Couverture de HSR_052

Article de revue

Nourrir et diffuser les « Lumières agronomiques »

Jean-Baptiste Dubois et la Feuille du cultivateur (1788-1802)

Pages 103 à 134

Notes

  • [1]
    Festy, 1950, p. 168.
  • [2]
    Jones, 2016 ; Livesey, 2001 ; Serna, 2017.
  • [3]
    Bret et Chappey, 2012.
  • [4]
    Mathiez, 1973, p. 84-85.
  • [5]
    Bourde, 1967, p. 1316.
  • [6]
    Mathiez, 1973, p. 84-85.
  • [7]
    Bourde,1967, p. 1316.
  • [8]
    Dubois, 1772.
  • [9]
    A.H.R.F.,2004 ; Hahn, 1993.
  • [10]
    Dubois, 1772, p. xv.
  • [11]
    Ibid.
  • [12]
    Dubois, 1772, p. vi-x.
  • [13]
    Hahn, 1993, p. 151.
  • [14]
    Conseiller de la Cour du Roi de Pologne, membre de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, de la Société des Curieux de la Nature de Berlin, de l’Académie Royale des Géorgiphiles de Florence, de la Société Physique de Dantzig.
  • [15]
    Achard, 1783, p. v.
  • [16]
    « Dubois, conseiller de la Cour de S. M. le Roi de Pologne, Membre de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, de la Société des Curieux de la Nature de Berlin, de l’Académie Royale des Géorgiphiles de Florence, de la Société Physique de Dantzig, etc. » ; Achard, 1783.
  • [17]
    Dubois, 1778.
  • [18]
    Abbt, 1780.
  • [19]
    Brandes, 1781.
  • [20]
    Ibid. : « Du Mélodrame en général, et de celui d’Ariane en particulier ».
  • [21]
    D’Origny, 1788, p. 262-263.
  • [22]
    Dubois, 1778, p. 37.
  • [23]
    Wallerius, 1780, p.vii-viii.
  • [24]
    Wallerius,1780, p. x.
  • [25]
    Achard, 1783.
  • [26]
    Achard, 1783, p. 178.
  • [27]
    Journal des Sçavans, 1783, p.358-362.
  • [28]
    Hahn, 1993, p. 149-151.
  • [29]
    Dubois, 1793, p. 1.
  • [30]
    Kaplan, 2017.
  • [31]
    Kaplan, 1986 et 2017.
  • [32]
    Dagognet, 1973, p. 16.
  • [33]
    Supplément au Journal général de France du samedi 3 janvier 1789, no1er, p. 1.
  • [34]
    Ibid.
  • [35]
    Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique, publiés par la Société royale d’agriculture de Paris, année 1785, trimestre d’automne, à Paris, chez L. Jorry.
  • [36]
    Dubois, 1778, p. 37.
  • [37]
    Bourde, 1967, p. 1291.
  • [38]
    Ibid., p. 1291-1302.
  • [39]
    Jones, 2016.
  • [40]
    Feuille du cultivateur, « prospectus » 1791.
  • [41]
    Révolutions de Paris, dédiées à la, Nation et au District des Petits-Augustins, seconde année de la liberté française, cinquième trimestre, n°61, Feuille du cultivateur, « prospectus » 1791.
  • [42]
    Feuille du cultivateur, « prospectus » 1791.
  • [43]
    Girardet al., 1802, « Agriculteur, cultivateur, colon », p. 47.
  • [44]
    Au milieu de savants à la riche dotation institutionnelle, la présence de ce maître de postes mérite d’être soulignée. Sur l’importance de ces praticiens dans la mouvance agronomique : Moriceau, 1994, p. 43.
  • [45]
    Passy, 1912, p. 326.
  • [46]
    Révolutions de Paris, dédiées à la Nation et au District des Petits-Augustins, seconde année de la liberté française, cinquième trimestre, no61.
  • [47]
    Les rares notices qui lui sont consacrées sont souvent lacunaires. Petit, 2008, p. 232.
  • [48]
    Arch. Nat., F 10302, Paris, le 27 fructidor an 5 de la République française (13 septembre 1797). « Le Febvre, l’un des rédacteurs et imprimeur de la Feuille du Cultivateur au Citoyen François (de Neufchâteau), membre du Directoire exécutif ».
  • [49]
    Bourde, 1967, p. 1303.
  • [50]
    Révolutions de Paris, dédiées à la Nation et au District des Petits-Augustins, seconde année de la liberté française, cinquième trimestre, no61, p. 458.
  • [51]
    Dagognet, 1973, p. 63.
  • [52]
    Arch. Nat., F 10/302, lettre de Colligny, à Paris, le 28 septembre 1792 citée dans la « Notice historique sur la Feuille du cultivateur », p. 4.
  • [53]
    Roland, 1793, p. 184-185.
  • [54]
    Roland, 1793, « Nouveaux moyens de prospérité pour la République ».
  • [55]
    Arch. Nat, F 10/302 lettre de Jean-Marie Roland aux rédacteurs de la Feuille du cultivateur, citée dans la « Notice historique sur la Feuille du cultivateur », p. 5.
  • [56]
    Ibid., « notice historique sur la Feuille du cultivateur ».
  • [57]
    FC, t. iii, 1793.
  • [58]
    F. C., t. iii, 1793.
  • [59]
    Biard et Dupuy, 2008, p. 85-113.
  • [60]
    F. C., « discours préliminaire », t. iv, 1794.
  • [61]
    Lecour, 1794.
  • [62]
    On rapporte que Dubois lui-même aurait été menacé.
  • [63]
    Spary, 2014.
  • [64]
    « Observations de F.-H. Gilbert, professeur vétérinaire de l’Institut national et du Conseil d’Agriculture du gouvernement. Sur l’opinion émise par le citoyen Boudin, au conseil des cinq –cens, dans la séance du 16 frimaire (moniteur no83) » La Décade philosophique, quatrième année de la République, iie trimestre, nivôse, pluviôse, ventôse, à Paris, au Bureau de la Décade, l’an IV de la République, p. 83.
  • [65]
    Mellah, 2013, p. 99.
  • [66]
    F. C., 1794, Duodi 22 ventôse l’an II mercredi 12 mars 1794, « observations sur les jardins de luxe, lues par Cels cultivateur plaine de Montrouge, près Paris, approuvées par la Société libre d’économie rurale dans sa séance du 20 ventôse », p. 93-95.
  • [67]
    F. C.,1794, no21 septidi 17 germinal 1794.
  • [68]
    F. C., 1794 no33 septidi 17 prairial an 2 (5 juin 1794), « la commission d’agriculture et des arts, aux habitans des campagnes ».
  • [69]
    F. C., 1794, no33, septidi 17 prairial an 2 (5 juin 1794), « la commission d’agriculture et des arts, aux habitans des campagnes ».
  • [70]
    Dubois, an III.
  • [71]
    La Décade philosophique, littéraire et politique, par une société de républicains, tome septième, à Paris au Bureau de la Décade, an 4, p. 332-333.
  • [72]
    La Commission des subsistances et des approvisionnements (à partir d’octobre 1793) puis la Commission d’agriculture et des arts (à partir d’octobre 1794).
  • [73]
    Dubois, 1794, p. 7.
  • [74]
    Dubois, 1794, p. 7-8.
  • [75]
    En particulier dans ses « Observations sur l’économie rurale » reprises dans la Décade en l’an 4.
  • [76]
    Les Écoles d’économie rurale vétérinaire, les domaines, les troupeaux.
  • [77]
    F. C., 1794, t. iv, à Paris, de l’imprimerie de la Feuille du cultivateur, 1794 p. 1-2.
  • [78]
    Ibid.
  • [79]
    Arch. Nat., F 10302, Rapport à la commission d’agriculture et des arts par l’agence, division végétale du 11 germinal an 3 : « D’après l’arrêté du comité de salut public du 2 gal de l’an 2, la commission est autorisée à répandre la Feuille du cultivateur au nombre de deux mille exemplaires dans les départements de la République. Un arrêté du comité d’agriculture augmente cette distribution de mille exemplaires à dater du 1er nivôse de l’an 3 ».
  • [80]
    Ibid., p. 7-8, Lettre du ministre de l’Intérieur Benezech du 26 frimaire an 4 cité dans la « notice historique sur la Feuille du cultivateur » : « Je regrette que l’économie rigoureuse qui doit me diriger dans l’emploi du denier de la République ne me permette pas de porter cette distribution au prix qui serait accordé, en tout autre temps, à l’utilité et à la constance de vos travaux, ainsi qu’à votre désintéressement, mais je me plais à croire que vous serez satisfait de la justice que je vous rends et que les sacrifices que vous êtes dans le cas de faire encore, entrent naturellement dans les services que vous rendez à la chose publique ».
  • [81]
    Ibid.
  • [82]
    Relevons sans ordre : médecins (2), cultivateurs (4), pépiniériste, maître de poste, président de tribunal, juge de tribunal, administrateur de département, maire, secrétaire de la société d’agriculture soit les trois types mis en évidence par Jean-Marc Moriceau : les administrateurs, les initiateurs, les praticiens (Moriceau, 1994, p. 41-43).
  • [83]
    F. C.,1795, t. v, l’an III de la République, p. iii-iv.
  • [84]
    Conac, 1999, p. 201-286.
  • [85]
    F. C., 1796, « Discours préliminaire », p. i-ii.
  • [86]
    Arch. Nat., F 10302, lettre de Lefebvre à François de Neufchâteau du 27 fructidor an V, rapport du 8 germinal an VIII.
  • [87]
    Ibid., lettre de Lefebvre « Paris le 2 prairial an 8. Au citoyen Lucien Bonaparte, ministre de l’intérieur ».
  • [88]
    Mellah, 2015 ; Brassart, 2014.
« L’agriculture du xxe siècle ne peut sans ingratitude méconnaître l’importance et le succès des efforts accomplis par les rédacteurs et les correspondants de la Feuille du Cultivateur pour perfectionner les méthodes agricoles très arriérées qui étaient en usage depuis des siècles à l’époque de la Révolution » [1].

1On doit à Octave Festy, historien des dynamiques rurales et agricoles de la décennie révolutionnaire, la seule étude consacrée à cette publication dont l’importance est aujourd’hui moins sentie. Sa conclusion insiste sur l’originalité et la portée de ce projet éditorial pour l’agriculture nouvelle. Nous lui laisserons l’examen des apports techniques et de la postérité proprement agricole. Ce qui nous intéresse nécessite un léger pas de côté ou une mise en perspective « politique ». En empruntant les voies tracées depuis 1950 par le renouvellement historiographique, il convient en effet de considérer toute la richesse des initiatives agronomiques nées autour des milieux savants républicains dès la fin de l’Ancien Régime : elles sont aussi des outils de transformation politique, sociale et culturelle. C’est ce que nous invitent à considérer des essais aussi importants que ceux de Pierre Serna, de James Livesey ou de Peter Jones [2].

