Notes
-
[1]
Aglietta, M, 2010, “La crise : les voies de sortie”, Michalon éditeur, Paris
-
[2]
Parmi les économistes qui ont contribué à nourrir ce débat, on retiendra sur le « versant droit » : Allais, M, 2002, « Nouveaux combats pour l’Europe : 1995-2002 », Clément Juglar, Paris ; Carayon, B, 2006, « Patriotisme économique », Editions du Rocher, Paris ; Greau, J.L, 2008, « La trahison des économistes », Gallimard, Paris ; Harbulot, C, 2007, « La main invisible des puissances », Ellipses, Collection « Mondes réels », Paris ; Lafay, G, 2007, « La France : horizon 2050 », Economica, Paris. Sur le « versant gauche », on mentionnera notamment Cassen, B, 2000, « Inventer ensemble un protectionnisme altruiste », Le Monde Diplomatique, février ; Dedieu, F, Masse-Stamberger, B, De Tricornot, A, 2012, « Inévitable protectionnisme », Gallimard, Paris ; Ha-Joon, C, Halimi, S, Lordon, F, Ruffin, F et Sapir, J, 2012, « Le protectionnisme et ses ennemis », Le Monde Diplomatique, LLL (Les Liens qui Libèrent), Paris ; Sapir, J, 2011, « La démondialisation », Seuil, Paris ; Todd, E, 2008, « Après la démocratie », Gallimard, Paris.
-
[3]
Selon la démarche initiée par Fernand Braudel cf. Braudel, F, 1977, « Ecrits pour l’histoire », Flammarion, Paris.
-
[4]
Weiller, J, Dupuigrenet-Desroussilles, G, 1974, « Les cadres sociaux de la pensée économique », Puf, Paris.
-
[5]
Perroux, F, 1965, « La pensée économique de Joseph Schumpeter », Droz, Genève.
-
[6]
Vu d’aujourd’hui, le contraste est saisissant entre l’optimisme relatif dont faisaient preuve les Français des années trente et la sévérité des jugements portés sur eux par les historiens de l’après-guerre. Ceux-ci décrivirent un pays plongé en pleine décadence et voué selon eux à une défaite militaire inéluctable face à l’Allemagne. Cf. Duroselle, J.B, 1979, « La décadence », Imprimerie Nationale, Paris, et aussi, Sauvy, A, 1965, 1972, « Histoire économique de la France entre les deux guerres », Fayard, Paris, (4 volumes). Ce point de vue est aujourd’hui discutable et discuté. La bataille de France semble être restée longtemps plus indécise qu’on ne l’a cru. Cf. Frieser, K-H, 2000, « La légende de la Blietzkrieg », in Maurice Vaisse (dir), « Mai-juin 1940. Défaite française, victoire allemande sous l’œil des historiens étrangers », Autrement. Par ailleurs, le général Albert Merglen a montré qu’il était possible de poursuivre la guerre à partir de l’Afrique du Nord en s’appuyant sur la supériorité navale des flottes française et britannique en Méditérranée. Cf. sur ce point Merglen, A, 1993, « La France pouvait continuer la guerre en Afrique française du Nord en juin 1940 », Espoir, n° 51, p 17-22 et du même auteur, « Quelques réflexions historiques sur l’armistice franco-germano-italien en juin 1940 », Guerres Mondiales et conflits contemporains, n° 45, 1995, p 79-73. On consultera aussi sur cette question le livre de Sapir, J, Stora, F, et Mahé, L, 2010, « 1940 : et si la France avait continué la guerre », Taillandier, Paris.
-
[7]
Siegfried, A, 1935, « La crise de l’Europe », Calmann-Levy, Paris, p 7
-
[8]
Siegfried, A, op cit p 71
-
[9]
Siegfried, A, ibid p 90
-
[10]
Siegfried, A, ibid p 104
-
[11]
Siegfried, A, ibid p 105
-
[12]
Siegfried, A, ibid p 111 et suivantes
-
[13]
Siegfried, A, ibid p 111 et suivantes
-
[14]
Hérisson, C, 1937, « Autarchie, économie complexe et politique commerciale rationnelle », Girard, Paris
-
[15]
Froment, P, 1931, « La Division Internationale du Travail et la reconstruction de l’Europe », Revue Politique et Parlementaire, Août
-
[16]
Ohlin, B, 1931, « Le cours et les phases de la dépression économique mondiale », Publications de la SDN, Genève
-
[17]
Lord Balfour, 1925, « Survey of Oversea’s Markets », Report of the Committee on Industry and Trade, London, volume 1
-
[18]
Bairoch, P, 1995, « Mythes et paradoxes de l’histoire économique », La Découverte, Paris
-
[19]
Brocard, L, 1929, « Principes d’économie nationale et internationale », Sirey, Paris. Parmi les principaux animateurs de cette école, on citera C. Hérisson, J. Morini-Comby, Y Séguillon, A.C. Le Bouteiller
-
[20]
Brocard, L, 1932, « Les nouveaux fondements du protectionnisme industriel », Revue d’économie politique, mars-avril
-
[21]
Rist, C, 1931, « La France économique en 1930 », Revue d’Economie Politique, mai-juin
-
[22]
Aftalion, A, 1931, « La crise du crédit dans le monde et en France », Le Capital, 10 novembre
-
[23]
Robbins, L, 1935, « La grande dépression », Payot, Paris
-
[24]
Von Hayek, F, 1939, « Profits, interest and investment and other essays on the theory of industrial fluctuations », Routledge, London. Von Hayek expliquait la crise de 1929 par le développement anarchique d’une “structure artificielle” de crédit excédant largement les besoins de la “structure naturelle de crédit” et ayant débouché sur une crise de confiance parmi les détenteurs de capitaux. Sa thèse s’opposait diamétralement à celle de Keynes qui avait diagnostiqué une crise de sous consommation due à l’insuffisance de la demande globale. Cf. Keynes, J.M, 1936, « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie », Payot, Paris
-
[25]
Nogaro, B, 1936, « La crise économique dans le monde et en France », LGDJ, Paris, p 245-246
-
[26]
Ansiaux, M, 1932, « Rapport sur la crise », Congrès des économistes de langue française, Domat- Montchrestien, Paris
-
[27]
Hermant, M, 1931, « Les paradoxes économiques de l’Allemagne moderne », Colin, Paris
-
[28]
Sur ce point cf. aussi Rivaud, A, 1932, « Les crises allemandes », Colin, Paris
-
[29]
Viénot, P, 1931, « Incertitudes allemandes », Librairie de Valois, Paris. L’Allemagne était perçue comme un facteur d’incertitude économique et politique. La question était de savoir comment faire pour équilibrer et contenir sa puissance au cœur de l’Europe
-
[30]
Hauser, H, 1935, « La paix économique », Colin, Paris
-
[31]
Pirou, G, 1946, « Economie libérale et économie dirigée », Sedes, Paris
-
[32]
Gignoux, C.J, 1941, « L’économie française entre les deux guerres », Sedes, Paris
-
[33]
Le Bouteiller, A.C, 1938, « Le commerce extérieur de la France depuis la crise de 1929 », thèse droit, Université de Nancy
-
[34]
Hoffher, R, 1939, « La politique commerciale de la France », Centre de Politique Etrangère, Paris, p 20
-
[35]
Destanne de Bernis, E, 1977, « Relations économiques internationales », Dalloz, Paris, tome1, p 556
-
[36]
Weiller, J, 1956, « Les préférences nationales et l’évolution structurelle », Revue des Sciences économiques, Liège, Mars
-
[37]
Weiller, J, 1957, « Observations sur le passage des théories aux politiques de l’échange international », Rivière, Paris
-
[38]
Weiller, J, 1954, « Revenu, change et balance des paiements d’Albert Aftalion à James E. Meade », Revue économique, mars
-
[39]
Sur la notion de « Paris sur structures neuves » cf. Perroux, F, 1954, « Les économies européennes entre les deux guerres mondiales » in « L’Europe sans rivages », Puf, Paris
-
[40]
Morini-Comby, J, 1931, « Mercantilisme et protectionnisme », Alcan, Paris
-
[41]
Perroux, F, 1940, « Autarcie et expansion », Médicis, Paris
-
[42]
Il est à noter sur cette question, l’évolution de la pensée de J.M Keynes. Très réservé au départ, il se rallia, à partir de 1933, de façon pragmatique au recours aux politiques protectionnistes. Cf. Keynes, J.M, 1933, « National Self Sufficiency », The Yale Review, vol 22, n° 4, New Haven, Connecticut
-
[43]
Marchal, A, 1931, « La conception de l’économie nationale et des rapports internationaux chez les mercantilistes français et chez leurs contemporains », Sirey, Paris
