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Article de revue

L'expérience de l'enseignement agricole ambulant dans la région du Nord (1900-1939)

Pages 149 à 180

Notes

  • [1]
    Cet article est une version remaniée et augmentée d’une communication à l’école thématique cnrs « Enfance, jeunesse, formation », organisée par le cerhio à Fougères en novembre 2008.
  • [2]
    Boulet, 1995, p. 252.
  • [3]
    Vanpaemel, 1983, p. 201-202.
  • [4]
    Caniou, 1983.
  • [5]
    Roll, 2008.
  • [6]
    Plissonnier, 1919, p. 296.
  • [7]
    Sainclivier, 2005.
  • [8]
    Jessenne, 2008, p. 324 et suiv.
  • [9]
    Grignon, 1975, p. 78.
  • [10]
    Vandamme, 1951, p. 375.
  • [11]
    À défaut de registres d’inscription, les rapports des professeurs départementaux d’agriculture ont été une source précieuse, consultée dans les procès-verbaux des séances des conseils généraux du Nord : Arch. dép. Nord, 1 n 149 à 214, et du Pas-de-Calais : Arch. dép. Pas-de-Calais, 1 n 112 à 178. Les archives de l’Inspection générale de l’agriculture, de l’enseignement ménager et des écoles ménagères agricoles ont été consultées aux Archives nationales. Enfin, des documents tirés des séries t, Arch. dép. Nord et Pas-de-Calais, ont été utilisés. Les références sont fournies au fur et à mesure.
  • [12]
    Plissonnier, 1919, p. 26.
  • [13]
    Le Pas-de-Calais a été étudié en détail : Allart, 2007. Seules quelques lignes sont consacrées aux écoles ambulantes.
  • [14]
    Boulet, 1982 ; Charmasson, 1999, p. 56 et suiv.
  • [15]
    « L’enseignement agricole », dans Le Pas-de-Calais au dix-neuvième siècle. Notices rédigées à la demande du Conseil général pour servir à l’histoire de ce département pendant le xixe siècle, iv. Agriculture, Arras, Impr. Guyot, 1900, p. 393-421 ; Hubscher, 1980, p. 291-292. Sur la place de l’enseignement agricole à l’école primaire, voir Gadpaille, 2004, et en dernier lieu Chanet, 2007.
  • [16]
    Charles Maréchal, conférence à la Société d’agriculture de Montreuil-sur-Mer, octobre 1892 : David, 1893, p. vii.
  • [17]
    Raquet, 1898.
  • [18]
    Bécu, 1907, p. 60.
  • [19]
    Méline, 1905, chap. 5.
  • [20]
    Roll, 2008, p. 214. L’auteur s’appuie sur l’article de Saffroy, 1902, p. 790.
  • [21]
    Voir par exemple Rolet, 1903.
  • [22]
    Buisson, 1991, sv. « Temporaires (écoles) ».
  • [23]
    Hitier, 1901, p. 394.
  • [24]
    Bodé, 2006, p. 363-374.
  • [25]
    Delbaere, 2007, p. 114-115 et p. 136-140.
  • [26]
    « Les progrès de l’enseignement agricole en Belgique », Revue générale des sciences pures et appliquées, t. 16, 1, p. 102.
  • [27]
    Lajoye, 1901, p. 20.
  • [28]
    Ibid., p. 11-12.
  • [29]
    Rapport du professeur départemental d’agriculture au Conseil général du Pas-de-Calais, session d’août 1908.
  • [30]
    Maréchal, 1893, p. iv.
  • [31]
    Vanpaemel, 1983.
  • [32]
    Conseil général du département du Nord, 1905.
  • [33]
    Brunhes, 1897, p. 87-90.
  • [34]
    Lobreau, 1995, notamment vol. 1, p. 247-255.
  • [35]
    Rapport du directeur de l’école pratique de Berthonval, 1901, Arch. dép. Pas-de-Calais, n 1041.
  • [36]
    Boulet, 1995, p. 252.
  • [37]
    Lapie, 1910.
  • [38]
    Rapport de Joseph Tribondeau au Conseil général du Pas-de-Calais, session d’août 1907.
  • [39]
    Sur le lait, outre la thèse de N. Delbaere déjà citée, voir Vatin, 1996 et Atkins, 2007.