2

« L’attention portée ces dernières années par l’historiographie de la Révolution française à l’analyse des trajectoires biographiques des savants, à l’étude des institutions et des formes de diffusion de savoirs au cours de cette période ont, entre autres, permis de renouveler en profondeur l’histoire des sciences en revisitant les rapports souvent complexes entre, d’un côté, les savants, leurs productions, et de l’autre, le processus politique » [3].

3C’est ce projet qui soutient cet article : revisiter, en les replaçant dans les « Lumières agricoles » puis dans le républicanisme agricole du Directoire, le parcours intellectuel et politique de Jean-Baptiste Dubois (dit de Jancigny) et les transformations de la Feuille du Cultivateur qu’il a créée. Autour d’une publication savante dédiée à l’agronomie et de la trajectoire de son principal animateur, autour du passage d’une « feuille » relais du progrès agricole à un véritable instrument du projet républicain sous le Directoire, il devient en effet possible de considérer la nature des dynamiques politiques autour de l’agriculture durant la période révolutionnaire entrevue dans ses bornes les plus larges (des années 1780 aux tournants de 1802).

La Feuille du Cultivateur : une entreprise éditoriale typique de l’agronomie républicaine

4En renvoyant d’abord au travail d’Albert Mathiez sur La Vie chère et le mouvement social  [4], André Bourde note qu’« on sait l’importance de cette publication pour l’histoire de l’agriculture révolutionnaire » tout en nuançant fortement l’influence de cette entreprise éditoriale [5]. Dans le chapitre sur la lutte contre la famine qui agite les Français et menace sans cesse les constructions politiques en l’an II, Mathiez est le premier historien du politique à s’intéresser à la Feuille du cultivateur en 1927. « Parallèlement à la législation et à la réglementation, la Commission des Subsistances poursuivait une œuvre de propagande et d’éducation agricole destinée à stimuler et à intensifier la production » [6]. La Feuille « qui avait été antérieurement l’organe des sociétés d’agriculture » serait mise au service de cette politique aux ambitions limitées. Cette antériorité est un des aspects mobilisés par André Bourde pour restreindre l’importance de la publication : « loin d’être seulement une création révolutionnaire, elle apparaît aussi justement comme une création agronomique typique ». Et cet historien de s’interroger : « mais fut-elle vraiment plus neuve que ne l’avaient été en leur temps le Journal oeconomique ou la Gazette d’agriculture ? » [7].

5En figeant la publication dans une identité historique commode et dans une périodisation étanche, nous commettrions une double erreur : la première consisterait à travailler à partir d’une catégorisation historique sans l’interroger, la seconde de négliger les effets d’un contexte qui fait de l’économie politique un lieu majeur d’affrontements à la fin de l’Ancien Régime. Ce qui devient la Feuille du cultivateur telle qu’Albert Mathiez a pu l’appréhender naît en effet dans un monde social, intellectuel, économique et politique particulier : celui des années 1770-1790, le même monde dans lequel les idées républicaines plongent leurs racines.

Les Rousseau (du ruisseau) peuvent aussi se pencher sur les sillons

6Sans doute est-il nécessaire d’emprunter un temps la voie biographique pour comprendre la genèse et les mues successives de cette entreprise éditoriale. La Feuille c’est d’abord son créateur et son principal animateur pendant plus de deux décennies : Jean-Baptiste Dubois (1753-1808). Né à Jancigny en Bourgogne, Jean-Baptiste Dubois mène, à Dijon puis à Paris, des études de droit. Le personnage n’est pas particulièrement attaché à la terre ou à l’agronomie. Docteur en droit, c’est pourtant vers les sciences qu’il dirige ses premières initiatives éditoriales. En 1772, alors qu’il n’est âgé que de dix-neuf ans, il compose un Tableau annuel des progrès de la physique, de l’histoire naturelle et des arts destiné à devenir le premier volume d’une série [8]. Cette « production de [sa] jeunesse » est dédicacée à Monsieur de Montmorency, chevalier du Luxembourg. L’in-8° de 532 pages contient une multiplicité de notices rattachées à huit grands domaines.

7Le vulgarisateur pense répondre à une demande sociale et profiter de la curiosité grandissante du lectorat. Ces décennies de la deuxième partie du xviiie siècle forment une séquence marquée par l’émergence d’un public d’amateurs et par un enthousiasme pour les savoirs scientifiques qui engendrent des conditions favorables à la diffusion et au partage des savoirs [9]. Le public auquel s’adresse Jean-Baptiste Dubois et les éditeurs impliqués dans l’entreprise est rapidement et simplement désigné : « J’ai prétendu écrire pour tout le monde » énonce-t-il avant de préciser qu’il « désire que [son] travail devienne utile et mérite l’approbation des gens de goût » [10]. La forme et les modalités de transmission sont forgées par un impératif : ne pas rebuter même « les dames les plus courageuses ».

8C’est un échec. La préface du jeune auteur en prédit avec lucidité certaines explications. « Quand on est jeune, on est facilement entraîné par le torrent » [11]. On lit une forme de candeur associée à un optimisme déconcertant : le gros volume « qui épouvantera le lecteur le plus aguerri », l’apparence de l’ensemble qui « a quelque chose d’effrayant », la longueur excessive du titre, l’ouverture « sur une sorte de calendrier et des observations astronomiques » qui ont de quoi déconcerter… Il reconnaît qu’il se « rencontre sûrement des défauts, soit dans le plan, soit dans l’exécution de cet ouvrage » [12].

9L’enthousiasme est douché par les réalités de la décennie 1770. Jean-Baptiste Dubois n’appartient qu’à une sorte de second marché de la science. Cette situation ne peut qu’être porteuse d’insatisfaction [13]. Dépourvu de tout crédit institutionnel, le jeune vulgarisateur doit revenir à ses études et modifier sa stratégie d’ascension intellectuelle. Faisant jouer les recommandations qui lui avait déjà valu en 1772 de voir son Tableau annuel édité à Varsovie en même temps qu’à Paris, Dubois part pour la Pologne où il enseigne le droit à l’École militaire des Cadets. Il y reste sept ans et se consacre à divers travaux intellectuels.

10Jean-Baptiste Dubois enrichit progressivement sa position savante et sa dotation institutionnelle et scientifique [14]. Ses publications ultérieures se gorgent en effet de mentions de relations de proximité avec des auteurs reconnus (à commencer par Malesherbes ou Turgot) [15] ou de références à l’appartenance à des sociétés savantes à travers toute l’Europe [16]. Il profite de sa connaissance des langues polonaise et allemande pour proposer aux lecteurs français divers ouvrages. Il y a d’abord un versant littéraire. En 1778, son Essai sur l’histoire littéraire de la Pologne est publié à Berlin avec un demi-anonymat (« par M.D** ») recherché après son échec éditorial de 1772. Si l’ouvrage dans sa totalité est dédié à Stanislas-Auguste de Pologne, les réflexions sur les progrès des arts et des sciences forment une « lettre à Mr. de ***, de l’Académie française » [17]. Il s’agit d’observations et de remarques qui constituent une réflexion personnelle sur les progrès des arts et des sciences en Europe. L’ensemble est organisé en fonction de six entrées : la manière de juger des lumières d’une Nation, la nécessité de la tolérance pour les progrès des connaissances humaines, la liberté de la presse, les sociétés littéraires, l’éducation et le climat.

11En 1780, paraît la traduction par Dubois du Traité du mérite de Abbt [18]. Ce travail est suivi, en 1781, de l’adaptation du livret d’un mélodrame musical allemand de Johann Christian Brandes [19] (Ariane abandonnée). Le texte de la pièce est accompagné d’une longue introduction de Dubois qui forme comme un court essai(« Du Mélodrame en général, et de celui d’Ariane en particulier ») [20]. La réception est loin d’être positive. Un observateur informé note que « cette pièce a essuyé des critiques et reçu des éloges ». Surtout, il remarque qu’on a « trouvé dans l’ouvrage des répétitions, des longueurs et des morceaux écrits sans vigueur et sans énergie » [21]. Dubois avait pourtant prévenu, « Il faudrait que l’on sût toujours gré aux auteurs qui s’occupent réellement du bien public et que tout homme qui compose dans le dessein d’être utile fût mis à l’abri du ridicule et de la satyre » [22].

12À côté de cette partie littéraire de l’œuvre, il faut faire une place à un travail de traduction scientifique qui laisse poindre des prétentions dans les domaines de la chimie et de la minéralogie. En 1780 paraît une édition française du traité du Suédois Wallerius, De l’origine du monde et de la terre en particulier. Le livre s’ouvre sur un « avis du traducteur » par lequel il annonce des ambitions scientifiques tout en prenant des assurances. Il y a d’abord des distances avec la traduction qui, à défaut d’être très élégante, se veut surtout fidèle au style de l’original. Ensuite et surtout, « on ne trouvera peut-être pas, dans ce tableau de la formation de l’Univers, le coloris brillant et l’énergie de pinceau qui caractérisent les productions du Pline français ; mais c’est une esquisse simple et sans prétention, tracée d’une main sûre » et surtout fruit d’une soixantaine d’années d’expériences et de réflexions [23]. La fin de l’avis s’achève sur l’annonce de la rédaction par Dubois d’un « tableau de tous les systèmes minéralogiques publiés depuis Aristote jusqu’à nos jours, sous le titre d’Histoire littéraire de la minéralogie systématique[24]. Enfin, et ce n’est pas le moindre des indices, le texte de Wallerius est enrichi d’un « discours préliminaire » de 90 pages rédigé par le traducteur !

13En 1783, Jean-Baptiste Dubois présente la traduction d’un autre ouvrage de minéralogie, le traité de M.C.F Achard intitulé Analyse de quelques pierres précieuses[25]. Une « préface du traducteur » explique d’abord les conditions de parution de l’œuvre, en particulier le soutien de MM. de Malesherbes et Turgot ou encore la sollicitation de l’Académie royale des Sciences. Surtout, elle fait état de la volonté de Dubois de contribuer aux débats scientifiques et de « contred[ire] l’opinion des chimistes ». Le succès - la reconnaissances des pairs, l’entrée dans les cercles académiques - ne semble pas encore au rendez-vous : ce que Dubois présente comme le sceau de la Société Royale des Sciences est en réalité l’obligation de faire figurer un extrait des registres de la Société en guise d’avertissement :

14

« Les commissaires, dans cette circonstance, croient devoir prier l’Académie d’exiger de M. Dubois, traducteur de cet ouvrage, que le premier Rapport des commissaires qu’elle a nommés à cet effet, soit imprimé à la suite de cet ouvrage, pour mettre les chimistes et les physiciens à même de juger des inconvénients qu’on rencontre dans les opérations indiquées par M. Achard, et par ce moyen engager le savant chimiste de Berlin à tâcher d’y remédier [26]. »

15Pour autant, le compte rendu qui en est fait dans le Journal des Savants par Macquer indique l’intérêt de l’ouvrage [27].