-
[44]
Après l’invasion de l’Ethiopie par les troupes de Mussolini, la SDN décida des mesures d’embargos contre l’Italie. Par ailleurs, les conflits se multipliaient à travers le monde (invasion de la Chine par le Japon, guerre civile en Espagne, etc…)
-
[45]
Landry, A, 1936, « L’autarcie », Rapport au Congrès des Economistes de Langue Française, Domat- Montchrestien, Paris
-
[46]
Landry, A, 1934, « La politique commerciale de la France », Sirey, Paris
-
[47]
Hoffher, R, 1939, « La politique commerciale de la France », Centre de Politique étrangère, Paris op cit
-
[48]
Séguillon, Y, 1942, « La compensation des échanges internationaux et l’économie dirigée », thèse de doctorat, Université de Nancy
-
[49]
Ce bloc se limitait à quelques pays, plutôt concurrents que complémentaires et qui menèrent des politiques essentiellement défensives
-
[50]
Boris, G, 1934, « La révolution Roosevelt », Gallimard, Paris
-
[51]
La France, qui était avant 1914, la 2ème puissance financière du monde, après la Grande Bretagne, ne se remit jamais de la Révolution Russe d’octobre 1917 où elle perdit ¼ de ses avoirs extérieurs. Sur ce point, cf. Shuker, S.D, 1976, « The End of French Predominance in Europe: The Financial Crisis of 1924 and the Adoption of the Dawes Plan”, University of North Carolina, Chapel Hill
-
[52]
Byé, M, 1935, « La reprise britannique et ses causes », Revue d’Economie Politique, mars-avril
-
[53]
A titre de comparaison, le tarif douanier de la France avec la Grande Bretagne, pays emblématique, fluctua de 9 % en 1913 à 13 % en 1931, puis à 17,5 % en 1934. Le protectionnisme français était un protectionnisme modéré comparé à celui de plusieurs de ses Grands Rivaux (Allemagne, Etats-Unis) cf. Landry, A, 1934, op cit
-
[54]
Wageman, E, 1938, « La stratégie économique », Payot, Paris
-
[55]
La France avait échoué dans sa tentative de recréer une zone commerciale, sous son influence, avec les Etats de l’Europe danubienne. Cf. Duroselle, J.B, 1979, op cit
-
[56]
La France échoua également dans sa politique d’élargissement des contingentements grâce à une série d’accords bilatéraux comme, par exemple, l’accord franco-polonais, qui ne donna pas les résultats escomptés. Enfin, elle appuya, sans plus de succès, le plan Van Zealand de relance de la coopération en Europe en 1938
-
[57]
En 1929, le plan Tardieu prévoyait de consacrer 17 milliards de francs à un vaste ensemble de travaux publics. Mais, jugé trop coûteux par le Parlement, il fut remplacé par la loi du 28 décembre 1931, qui affecta 3.5 milliards de francs seulement à des travaux d’intérêt général. Cette loi n’exerça aucun impact sur la situation économique.
-
[58]
En 1934, le plan Marquet proposa d’injecter 10 milliards de francs afin d’impulser un grand plan d’équipement et de travaux publics. Ce plan fut également rejeté par le Parlement.
-
[59]
Le plan de relance du Front Populaire en 1936 intervint trop tardivement. La dévaluation du franc fut sans doute insuffisante et ses effets positifs furent rapidement annulés par les hausses de prix et des salaires consécutives au mouvement social qui toucha la France cette année-là.
-
[60]
La couverture-or des échanges extérieurs de la France était passée de 53 % du total des échanges en 1928 à 97 % en 1934. Mais, ce « voile d’or » n’était qu’une illusion comme le démontra Albert Aftalion. Cf. Aftalion, A, 1938, « L’équilibre dans les relations économiques internationales », Domat-Montchrétien, Paris
-
[61]
En 1931, fut votée une loi spéciale accordant aux territoires d’outre mer 6 milliards de francs : 50 % pour les chemins de fer, 20 % pour l’équipement des ports, 15 % pour l’irrigation et les voies navigables et enfin 15 % pour l’hygiène et la santé.
-
[62]
La conférence impériale de 1935 affecta 3.5 milliards de francs à la construction de lignes ferroviaires (en particulier le Méditérranée-Niger et le Transsaharien).
-
[63]
Gignoux, C.J, 1941, op cit p 189-190
-
[64]
Hauser, H, 1939, « colonies et métropoles » in Rist, C, Pirou, G, « de la France d’avant guerre à la France d’aujourd’hui », Sirey, Paris
-
[65]
Jeanneney, J-M, 1941, « Description statistique de la France : 1919-1939 », Puf, Paris
« Celui qui voudra s’en tenir au présent, à l’actuel, ne comprendra pas l’actuel ».
1Traversant une crise majeure [1] et tandis que recommencent les discussions sur le degré d’ouverture (ou de protection) « soutenable » de l’économie française et européenne dans le cadre de l’économie mondialisée [2], il nous a paru intéressant de relire les débats qui se sont déroulés durant les crises du passé – et, en particulier, pendant la crise des années trente qui constitua, à bien des égards, le laboratoire de notre modernité. Le fil conducteur de notre réflexion sera le suivant : la crise actuelle est la première que l’économie française affronte, frontières ouvertes, alors qu’elle a traversé celles du passé, dans le cadre d’une « économie protégée ». En partant de ce constat, nous nous proposons de reéxaminer le passé à la lumière des questions du présent [3].
2Dans ce but, nous effectuerons des « va-et-vient », des « remontées historiques » entre le passé et le présent, entre les grilles et les modèles d’analyse des économistes d’hier et d’aujourd’hui [4], persuadé que nous sommes qu’une discipline s’affadit (sinon s’affaiblit) lorsqu’elle cesse de s’appuyer sur l’étude du passé et sur l’élaboration de modèles d’ « histoire raisonnée » [5].
3Nous nous mettrons à l’écoute d’une parole devenue aujourd’hui presque inaudible, celle des économistes français débattant entre eux de la crise des années trente et de ses voies de solution. Nous avons distingué parmi ces débats trois types de grilles de lectures spécifiques :
- la crise était une crise importée des pays neufs, mais la France y résisterait d’autant mieux qu’elle était une « économie complexe » et peu dépendante du commerce mondial.
- la crise était liée aux excès du crédit et de la « rationalisation industrielle », mais elle affecterait moins la France peu engagée dans la production de masse et la quête de débouchés extérieurs.
- la crise était une « crise de structure » liée à l’apparition de déséquilibres profonds au sein de l’économie mondiale et elle ne serait que partiellement atténuée par le recours au « protectionnisme de crise » et aux « marchés protégés ».
I – La crise était une crise importée des pays neufs, mais la France y résisterait d’autant mieux qu’elle était une « économie complexe » et peu dépendante du commerce mondial
4Vue de 2012, la France des années trente nous apparaît sous un jour paradoxal. Alors que de sombres présages s’accumulaient à l’horizon, la France de l’époque – et contrairement à celle d’aujourd’hui – conservait l’ineffable sentiment d’être une « île bienheureuse », surnageant au milieu du maelström de la crise économique mondiale. Comme chacun sait, le réveil allait être dramatique. Mais, à ce moment-là, la guerre n’était encore que l’un des scénarios possibles, et lorsque les Français se livraient au petit jeu des comparaisons internationales, ils n’étaient pas loin de penser, qu’à tout prendre, leur sort était plus enviable que celui de la plupart de leurs voisins. La prolongation de la crise nourrissait chez eux la conviction qu’il y avait une « exception française », exception qu’il s’agissait de préserver, coûte que coûte, des turbulences d’un monde qui achevait de se défaire sous leurs yeux [6].