  • [40]
    Albert Ducloux, Rapport sur les écoles ambulantes ménagères agricoles, 32 pages dactylographiées, Arch. nat. F10/2648.
  • [41]
    Duby et Wallon, 1977, p. 28.
  • [42]
    Selon la définition classique proposée par Barral, 1968, p. 13.
  • [43]
    Cornu et Mayaud, 2007, p. 10.
  • [44]
    Cardi, 2007.
  • [45]
    Plissonnier, 1919, p. 315.
  • [46]
    Arch. dép. Pas-de-Calais, t 4338.
  • [47]
    Rapport du directeur des services agricoles du Nord, 11 octobre 1929, Arch. Nat. F10/2649.
  • [48]
    Écoles ambulantes d’agriculture pour jeunes gens. Fondées en 1908 par le conseil général du Nord. Notice : but, organisation, fonctionnement, résultats, Lille, Danel, 1911.
  • [49]
    Segers et Hermans, 2009.
  • [50]
    C’est le cas de celui de Dohem : Darnaux, 2001.
  • [51]
    Bacquaert, 2000.
  • [52]
    Lemire, 1903. L’ouvrage reprend une série d’articles publiés dans la revue Le Coin de terre et le foyer, dont il est le directeur. Cf. Mayeur, 1968, en particulier p. 276-279 pour sa conception des systèmes d’enseignement.
  • [53]
    Radioyes, 2005, p. 78-83 et Arch. diocésaines Arras, 4 z 28/20.
  • [54]
    Rapport du professeur départemental d’agriculture au Conseil général du Pas-de-Calais, session d’août 1908.
  • [55]
    Le professeur départemental d’agriculture au préfet du Nord, 3 novembre 1910, Arch. dép. Nord, 1 t 174/5.
  • [56]
    Le directeur des services agricoles du Nord au préfet, 29 décembre 1913, Arch. dép. Nord 1 t 174/2.
  • [57]
    Arch. Nat. F10/2649.
  • [58]
    Bulletin du cercle agricole du Pas-de-Calais, séance du 11 janvier 1913.
  • [59]
    Exemple puisé dans Arch. Nat., F10/2655.
  • [60]
    Caniou, 1983, p. 52.
  • [61]
    Vivier et Petmezas, 2008, p. 30.
  • [62]
    Cf. l’exemple de la Franche-Comté dans Mayaud, 1999, p. 100-103.
  • [63]
    Braibant, 1913, p. 128.
  • [64]
    Arrêté du ministre de l’Agriculture Joseph Ruau, 7 avril 1908, reproduit dans Charmasson, 1992, p. 282-283.
  • [65]
    Henry, 1907. Sur cet important rapport, voir Charmasson, 1999, p. 63-64.
  • [66]
    Henry, 1907, p. 11.
  • [67]
    Barral, 2000, p. 41-44.
  • [68]
    Plissonnier, 1919, p. 303, et Charmasson, 1992, p. 312 et suiv. pour le texte de la loi.
  • [69]
    Ibid., p. 319.
  • [70]
    École ménagère agricole ambulante de la Marne. Programme des cours théoriques et pratiques. Matériel de l’école, Châlons-sur-Marne, Imprimerie-Librairie de l’Union Républicaine, 1923, p. 3.
  • [71]
    Lelorrain, 1992.
  • [72]
    Rapports d’inspection du 4 juin 1914 à Quaëdypre, du 12 juin 1914 à Cambrai, par Mme Gatard, Arch. Nat., F10/2647.
  • [73]
    On ne sait malheureusement rien de l’usage fait de ces ouvrages par les élèves.
  • [74]
    Rapports d’inspection par L. Babet, Arch. Nat., F10/2648.
  • [75]
    Rapport du professeur départemental d’agriculture au Conseil général du Pas-de-Calais, session d’août 1907.
  • [76]
    Lettre du 23 mai 1912, et lettre de la candidate au ministre de l’Agriculture datée du 26 avril, F10/2653.
  • [77]
    Arch. dép. Nord, 1 t 174/2.
  • [78]
    Nadau, 2002, p. 206.
  • [79]
    Jessenne, 2008, p. 331-332.
  • [80]
    Sur ces deux images opposées, Jollivet, 1996, p. 21.
  • [81]
    Hervieu, dans Jollivet, 1996, p. 147.
  • [82]
    Jessenne, 2008, p. 329.