16Au milieu de la décennie 1780, les ambitions savantes aussi bien que littéraires de Jean-Baptiste Dubois sont enrayées. Le personnage paraît caractéristique d’une génération de savants qui peinent à trouver une place dans les cadres de la vie intellectuelle et scientifique en expansion [28].

Les trois créations de la Feuille du cultivateur

17Entre 1783 et 1788, il nous est difficile d’imaginer quelles purent être les prétentions savantes ou éditoriales de Dubois. Tout juste sait-on, et cela n’est pas sans valeur, qu’il est proche, depuis son retour en France, de Lamoignon de Malesherbes. Il est chargé de l’éducation de son petit-fils. Il s’est attaché à ce grand homme et lui reste fidèle au-delà de la tombe : « personne n’a plus et mieux aimé mon respectable ami que moi » tout en reconnaissant « l’avantage inappréciable que j’ai eu de le suivre, pour ainsi dire, à chaque pas, dans sa vie politique et privée » [29].

18En 1788, Jean-Baptiste Dubois ressurgit dans le monde de l’édition. Il est à l’origine d’un Supplément au Journal général de France consacré à l’agriculture. Faut-il y voir l’influence de Malesherbes ? C’est probable mais cela n’épuise pas la richesse du contexte. Cette initiative ouvre une nouvelle période de la vie de Dubois qui se voue désormais à deux grands objectifs : les progrès de l’agriculture et la régénération de la France. La trajectoire de l’auteur est à l’image des Lumières agricoles. Les Lumières ne demeurèrent pas seulement un mouvement littéraire ou philosophique. Elles s’enrichirent d’une pensée de l’agriculture comme base de l’économie politique [30].

Un « tournant économique »

19Dans les dernières années de la décennie 1780, notre savant contrarié connaît un véritable « tournant économique », au sens même de l’expression utilisée par Steven Kaplan. L’historien considère en effet un « processus graduel et cumulatif […] qui s’exprime dans divers domaines d’activité, de sensibilité et de conscience » et qui se concrétise par l’explosion des publications plus ou moins liées à l’agronomie, par la réorganisation et le dynamisme des sociétés d’agriculture, par l’affirmation d’une génération de propriétaires et agronomes améliorateurs. Steven Kaplan identifie ce « tournant économique » dans les années 1750-1770 au moment des débats liés aux grandes tentatives de libéralisation du marché des grains [31]. En s’attachant au parcours de Jean-Baptiste Dubois, il est possible d’identifier une deuxième séquence. C’est que dans ces années, il en allait pour Dubois de la même façon que pour le processus de « révolution verte » identifié par François Dagognet : « il fallait tôt ou tard échapper à l’asphyxie (plus on sème, moins on récolte), il fallait que le verrou saute » [32].

20Le verrou saute et s’ouvre une période de possibles et d’incertitudes. Entre 1788 et 1790, la publication agronomique animée par Dubois connaît plusieurs mues. D’abord Supplément au Journal général de France puis Feuille d’agriculture, elle devient, à partir d’octobre 1790, Feuille du cultivateur. Cette création puis les transformations sont à comprendre comme le produit de plusieurs dynamiques cumulatives. Notons d’abord la réalité d’une entreprise éditoriale. Il y a ensuite la trajectoire et les considérations de Jean-Baptiste Dubois comme une sorte de produit des Lumières tardives. On trouve encore l’affirmation de l’économie rurale comme une branche importante du savoir. Il faut enfin ajouter les événements révolutionnaires.

21On ne peut abstraire la création d’une publication de l’étude des stratégies commerciales de ceux – rédacteurs, imprimeurs, libraires- qui la portent. La future Feuille naît comme supplément d’un journal général. Il s’agit incontestablement et selon des modalités bien étudiées par les historiens de conquérir un pan du marché de l’écrit en expansion. Il y a une attente du lectorat qu’il convient de combler. Cette initiative est aussi la réponse à une forme d’inquiétude ou pour le moins de perte de repères. Comme l’ont montré de nombreux travaux, il y a un fort dynamisme de la production littéraire autour de l’économie et de l’agriculture. Cette « fureur cultivatrice » selon l’expression d’André Bourde se traduit par un nombre croissant d’imprimés de toute nature et de toute forme. Il faut remettre de l’ordre, trier et sélectionner ce qui doit être présenté au lecteur. L’objet de ce Supplément est de « faire connaître, avec la plus grande exactitude, les livres nouveaux sur toutes les branches de l’agriculture et du commerce, les travaux des sociétés d’agriculture, les expériences des particuliers, les découvertes et observations nouvelles, etc. publiés en France et chez l’étranger » [33].

22Cette publication s’inscrit dès sa création comme un vecteur. Le Supplément de 1788 n’est pas animé par un agronome ou un propriétaire faisant valoir des terres. Dubois est un médiateur, pas un innovateur. Il n’est pas un créateur de savoir. Tout juste espère-t-il susciter d’éventuels écrits qui proviendraient des sociétés d’agriculture ou des « particuliers qui ont une étude suivie des objets auxquels ce supplément est consacré » [34]. L’essentiel est de fournir à son lectorat des articles courts ou écrits de telle façon qu’on puisse les donner par extraits. Le supplément de 4 pages en doubles colonnes doit paraître tous les quinze jours. Il ne s’agit pas de créer un concurrent aux Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique de la Société d’agriculture de Paris [35] qui depuis 1785 livrent quatre fois dans l’année de lourds volumes, pleins de longs mémoires, assurément moins accessibles que les quatre pages du Supplément. Les logiques de l’offre et de la demande se rencontrent. Le lecteur n’y trouve pas d’articles originaux de la plume de Dubois ou de collaborateurs mais une sorte de collection en cours de mémoires ou d’annonces parfois déjà publiés et souvent sous la forme de résumé.

Figure 1. Extrait du premier numéro du Supplément au Journal général de France

Figure 1.Extrait du premier numéro du Supplément au Journal général de France

Figure 1. Extrait du premier numéro du Supplément au Journal général de France

23Sans autre légitimité dans le domaine agronomique que la proximité bienveillante de Lamoignon de Malesherbes ou quelques rudiments de minéralogie, Jean-Baptiste Dubois se lance dans cette entreprise aussi parce qu’elle répond à ses engagements intellectuels exprimés dès 1778 dans son Essai sur l’histoire littéraire de la Pologne concernant la liberté de la presse. Se prononçant alors sur une liberté totale pour tout ce qui n’attaque ni la morale, ni le gouvernement, il souligne qu’« il faudrait pour le plus grand bien des sciences et des arts qu’il y eût la plus parfaite union entre les journalistes et les académies, ce qu’on est bien éloigné de voir. Il faudrait que l’on sût toujours gré aux auteurs qui s’occupent réellement du bien public » [36]. Le choix du domaine n’est pas anodin. Le bien public et la science se rencontrent alors dans le sillage de ceux qui promeuvent la science de l’économie rurale comme la base d’une société et d’une monarchie régénérées et prospères.

24Si l’on se réfère au travail d’André Bourde, « la période 1759-1780 était celle des espoirs, des méditations, des essais, des enthousiasmes. Celle qui va de 1780 à 1789, pour être aussi vibrante aux choses de l’agriculture a un caractère plus appliqué, plus sérieux. C’est semble-t-il, la promotion définitive et indiscutable de l’agronomie » [37]. La création de la Feuille du cultivateur a indiscutablement à voir avec cette promotion de l’agronomie. À partir du début de la décennie, et plus encore après 1785, on assiste à une reprise vivace des débats concernant non plus seulement l’agriculture mais la politique agricole. Autour de Bertier de Sauvigny ou de Vergennes, des cercles scientifiques et politiques nourrissent une impulsion significative. Les agronomes savants se rapprochent de l’administration et du gouvernement [38]. La liaison entre le domaine du savoir et le domaine de l’action est établie au plus haut niveau et on réfléchit à d’autres liaisons : entre les savants et les cultivateurs ou entre la France et les pays étrangers qui font figure d’exemples (les agricultures anglaises, hollandaises…). L’attention ne se fixe plus seulement sur les mesures libérales. Il y a un enrichissement des thématiques : une véritable réflexion sur les logiques de création, de diffusion et d’adaptation des innovations, un regard porté sur les institutions et sur tous les leviers de transformation agricole. Cet enrichissement et ces liaisons sans cesse renforcées, c’est l’économie rurale telle qu’elle se développe. Cette économie rurale inclut une pensée des mécanismes et une réflexion sur les outils de médiation [39]. L’économie rurale devient une catégorie du débat politique.

Une politisation croissante de l’économie rurale

25Cet enrichissement a lieu dans un contexte de politisation croissante. Les grandes transformations de l’entreprise éditoriale ont lieu après 1789. Au début de mai 1790, le Supplément devient Feuille d’agriculture et d’économie rurale à l’usage des propriétaires, fermiers, cultivateurs et habitants des campagnes. Un prospectus postérieur nous éclaire en partie sur les motivations qui ont présidé à ce changement. L’auteur sent combien il est intéressant de mettre à disposition des articles sélectionnés, complets et d’acquisition facile à un lectorat qu’on présente comme s’élargissant. 1790 correspondrait à un moment où les propriétaires commencent à s’occuper davantage de l’exploitation de leurs terres. Sans doute fallait-il aussi se détacher d’une publication généraliste dans un contexte de plus en plus politisé. Dans un premier temps, les entrepreneurs du Journal général de France proposent d’ouvrir une souscription séparée à un prix modique et à publier cette Feuille tous les huit jours. Dans un second temps, la Feuille devient indépendante de tout autre journal. M. Dubois la publie seul, à partir du 12 mai [40].

26Cette Feuille d’agriculture ne subsiste que quelques mois. Dès octobre 1790, on assiste à la naissance de la Feuille du cultivateur. Quel sens doit-on donner à cette dernière transformation ? Si on se reporte au Prospectus annonçant la nouvelle publication, on lit d’abord un faux-semblant. En effet, le texte indique que la Feuille nouvelle n’est que l’extension et le perfectionnement de la Feuille d’agriculture, changements qui ne seraient liés qu’à « l’abondance des matières à traiter » et au « choix d’un collaborateur » [41]. Ces explications ne peuvent suffire. Le prospectus déborde ce paragraphe introductif pour présenter de nouveaux collaborateurs et pour justifier, pour l’essentiel, des nouveautés matérielles : un nouveau prix plus élevé (12 livres par an, une périodicité nouvelle (bihebdomadaire), un nouveau titre, le choix de l’in-4° de 4 pages, des petits caractères (« petits romains ») …

27En 1791, un nouveau Prospectus s’enrichit de considérations moins techniques. « Un grand nombre de citoyens se félicitant, depuis la richesse la Révolution Française, de pouvoir puiser leurs richesses dans des sources pures, ont tourné leurs vues du côté de l’Agriculture. Il n’y eut jamais de moment plus favorable pour recueillir et répandre les faits relatifs à cet Art, devenu véritablement le premier des Arts » [42].