I.1 – Une crise importée des pays neufs
5Un premier groupe d’économistes, à la tête duquel figurait André Siegfried, professeur à Science Po, analysait la crise comme une crise importée des pays neufs, et, en particulier, des Etats-Unis.
I.1-1 – André Siegfried : ou la crise des années trente vue de Science Po
6Unanimement respecté par ses pairs, tant pour la finesse que pour la perspicacité de ses analyses sur l’économie et la politique mondiales, André Siegfried jouissait à cette époque d’un statut assez comparable à celui dont bénéficiera un Raymond Aron après-guerre. Comment expliquait-il le déclenchement de cette crise ? Selon lui, celle-ci était étroitement liée à un « cycle de baisse des prix assez semblable à ce dont le monde a souffert de 1873 à 1894 environ… » [7].
7S’y greffèrent les séquelles de la liquidation de la 1ère guerre mondiale et, surtout, le déplacement du centre de gravité de l’économie mondiale qui s’ensuivit et qui modifia en profondeur l’équilibre des forces entre les pays et les régions du monde. La guerre, cette « saturnale des continents », en « renversant les courants de capitaux, a transformé les Etats-Unis de pays débiteur en pays créditeur, les substituant au moins pour un temps à l’Angleterre comme créanciers et prêteurs internationaux » [8].
8Parallèlement, la guerre avait décuplé « les possibilités de développement de l’industrie du nouveau monde » ce qui lui faisait dire que, désormais, « nous sommes en butte, partout, à une offensive généralisée d’industrialisation » [9].
9L’Europe occidentale, et plus particulièrement la France, se retrouvaient prises en tenaille : « Dans une mêlée, devenue générale, nous sommes maintenant pris entre deux feux, entre l’Asie et l’Amérique, entre le bas salaire de l’une et le haut salaire de l’autre, et, de quel que côté que ce soit, nous prêtons le flanc par quelque faiblesse » [10].
10La mutation des conditions de concurrence engendrée par le développement rapide de la « standardisation des outillages » a changé la nature même de l’usine qui est devenue « un mécanisme normalisé, automatique, interchangeable » [11]. Cette dynamique a surtout profité aux Etats-Unis qui, forts de leur « machinisme savamment utilisé » et de leur « organisation de type supérieur », ont connu « une exceptionnelle période de prospérité manufacturière. Mais, d’autres pays sont à leur tour entrés dans la danse, les pays neufs à bas salaires et aux monnaies dépréciées comme, par exemple, l’Inde, la Chine et le Japon qui ravissent à Manchester tout une partie de leur ancien empire » [12].
11Dans cette nouvelle « rivalité des continents », l’Europe est et sera doublement handicapée car « la géographie lui interdit le facteur de la masse et son âge celui de la jeunesse économique » [13]. C’est aux accents d’un pessimisme à la Paul Valéry qu’il évoque le déclin possible, sinon probable, de l’Europe, confrontée à l’irruption de la « civilisation de masse » de l’Amérique et à la montée en puissance des pays d’Asie.
I.1-2 – La crise, les pays neufs et la reconfiguration de la Division Internationale du Travail
12Cette thèse de la crise importée des pays neufs et, plus spécifiquement, des Etats-Unis, sera reprise par plusieurs autres économistes français de l’époque. Parmi eux figurait un jeune économiste, C. Hérisson, auteur d’une thèse fort appréciée sur l’autarcie. Il faisait remarquer ceci : « Les progrès techniques… ont permis aux hommes d’échapper, jusqu’à un certain point, même en ce qui concerne l’agriculture, aux localisations strictes imposées par la nature » et, ajoutait-il, « les nouvelles découvertes feront encore reculer le déterminisme géographique » [14].
13Ainsi, à la traditionnelle division internationale du travail qui avait existé avant 1914, et qui reposait essentiellement sur l’échange de biens manufacturés contre des biens primaires, succéda, à partir des années vingt, une nouvelle division du travail fondée, en priorité, sur l’échange de biens élaborés [15]. Ce type d’analyse se retrouvait également sous la plume d’experts internationaux comme l’économiste suédois Bertil Ohlin [16]. Dès 1925, Lord Balfour avait entrevu cette évolution du commerce mondial, consécutive à la 1ère guerre mondiale, et décrit le passage d’un « commerce de ravitaillement » à un commerce centré sur « l’échange de performances » entre pays parvenus à maturité [17].
14Selon ces experts, l’essor industriel des pays neufs, qui étaient tous à l’origine des pays agricoles, à l’instar des Etats de l’Europe danubienne ou des Dominions de l’empire britannique, s’était effectué à l’abri de tarifs douaniers. Ce faisant, ces pays s’étaient bornés à imiter ceux qui les avaient précédés sur le chemin du développement industriel et, notamment, la Grande Bretagne et les Etats-Unis. Car, et on l’oublie trop souvent, ces pays ne sont devenus libre-échangistes qu’afin de consolider une suprématie commerciale acquise auparavant sous protection douanière [18].
I.2 – Mais la France y résisterait d’autant mieux qu’elle était une « économie complexe » et peu dépendante du commerce mondial
15S’il y a une question sur laquelle les économistes français des années trente et ceux d’aujourd’hui divergent, c’est assurément sur le degré souhaitable d’ouverture de l’économie française aux échanges extérieurs. Les économistes actuels (en tout cas la plupart d’entre eux) considèrent qu’une ouverture sans cesse plus grande aux échanges mondiaux représente une force pour l’économie française, alors que ceux des années trente y voyaient plutôt une faiblesse. Leur point de vue était que la France surmonterait d’autant mieux cette crise qu’elle possédait une « économie complexe » et peu dépendante du commerce mondial.
I.2-1 – La France était une « économie complexe »
16L’idée d’ « économie complexe » renvoyait à une école de pensée aujourd’hui oubliée, et à son chef de file, Louis Brocard [19]. Cette théorie reposait sur la nécessité de maintenir dans la durée une croissance régulière (et non optimale) et équilibrée. Louis Brocard et ses disciples attachaient une importance fondamentale à ces deux objectifs de la politique économique nationale. Celle-ci impliquait la sauvegarde d’un double équilibre :
- D’une part, entre l’agriculture et l’industrie,
- D’autre part, entre les industries légères et les industries lourdes.
17- Privilégier un développement industriel équilibré : Louis Brocard et son école recommandaient la sauvegarde d’un équilibre entre deux types d’industries : les industries légères et les industries lourdes. Là encore, ils invoquaient deux arguments. Le premier était lié à la recherche d’une croissance équilibrée et harmonieuse de l’appareil productif national. Le second consistait à dire que si les industries lourdes étaient indispensables à l’indépendance et à la sécurité du pays, elles ne devaient cependant pas être systématiquement privilégiées. Pourquoi ? Tout d’abord, à cause de leur caractère cyclique et instable, à l’origine de fréquentes crises de surproduction industrielle. Ensuite, parce que les pays qui en avaient fait l’axe de leur développement industriel étaient voués à une quête effrénée de débouchés extérieurs et à d’incessantes guerres des prix.
I.2-2 – Et peu dépendante du commerce mondial
18Louis Brocard et son école insistaient sur un autre point à leurs yeux essentiel à la stabilité de l’économie française : sa faible dépendance à l’égard du commerce mondial. Ils jugeaient nécessaire le maintien de l’équilibre entre le marché intérieur et les marchés extérieurs. Un marché intérieur fort était considéré comme le moteur d’une croissance régulière et équilibrée. Toutefois, les partisans de « l’économie complexe » n’étaient pas hostiles aux échanges extérieurs qu’ils considéraient comme une composante importante de la prospérité nationale – et sur ce point, ils prenaient grand soin de se démarquer des tenants de l’autarcie. Par contre, ils prônaient la présence de l’Etat aux frontières et considéraient le recours au protectionnisme comme indispensable à la défense des structures de production et d’échange de l’économie nationale [20]. Vus avec nos yeux d’aujourd’hui, Louis Brocard et son école pourraient à bon droit passer pour des précurseurs du « développement durable » - ils visaient une croissance régulière plutôt que la maximisation du revenu national – et la sauvegarde de l’indépendance et de la sécurité nationales dans un monde troublé plutôt que l’insertion la plus poussée possible au sein de l’économie mondiale.