1Dans sa synthèse fondatrice, René Chatelain, il y a plus d’un demi-siècle, s’interrogeait : « Où situer ces établissements dans la hiérarchie de nos écoles ? […] Les écoles d’hiver sont un peu à cheval sur les premier et deuxième degrés » [1]. Plus récemment, dans l’important volume consacré à l’enseignement agricole, l’enseignement nomade et saisonnier est relégué parmi « de nouvelles formes d’enseignement agricole ». Ces deux exemples révèlent le poids de la description classique de la structure étagée dans l’historiographie de l’enseignement agricole, depuis le niveau supérieur, incarné par l’Institut national agronomique, jusqu’à l’enseignement primaire confiant aux instituteurs le soin de donner des notions d’agriculture à leurs jeunes élèves. Or, une telle vision peine à intégrer les écoles temporaires ambulantes, de filles (ménagères) ou de garçons (écoles d’agriculture), en raison d’une forme inhabituelle.

2La nouveauté de ces écoles ambulantes agricoles créées à partir de 1905 dans le Nord de la France relève de l’évidence, par leur fonctionnement et leurs rapports avec les conseillers généraux et le public potentiel. Considérer que les écoles pratiques d’agriculture, instituées en 1875, peuvent constituer le moyen privilégié de diffusion de l’enseignement agricole, comme le fait originellement l’administration de l’Agriculture, revenait à faire peu de cas des réticences des agriculteurs à l’égard de telles institutions, souvent jugées trop éloignées du travail quotidien ; d’où l’intérêt manifesté pour une « autre forme de diffusion des savoirs », essentiellement itinérante : d’abord celle des conférences agricoles destinées aux agriculteurs en activité, particulièrement nombreuses à partir des années 1880, puis celle des écoles temporaires ambulantes d’agriculture qui concilient offre et demande d’enseignement. Ces structures tentent une synthèse originale entre « l’apprentissage des savoirs agronomiques dans leur diversité régionale » [2], la « forme scolaire » et le respect des exigences culturales saisonnières, la même synthèse que celle recherchée en Belgique par l’obligation de l’enseignement agricole dans les écoles primaires (1884), les cours d’agriculture pour adultes (1887) et les conférences publiques consacrées à l’horticulture et à l’agriculture organisées depuis les années 1860, renforcées à partir de 1885 [3].
La rupture n’est toutefois pas seulement formelle. Si des études ont montré la précocité des formations féminines, ce cas d’enseignement ambulant offre un paysage inhabituel – au moins pour ce qui concerne l’enseignement agricole –, celui d’un public féminin visé antérieurement au public masculin. Sans doute, au moment de la scolarisation primaire des filles, la visée n’est-elle pas tant l’émancipation sociale des femmes que leur adhésion aux idées républicaines [4] ; la démarche est compréhensible, dans une période de réflexion intense concernant l’enseignement ménager [5], tant les différents observateurs, après Jules Ferry, sont conscients que « à la ferme, la fermière joue un rôle capital et que c’est en grande partie de son savoir et de son habileté que dépend la prospérité de la maison » [6].

Carte 1

Les régions agricoles dans le Nord de la France

Carte 1

Les régions agricoles dans le Nord de la France

Source : Pierre Flatrès, Atlas et géographie du Nord et de la Picardie, Paris, Flammarion, 1980, p. 135.
Carte 2

Le Nord et le Pas-de-Calais au temps des écoles agricoles ambulantes

Carte 2

Le Nord et le Pas-de-Calais au temps des écoles agricoles ambulantes

3Parmi les pistes à explorer pour remédier à la déficience relative des travaux sur les femmes rurales, la place des filles dans les politiques agricoles n’a pas encore livré tous ses enseignements [7]. Alors que tous les textes consacrés à l’enseignement agricole au seuil du xxe siècle insistent sur le besoin de réforme, l’école ambulante est mise au service de la mutation technique et économique de grande ampleur que connaissent les campagnes du Nord, conjuguant l’intensification, la diffusion de l’outillage mécanique et la commercialisation [8]. Dans une France où l’agriculture reste, en 1911, le premier fournisseur d’emplois (42 %), c’est ainsi la notion de progrès qui se trouve en jeu : comment penser et appliquer ensemble l’ordre social (par le maintien à la terre) et le progrès économique et social ? Quelles sont les modalités d’institutionnalisation de cette formation scolaire ? Comment comprendre le succès de l’école ambulante agricole, qui survit à la Grande Guerre et devient pérenne, rare motif de satisfaction pour les responsables de l’enseignement agricole ? La trajectoire des écoles ménagères ambulantes des années 1900 à la fin des années 1930 met en jeu l’agencement des systèmes agro-ruraux, en particulier par « l’invention de la routine » que l’instillation du progrès dans les campagnes amplifie [9]. Non seulement le progrès, selon les promoteurs de ces écoles ambulantes et en vertu d’un projet républicain à la fois agrarien et laïque, ne serait pas antinomique du maintien à la terre des populations rurales, mais il s’agirait de conforter cet ordre social local par l’intégration nationale et la confrontation transnationale, grâce à un couple concurrence-modernisation en interaction constante.

4À travers l’étude de l’institutionnalisation de l’enseignement agricole ambulant dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, de part et d’autre de la Grande Guerre, la circulation et les appropriations de savoirs et de pratiques innovants associent des acteurs locaux sensibles aux implications morales, économiques et politiques d’une telle démarche. Le cas paraît, de surcroît, offrir un angle renouvelé d’approche des débats sur la modernisation des pratiques agricoles et du monde rural, à mille lieues des stéréotypes figés naturalisant un paysan français hostile au changement.