28Les événements politiques ont provoqué un changement de contexte. Entre projets, espérances et incertitudes, les savants doivent désormais construire leur légitimité selon de nouvelles modalités. L’essor de la presse politique et une série de nouveautés techniques sont susceptibles de détourner une partie du lectorat. Le modèle n’est plus les Mémoires trimestrielles, riches et formatés par les considérations académiques, mais le journal dans tout ce que ce terme contient de capacité de pénétration et de souplesse. Les rédacteurs de la Feuille font le choix d’une périodicité plus fréquente, d’un faible nombre de pages mais aussi s’ouvrent à la possibilité de suppléments « lorsque l’importance des matières l’exigera ».

29Le même groupe se détourne du modèle des publications encyclopédiques. La Feuille n’est plus consacrée à un art ou une science (« l’agriculture ») mais à un lecteur qui est en même temps un modèle d’individu politique (« le cultivateur »). Tout ce qui est dans la publication n’est justifié que par la contribution à la construction et à la promotion de ce « cultivateur » : des extraits d’ouvrages français ou étrangers sur toutes les parties de l’économie rurale et domestique (art agricole, maladies des animaux, culture des arbres, des légumes et des fleurs, branches du commerce et des manufactures…), la publicité des décrets de l’Assemblée nationale qui intéressent l’agriculture, des procédés … Le caractère encyclopédique ostensible disparaît de l’organisation de la Feuille : les rubriques telles qu’« agriculture et économie champêtre », « commerce et navigation », « économie », « histoire naturelle, économie champêtre, etc. », « histoire naturelle, botanique », « agriculture » disparaissent. Outre que des zones de recouvrement laissaient apparaître leur incomplétude, le choix est désormais fait de considérer le continuum que constitue l’économie rurale. Les distinctions ne se font plus que selon des caractères fonctionnels. Il n’y a d’indication que pour les annonces d’ouvrages ou d’encouragements.  

30Le choix du terme « cultivateur » n’est pas anodin dans cette France en Révolution. Le mot prend alors un sens précis et riche. Le mot et l’idée de cultivateur deviennent, à la fin du xviiie siècle, les éléments d’un vrai projet politique : « il est de l’intérêt des nations comme de celui de la science que les propriétaires deviennent tous cultivateurs »lit-on dans le Dictionnaire universel [43].

31Dans ces transformations, il faut encore concevoir des stratégies de légitimation. On note d’abord un rapprochement très frappant entre la Feuille d’agriculture de Dubois et la Société d’agriculture de Paris. Jean-Baptiste Dubois devient correspondant de la Société quand l’extension et le perfectionnement de la publication poussent à l’intégration de plusieurs membres de la Société au nombre des rédacteurs. Leurs profils révèlent la richesse des approches agronomiques. Dans un premier cercle, on relève les noms de Pierre-Marie- Auguste Broussonet (médecin et ancien assistant de la chaire d’économie rurale de Louis-Jean-Marie Daubenton à l’École vétérinaire d’Alfort) et de l’abbé Lefebvre. De manière un peu plus éloignée, on trouve le botaniste et jardinier en chef du Jardin du Roi, André Thouin, le « pharmacien » Antoine-Augustin Parmentier ou bien encore François Cretté de Palluel, maître de poste et agronome [44]. Ce qu’il faut comprendre, c’est que 1790 correspond à un moment de grande activité de la part de la Société. Pour Louis Passy « l’alliance cordiale du Comité d’Agriculture et de la Société d’agriculture est le trait principal et le caractère de l’année 1790 » [45]. Cette convergence entre les deux institutions tient à une méthodologie et des préoccupations communes mais aussi à la volonté de la Société de légitimer son statut. Cela passe par la promotion du travail et du savoir accumulés. L’utilité devient le maître mot. La Feuille du cultivateur est un vecteur important dans cette stratégie de légitimation. Toutefois, la Société n’est pas un organe monolithique. Que cinq d’entre ses membres se distinguent en intégrant de manière plus ou moins serrée le groupe des collaborateurs de la Feuille correspond aussi à la définition des contours d’une communauté savante particulière.

32La Feuille, c’est désormais un triangle constitué par un homme des réseaux et de l’imprimerie (Lefebvre), un savant (Broussonet) et un penseur de la diffusion des Lumières (Dubois). Le Prospectus s’arrête le plus longuement sur la figure de Pierre-Marie-Auguste Broussonet (1761-1807) qui occupe une place importante dans cette génération de savants de l’économie rurale qui ont pénétré la sphère de l’action. Théoricien de l’économie rurale depuis sa chaire à Alfort entre 1782 et 1787, en 1790 il est le secrétaire perpétuel de la Société d’agriculture. C’est le caractère nodal de la position de ce personnage qui est mis en avant par la Feuille. « Ses fonctions nécessitent la correspondance la plus active avec les propriétaires, les fermiers, les laboureurs de tous les départements, et ceux de l’étranger, ce qui le met à portée de connaître toutes les découvertes faites en économie rurale » [46]. Ses fonctions importantes au sein de la Société d’agriculture le mettent aussi en position de rassembler un panel plus large d’auteurs et de correspondants pour la Feuille.

33Le second personnage qui doit nous intéresser ici est moins connu par l’historiographie. Il s’agit de Jean-Laurent Lefebvre (1744-1806 ?), dit l’Abbé Lefebvre. Grâce à des mémoires envoyés sous le Directoire à différentes autorités, on connaît un peu mieux sa vie [47]. Né à Paris, il est destiné par ses parents à l’état ecclésiastique. Il se retrouve « sans trop savoir pourquoi ni comment » à l’abbaye de Sainte-Geneviève. Il fait profession à 17 ans. Il confesse en l’an V que cet état de chanoine régulier n’est pas celui qui lui convenait le mieux. Néanmoins, il s’applique autant que son honneur et sa délicatesse l’y poussent. En 1775, il devient le plus jeune procureur général de la Congrégation génovéfaine. « Étant procureur général de mon ordre, j’avais été appelé par l’intendant de Paris à la société d’agriculture, dont je fus nommé agent général peu de temps après ma réception ; et par suite je fus nommé membre d’un Conseil d’administration d’agriculture qui a eu lieu sous plusieurs contrôleurs généraux des finances » [48]. Vergennes et son comité d’agriculture sollicitent l’abbé Lefebvre afin de mettre en action le réseau constitué par les correspondants curés et desservants ruraux et ainsi pouvoir atteindre les cultivateurs sans passer par l’action des intendants et des subdélégués [49].

34Après les événements de 1789, il ne s’agit plus de gagner de l’argent ou de conquérir un lectorat solvable mais de gagner les esprits. La Feuille doit contribuer au bien public de toutes les manières possibles. Du point de vue du contenu d’abord. On annonce la possibilité d’insérer « à chaque saison […] les procédés convenables à chaque époque, afin que les cultivateurs puissent les mettre aussitôt en pratique » [50]. L’utilité s’accommode également pleinement du désintéressement. Les auteurs de la nouvelle entreprise éditoriale ne la regardent pas « comme devant être soumise aux calculs désintéressés d’une spéculation de commerce ». Plus encore, une partie du prix de la souscription, soit vingt sous, pourra être retenue par les municipalités ou les curés qui auront procuré la souscription. Cette somme sera alors consacrée aux indigents de leur localité.

« Le règne des mots est enfin passé, celui des choses arrive » : la Feuille du cultivateur et la construction du nouvel ordre républicain

35« Jusqu’alors, l’innovation technique se jouait surtout dans les livres, parmi les savants, dans les cabinets d’expérience, à l’Académie. Les conséquences et les applications ne viendraient que plus tard » note François Dagognet pour caractériser l’évolution des sciences agronomiques de la seconde partie du xviiie siècle [51]. Ce passage du cabinet et des bibliothèques à l’application dans les champs, les rédacteurs de la Feuille non seulement l’appellent de leurs vœux mais encore en perçoivent la réalisation prochaine. Pour eux, cela doit correspondre à la fin du « règne des mots » et à l’avènement du règne des « choses ». Cet achèvement scientifique doit venir du politique. C’est en effet la naissance de la République qui doit ouvrir de nouvelles perspectives aux Lumières agricoles. L’application des sciences agronomiques devient alors politique. Par trois fois, à des moments majeurs de la construction de la cité républicaine, Dubois et ses associés annoncent ce passage de l’ordre des mots à celui des choses. Ils énoncent ainsi le principe d’une politique agricole à laquelle ils sont progressivement associés institutionnellement.

La première proclamation de la fin du règne des mots

36En dépit des annonces enthousiastes de 1790, l’année 1792 constitue un étiage douloureux pour les animateurs de la Feuille. Le nombre des abonnés a régressé de manière dramatique. Les rédacteurs doivent s’appuyer sur les plus convaincus, ceux dont le goût pour l’agronomie est le plus ferme. Ce public choisi ne reste pas insensible à l’appel à contribuer plus. Certains acceptent une augmentation de la souscription ou accordent quelques gestes qui permettent de maintenir à flot l’entreprise. Colligny de Paris s’engage par exemple à fournir la somme de cent francs « si le nombre [des] souscripteurs n’est pas assez complet » [52].

37Le 10 août 1792, Jean-Marie Roland, très proche des agronomes, est rappelé au Ministère de l’Intérieur et à la fin de septembre les services du ministère sont réorganisés. Pour Roland ce qui ordonne le présent agronomique et les horizons les plus proches c’est la question des subsistances. Si les récoltes de 1792 laissent entrevoir quelques espoirs, « l’objet des subsistances [est] toujours celui qui produit la fermentation la plus prompte et la plus convulsive pour le peuple », bien plus, il forme un « état de choses aussi violent et aussi convulsif ». Le Ministre y lit le risque d’un déchirement prochain de la République [53]. La manifestation des progrès agricoles est donc nécessaire afin d’affermir le régime libéral attendu. L’agriculture doit être l’occupation la plus importante d’un peuple libre. Elle est propre à construire les mœurs et les vertus républicaines. La liaison entre politique et économie rurale se resserre notamment autour de Roland. Il s’ouvre un espace de convergence entre des préoccupations savantes et des luttes politiques.

