sont présumés être utilisés à des fins professionnelles.
Exception : l’employeur accède aux fichiers non identifiés comme personnels en présence et avec l’accord du salarié.
Méssagerie électronique
Principe : un courriel adressé de la messagerie professionnelle est professionnel.
Exception : un message issu d’une messagerie professionnelle peut avoir un contenu privé même pendant le temps et sur le lieu de travail. L’employeur peut les consulter (hors ou en présence du salarié) mais ne peut pas les utiliser à son encontre.
Rappel : un courriel envoyé de la messagerie personnelle en dehors du temps et du lieu de travail est privé.
Le salarié doit paramétrer son espace Facebook pour limiter le partage de ses informations à une « communauté d’intérêt ».

Date de mise en ligne : 05/10/2015

https://doi.org/10.3917/i2d.153.0020

Notes

  • [1]
    Source : Médiamétrie, janvier 2012
  • [2]
    CA Versailles, 22 janvier 2014 n°12/03390
  • [3]
    CA Paris, 20 juin 2014 n°14/3090
  • [4]
    CA Paris, 22 janvier 2014 n°12/01863
  • [5]
    C. Cass., civile, Chambre sociale, 12 février 2013 n°11/28649
  • [6]
    CA Paris, pôle 6, ch. 7, 10 avril 2014 n°11/04388
  • [7]
    CA Versailles, 15 janvier 2014 n°12/01664.99
  • [8]
    C. Cass., civile, Chambre sociale, 26 janvier 2012 n°11/10189
  • [9]
    CA Colmar, 9 septembre 2014 n°13/01805
  • [10]
    CA Colmar, 8 avril 2014 n° 12/04500
  • [11]
    CA Limoges, 27 février 2014 n°12/01361
  • [12]
    CA Rouen, 15 novembre 2011 n°11/01830
  • [13]
    CA Besançon, 15 novembre 2011 n° 10/02642
  • [14]
    C. Cass., Chambre civile 1, 10 avril 2013 n° 11-19.530
  • [15]
    CA Lyon, 24 mars 2014 n° 13-03463

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