Trajectoire des écoles ambulantes d’agriculture dans le nord de la France

5Les écoles ambulantes ménagères agricoles – initialement nommées écoles de laiterie – sont lancées dans le Nord en décembre 1905 et dans le Pas-de-Calais en janvier 1907, par décision des conseils généraux, habitués à intervenir dans l’enseignement agricole comme relais d’un ministère dépourvu de circonscriptions académiques, comme l’illustre la loi sur l’enseignement élémentaire pratique de l’agriculture du 30 juillet 1875 qui prévoit l’engagement financier des départements pour soutenir les nouvelles écoles pratiques d’agriculture, et incités à le faire par la loi du 16 juin 1879 complétée régulièrement par un appareil réglementaire dont les deux figures essentielles sont le préfet et le professeur départemental d’agriculture. Dans le Nord, une seconde école est ouverte en janvier 1909. Ces deux écoles ménagères agricoles tiennent 37 premières sessions avant la guerre, réunissent 764 inscrites, dont 589 sont diplômées (soit 77 %). Le nombre d’élèves moyen s’établit à une vingtaine. L’école ménagère agricole ambulante du Pas-de-Calais tient de son côté 23 sessions de 1907 à juillet 1914, réunissant 538 élèves dont pas moins de 90 % reçoivent un diplôme de capacité. Durant les 75 sessions tenues jusque 1938, auxquelles ont assisté 1 500 élèves, 1 300 sont sorties diplômées [10]. Les chiffres fournis par les rapports des professeurs départementaux d’agriculture (qui deviennent les directeurs des services agricoles en 1912), permettent de suivre l’évolution des écoles ménagères ambulantes [11].

6Après la phase de mise en place, le fonctionnement des écoles semble donc bien établi avant la guerre – en dépit des lacunes statistiques des rapports utilisés – et celle-ci, suivie d’un temps de reconstitution, ne remet pas en cause la forme d’enseignement adoptée, qui renaît dès l’année scolaire 1920-1921. Atteignant plus de 3 500 élèves sur les deux départements durant la période considérée, le nombre de jeunes filles qui ont fréquenté ces écoles reste modeste, en regard de la population rurale ; il n’en témoigne pas moins d’un effort continu et non négligeable.

Tableau 1

Les sessions des écoles ménagères ambulantes du Nord et du Pas-de-Calais de 1905 à 1938

Tableau 1
Année scolaire Département du Nord Département du Pas-de-Calais Sessions Élèves présentes Diplômées Sessions Élèves présentes Diplômées 1905-1906 3 55 38 1906-1907 3 63 44 2 32 27 1907-1908 4 86 63 3 49 X 1908-1909 5 93 72 3 x 58 1909-1910 5 118 93 3 x 60 1910-1911 5 100 81 3 73 x 1911-1912 6 134 107 3 60 x 1912-1913 6 115 91 3 x x 1913-1914 x x x 3 x x Suspension durant la guerre 1920-1921 4 x x 1 x 15 1921-1922 4 x x 3 x 55 1922-1923 2 37 28 3 x 55 1923-1924 Inactivité 3 x 54 1924-1925 2 52 44 3 67 x 1925-1926 3 75 57 3 x 62 1926-1927 4 80 70 3 57 x 1927-1928 x x x 3 51 40 1929-1930 6 130 106 3 56 45 1930-1931 6 93 63 3 x x 1931-1932 5 99 83 3 47 36 1932-1933 5 93 79 3 62 47 1933-1934 4 126 x 3 53 45 1934-1935 5 99 x 3 70 59 1935-1936 5 72 x 3 101 76 1936-1937 6 136 x 3 83 x 1937-1938 5 143 x 3 88 68 Total connu 109 2091 1198 75 925 853 Moyenne 4,2 90,9 70,5 2,9 57,8 50,2

Les sessions des écoles ménagères ambulantes du Nord et du Pas-de-Calais de 1905 à 1938

7À l’échelle nationale, onze écoles ambulantes ménagères agricoles circulent dans dix départements à la veille de la guerre ; elles accueillent 1 134 élèves durant l’année scolaire 1911-1912, soit « bien peu pour un pays républicain qui doit avoir à cœur l’instruction de la femme », comme le note le député de l’Isère Simon Plissonnier en 1919. Si « tout reste à faire », car « il est malheureusement dans nos habitudes d’avoir des idées et de ne pas les appliquer » [12], l’initiative mérite d’être analysée en détail, d’autant plus qu’elle trouve rapidement un prolongement masculin.

La création d’un enseignement itinérant

8C’est à partir d’une situation de l’enseignement agricole jugée décevante par ses principaux acteurs que des démarches comparatives suscitent la création d’un enseignement ambulant et temporaire innovant.