38Le Compte-rendu de Roland à la Convention de janvier 1793 contient un exposé précis de la pensée qui doit devenir réalité [54]. Le plan repose notamment sur un bureau de six personnes éclairées et zélées qui entretiendraient une correspondance active avec tous ceux qui s’appliquent à l’agriculture par la théorie et la pratique, en France comme à l’étranger. Ce bureau central d’agriculture serait chargé d’examiner et de compiler tous les travaux qui lui seraient soumis. L’objectif serait d’en nourrir la publication d’un journal hebdomadaire, illustré et encyclopédique qui formerait le « point de ralliement »de tous les agronomes français ou étrangers. Cette publication précéderait et construirait une régénération des mœurs. Les pages de ce journal seraient de « nouvelles tables » formant la gloire de la République. On conçoit là aussi bien l’influence du modèle anglais que de la Feuille du cultivateur.

39L’impulsion politique vient donc conforter la Feuille du cultivateur. Le contexte porte néanmoins une contradiction : la jeune République manque cruellement de moyens. Les difficultés du quotidien et les incertitudes qui entravent la population restreignent le marché potentiel de l’édition agronomique. En dépit de toutes les annonces, faire vivre la publication se révèle difficile. Les rédacteurs s’adressent à l’automne 1792 au ministre de l’Intérieur. Celui-ci soutient intellectuellement et politiquement leur périodique mais il ne peut rien faire matériellement. Il ne dispose pas des fonds nécessaires. L’essentiel de ce qu’il peut utiliser à des fins de diffusion et de propagande doit aller à des ouvrages racontant et justifiant les événements du 10 août [55]. La Feuille du cultivateur ne devient donc pas la publication agronomique de la République.

40La nécessité d’une diffusion de l’économie rurale existe pourtant. Elle parcourt le personnel politique de bas en haut. Sans doute à l’initiative de Lefebvre qui est l’homme des questions matérielles et qui a l’expérience de la constitution d’un réseau de correspondants et de relais, les rédacteurs décident de s’adresser aux administrations de départements et aux sociétés populaires. C’est par ces échelons que la France s’est emparée des nécessités de régénération et de fourniture des subsistances. Les réponses semblent positives. Les espoirs énoncés sont en partie réalisés. Une notice historique annonce que 463 souscriptions auraient été réalisées par le biais des administrations de départements et autant par celui des sociétés populaires [56]. L’engouement pour la régénération de l’agriculture et la diffusion de l’économie rurale est donc particulièrement marqué.

41La Feuille du cultivateur est non seulement sauvée, elle est aussi confortée. Le volume de 1793 s’ouvre par un texte enthousiaste. « Le règne des mots est enfin passé ; celui des choses arrive. On commence à sentir que l’Agriculture est la mère des arts et du commerce ; qu’un pays sans agriculture est essentiellement un pays pauvre ». Les « Observations particulières sur l’agriculture » fruit de la plume et de la pensée des animateurs de la Feuille déploie alors un petit essai montrant la convergence des conditions politiques, des nécessités agricoles et des acquis agronomiques. D’un côté, on note que le processus qui a abouti à la proclamation de la République a affermi la liberté des personnes et la sûreté des propriétés, brisé les chaînes féodales et prohibitives et donc rendu la prospérité de l’agriculture possible. D’un autre côté, désormais, « le sentiment de leur liberté doit donner un nouvel essor à l’industrie [des habitants des campagnes] ; […] de nouvelles connaissances peuvent développer en eux de nouvelles sensations ». En conséquence, « ils s’entoureront, ils s’enrichiront par la lecture des bons auteurs qui leur présenteront des préceptes utiles et des procédés qui assureront leur aisance ; ils arroseront de larmes d’attendrissement l’ouvrage qui tracera la route assurée de se la procurer, et ne présenteront plus à la patrie que des vertus et des fruits » [57]. L’accent est mis sur les vecteurs et les passeurs des Lumières. Il faut trouver un équilibre entre expérience et théorie, faire glisser la science vers un peuple des campagnes qui aurait été maintenu malgré lui dans l’ignorance et les préjugés. « Propriétaires, fermiers, cultivateurs, habitants des campagnes, instruisez-vous donc par une lecture assidue des faits et des procédés qui peuvent vous intéresser […] essayez, ne vous rebutez pas. […] Nous nous garderons bien de mettre sous vos yeux les développements d’une théorie sèche et inexacte ; ce sont des faits et des procédés que nous vous offrons » [58].

42Les espoirs sont pourtant en partie déçus. « L’année 1793 puis l’an II sont [...] marqués tout autant par de vastes projets de ”régénération citoyenne” que par des affrontements devenus inexpiables » [59]. La guerre extérieure comme la guerre civile entraînent une mobilisation menaçante des ressources naturelles. La pression populaire s’accroît. Les oppositions se durcissent. Les agronomes plus ou moins proches de la Feuille ne peuvent s’abstraire de ce contexte où la peur devient une puissance de changement souvent supérieure à l’enthousiasme. Le ministère Roland a achevé de politiser l’agronomie et de célébrer le baptême républicain des Lumières agricoles. Il les a en même temps exposées.

La deuxième proclamation

43Le « discours préliminaire » de 1794 est marqué par ce changement de contexte mais aussi par la fidélité au projet exprimé en 1793. Cette fidélité se marque d’abord par la reprise exacte des premières lignes des Observations de 1793. On comprend rapidement que les auteurs veulent aller plus loin et plus vite. « Nous espérons qu’après avoir considéré la prodigieuse variété de faits et d’expériences que renferme déjà notre recueil, on verra dans cette quatrième année que nous avons fait un pas de plus et que l’extension de notre plan et de notre travail annoncera une moisson plus ample encore et plus intéressante » [60].

44Il y a néanmoins des changements autour de la Feuille. Certains prennent la forme de manifestations de rupture politique. Le girondin Broussonet s’éloigne. Il est désormais remplacé par Antoine-Augustin Parmentier. Les interlocuteurs et les vecteurs du progrès de l’économie rurale ont changé. Plus qu’aux sociétés savantes et aux propriétaires, c’est désormais aux « Administrateurs » et aux « Sociétés populaires » que s’adressent les auteurs pour faire circuler et prospérer le progrès agronomique. Sans que cela ne soit explicitement exprimé, on comprend la répercussion des transformations profondes et le besoin d’appuis pour faire concurrence au modèle qu’incarne « l’homme révolutionnaire » dans sa forme agricole.

Figure 2.Le règne des mots est enfin passé… (1794)

Figure 2.Le règne des mots est enfin passé… (1794)

Figure 2.Le règne des mots est enfin passé… (1794)

45Un nouveau modèle d’écriture et de projet agronomiques est apparu. Le meilleur exemple en est fourni par Charles-François Lecour qui présente le 5 frimaire an II (16 janvier 1794) son Opinion naturelle et politique, ou observations sur les moyens de régénérer, d’accélérer et d’améliorer l’agriculture dans la République française. Celui qui se présente comme « cultivateur français à Passy » prétend vouloir offrir au bonheur de tous des « idées toutes nues » fruit de son seul travail manuel. Il s’agit d’un discours qui s’appuie sur la vertu et la volonté et tend à oublier l’expérience savante. « Eh bien ! pour rendre la culture des terres telle qu’elle doit être, il faut faire en agriculture ce qu’on a fait en Gouvernement, c’est-à-dire renverser l’édifice de l’ignorance et de la cupidité du Laboureur, pour lui substituer le système de la rigoureuse observance des lois, observance impérieusement prescrite pour le besoin des peuples ». L’examen des besoins et des savoirs tolérés dans le champ de l’économie rurale est renvoyé à des assemblées populaires, excluant la nécessité d’une diffusion savante et la possibilité d’une expertise [61].

46Face à des menaces qui atteignent jusqu’à la personne même de certains proches des auteurs de la publication [62], la Feuille du cultivateur parmi d’autres cercles devient le lieu d’un discours de la modération en même temps qu’un horizon crédible pour lutter contre la crise des subsistances. La valorisation dans la Feuille du savoir accumulé par des vétérinaires, des agronomes ou des chimistes témoigne d’une volonté d’œuvrer au bien commun, de proposer une économie et une écologie politiques et de défendre ou d’asseoir des positions savantes. Ce groupe de savants travaille en effet notamment à faire passer les questions liées à la nourriture du cercle restreint de l’économie domestique à celui plus complexe de l’économie rurale. On trouve des mémoires visant à permettre une intensification de la valorisation du potentiel nutritif des animaux et ainsi de créer une alternative à la seule frugalité excessive. La période de l’an II est un moment important de cristallisation de savoirs et du passage de la « monarchie du pain » à la « République de la pomme de terre » [63].

47La Feuille du cultivateur participe à des formes de réhabilitation des savants. Fidèle à sa vocation d’exposer et de hiérarchiser, elle n’exclut aucun savoir. Elle publie des mémoires de savants à la dotation institutionnelle forte aussi bien que d’auteurs volontairement anonymes ou fort modestes. Un nouveau modèle d’auteur ou de contributeur apparaît, le simple citoyen, si possible « cultivateur », « propriétaire-cultivateur », sans titre académique, membre d’aucune autre société que la nation, et parfois anonyme. Elle donne même l’annonce de l’Opinion naturelle de Lecour qui chagrine pourtant ses convictions savantes.

48La Feuille constitue un lieu de résistance aux assauts, aux « calculs vandaliens » [64] et au « vertige de la destruction » [65]. Une véritable stratégie se met en place qui débute en ventôse avec la publication d’un mémoire lu à la société libre d’économie rurale, œuvre de Jacques-Philippe-Martin Cels, présenté comme simple « cultivateur de la plaine de Montrouge ». Le mémoire s’intitule sobrement « observations sur les jardins de luxe ». Il s’agit d’œuvrer à la préservation de ces jardins qu’on qualifie à tort de jardins de luxe. Le luxe étant lié au seul plaisir et au fait de « ne rien apporter d’utile », Cels entreprend de démonter cette qualification. « Cette définition n’est point exacte, car il est impossible qu’un végétal, tel qu’il soit, soit inutile. Mais dans ce cas, comme dans beaucoup d’autres, nous trouvons plus commode de calomnier la nature, afin de nous dissimuler nos torts ou notre ignorance ». Il conclut « Tout est luxe pour celui qui ne voit point les rapports d’utilité » [66].

La troisième proclamation

49Le contenu de la Feuille interagit alors avec les discours de ceux qui à l’instar de l’Abbé Grégoire appellent à la diffusion d’une science de l’économie rurale qui serait à même de faire de tous les Français les citoyens dans une économie politique vertueuse. Le rejet des excès « vandaliens » et le discrédit des excès « montagnards » au cours de la crise de l’an II créent un vide dans les projets républicains. L’économie rurale peut d’autant plus le combler qu’elle associe idéalité et pragmatisme. Idéalité parce qu’elle est unie au projet politique républicain de régénération des Girondins dès la fin de l’été 1792, pragmatisme parce qu’elle nourrit les commissions exécutives qui remplacent les ministères à partir de germinal an II (avril 1794). On assiste alors à une floraison sans précédent d’une économie politique qui met en son cœur non plus seulement l’agriculture mais l’économie rurale dans son sens le plus large. On retrouve cela dans un avis des rédacteurs de la Feuille en date du 17 germinal an II. Pour la troisième fois, on retrouve une formule qui semble devoir scander l’avènement républicain.