II – Une crise liée aux excès du crédit et de la « rationalisation industrielle » mais qui affecterait moins la France peu engagée dans la production de masse et la quête systématique de débouchés extérieurs
19Autour notamment de Charles Rist, d’Albert Aftalion, de Jean Lescure et de Bertrand Nogaro, un second groupe d’économistes analysait la crise, non seulement comme une crise importée des pays neufs, mais comme la conséquence des excès conjugués du crédit et de la rationalisation industrielle. Toutefois, ces économistes pensaient que cette crise affecterait moins la France que ses « Grands Rivaux » (l’Angleterre, l’Allemagne et les Etats-Unis) parce que celle-ci était moins engagée qu’eux dans les industries de production de masse et dans la recherche systématique de débouchés extérieurs.
II.1 – Une crise liée aux excès du crédit et de la rationalisation industrielle dans les pays neufs
20Ainsi, dès 1931, l’un des économistes les plus en vue de l’époque, Charles Rist écrivait : « la crise n’est pas née en France. Elle est née en Amérique. La dépression est le simple contre temps de ce qui s’est passé outre Atlantique. Seule l’explication de la crise américaine fournit la clé de nos propres difficultés ». Autrement dit, et selon cette analyse, c’est par le biais de son commerce extérieur que la France avait été touchée par le déclenchement de la crise mondiale : « une réduction brutale des exportations de plus de 7 milliards de francs, dont 4.5 milliards pour les objets fabriqués et de 2.5 milliards pour les matières nécessaires à l’industrie (diminuées de 3.5 millions de tonnes) avec un déficit total (c’est-à-dire, compte tenu du commerce colonial) de la balance de plus de 13 milliards contre 10 milliards en 1929 ne pouvait pas ne pas influencer profondément toute notre économie » [21].
21Prolongeant les analyses de Charles Rist, l’un des économistes les plus brillants de sa génération, Albert Aftalion expliquait le déclenchement de la crise mondiale par l’excès de crédit. Il expliquait que la multiplication des crédits aux entreprises accordés par les banques avait suscité une rationalisation excessive des appareils productifs dans les pays neufs, et, surtout, aux Etats-Unis. A leur tour, ces excès avaient conduit à une crise générale de surproduction industrielle [22].
22L’analyse développée par Albert Aftalion était très proche de celles développées, en Europe, par d’autres économistes libéraux, tels que Lionel Robbins [23] et Friedrich Von Hayek [24].
23Un autre économiste français réputé, Jean Lescure, soutenait, lui aussi, que la crise économique de 1929 était une crise généralisée de surproduction industrielle et qu’elle avait été engendrée par les politiques de « rationalisation à outrance » des appareils productifs pratiquées dans les pays neufs [25].
II.2 – Mais elle affecterait moins la France, peu engagée dans la production de masse et la quête systématique de débouchés extérieurs
24Dans son rapport sur la crise prononcé en 1932 lors du congrès des économistes de langue française, M. Ansiaux expliquait celle-ci par les excès de la rationalisation qui avaient conduit à une crise des débouchés industriels dans la plupart des Grands Pays Industriels. Afin d’illustrer son propos, il prenait l’exemple de l’industrie automobile américaine. Son essor avait reposé sur l’octroi de crédits aux entreprises par les banques. Cependant, lorsque la confiance disparut, après la crise de Wall Street, l’industrie automobile américaine plongea dans la récession. La France, selon M. Ansiaux, moins engagée dans la course à la rationalisation industrielle, demeurerait relativement épargnée par la crise [26].
25Ce thème des « excès de la rationalisation » dans l’industrie, et notamment dans les industries lourdes, était récurrent dans la littérature économique française de l’époque. Ainsi, l’un des meilleurs spécialistes de l’économie allemande, Max Hermant, s’inquiétait-il des excès de la rationalisation dans l’industrie allemande et de la pression accrue à la recherche de débouchés extérieurs qu’elle entraînerait immanquablement, à travers une dépréciation continue de la valeur du Mark [27]. C’est ce qu’il appelait la politique du « relativisme monétaire », politique qui d’après lui, rapprochait l’Allemagne de Weimar de celle des pays neufs d’Asie à monnaies dépréciées [28].
26L’économie allemande – il s’agissait encore à cette date, mais pour peu de temps, de l’Allemagne de Weimar – était perçue comme une économie à la fois hyper-dynamique et très instable [29].
27Des analyses similaires étaient défendues par des économistes tels que H.Hauser [30], G.Pirou [31], C.J Gignoux [32] ou A.C Le Bouteiller [33]. Ces économistes soulignaient le fait que les pays spécialisés dans les industries de production en grandes séries – tels que l’Allemagne ou les Etats-Unis et très tournés vers l’exportation étaient, par nature, des pays instables et secoués par de fréquentes crises de surproduction industrielle.
28La France, moins spécialisée qu’eux dans ce type d’industries et, moins dépendante du commerce extérieur, était donc aussi moins vulnérable aux crises – crises dont elle subissait les effets de manière indirecte via son commerce extérieur. Notre pays devrait se garder d’imiter ses « Grands Rivaux » et conserver, autant que faire se peut, sa spécialisation dans les industries de qualité plutôt que de s’orienter, par mimétisme, vers les « industries du travail en grande série ».
III – Une « crise de structure » liée à l’apparition de déséquilibres profonds au sein de l’économie mondiale et qui ne serait que partiellement atténuée par le recours au « protectionnisme de crise » et aux « marchés protégés »
29Les économistes de la « jeune garde » des années trente et, notamment, Maurice Byé, André Marchal, François Perroux et Jean Weiller, proposèrent une nouvelle grille de lecture de la crise. Contrairement en cela à leurs aînés, ils virent dans cette crise, davantage qu’une crise de surproduction, une « crise de structure », et dont seuls des changements structurels profonds, seraient susceptibles de venir à bout.
III.1 – La crise des années trente : du « crépuscule des automatismes » de marché à la « crise de structure »
30Parmi ces économistes, l’un des premiers, R. Hoffher, parla du « crépuscule des automatismes » de marché. Il diagnostiqua également l’émergence de déficits commerciaux « d’amplitude anormale », « qu’aucun rétablissement spontané ne vient, soit automatiquement, soit par le jeu des correctifs douaniers, rétablir en équilibre de compromis » [34].
31Cette conjoncture de crise, tant pour son amplitude que par sa durée, fit naître toute une série de doutes sur les possibilités réelles d’un retour automatique à l’équilibre des marchés.
III.1-1 – Le « crépuscule des automatismes » de marché
32Cette situation frappa les esprits des jeunes économistes de l’époque. Elle provoqua chez eux un transfert de leurs centres d’intérêt de l’analyse des automatismes de marché, jugés grippés, voir inopérants, vers celle des structures et des systèmes économiques. Comme le nota fort justement Gérard Destanne de Bernis, Jean Weiller, le premier, attira l’attention de ses pairs sur un fait jusqu’ici négligé, à savoir « la volonté d’une nation d’assurer la permanence des structures qu’elle préfère » [35]. Selon cette approche « structuraliste », les Etats ne choisissent jamais entre un libre échange ou un protectionnisme chimiquement purs, mais entre différents degrés d’ouverture ou de protection de leurs échanges extérieurs. Leurs choix de politique économique ou commerciale sont toujours à mettre en relation avec les préférences de structures propres à chaque pays [36].