Un état des lieux décevant pour l’enseignement agricole

9Dès la deuxième moitié du xixe siècle, les professionnels, comme les élus, expriment leur déception à l’égard d’un enseignement agricole qui ne remplit pas les missions économiques et sociales de plus en plus importantes qu’ils lui assignent.

10L’enseignement agricole, dans les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais, repose au début du xxe siècle sur trois éléments principaux : une école nationale des industries agricoles à Douai (depuis 1893), deux écoles pratiques d’agriculture à Berthonval, près d’Arras, et à Wagnonville, près de Douai (respectivement créées en 1885 et 1894), et le développement de l’enseignement primaire [13]. Dans le Nord, l’Institut industriel, réorganisé à Lille en 1872, inclut à l’origine une section agronomique, qui périclite assez rapidement faute d’élèves. Les professeurs soulignent dans leurs rapports annuels aux conseils généraux l’importance des conférences agricoles, qui permettent d’initier les cultivateurs par exemple aux questions de mutualité agricole – malgré la difficulté à modifier les habitudes déjà prises [14].

11Dans l’ensemble, en dépit des intentions initiales des écoles pratiques, la formation agricole ne concerne donc qu’une infime minorité. C’est pourquoi l’on insiste beaucoup, à la fin du xixe siècle et dans les premières années du xxe siècle, sur la place qui doit revenir à l’agriculture dans l’enseignement primaire. Dès 1853, des cours pratiques d’agriculture ont été organisés par des instituteurs ; les encouragements à cet enseignement agricole primaire, sous la forme de récompenses aux élèves et aux instituteurs méritants, sont mis dès les années 1860 au service du maintien à la terre, objectif prioritaire de la précoce et influente Société d’agriculture de Boulogne-sur-Mer [15]. « Qui fera profiter le petit cultivateur de nos campagnes des découvertes des savants ? » lance Charles Maréchal, professeur d’agriculture dans le Pas-de-Calais de 1891 à 1898 [16], tandis que dans l’hebdomadaire Le Progrès agricole, le ton est plus polémique : son directeur Georges Raquet appelle à une réforme en profondeur de l’enseignement agricole, en pointant l’inefficacité de l’organisation coûteuse mise en place par l’État [17], et les travers de la fonctionnarisation de la société. La solution résiderait, chacun le reconnaît, dans l’attribution d’une place accrue pour l’enseignement de l’agriculture à l’école primaire, pour des raisons d’abord morales :

12

« C’est à l’école qu’il faut enseigner l’agriculture, attacher les fils des paysans à leur sol. De grands progrès ont été faits dans cette voie. L’enseignement agricole existe dans les campagnes du Pas-de-Calais [18]. »

13François Bécu s’appuie sur ses propres constatations à l’Exposition d’Arras de 1904 et considère l’enseignement agricole primaire comme un levier dans la lutte contre l’exode rural, en des accents qui rappellent irrésistiblement les termes de Jules Méline [19]. Dans un contexte de raréfaction de la main-d’œuvre agricole, et en dépit de l’essor du machinisme, l’organisation des cours à la morte saison et sans détacher les enfants de la famille présente un intérêt indéniable. Du côté féminin, l’enseignement ménager s’est développé aussi : des institutrices de Carvin et de Jeumont sont récompensées dès 1902, en particulier par le comité des dames de la Ligue de l’enseignement – très actif s’agissant de l’enseignement ménager à partir de 1901 – pour leurs initiatives en la matière [20].

14Autre vecteur privilégié des savoirs agronomiques, centré cette fois sur les adultes, les conférences agricoles se heurtent à des limites que reconnaît Joseph Tribondeau, professeur départemental d’agriculture du Pas-de-Calais depuis 1899 et diplômé de l’école de Grandjouan, en juillet 1907 :

15

« Il reste cependant considérablement à faire pour que les masses soient complètement pénétrées de ces idées généreuses de mutualité ; l’esprit de particularisme qui les anime arrête leur évolution rapide vers les milieux où nous voudrions les pousser plus rapidement. »

16L’année suivante, il affine le portrait du cultivateur moyen :

17

« Quand on suit de près la masse des cultivateurs, on se rend compte que beaucoup encore, et souvent pas les moindres, n’ont rien vu au-delà des limites de leur village. Ils se déplacent difficilement pour aller entendre la conférence faite à quelques kilomètres, ils ne lisent pas les journaux agricoles remplis de documents à leur adresse. Rien d’étonnant qu’il soit alors indispensable, pour diffuser la science agricole, de la porter toujours, pour ainsi dire, à domicile. »
Cette science agricole, sous ses déclinaisons féminine et masculine, débouche sur une perception professionnalisée de l’activité des fermiers, hommes et femmes. Si les tâches domestiques restent dévolues à ces dernières, leur bonne exécution et la bonne marche de l’exploitation nécessitent un savoir-faire, une compétence spécifique ; dans le Nord comme ailleurs, le temps n’est décidément plus à l’apprentissage « sur le tas », fondé sur l’imitation [21].