50

« Le règne des mots est enfin passé, avons-nous dit depuis longtemps, celui des choses arrive. Le salut de la République repose tout entier sur l’agriculture ; c’est à elle seule qu’il appartient de réparer nos pertes et de régénérer nos mœurs, c’est elle qui, en renouvelant sans cesse nos forces et nos richesses, opposera constamment une digue insurmontable aux efforts impuissants de nos ennemis [67]. »

51Cette troisième proclamation se justifie par une décision politique par laquelle la diffusion de l’économie rurale et de la Feuille du cultivateur au niveau des arrondissements et des sociétés populaires se double d’un mouvement par lequel le pouvoir politique « central » décide de faire de la Feuille du cultivateur le vecteur par lequel doit s’effectuer la propagation du républicanisme qui se dessine autour de la figure du citoyen-propriétaire. Le 2 germinal an II, le Comité de Salut public autorise la Commission des subsistances à faire distribuer la Feuille du cultivateur dans les départements, les districts et les sociétés populaires. Le rapprochement va au-delà d’une simple diffusion. Ladite commission souscrit alors pour 2000 exemplaires. Elle s’offre encore la possibilité de faire insérer les pièces, avis et instructions qu’elle jugera nécessaire de propager. Il faut lire dans cette décision aussi bien l’effet de la demande émise par les autorités et les relais « locaux » que la manifestation de la prégnance de l’économie rurale.

52La publication devient un vecteur de toute cette production d’économie politique. On y lit les grands rapports, en particulier ceux d’Eschasseriaux, des arrêtés du Comité de Salut public, des annonces officielles, etc. Tout cela participe autant à la préservation ou l’augmentation du potentiel agricole qu’à la valorisation du citoyen propriétaire conscient de la nécessité d’unir ses intérêts particuliers avec l’intérêt de la nation républicaine. Cette union peut se faire dans la Feuille du cultivateur autour d’un animal domestique qui devient alors un corps politique vivant devant non seulement produire et se reproduire mais encore unir (les villes aux campagnes, les riches aux pauvres…). C’est le cas dans une intéressante adresse de la Commission d’agriculture et des arts aux habitants des campagnes parue dans la Feuille en juin 1794[68]. La Commission appelle à la multiplication du bétail de la République et offre les pistes de cette augmentation : « libres et heureux, les hommes ne craindront plus de multiplier ; le peuple le plus puissant de la terre deviendra bientôt le plus nombreux, et cette révolution si désirée, depuis si long-tems attendue, sera tout à la fois l’ouvrage, la gloire et le triomphe des cultivateurs » [69].

53La Feuille n’est pas que le réceptacle d’une parole politique désormais teintée par la lumière des volontés agricoles. Elle est aussi le trésor d’une science de l’agriculture raisonnée. Ce savoir est mobilisable au même titre que les savants de l’économie rurale qui intègrent désormais les institutions savantes ou exécutives de la République – Commission des subsistances, Commission d’agriculture et des arts, Institut national, École d’économie rurale d’Alfort, Muséum d’histoire naturelle, École normale, etc. Jean-Baptiste Dubois décide une réimpression de l’ensemble. C’est l’Introduction à la Feuille du cultivateur contenant les procédés, expériences, mémoires, observations, annonces et extraits de livres, utiles aux cultivateurs, renfermés dans la Feuille d’Agriculture, qui a été le germe de celle du cultivateur, et dont l’édition est entièrement épuisée[70]. Il s’agit d’un gros volume de 495 p. offrant la réédition des quatre volumes annuels juste expurgés des annonces ou répétitions inutiles. Le travail éditorial est limité à deux tables très complètes : une des matières et une des auteurs. On retrouve donc numéro après numéro, le contenu de la Feuille. La raison de ce choix tient dans trois éléments : la rapidité de transformation du contexte politique et institutionnel qui fait L’économie rurale doit fournir prestement les améliorations qu’elle énonce ; le fait que les éditions de la Feuille sont épuisées alors qu’il fournit la demande en Instructions ou remèdes ; enfin, la structure renvoie à la nature même de l’économie rurale « il eût été difficile d’en classer un grand nombre [d’articles] également à plusieurs branches de l’économie rurale ». L’économie rurale se présente en effet comme un véritable continuum de savoirs et de techniques. Les tables constituent néanmoins un véritable outil : elles confèrent à la Feuille ce caractère de savoir raisonné et ordonné attendu par tous ceux qui s’intéressent à l’économie rurale. C’est d’ailleurs ce point que les auteurs de la Décade mettent en avant dans leur annonce de l’édition [71].

Construire la république des citoyens-fermiers

54Jean-Baptiste Dubois intègre l’Agence d’agriculture de la Commission d’agriculture. Cela lui permet d’abord de renforcer ses liaisons savantes et d’avoir accès au fonds de mémoires et de rapports qui s’est constitué autour des commissions exécutives [72]. De simple médiateur des savoirs agronomiques il devient aussi producteur d’une pensée de la transformation de l’agriculture et de la construction de la République. En l’an III, il présente à la Commission d’agriculture et des arts, ses Vues générales sur l’amélioration de l’agriculture en France, un mémoire écrit rapidement mais sans doute longuement médité, destiné à répondre au décret du 28 fructidor, véritable appel à la libération de l’agriculture. Au cœur de cet écrit, on lit la nécessité de vaincre par l’instruction les deux sources de l’ignorance et des routines : l’intérêt des despotes et la volonté de ceux « qui appliquent à l’agriculture les moyens de vigueur qui ne sont applicables qu’au gouvernement dans des circonstances données ». Dubois le martèle, « il n’est qu’un remède à l’ignorance, c’est l’instruction, il n’est qu’un moyen de briser les chaînes de la routine, c’est encore l’instruction » [73]. Or, « instruire en économie rurale, c’est répandre la connaissance d’un grand nombre de faits d’où résultent des vérités pratiques, c’est prouver par des expériences multipliées que dans une position donnée, l’intérêt du cultivateur est de suivre tel ou tel procédé » [74]. Cette propagation ne peut emprunter que deux voies. L’une, la plus efficace, est l’exemple ; l’autre est celle des livres, des feuilles, des mémoires et des sociétés populaires. Tout l’art du bon législateur et du bon administrateur consiste pour Dubois à réunir ces deux moyens, « en multipliant surtout les exemples ». Le propos est repris dans des textes ultérieurs de Dubois [75].La politique agricole c’est d’abord l’éducation du citoyen-cultivateur, autant que la conservation et la réforme de grandes institutions agronomiques [76].

La politique agricole de la République, c’est aussi l’éducation du citoyen-cultivateur

55La Feuille du cultivateur contribue à ce projet tout en devenant le reflet des étapes ou des horizons de la construction de l’ordre sociétal républicain. Il y a alors une conjonction très intime entre la pensée issue des milieux agronomiques savants des vecteurs et des agents de l’introduction des Lumières agricoles dans les campagnes et celle qui est le produit de la pensée politique souvent qualifiée de « thermidorienne ». Cette pensée a inventé la Terreur de la même façon que les milieux férus de l’agronomie ont insisté sur les calculs vandaliens et les excès montagnards. On a alors un système de représentation qui justifie le nouveau personnel administratif. Les savants doivent rendre de nouveau possible le progrès de la société, ici à partir d’une base agronomique. La Feuille du cultivateur est mise au service de cette promotion de l’idéal d’un citoyen-fermier dont le dessin épouse aussi les valeurs et les principes du bon père de famille. Nul n’est bon cultivateur s’il n’est en même temps bon citoyen !

56En 1794, la diffusion de l’économie rurale est confiée aux « adminis­trateurs » et aux « sociétés populaires » [77]. Les premiers doivent favoriser de tout leur pouvoir « ce commerce de faits et d’expériences qui tendent à la prospérité publique ». Aux secondes, on demande de protéger et de répandre un ouvrage destiné à affermir les bases de la liberté. La diffusion de l’instruction rurale et la lutte contre les inerties s’établissent dans un double mode, horizontal pour l’essentiel, mais également vertical. Verticalement, des cercles parisiens vers les départements, via les administrations et les « propriétaires les plus aisés », ceux qui ont le moyen de donner l’exemple. Horizontalement par l’échange entre des égaux par leur perfectibilité (l’acquisition par tous des lumières par la lecture) et par leur capacité à prospérer sur le sol de France. « Administrateurs, sociétés populaires, invitez donc les cultivateurs à lire avec attention et à se communiquer le recueil périodique de faits qu’on leur présente ; c’est une correspondance établie entre eux ; c’est une conversation dans laquelle ils se rendent compte mutuellement des succès ou des non-succès de leurs expériences » [78].

57Cette définition des sociétés et des administrations de départements comme vecteurs principaux de propagation de l’instruction en matière d’économie rurale implique rapidement l’augmentation du nombre des abonnements à la Feuille passés au nom de la Commission sur les deniers publics. La République souscrit à un millier supplémentaire. Cela représente la dépense annuelle relativement faible de 15 livres par exemplaire [79]. Les rédacteurs insistent sur la modicité de cet abonnement. Il ne s’agit pas d’une entreprise à but lucratif. Lorsque le coût de production augmentera, le propos se retournera contre eux [80].

58Tout un travail d’identification des canaux par lesquels la Feuille pourra être diffusée accompagne cette augmentation de la diffusion institutionnelle. Cela implique de connaître d’abord département par département quels sont les territoires qui doivent bénéficier de l’attention la plus soutenue. Des informations sont collectées. Des disparités importantes sont relevées qu’il convient de corriger. Ainsi, si dans les Hautes-Alpes 18 des 38 cantons reçoivent la Feuille, dans l’Allier tout reste à faire dans les 58 cantons ! [81] Un travail plus qualitatif est également effectué. On s’efforce de distinguer ceux des citoyens qui seraient le plus en mesure de servir de propagateurs du savoir agronomique raisonné. Le 18 brumaire an III (8 novembre 1794), la commission présente une « liste des abonnés de la Feuille du cultivateur qui ont montré le plus de zèle ». 56 noms, parfois avec leur état, sont recensés parmi lesquels on trouve quelques figures bien connues : Nicolas François de Neufchâteau, Jean-Baptiste Rougier-Labergerie, Jacques-Antoine Creuzé-Latouche ou Charles Sonnini de Manoncourt  [82].