33Les préférences nationales de structures étaient en quelque sorte « la marque de l’obstination des Etats à résister à l’enseignement classique » [37] - et il mettait l’accent sur l’importance qu’il y avait pour les économistes à réinsérer dans leurs grilles et leurs modèles d’analyse, les « éléments extra-scientifiques » tels que les aspects socio-politiques, le jeu des groupes de pression et les calculs des coalitions au pouvoir dans tel ou tel pays.
34Ainsi analysait-il la crise des années trente, non comme une crise classique, mais plutôt comme une « crise non ricardienne », c’est-à-dire, une conjoncture ou les inélasticités des offres et des demandes rendaient inopérants le re-équilibrage des marchés par le jeu traditionnel des variations des effets prix et des effets revenus [38]. Dans ce type de situation, la sortie de crise ne pourrait résulter que de changements structurels profonds mais, ceux-ci se heurteraient toujours à la volonté des Etats d’agir pour défendre leurs préférences de structures [39].
III.1-2 – La cristallisation d’une « crise de structure »
35La combinaison de déséquilibres persistants et d’une amplitude anormale des déficits des balances des comptes extérieurs des Grands Pays Industriels intrigua au plus haut point ces jeunes économistes. Ils constataient un divorce croissant entre les enseignements classiques de la théorie du commerce international qui postulaient un retour à l’équilibre par le jeu des automatismes de marché et la réalité qu’ils avaient sous leurs yeux. Ce constat les conduisit à prendre leurs distances avec les grilles et les modèles d’analyse légués par leurs maîtres. Ils se focalisèrent sur l’action des structures – structures de production et d’échange – sous-jacentes au jeu des automatismes de marché. Ils soulignèrent la viscosité de ces structures d’activités et les interventions plus ou moins directes des Etats afin de les pérenniser pour des raisons socio-politiques ou stratégiques.
36Ils mirent également en lumière le rôle des « règles du jeu » auxquelles se réfèrent plus ou moins les Etats afin de justifier leurs décisions de politique économique ou commerciale. Ils notèrent qu’en période de crise, la flexibilité des politiques commerciales venait compenser, au moins partiellement, la rigidité des structures d’activité de chaque pays. C’est l’analyse de cette situation qui les amena à parler, non plus de crises de surproduction industrielle comme leurs aînés, mais d’une « crise de structure », crise dont ils pressentaient qu’ils ne sortiraient pas sans d’importants changements structurels, changements qui s’avéraient pour l’instant, hautement improbables, dans le contexte de crise de la coopération internationale.
37Cette « crise structurelle » suscita la montée en puissance des « protectionnismes conservateurs », qui se substituèrent, sans coup férir, aux « protectionnismes d’expansion », qui avaient accompagné la phase de croissance économique des années vingt [40].
38Parallèlement, se développèrent des politiques à visée autarcique [41]. Le but majeur poursuivi par ces différentes politiques, était de reconstituer des équilibres au sein de zones d’influence plus ou moins larges, et cela même s’il s’agissait du retour à des « équilibres sur niveaux déprimés » [42].
39Au cours de cette période, les économistes français manifestèrent un regain d’intérêt pour la théorie et les politiques de l’ère mercantiliste [43], au moment même où réapparaissaient en Europe, au-delà des conflits commerciaux, les risques de guerre [44].
40En 1936, Adolphe Landry notait que « dix huit ans après la fin de la guerre, l’idée de la guerre possible obsède le monde entier comme jamais peut-être il n’était arrivé. Contre de pareils risques, on voudra se prémunir en réalisant l’autarcie pour un nombre de marchandises plus ou moins grand, pour une partie de production plus ou moins vaste selon les pays envisagés » [45].
III.2 – Et qui ne serait que partiellement atténuée par le recours au « protectionnisme de crise » et aux « marchés protégés »
41Après l’abandon par la Grande Bretagne de l’étalon-or et la dévaluation de la livre sterling et tandis que l’Allemagne venait d’instaurer le contrôle des changes – et, à sa suite, les Etats de l’Europe danubienne, désormais entrés dans sa zone d’influence – la France se replia sur le « bloc-or » tout en ayant recours au contingentement des entrées de produits agricoles et industriels [46].
III.2-1 – Entre « bloc-or » et contingentement des importations : une France sur la défensive face à ses « Grands Rivaux »
42Ainsi, R. Hoffher notait-il que l’économie française subissait « une déviation d’ensemble de l’économie avec primauté du marché intérieur » et il indiquait que la part du commerce extérieur par rapport au revenu national était tombé de 28,2 % en 1929 à seulement 13 % en 1934 et il faisait remarquer que les industries les plus vulnérables étaient, outre les industries de luxe – traditionnellement tournées vers l’exportation – les industries de travail en série comme l’automobile [47].
43La politique de contingentement des importations ou politique dite du « bilatéralisme de crise » consistait en ceci : « Le règlement des échanges s’effectue dans les deux pays contractants de la même manière. Dans chacun d’eux, les importateurs sont tenus de verser en leur propre monnaie le montant de leurs achats à l’Office Central de Compensation et celui-ci remet ensuite, et naturellement en la même monnaie, le produit de ses recettes d’exportation » [48].
44Cependant, et en dépit du recours aux techniques du « protectionnisme de crise », la tentative de faire du « bloc-or » un pôle de stabilité dans un monde plongé en plein désordre, échoua. Elle se heurta aux faiblesses internes du « bloc-or » [49]. La dévaluation américaine de 1933, décidée par le président Franklin D. Roosevelt, accéléra la baisse des prix-or mondiaux et vida de sa signification la politique du « bloc-or », surtout après le retrait de la Belgique [50].
45L’échec du « bloc-or » montra que la France n’était pas – ou plus exactement n’était plus [51]- une économie dominante comme l’était encore, à cette époque, la Grande Bretagne. Celle-ci se replia sur le bloc Sterling et sur son empire, et elle recréa, à l’intérieur de sa sphère d’influence, un système d’échange reposant sur un « multilatéralisme partiel » [52]. La France n’était pas non plus un « Etat-continent » comme les Etats-Unis qui se replièrent sur leur marché intérieur, à l’abri de barrières douanières renforcées par la loi Smoot-Hawley de 1930 qui porta à 48 % le tarif douanier moyen sur les produits industriels importés par les Etats-Unis – contre 37 % en moyenne entre 1913 et 1929- [53].
46De son côté, l’Allemagne s’engagea dans une stratégie économique consistant à coupler une politique commerciale bi-latéraliste, reposant sur des accords de clearing, avec une politique de planification du commerce extérieur réorientée de façon volontariste vers la « Mittel Europa » et vers l’Amérique du Sud [54]. L’Allemagne s’efforçait, en priorité, de préserver ses circuits d’approvisionnement en matières premières et ses zones privilégiées d’influence commerciale, tout en économisant ses devises, grâce au recours intensif aux accords de troc avec des partenaires ciblés.
47La France avait, au contraire, enregistré plusieurs échecs dans ses tentatives de recréer une zone d’influence commerciale dans l’Europe danubienne [55], tout comme dans ses efforts de relance de la coopération économique internationale. A la veille de la 2ème guerre mondiale, la France se retrouvait donc relativement isolée [56].
III.2-2 – Face à l’échec des politiques de relance interne et de la coopération internationale, la France se repliera sur le « protectionnisme de crise » et sur ses marchés protégés
48Par défaut, plutôt que par choix délibéré, la France se repliera sur les accords bilatéraux. Les différents plans de relance interne, le plan Tardieu en 1929 [57] et le plan Marquet [58] échouèrent. Enfin, le plan de relance tenté par le gouvernement de Léon Blum en 1936, en dépit d’un certain nombre d’aspects novateurs, échouera également [59].
49La position commerciale de la France s’était fortement détériorée, mais ce phénomène demeurait, en partie, masqué, par le haut niveau de couverture-or de ses échanges extérieurs – ce qui fit dire à Albert Aftalion qu’un « voile d’or » recouvrait l’affaiblissement commercial français [60]. La reprise des exportations se heurtait à la politique de la « réciprocité des échanges » qui reposait sur le précepte « j’achète seulement à qui m’achète » ou, dans une version à peine plus sophistiquée, « je vends à qui me vend ».