Une création par comparaison

18Du constat à la remédiation, il y a toutefois une distance qu’il n’était guère aisé de parcourir. Les réalisations scolaires du Second Empire puis de la Troisième République ne prévoyaient guère la création d’écoles temporaires et ambulantes : pour les écoles primaires, il est, à l’inverse, question d’assurer la permanence. Certes, le Conseil supérieur de l’Instruction publique émit l’avis, en décembre 1850, que sur demande municipale, et en cas de nécessité, des écoles temporaires pourraient être ouvertes, disposition confirmée par l’Instruction générale du 12 mai 1867 [22]. La création d’écoles temporaires (par le ministère de l’Agriculture) va sans doute à l’encontre de l’effort de normalisation de l’école primaire obligatoire (par le ministère de l’Instruction publique), tant l’enseignement ambulant contredit le soutien à l’attribution de bâtiments spécifiques pour accueillir les écoles publiques, symbole de la République au village, mais témoigne à l’évidence des capacités d’adaptation de l’institution aux particularismes locaux. À tout prendre, les écoles ambulantes – avec un public plus jeune et une pédagogie assurément plus active – seraient plutôt les héritières des conférences agricoles que prononcent les professeurs d’agriculture en sillonnant les campagnes. Ces conférences se chiffrent dans le département du Nord entre 1900 et 1913 à plus d’un millier, rassemblant environ 55 300 auditeurs pour une moyenne proche de 42 auditeurs par conférence.

Tableau 2

Les conférences agricoles dans le Nord, 1900-1913 (par arrondissement)

Tableau 2
Avesnes Cambrai Cassel Douai Lille Valenciennes Total Nombre de conférences organisées Total de 1900 à juillet 1913 315 382 103 124 115 259 1298 Nombre moyen d’auditeurs par conférence 1900-1908 45 59 40 40 54 32 - 1908-1909 35 37 49 - 45 37 - 1909-1910 31 42 36 - 41 31 - 1910-1911 36 56 42 35 27 23 - 1911-1912 25 51 23 54 52 29 - 1912-1913 26 36 25 27 38 24 -

Les conférences agricoles dans le Nord, 1900-1913 (par arrondissement)

19Les projets ambulants se concentrent d’abord sur l’enseignement de la laiterie. L’Exposition universelle de 1900 a montré l’attention des pouvoirs publics pour l’enseignement agricole, et la laiterie est le domaine où se ressent particulièrement le besoin d’une formation : l’industrie laitière connaît dans les deux dernières décennies du xixe siècle « un développement vraiment extraordinaire », pour des raisons techniques et culturales [23]. Dans l’enseignement agricole, les premières tentatives sont à chercher dans les Côtes-du-Nord, où une école ambulante de laiterie circule dès 1901 et fonctionne jusqu’en 1912, date à laquelle l’école ménagère agricole prend le relais [24]. L’influence de l’expérience bretonne sur les départements du Nord et du Pas-de-Calais, à la pointe de la production laitière [25], est indirecte : c’est par l’intermédiaire de la Belgique que le modèle est transmis, circulation autorisée par la ressemblance des terroirs. Cet exemple est relayé, entre autres, par la Revue générale des sciences pures et appliquées, dès 1905 [26]. Le succès de ces écoles de laiterie nomades et temporaires, dont découle l’extension prise par l’activité laitière, tient en quelques chiffres : si en 1883 il n’y avait en Belgique que deux institutions ménagères, soit 90 élèves, fin 1898 ce sont 9 000 élèves qui fréquentent 245 écoles [27]. Parmi celles-ci, les « fameuses écoles volantes de laiterie […] dirigées par un ingénieur agronome et par deux maîtresses de laiterie » [28].

20Entre appropriations et adaptations, les réalisations dans le Nord de la France révèlent des discours et des pratiques particulièrement riches, réduisant le retard systématiquement déploré par les observateurs de l’enseignement agricole français. Les professeurs départementaux d’agriculture, convaincus de la nécessité de « la réparation d’une injustice, puisque jusqu’alors rien n’avait été tenté pour préparer la femme à l’entreprise intelligente et raisonnée dont elle a la direction » [29], sont particulièrement enclins dans leurs rapports aux conseils généraux du Nord et du Pas-de-Calais à la comparaison avec les pays voisins. Charles Maréchal signale l’activité de « professeurs nomades qui viennent le soir, à jour fixe », enseigner l’agriculture dans les campagnes allemandes [30] ; les conférenciers agricoles adoptent le même mode itinérant dans les campagnes françaises. Les logiques de la quête de modèles et de la confrontation à un concurrent s’entremêlent pour expliquer le recours aux comparaisons transnationales ; dans les deux cas, la référence à un exemple étranger est utilisée stratégiquement en tant que levier d’action publique, sans que l’on puisse exclure la composante confessionnelle des réseaux. Les comparaisons sociales et économiques comme l’arrière-plan idéologique et moral empruntent plusieurs chemins, des périodiques spécialisés très diffusés auprès des notables et des fonctionnaires du monde agricole aux contacts personnels.