Faire ruisseler les lumières agricoles

59En 1795, les administrateurs, les représentants ou les sociétés populaires sont juste évoqués comme des tribunes utiles. Ils figurent au même rang que le simple citoyen. Ce qui est mis en avant, c’est le rapport entre le gouvernement et les bons citoyens qui ne sont pas définis par l’appartenance à une catégorie naturalisée. De l’un aux autres, il existe deux grands moyens de diffusion des bons principes de l’économie rurale : l’instruction et les encouragements.

60

« L’instruction est le remède à l’ignorance, les encouragements sont les stimulants de la tiédeur et de l’inertie ou l’appui du zèle borné dans ses moyens ». L’instruction se répand par les discours, par la voie de l’impression et de l’exemple. « Quel est le représentant, quel est l’administrateur, quel est le simple citoyen qui n’ait pas des occasions multipliées de prêcher l’amour de l’Agriculture, de faire connaître tout ce qu’il aura observé, tout ce qu’on lui aura dit, tout ce qu’il aura lu d’utile à ses progrès [83] ? »

61Le « discours préliminaire » de 1796 révèle des transformations majeures. Il n’est plus question d’une catégorie unique des « bons citoyens ». Deux groupes sont très nettement distingués par les rédacteurs de la Feuille. D’abord, un nouveau peuple : « la foule des cultivateurs ordinaires, conduits par la routine la plus aveugle et les préjugés les plus invétérés ». Il s’agit au mieux d’un peuple d’« imitateurs », d’individus qu’il faut faire contribuer « malgré eux » au progrès de l’agriculture et à la prospérité publique. Ces hommes qu’il ne s’agit plus seulement de régénérer mais de civiliser sont désormais hors de la politique parce qu’ils sont « démoralisés par les événements de la fortune publique » et parce qu’ils ont « développé de la manière la plus effrayante ce germe de l’intérêt personnel ». Sans les efforts de la République, ils ne contribueraient ni par leurs lumières, ni par leurs richesses à la construction de la liberté et de l’abondance. En 1796, il est nécessaire de profiter de l’impulsion donnée par les circonstances politiques, en marquant une rupture avec l’évolution révolutionnaire. Les savants de la Feuille écrivent en substance qu’il aurait sans doute été vain d’attendre du seul « progrès des lumières » les transformations les plus profondes. Ils s’accordent en cela avec les discours de ceux qui, avec Daunou ou Boissy d’Anglas, et surtout après la Terreur, veulent faire reposer l’édifice politique et social sur les nouveaux piliers que constituent les propriétaires distingués dans un ordre méritocratique [84]. « Nous fut-il jamais permis d’espérer un concours si nombreux de propriétaires éclairés, dévoués entièrement à l’économie rurale ? ». C’est à partir d’eux, en effet, que l’instruction, le progrès, les ferments de la prospérité peuvent se diffuser. « Quels sont ceux qui peuvent donner ces exemples » dont l’économie rurale et avec elle la République ont besoin ? « Les nouveaux cultivateurs : ceux qui, par une éducation libérale, malheureusement dirigée vers des connaissances moins utiles, sont préparés à recevoir toutes les instructions agricoles qui peuvent leur être présentées et à recueillir le fruit de l’expérience d’un petit nombre de cultivateurs instruits qui ont jusqu’à présent prêché dans la désert ». Les savants de l’économie rurale attendent donc de l’aboutissement des discussions constitutionnelles un ordre social constituant – et couronnant – une nouvelle aristocratie républicaine dans les campagnes sans doute davantage que les écoles supérieures que le Comité d’Instruction publique s’efforce de préparer. Dans ce discours ouvrant l’année 1796, il n’est pas question de serviteurs de l’État, d’un corps technique particulier mais d’une classe nouvelle de propriétaires éclairés et conscients de leur mission désormais civilisatrice, venant apporter les lumières de la ville aux masses ignorantes. Pour y parvenir, il faut que la République par ses soutiens actifs utilise la nature propre de ces paysans : « servons-nous de cette passion même qui dégrade leur caractère, pour les faire contribuer, malgré eux, à consolider la première branche de la prospérité publique […] parlons à leur intérêt par des exemples frappants et bientôt ils formeront un peuple d’imitateurs ». C’est donc de la conjonction des grands dépôts de savoirs, parisiens particulièrement, et des élites républicaines que doit provenir le rayonnement de la république agricole et commerciale. « Il n’en est pas de l’agriculture comme de tous les autres arts : il n’est pas nécessaire d’avoir vieilli dans sa pratique pour faire des essais vraiment utiles ; et dès la première année, dès les premiers instants, on peut y servir la chose publique » [85].

62L’impulsion s’essouffle dans les soubresauts politiques et le marasme financier du Directoire. La détérioration des conditions économiques de survie de la Feuille du Cultivateur dès la fin de l’été 1797 dit beaucoup du rétrécissement des horizons de la République des agronomes. L’abbé Lefebvre se démène pour maintenir à flot les finances de son imprimerie et de sa publication. Il joue de ses réseaux, s’adressant aux services du Ministère de l’Intérieur comme à François de Neufchâteau, utilisant les sociétés d’agriculture… Tout cela pour obtenir enfin le paiement en numéraire de créances qui s’accumulent : 21000 francs en fructidor an V, 30000 en vendémiaire an 5, 45123 francs au premier trimestre de l’an VIII [86]. Lefebvre est acculé par ses fournisseurs et créanciers. Il craint pour son honneur et l’avenir de ses enfants. Il ne cesse de rappeler son dévouement à la République et son travail au service de l’agronomie. Cela vaut peu.

63Au début de l’année 1800, la parution est interrompue : l’imprimeur ne parvient plus à équilibrer les comptes. Les explications de Lefebvre démontrent l’enlisement de l’agronomie républicaine dans un terreau peu fécond. Les créances impayées par le gouvernement s’accumulent annonçant le renoncement de la République à ses propres engagements. L’idéal d’une culture agronomique partagée se perd et un cloisonnement s’opère entre des élites de cultivateurs et un peuple d’agriculteurs - imitateurs. Le mouvement d’expansion des connaissances et d’agrandissement du cercle des citoyens-cultivateurs se ralentit : les abonnés « sont en petit nombre parce que le gouvernement envoyant 2200 exemplaires de la feuille du cultivateur à ceux des agriculteurs des départements qu’il avait jugés les plus en état de l’utiliser dans leur canton, par leurs connaissances en économie rurale et par leur zèle à en étendre les progrès, ces agriculteurs ne se sont point fait inscrire sur la liste de mes abonnés, ce qu’ils auraient fait s’ils n’eussent point été portés gratuitement sur celle du gouvernement » [87]. La publication reprend jusqu’en l’an XII, sans véritable soutien du ministre de l’Intérieur.

64Et si en fait de politique agricole sous la première République de notre histoire, il était d’abord question d’une politique des Lumières (agricoles) ? La Feuille du cultivateur témoigne de l’expansion de la quantité de sciences et de techniques utiles mises en circulation à la fin du xviiie siècle. Elle accompagne des changements économiques, sociaux et démographiques majeurs. Elle témoigne surtout de la force de l’impulsion républicaine. On y lit beaucoup la réalité et de la fertilité du terreau agronomique qui est aussi celui sur lequel les hommes du Directoire ont esquissé les contours d’un nouvel agencement républicain. Les savoirs comme les idées circulent selon une économie particulière dans laquelle institution, individus et marché éditorial interagissent mais où on devine l’importance de l’impulsion « étatique » à partir des principes qui fondent l’ordre républicain.

65À partir de 1794, le groupe de la Feuille du cultivateur se voit couronné et nourrit cette même impulsion « étatique ». Impressionnés par les images et les mots forts de Grégoire ou d’Eschasseriaux, nombreux sont ceux qui considèrent désormais que l’agriculture doit être le principe d’organisation sociale devant contribuer au plus haut degré à la construction de la Cité républicaine. La figure de Cincinnatus éclaire celle du citoyen : il faut retrouver la terre après les troubles et les combats, poser les armes pour (re)prendre les outils agricoles. Beaucoup sont convaincus que l’agriculture ouvre des voies nouvelles pour imaginer un régime républicain nouveau.

66La trajectoire de la Feuille indique également les limites de ce moment agronomique. Le stock des auteurs n’est pas inépuisable ; davantage encore, l’épiphanie républicaine ne s’est pas accompagnée de ce grand mouvement de propagation de l’instruction à destination des ruraux. Les renoncements pédagogiques permettent le retour du règne des mots : l’innovation technique regagne les cabinets et les troupeaux d’expériences régis par des « patrons » pour de grands propriétaires-améliorateurs [88].

Annexes

Le 2e numéro du Supplément au Journal Général de France en janvier 1789

Le 2e numéro du Supplément au Journal Général de France en janvier 1789

Le 2e numéro du Supplément au Journal Général de France en janvier 1789

Sommaire du numéro :
Agriculture, économie champêtre, etc.
De Mezzi di prevenire, etc. c’est-à-dire des moyens de prévenir la disette dans la vielle et le territoire d’Anagni, par M. Antoine Calacicchi, etc. à Rome, chez Luigi Vescovi, 1788, in-8°
Traité de la culture du chêne, contenant les meilleures manières de semer les bois, de les planter, de les entretenir, de rétablir ceux qui sont dégradés et de les exploiter, etc. par M. Juge de S. Martin, correspondant de la Société royale d’Agriculture, à Paris, chez Royez, libraire, 1788, in-8°
Hushalnings Journal, etc. c’est-à-dire Journal économique, depuis le mois de mai 1787 jusqu’au mois de septembre 1788 inclusivement, à Stockholm
Memoria sulla moltiplicazione, miglioramento, e conservazione della specie bovina ne paesi di pianura[…] c’est-à-dire Mémoire sur la multiplication, l’amélioration et la conservation de l’espèce des bêtes à cornes dans les pays, soit de plaine soit de montagne par M. françois Toggia, médecin royal vétérinaire de la société agraire de Turin, in-8°
Prix distribués par la Société royale d’Agriculture dans sa séance publique, tenue à l’Hôtel de Ville le 28 novembre 1778.

Le 5e numéro de la Feuille du Cultivateur en janvier 1794

Le 5e numéro de la Feuille du Cultivateur en janvier 1794

Le 5e numéro de la Feuille du Cultivateur en janvier 1794

Sommaire du numéro :
Avis important aux habitants des campagnes sur les désastres occasionnés dans le moment actuel, par la morve qui règne sur presque toutes les grandes routes de la République, lettre du C. Huzard, vétérinaire en chef des Messageries nationales, aux Rédacteurs de la Feuille du Cultivateur.
Expériences comparatives du produit des pommes-de-terre avec celui des carottes, de la betterave champêtre et des haricots par un cultivateur des environs de Longjumeau.
Sur le Médecin des campagnes, ouvrage dont l’annonce a été faite dans le N°93, de 1792 et dont on a donné un extrait dans la Feuille n°99 de 1793.
La Commission des subsistances et approvisionnements de la République, aux Administrateurs de district, Paris, le 9 nivôse, l’an 2e de la République française, une et indivisible.
Aux rédacteurs de la Feuille du Cultivateur [lettre de T…., abonné, de Langres, département de la Haute-Marne].
Extrait d’une lettre du C. Pezet-Corval, propriétaire-cultivateur à Saint-Cyr, près Château-sur-Saône.
Annonce de livre.
Avis au public.