50Le recours au protectionnisme de crise pouvait donc s’analyser comme une stratégie défensive mise en œuvre par une économie, non dominante, confrontée simultanément à l’arrêt des négociations internationales, aux dévaluations compétitives consécutives à l’abandon de l’étalon-or, et aux restrictions de change liées à la perturbation des systèmes de paiements multilatéraux. La reprise de l’activité était aussi rendue aléatoire en l’absence d’une reprise des mouvements de capitaux, surtout après le retrait des capitaux américains d’Allemagne – retrait consécutif à la faillite du Krédit Anstalt de Vienne qui provoqua la tempête boursière du « Jeudi Noir » à Wall Street.
51La France, à l’instar de l’Allemagne et de la Grande Bretagne, mais sur une échelle beaucoup plus réduite, se repliera sur son pré-carré colonial [61]. Elle s’attachera à développer « l’outillage colonial » [62].
52A la veille de la 2ème guerre mondiale, « les colonies françaises fournissent 29.6 % de nos importations et absorbent plus de 28 % de nos exportations, après 33 % en 1933 » [63]. L’économiste Henri Hauser signalait « le rôle énorme joué par les colonies dans l’alimentation de la métropole » [64].
53La crise accéléra le repli de la France sur son empire colonial. Ainsi, en 1939, « elle y exportait plus de la moitié de ses produits manufacturés (5.7 milliards de francs sur un total de 10.5 milliards). Cette part était devenue prépondérante en ce qui concerne les industries mécaniques, 1.6 milliards de francs sur un total de 2.1 milliards en 1938, 1.7 milliards sur 2.4 milliards pour les industries textiles et 0.6 milliards sur un total de 2.2 milliards pour les industries chimiques » [65].
Conclusion
54A travers le recours à la méthode des « remontées historiques », nous avons tenté d’esquisser un parallèle entre hier et aujourd’hui, entre la crise actuelle et la crise des années trente. Au moment où certains économistes s’interrogent sur les limites « soutenables » de notre actuel modèle de croissance en « économie ouverte » au sein de l’économie mondialisée, il nous a semblé intéressant de prendre du champ et de relire les débats qui se déroulèrent entre les économistes français durant la crise des années trente.
55Cette mise en perspective historique nous a permis de montrer – au-delà d’évidentes différences historiques telles que, par exemple, l’omniprésence du souvenir (et de la perspective) de la guerre en Europe ou bien encore, de l’existence d’un monde hiérarchisé et dominé par les puissances impériales européennes comme la France et la Grande Bretagne – le caractère relatif des choix de politique économique et commerciale du présent et d’essayer de se réapproprier – sans toutefois chercher à en dissimuler les contradictions et les faiblesses – une autre expérience de gestion d’une crise économique majeure, en l’occurrence celle des années trente, qui était centrée sur le modèle de croissance en « économie protégée », modèle aux antipodes du modèle actuel de croissance en « économie ouverte ». Il nous est apparu également que certains choix de la France des années trente, comme, par exemple, les préférences pour une « économie complexe » - qui sauvegarda un certain équilibre entre le développement de l’agriculture et celui de l’industrie – et pour une croissance régulière plutôt que pour une croissance optimale, entraient curieusement en résonance avec la quête d’un nouveau modèle de développement durable, plus économe en énergie, plus frugal en termes de consommation et de hausse du niveau de vie, et plus autonome à l’égard des turbulences de l’économie mondiale.
Bibliographie
Références
- Aftalion, A, 1931, « La crise du crédit dans le monde et en France », Le Capital, 10 novembre
- Aftalion, A, 1938, « L’équilibre dans les relations économiques internationales », Domat-Montchrétien, Paris
- Aglietta, M, 2010, « La crise : les voies de sortie », Michalon éditeur, Paris
- Allais, M, 202, « Nouveaux combats pour l’Europe : 1995-2002 », Clément Juglar, Paris
- Ansiaux, M, 1932, « Rapport sur la crise », Congrès des économistes de langue française, Domat-Montchrétien, Paris
- Bairoch, P, 1995, « Mythes et paradoxes de l’histoire économique », La Découverte, Paris
- Balfour (Lord), 1925, “Survey of Oversea’s Markets”, Report of the committee on industry and trade, London, vol 1
- Boris, G, 1934, « La révolution Roosevelt », Gallimard, Paris
- Braudel, F, 1977, « Ecrits pour l’histoire », Flammarion, Paris
- Brocard, L, 1929, « Principes d’économie nationale et internationale », Sirey, Paris
- Brocard, L, 1932, « Les nouveaux fondements du protectionnisme industriel », Revue d’économie politique, mars-avril
- Byé, M, 1935, « La reprise britannique et ses causes », Revue d’économie politique, mars-avril
- Carayon, B, 2006, « Patriotisme économique », Editions du Rocher, Paris
- Dedieu, F, Masse-Stamberger, B et De Tricornot, A, 2012, « Inévitable protectionnisme », Gallimard, Paris
- Destanne de Bernis, G, 1977, « Relations économiques internationales », Dalloz, Paris, tome 1
- Duroselle, J.B, 1979, « La décadence », Imprimerie Nationale, Paris
- Frieser, K-H, 2002, « La légende de la Blietzkrieg » in M. Vaisse (dir). « Mai-juin 1940 défaite française, victoire allemande sous l’œil des historiens étrangers » Autrement
- Froment, P, 1931, « La division internationale du travail et la reconstruction de l’Europe », Revue politique et parlementaire, août
- Gignoux, C.J, 1941, « L’économie française entre les deux guerres », Sedes, Paris
- Gréau, J.L, 2008, « La trahison des économistes », Gallimard, Paris
- Ha-Joon, C, Halimi, S, Lordon, F, Ruffin, F et Sapir, J, 2012, « Le protectionnisme et ses ennemis », Le Monde diplomatique, LLL (les liens qui libèrent), Paris
- Harbulot, C, 2007, « La main invisible des puissances », Ellipses, Collection Mondes Réels, Paris
- Hauser, H, 1939, « colonies et métropoles », in Rist, C, et Pirou, G, « De la France d’avant-guerre à la France d’aujourd’hui », Sirey, Paris
- Hayek (Von), F, 1939, « Profits, Interest and Investment and other Essays on the Theory of Industrial Fluctuations », Routledge, London
- Hérisson, C, 1937, “Autarchie, économie complexe et politique commerciale rationnelle”, Girard, Paris
- Hermant, M, 1931, « Les paradoxes économiques de l’Allemagne moderne », Colin, Paris
- Hoffher, R, 1939, « La politique commerciale de la France », Centre de Politique Etrangère, Paris
- Jeanneney, J.M, 1941, « Description statistique de la France : 1919-1939 », Puf, Paris
- Keynes, J.M, 1933, « National Self Sufficiency », The Yale Review, vol 22, n° 4, New Haven, Connecticut