21Du côté du Nord, Albert Ducloux, ingénieur agronome, ancien professeur spécial d’agriculture à Valenciennes et professeur départemental depuis 1900, construit explicitement son projet d’école ambulante de laiterie sur le modèle belge [31] :

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« En Belgique, il existe actuellement huit laiteries temporaires qui, au dire de M. Proost, directeur au Ministère de l’Agriculture à Bruxelles, donnent pleine et entière satisfaction […]. Ces écoles sont très suivies et la plupart du temps, on est obligé de recourir au concours pour éliminer les aspirantes qui sont trop nombreuses. J’ai visité l’école temporaire installée au concours de Bruges en 1903 et l’école de laiterie ouverte depuis peu à Sweveghem, près de Courtrai. Bien que le matériel soit plus important qu’on ne pourrait le supposer, il m’a paru que l’installation était réellement pratique et qu’elle était susceptible d’être adoptée en France et de voir comme en Belgique y donner de très bons résultats [32]. »

23Et Ducloux, abordant le problème du personnel de cette école, de révéler la circulation des savoirs et des pratiques :

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« Il existe bien en France des écoles pratiques de laiterie volante comme celle que nous voulons organiser […], la première école de laiterie belge a été installée par madame Thiers-Tanghe, envoyée spécialement par le gouvernement belge à l’école de laiterie de Coëtlogon, près de Rennes. Madame Thiers-Tanghe fit à l’école de Coëtlogon, un séjour de six mois, puis elle fut envoyée en Hollande pour y apprendre la fabrication du fromage. Rentrée en Belgique, elle fut chargée de la direction d’une École fixe de laiterie pour jeunes filles, mais cette école fixe ne donnant pas satisfaction, on créa des laiteries temporaires. Cependant, il existe en Belgique, une école supérieure de laiterie, qui a pour but de préparer les jeunes filles qui suivent les cours, à diriger les Écoles volantes ou les laiteries coopératives. »
Ainsi, l’exemple belge est plutôt un intermédiaire, et la logique comparative s’en trouve compliquée ; néanmoins, le recours privilégié à un exemple étranger n’est pas innocent : pour susciter la décision des responsables politiques, quel meilleur argument que la concurrence économique les professeurs d’agriculture pourraient-ils trouver ? Aussi l’admiration pour un modèle extérieur s’avère-t-elle indissociable d’un appel à faire évoluer les pratiques autochtones [33]. Plutôt que l’habituelle référence à l’enseignement allemand, les promoteurs des écoles du Nord choisissent de recourir à la comparaison avec l’enseignement agricole belge – tout à la fois modèle et repoussoir. Ce cheminement comparatif, outre la communauté linguistique qui le sous-tend, n’est d’ailleurs par innovant : la circulation transnationale entre France et Belgique a déjà été l’œuvre, par nécessité mais avec succès, de Pierre Joigneaux, promoteur résolu de l’organisation de l’enseignement agricole en 1848, républicain laïc expulsé de France en vertu du décret du 9 janvier 1852 et installé à Saint-Hubert, dans la province du Luxembourg (Belgique), où il promeut l’enseignement agricole par une activité pédagogique intense et multiforme [34]. L’interprétation du catholique social engagé que fut Jean Brunhes, quoique centrée sur le progrès scientifique apporté par ces écoles, se distingue de l’expérience de Joigneaux, où les apports de l’agronomie et d’un enseignement agricole populaire et mutuel sont au service d’une haute idée de la société agricole.

De la comparaison à l’adaptation

25Pour apprécier la nouveauté que représente l’école ambulante de laiterie, il convient de mesurer l’écart entre l’insertion territoriale de l’école ambulante d’agriculture et une institution telle que l’école pratique d’agriculture, mieux connue. Le directeur de l’école de Berthonval décrit en 1901 la vétusté des locaux, qui s’accompagne d’un manque d’organisation : dans un secteur où dominent les petites et moyennes exploitations, les 55 ha cultivés par l’école se répartissent entre 20 parcelles situées jusqu’à 2 km de part et d’autre de l’école ; certaines sont trop petites ou enclavées. Surtout, l’école est isolée, à 11 km d’Arras et 5 de la gare la plus proche, elle-même située sur une ligne de chemin de fer secondaire. Le constat est sans appel : « Beaucoup de cultivateurs après avoir visité l’école renoncent à y placer leurs enfants » [35].