Bibliographie

Bibliographie

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    • , Vues générales sur l'amélioration de l'agriculture en France, présentées à la Commission d'agriculture et des arts, Paris, Imprimerie de la Feuille du Cultivateur, 1794 ;
    • , L’Introduction à la Feuille du cultivateur contenant les procédés, expériences, mémoires, observations, annonces et extraits de livres, utiles aux cultivateurs, renfermés dans la Feuille d’Agriculture, qui a été le germe de celle du cultivateur, et dont l’édition est entièrement épuisée, par le C. Dubois, l’un des rédacteurs de la Feuille du Cultivateur, seconde édition, Paris, Imprimerie de la Feuille du Cultivateur, an III.
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Mots-clés éditeurs : agronomie, édition, Lumières agricoles, économie rurale, Révolution française

Date de mise en ligne : 17/02/2020.

https://doi.org/10.3917/hsr.052.0103

Notes

  • [1]
    Festy, 1950, p. 168.
  • [2]
    Jones, 2016 ; Livesey, 2001 ; Serna, 2017.
  • [3]
    Bret et Chappey, 2012.
  • [4]
    Mathiez, 1973, p. 84-85.
  • [5]
    Bourde, 1967, p. 1316.
  • [6]
    Mathiez, 1973, p. 84-85.
  • [7]
    Bourde,1967, p. 1316.
  • [8]
    Dubois, 1772.
  • [9]
    A.H.R.F.,2004 ; Hahn, 1993.
  • [10]
    Dubois, 1772, p. xv.
  • [11]
    Ibid.
  • [12]
    Dubois, 1772, p. vi-x.
  • [13]
    Hahn, 1993, p. 151.
  • [14]
    Conseiller de la Cour du Roi de Pologne, membre de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, de la Société des Curieux de la Nature de Berlin, de l’Académie Royale des Géorgiphiles de Florence, de la Société Physique de Dantzig.
  • [15]
    Achard, 1783, p. v.
  • [16]
    « Dubois, conseiller de la Cour de S. M. le Roi de Pologne, Membre de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, de la Société des Curieux de la Nature de Berlin, de l’Académie Royale des Géorgiphiles de Florence, de la Société Physique de Dantzig, etc. » ; Achard, 1783.
  • [17]
    Dubois, 1778.
  • [18]
    Abbt, 1780.
  • [19]
    Brandes, 1781.
  • [20]
    Ibid. : « Du Mélodrame en général, et de celui d’Ariane en particulier ».
  • [21]
    D’Origny, 1788, p. 262-263.
  • [22]
    Dubois, 1778, p. 37.
  • [23]
    Wallerius, 1780, p.vii-viii.
  • [24]
    Wallerius,1780, p. x.
  • [25]
    Achard, 1783.
  • [26]
    Achard, 1783, p. 178.
  • [27]
    Journal des Sçavans, 1783, p.358-362.
  • [28]
    Hahn, 1993, p. 149-151.
  • [29]
    Dubois, 1793, p. 1.
  • [30]
    Kaplan, 2017.
  • [31]
    Kaplan, 1986 et 2017.
  • [32]
    Dagognet, 1973, p. 16.
  • [33]
    Supplément au Journal général de France du samedi 3 janvier 1789, no1er, p. 1.
  • [34]
    Ibid.
  • [35]
    Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique, publiés par la Société royale d’agriculture de Paris, année 1785, trimestre d’automne, à Paris, chez L. Jorry.
  • [36]
    Dubois, 1778, p. 37.
  • [37]
    Bourde, 1967, p. 1291.
  • [38]
    Ibid., p. 1291-1302.
  • [39]
    Jones, 2016.
  • [40]
    Feuille du cultivateur, « prospectus » 1791.
  • [41]
    Révolutions de Paris, dédiées à la, Nation et au District des Petits-Augustins, seconde année de la liberté française, cinquième trimestre, n°61, Feuille du cultivateur, « prospectus » 1791.
  • [42]
    Feuille du cultivateur, « prospectus » 1791.
  • [43]
    Girardet al., 1802, « Agriculteur, cultivateur, colon », p. 47.
  • [44]
    Au milieu de savants à la riche dotation institutionnelle, la présence de ce maître de postes mérite d’être soulignée. Sur l’importance de ces praticiens dans la mouvance agronomique : Moriceau, 1994, p. 43.
  • [45]
    Passy, 1912, p. 326.
  • [46]
    Révolutions de Paris, dédiées à la Nation et au District des Petits-Augustins, seconde année de la liberté française, cinquième trimestre, no61.
  • [47]
    Les rares notices qui lui sont consacrées sont souvent lacunaires. Petit, 2008, p. 232.
  • [48]
    Arch. Nat., F 10302, Paris, le 27 fructidor an 5 de la République française (13 septembre 1797). « Le Febvre, l’un des rédacteurs et imprimeur de la Feuille du Cultivateur au Citoyen François (de Neufchâteau), membre du Directoire exécutif ».
  • [49]
    Bourde, 1967, p. 1303.
  • [50]
    Révolutions de Paris, dédiées à la Nation et au District des Petits-Augustins, seconde année de la liberté française, cinquième trimestre, no61, p. 458.
  • [51]
    Dagognet, 1973, p. 63.
  • [52]
    Arch. Nat., F 10/302, lettre de Colligny, à Paris, le 28 septembre 1792 citée dans la « Notice historique sur la Feuille du cultivateur », p. 4.
  • [53]
    Roland, 1793, p. 184-185.
  • [54]
    Roland, 1793, « Nouveaux moyens de prospérité pour la République ».
  • [55]
    Arch. Nat, F 10/302 lettre de Jean-Marie Roland aux rédacteurs de la Feuille du cultivateur, citée dans la « Notice historique sur la Feuille du cultivateur », p. 5.
  • [56]
    Ibid., « notice historique sur la Feuille du cultivateur ».
  • [57]
    FC, t. iii, 1793.
  • [58]
    F. C., t. iii, 1793.
  • [59]
    Biard et Dupuy, 2008, p. 85-113.
  • [60]
    F. C., « discours préliminaire », t. iv, 1794.
  • [61]
    Lecour, 1794.
  • [62]
    On rapporte que Dubois lui-même aurait été menacé.
  • [63]
    Spary, 2014.
  • [64]
    « Observations de F.-H. Gilbert, professeur vétérinaire de l’Institut national et du Conseil d’Agriculture du gouvernement. Sur l’opinion émise par le citoyen Boudin, au conseil des cinq –cens, dans la séance du 16 frimaire (moniteur no83) » La Décade philosophique, quatrième année de la République, iie trimestre, nivôse, pluviôse, ventôse, à Paris, au Bureau de la Décade, l’an IV de la République, p. 83.
  • [65]
    Mellah, 2013, p. 99.
  • [66]
    F. C., 1794, Duodi 22 ventôse l’an II mercredi 12 mars 1794, « observations sur les jardins de luxe, lues par Cels cultivateur plaine de Montrouge, près Paris, approuvées par la Société libre d’économie rurale dans sa séance du 20 ventôse », p. 93-95.
  • [67]
    F. C.,1794, no21 septidi 17 germinal 1794.
  • [68]
    F. C., 1794 no33 septidi 17 prairial an 2 (5 juin 1794), « la commission d’agriculture et des arts, aux habitans des campagnes ».
  • [69]
    F. C., 1794, no33, septidi 17 prairial an 2 (5 juin 1794), « la commission d’agriculture et des arts, aux habitans des campagnes ».
  • [70]
    Dubois, an III.
  • [71]
    La Décade philosophique, littéraire et politique, par une société de républicains, tome septième, à Paris au Bureau de la Décade, an 4, p. 332-333.
  • [72]
    La Commission des subsistances et des approvisionnements (à partir d’octobre 1793) puis la Commission d’agriculture et des arts (à partir d’octobre 1794).
  • [73]
    Dubois, 1794, p. 7.
  • [74]
    Dubois, 1794, p. 7-8.
  • [75]
    En particulier dans ses « Observations sur l’économie rurale » reprises dans la Décade en l’an 4.
  • [76]
    Les Écoles d’économie rurale vétérinaire, les domaines, les troupeaux.
  • [77]
    F. C., 1794, t. iv, à Paris, de l’imprimerie de la Feuille du cultivateur, 1794 p. 1-2.
  • [78]
    Ibid.
  • [79]
    Arch. Nat., F 10302, Rapport à la commission d’agriculture et des arts par l’agence, division végétale du 11 germinal an 3 : « D’après l’arrêté du comité de salut public du 2 gal de l’an 2, la commission est autorisée à répandre la Feuille du cultivateur au nombre de deux mille exemplaires dans les départements de la République. Un arrêté du comité d’agriculture augmente cette distribution de mille exemplaires à dater du 1er nivôse de l’an 3 ».
  • [80]
    Ibid., p. 7-8, Lettre du ministre de l’Intérieur Benezech du 26 frimaire an 4 cité dans la « notice historique sur la Feuille du cultivateur » : « Je regrette que l’économie rigoureuse qui doit me diriger dans l’emploi du denier de la République ne me permette pas de porter cette distribution au prix qui serait accordé, en tout autre temps, à l’utilité et à la constance de vos travaux, ainsi qu’à votre désintéressement, mais je me plais à croire que vous serez satisfait de la justice que je vous rends et que les sacrifices que vous êtes dans le cas de faire encore, entrent naturellement dans les services que vous rendez à la chose publique ».
  • [81]
    Ibid.
  • [82]
    Relevons sans ordre : médecins (2), cultivateurs (4), pépiniériste, maître de poste, président de tribunal, juge de tribunal, administrateur de département, maire, secrétaire de la société d’agriculture soit les trois types mis en évidence par Jean-Marc Moriceau : les administrateurs, les initiateurs, les praticiens (Moriceau, 1994, p. 41-43).
  • [83]
    F. C.,1795, t. v, l’an III de la République, p. iii-iv.
  • [84]
    Conac, 1999, p. 201-286.
  • [85]
    F. C., 1796, « Discours préliminaire », p. i-ii.
  • [86]
    Arch. Nat., F 10302, lettre de Lefebvre à François de Neufchâteau du 27 fructidor an V, rapport du 8 germinal an VIII.
  • [87]
    Ibid., lettre de Lefebvre « Paris le 2 prairial an 8. Au citoyen Lucien Bonaparte, ministre de l’intérieur ».
  • [88]
    Mellah, 2015 ; Brassart, 2014.
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