- Keynes, J.M, 1936, “Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie », Payot, Paris
- Lafay, G, 2007, « France, horizon 2050 : dynamique mondiale et défis français », Economica, Paris
- Landry, A, 1934, « La politique commerciale de la France », Sirey, Paris
- Landry, A, 1936, « L’autarcie », Rapport au congrès des économistes de langue française, Domat-Montchrétien, Paris
- Le Bouteiller, A.C, 1938, « Le commerce extérieur de la France depuis la crise de 1929 », thèse droit, Université de Nancy
- Lescure, J, 1938, « Les crises générales et périodiques de surproduction », Domat-Montchrétien, Paris
- Marchal, A, 1931, « La conception de l’économie nationale et les rapports internationaux chez les mercantilistes français et chez leurs contemporains », Sirey, Paris
- Merglen, A, 1993, « La France pouvait continuer la guerre en Afrique française du Nord en juin 1940 », Espoir, n° 51, p 17-22
- Merglen, A, 1995, « Quelques réflexions historiques sur l’armistice franco-germano-italien de juin 1940 », Guerres Mondiales et conflits contemporains, n° 45, p 79-93
- Morini-Comby, J, 1931, « Mercantilisme et protectionnisme », Alcan, Paris
- Nogaro, B, 1936, « La crise économique dans le monde et en France », LGDJ, Paris
- Ohlin, B, 1931, « Le cours et les phases de la dépression économique mondiale », Publications de la Société des Nations, Genève
- Perroux, F, 1940, « Autarcie et expansion », Médicis, Paris
- Perroux, F, 1954, « Les économies européennes entre les deux guerres mondiales » in « L’Europe sans rivages », Puf, Paris
- Perroux, F, 1965, « La pensée économique de Joseph Schumpeter », Droz, Genève
- Pirou, G, 1946, « Economie libérale et économie dirigée », Sedes, Paris
- Rist, C, 1931, « La France économique en 1930 », Revue d’économie politique, mai-juin
- Rivaud, A, 1932, « Les crises allemandes », Colin, Paris
- Robbins, L, 1935, « La grande dépression », Payet, Paris
- Sapir, J, Stora, F et Mahé, L, 2010, « 1940 : et si la France avait continué la guerre », Taillandier, Paris
- Sapir, J, 2011, « La démondialisation », Seuil, Paris
- Sauvy, A, 1965, 1972, « Histoire économique de la France entre les deux guerres », Fayard, Paris, (4 volumes)
- Séguillon, Y, 1942, « La compensation des échanges internationaux et l’économie dirigée », thèse de doctorat, Université de Nancy
- Siegfried, A, 1935, « La crise de l’Europe », Calmann-Levy, Paris
- Shuker, S.D, 1976, « The End of French Predominance in Europe: the Financial Crisis of 1929 and the Adoption of the Dawes Plan », University of North Carolina Press, Chapel Hill
- Todd, E, 2008, “Après la démocratie”, Gallimard, Paris
- Vienot, P, 1931, « Incertitudes allemandes », Librairie de Valois, Paris
- Wageman, E, 1938, « La stratégie économique », Payot, Paris
- Weiller, J, 1954, « Revenu, change et balance des paiements d’A.Aftalion à J.E.Meade », Revue économique, mars
- Weiller, J, 1956, « Les préférences nationales et l’évolution structurelle », Revue des sciences économiques, Liège, mars
- Weiller, J, 1957, « Observations sur le passage des théories aux politiques de l’échange international » in Moret, M, 1957, « L’échange international » Rivière, Paris
- Weiller, J, Dupuigrenet-Desroussilles, G, 1974, « Les cadres sociaux de la pensée économique », Puf, Paris
Mots-clés éditeurs : crise du crédit, crise de la rationalisation industrielle, économie complexe, crise de structure, protectionnisme de crise, crise des années trente, marchés protégés
Mise en ligne 25/05/2013
https://doi.org/10.3917/hume.307.0001Notes
-
[1]
Aglietta, M, 2010, “La crise : les voies de sortie”, Michalon éditeur, Paris
-
[2]
Parmi les économistes qui ont contribué à nourrir ce débat, on retiendra sur le « versant droit » : Allais, M, 2002, « Nouveaux combats pour l’Europe : 1995-2002 », Clément Juglar, Paris ; Carayon, B, 2006, « Patriotisme économique », Editions du Rocher, Paris ; Greau, J.L, 2008, « La trahison des économistes », Gallimard, Paris ; Harbulot, C, 2007, « La main invisible des puissances », Ellipses, Collection « Mondes réels », Paris ; Lafay, G, 2007, « La France : horizon 2050 », Economica, Paris. Sur le « versant gauche », on mentionnera notamment Cassen, B, 2000, « Inventer ensemble un protectionnisme altruiste », Le Monde Diplomatique, février ; Dedieu, F, Masse-Stamberger, B, De Tricornot, A, 2012, « Inévitable protectionnisme », Gallimard, Paris ; Ha-Joon, C, Halimi, S, Lordon, F, Ruffin, F et Sapir, J, 2012, « Le protectionnisme et ses ennemis », Le Monde Diplomatique, LLL (Les Liens qui Libèrent), Paris ; Sapir, J, 2011, « La démondialisation », Seuil, Paris ; Todd, E, 2008, « Après la démocratie », Gallimard, Paris.
-
[3]
Selon la démarche initiée par Fernand Braudel cf. Braudel, F, 1977, « Ecrits pour l’histoire », Flammarion, Paris.
-
[4]
Weiller, J, Dupuigrenet-Desroussilles, G, 1974, « Les cadres sociaux de la pensée économique », Puf, Paris.
-
[5]
Perroux, F, 1965, « La pensée économique de Joseph Schumpeter », Droz, Genève.
-
[6]
Vu d’aujourd’hui, le contraste est saisissant entre l’optimisme relatif dont faisaient preuve les Français des années trente et la sévérité des jugements portés sur eux par les historiens de l’après-guerre. Ceux-ci décrivirent un pays plongé en pleine décadence et voué selon eux à une défaite militaire inéluctable face à l’Allemagne. Cf. Duroselle, J.B, 1979, « La décadence », Imprimerie Nationale, Paris, et aussi, Sauvy, A, 1965, 1972, « Histoire économique de la France entre les deux guerres », Fayard, Paris, (4 volumes). Ce point de vue est aujourd’hui discutable et discuté. La bataille de France semble être restée longtemps plus indécise qu’on ne l’a cru. Cf. Frieser, K-H, 2000, « La légende de la Blietzkrieg », in Maurice Vaisse (dir), « Mai-juin 1940. Défaite française, victoire allemande sous l’œil des historiens étrangers », Autrement. Par ailleurs, le général Albert Merglen a montré qu’il était possible de poursuivre la guerre à partir de l’Afrique du Nord en s’appuyant sur la supériorité navale des flottes française et britannique en Méditérranée. Cf. sur ce point Merglen, A, 1993, « La France pouvait continuer la guerre en Afrique française du Nord en juin 1940 », Espoir, n° 51, p 17-22 et du même auteur, « Quelques réflexions historiques sur l’armistice franco-germano-italien en juin 1940 », Guerres Mondiales et conflits contemporains, n° 45, 1995, p 79-73. On consultera aussi sur cette question le livre de Sapir, J, Stora, F, et Mahé, L, 2010, « 1940 : et si la France avait continué la guerre », Taillandier, Paris.
-
[7]
Siegfried, A, 1935, « La crise de l’Europe », Calmann-Levy, Paris, p 7
-
[8]
Siegfried, A, op cit p 71
-
[9]
Siegfried, A, ibid p 90
-
[10]
Siegfried, A, ibid p 104
-
[11]
Siegfried, A, ibid p 105
-
[12]
Siegfried, A, ibid p 111 et suivantes
-
[13]
Siegfried, A, ibid p 111 et suivantes
-
[14]
Hérisson, C, 1937, « Autarchie, économie complexe et politique commerciale rationnelle », Girard, Paris
-
[15]
Froment, P, 1931, « La Division Internationale du Travail et la reconstruction de l’Europe », Revue Politique et Parlementaire, Août
-
[16]
Ohlin, B, 1931, « Le cours et les phases de la dépression économique mondiale », Publications de la SDN, Genève
-
[17]
Lord Balfour, 1925, « Survey of Oversea’s Markets », Report of the Committee on Industry and Trade, London, volume 1
-
[18]
Bairoch, P, 1995, « Mythes et paradoxes de l’histoire économique », La Découverte, Paris
-
[19]
Brocard, L, 1929, « Principes d’économie nationale et internationale », Sirey, Paris. Parmi les principaux animateurs de cette école, on citera C. Hérisson, J. Morini-Comby, Y Séguillon, A.C. Le Bouteiller
-
[20]
Brocard, L, 1932, « Les nouveaux fondements du protectionnisme industriel », Revue d’économie politique, mars-avril
-
[21]
Rist, C, 1931, « La France économique en 1930 », Revue d’Economie Politique, mai-juin
-
[22]
Aftalion, A, 1931, « La crise du crédit dans le monde et en France », Le Capital, 10 novembre
-
[23]
Robbins, L, 1935, « La grande dépression », Payot, Paris
-
[24]
Von Hayek, F, 1939, « Profits, interest and investment and other essays on the theory of industrial fluctuations », Routledge, London. Von Hayek expliquait la crise de 1929 par le développement anarchique d’une “structure artificielle” de crédit excédant largement les besoins de la “structure naturelle de crédit” et ayant débouché sur une crise de confiance parmi les détenteurs de capitaux. Sa thèse s’opposait diamétralement à celle de Keynes qui avait diagnostiqué une crise de sous consommation due à l’insuffisance de la demande globale. Cf. Keynes, J.M, 1936, « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie », Payot, Paris
-
[25]
Nogaro, B, 1936, « La crise économique dans le monde et en France », LGDJ, Paris, p 245-246
-
[26]
Ansiaux, M, 1932, « Rapport sur la crise », Congrès des économistes de langue française, Domat- Montchrestien, Paris
-
[27]
Hermant, M, 1931, « Les paradoxes économiques de l’Allemagne moderne », Colin, Paris
-
[28]
Sur ce point cf. aussi Rivaud, A, 1932, « Les crises allemandes », Colin, Paris
-
[29]
Viénot, P, 1931, « Incertitudes allemandes », Librairie de Valois, Paris. L’Allemagne était perçue comme un facteur d’incertitude économique et politique. La question était de savoir comment faire pour équilibrer et contenir sa puissance au cœur de l’Europe
-
[30]
Hauser, H, 1935, « La paix économique », Colin, Paris
-
[31]
Pirou, G, 1946, « Economie libérale et économie dirigée », Sedes, Paris
-
[32]
Gignoux, C.J, 1941, « L’économie française entre les deux guerres », Sedes, Paris
-
[33]
Le Bouteiller, A.C, 1938, « Le commerce extérieur de la France depuis la crise de 1929 », thèse droit, Université de Nancy
-
[34]
Hoffher, R, 1939, « La politique commerciale de la France », Centre de Politique Etrangère, Paris, p 20
-
[35]
Destanne de Bernis, E, 1977, « Relations économiques internationales », Dalloz, Paris, tome1, p 556
-
[36]
Weiller, J, 1956, « Les préférences nationales et l’évolution structurelle », Revue des Sciences économiques, Liège, Mars
-
[37]
Weiller, J, 1957, « Observations sur le passage des théories aux politiques de l’échange international », Rivière, Paris
-
[38]
Weiller, J, 1954, « Revenu, change et balance des paiements d’Albert Aftalion à James E. Meade », Revue économique, mars
-
[39]
Sur la notion de « Paris sur structures neuves » cf. Perroux, F, 1954, « Les économies européennes entre les deux guerres mondiales » in « L’Europe sans rivages », Puf, Paris
-
[40]
Morini-Comby, J, 1931, « Mercantilisme et protectionnisme », Alcan, Paris
-
[41]
Perroux, F, 1940, « Autarcie et expansion », Médicis, Paris
-
[42]
Il est à noter sur cette question, l’évolution de la pensée de J.M Keynes. Très réservé au départ, il se rallia, à partir de 1933, de façon pragmatique au recours aux politiques protectionnistes. Cf. Keynes, J.M, 1933, « National Self Sufficiency », The Yale Review, vol 22, n° 4, New Haven, Connecticut
-
[43]
Marchal, A, 1931, « La conception de l’économie nationale et des rapports internationaux chez les mercantilistes français et chez leurs contemporains », Sirey, Paris
-
[44]
Après l’invasion de l’Ethiopie par les troupes de Mussolini, la SDN décida des mesures d’embargos contre l’Italie. Par ailleurs, les conflits se multipliaient à travers le monde (invasion de la Chine par le Japon, guerre civile en Espagne, etc…)
-
[45]
Landry, A, 1936, « L’autarcie », Rapport au Congrès des Economistes de Langue Française, Domat- Montchrestien, Paris
-
[46]
Landry, A, 1934, « La politique commerciale de la France », Sirey, Paris
-
[47]
Hoffher, R, 1939, « La politique commerciale de la France », Centre de Politique étrangère, Paris op cit
-
[48]
Séguillon, Y, 1942, « La compensation des échanges internationaux et l’économie dirigée », thèse de doctorat, Université de Nancy
-
[49]
Ce bloc se limitait à quelques pays, plutôt concurrents que complémentaires et qui menèrent des politiques essentiellement défensives
-
[50]
Boris, G, 1934, « La révolution Roosevelt », Gallimard, Paris
-
[51]
La France, qui était avant 1914, la 2ème puissance financière du monde, après la Grande Bretagne, ne se remit jamais de la Révolution Russe d’octobre 1917 où elle perdit ¼ de ses avoirs extérieurs. Sur ce point, cf. Shuker, S.D, 1976, « The End of French Predominance in Europe: The Financial Crisis of 1924 and the Adoption of the Dawes Plan”, University of North Carolina, Chapel Hill
-
[52]
Byé, M, 1935, « La reprise britannique et ses causes », Revue d’Economie Politique, mars-avril
-
[53]
A titre de comparaison, le tarif douanier de la France avec la Grande Bretagne, pays emblématique, fluctua de 9 % en 1913 à 13 % en 1931, puis à 17,5 % en 1934. Le protectionnisme français était un protectionnisme modéré comparé à celui de plusieurs de ses Grands Rivaux (Allemagne, Etats-Unis) cf. Landry, A, 1934, op cit
-
[54]
Wageman, E, 1938, « La stratégie économique », Payot, Paris
-
[55]
La France avait échoué dans sa tentative de recréer une zone commerciale, sous son influence, avec les Etats de l’Europe danubienne. Cf. Duroselle, J.B, 1979, op cit
-
[56]
La France échoua également dans sa politique d’élargissement des contingentements grâce à une série d’accords bilatéraux comme, par exemple, l’accord franco-polonais, qui ne donna pas les résultats escomptés. Enfin, elle appuya, sans plus de succès, le plan Van Zealand de relance de la coopération en Europe en 1938
-
[57]
En 1929, le plan Tardieu prévoyait de consacrer 17 milliards de francs à un vaste ensemble de travaux publics. Mais, jugé trop coûteux par le Parlement, il fut remplacé par la loi du 28 décembre 1931, qui affecta 3.5 milliards de francs seulement à des travaux d’intérêt général. Cette loi n’exerça aucun impact sur la situation économique.
-
[58]
En 1934, le plan Marquet proposa d’injecter 10 milliards de francs afin d’impulser un grand plan d’équipement et de travaux publics. Ce plan fut également rejeté par le Parlement.
-
[59]
Le plan de relance du Front Populaire en 1936 intervint trop tardivement. La dévaluation du franc fut sans doute insuffisante et ses effets positifs furent rapidement annulés par les hausses de prix et des salaires consécutives au mouvement social qui toucha la France cette année-là.
-
[60]
La couverture-or des échanges extérieurs de la France était passée de 53 % du total des échanges en 1928 à 97 % en 1934. Mais, ce « voile d’or » n’était qu’une illusion comme le démontra Albert Aftalion. Cf. Aftalion, A, 1938, « L’équilibre dans les relations économiques internationales », Domat-Montchrétien, Paris
-
[61]
En 1931, fut votée une loi spéciale accordant aux territoires d’outre mer 6 milliards de francs : 50 % pour les chemins de fer, 20 % pour l’équipement des ports, 15 % pour l’irrigation et les voies navigables et enfin 15 % pour l’hygiène et la santé.
-
[62]
La conférence impériale de 1935 affecta 3.5 milliards de francs à la construction de lignes ferroviaires (en particulier le Méditérranée-Niger et le Transsaharien).
-
[63]
Gignoux, C.J, 1941, op cit p 189-190
-
[64]
Hauser, H, 1939, « colonies et métropoles » in Rist, C, Pirou, G, « de la France d’avant guerre à la France d’aujourd’hui », Sirey, Paris
-
[65]
Jeanneney, J-M, 1941, « Description statistique de la France : 1919-1939 », Puf, Paris