26À l’inverse, la souplesse des écoles ambulantes leur permet de s’intégrer pour quelques semaines au cœur du village, elles « n’isolent pas la personne qui apprend de la vie de la communauté » [36], et révèlent la vigueur de la croyance dans la vertu stabilisatrice de l’école, croyance appuyée à la même époque, contre la crainte de l’exode rural, par des travaux comme ceux de Paul Lapie [37]. Aussi les lieux que s’approprient les écoles ambulantes pour leurs sessions ne sont-ils pas indifférents. En 1929, le directeur des services agricoles du Nord estime que

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« Dans l’ensemble, les maîtresses ont été confortablement logées […] Presque toujours, il leur est offert des chambres chez l’habitant. Mais, dans quelques cas, pour des raisons locales, souvent pour conserver leur indépendance, elles sont tenues de s’installer à l’école même, dans des locaux plus ou moins bien préparés pour les recevoir. »

28En outre, « l’école est ouverte au public le jeudi matin » [38], reproduisant ainsi le mot d’ordre d’extériorisation des écoles pratiques d’agriculture qui prévaut en ces années. L’emprise territoriale des écoles s’augmente par les relations entretenues avec la population :

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« Le lait nécessaire à la fabrication du beurre est fourni par les cultivateurs de la commune, ou les parents des élèves. Ce lait a toujours été travaillé en coopération et chaque fournisseur reçoit alors une quantité de beurre proportionnelle au poids du lait livré et à sa richesse en matière grasse. »

30L’accent mis sur la coopération, perceptible aussi dans la prise en commun des repas et les réunions pédagogiques provoquées dans le village par les institutrices, participe du traitement de la question sociale – et de la rivalité qui s’y joue entre les catholiques sociaux et les républicains laïcs. Plus largement, on peut aussi faire l’hypothèse que le rôle initial du lait dans la genèse des écoles ambulantes n’est pas fortuit : envisagé comme un « construit social », le lait est étroitement associé au travail féminin à la ferme, et l’apparition de nouveaux matériels (qui bouleversent les techniques de transformation) renouvelle sa place dans l’économie ménagère. L’industrialisation laitière de la fin du xixe siècle pénètre jusqu’au cœur du foyer paysan, et la permanence d’un vecteur symbolique de la pureté en dépit de – ou grâce à – la mutation technique constitue une appropriation souple du progrès dans l’exploitation [39].
Attentifs aux expériences des Côtes-du-Nord et de la Belgique, les professeurs d’agriculture du Nord et du Pas-de-Calais, dont le rôle dans l’institutionnalisation des écoles ménagères agricoles ambulantes s’avère crucial, font évoluer un modèle originellement fondé sur le produit laitier, mais qui n’a rien de figé. Le changement de dénomination en témoigne : il semble que ce soit dès 1906 dans le Pas-de-Calais, et vers 1909 dans le Nord, que l’école ambulante de laiterie devient « école ménagère agricole », et Joseph Tribondeau insiste dans son rapport de juillet 1907 sur « la véritable école ménagère agricole, appellation que nous demandons au conseil général de lui conserver dorénavant parce qu’elle traduit mieux le but poursuivi ». À considérer le programme de cette école, qui inclut la coupe, la couture, la cuisine notamment, on comprend l’utilité d’un changement de dénomination qui n’est opéré qu’en 1912 dans les Côtes-du-Nord.

Promouvoir l’expérience

31L’effort de diffusion de l’expérience menée est l’œuvre des promoteurs eux-mêmes, notamment d’Albert Ducloux, qui dirige l’école ménagère ambulante du Nord et adresse en mars 1908 un rapport au ministre de l’Agriculture, rapport qu’il doit présenter au troisième congrès national d’industrie laitière [40]. Après avoir salué l’intérêt du Parlement pour les écoles ambulantes ménagères agricoles – qui se traduit par l’inscription au budget du ministère de l’Agriculture d’un crédit de 40 000 francs en 1908 – le professeur départemental définit très précisément l’école ambulante ménagère agricole. Reconnaissant le rôle pionnier de l’école volante des Côtes-du-Nord, créée en 1902 sous l’impulsion de Charles Maréchal, professeur départemental auparavant en poste dans le Pas-de-Calais, Albert Ducloux appuie le programme et l’organisation qu’il préconise sur les cas du Nord, du Pas-de-Calais et de l’Oise, réunis par un réseau de professionnels qui se connaissent et peuvent comparer leurs expériences. Dans ce dernier département, l’école a été créée le 20 février 1907 à l’initiative de son collègue Théotime Leroux, originaire de l’Oise, mais qui a été professeur spécial d’agriculture dans le Nord, à Cambrai, avant d’être promu en janvier 1900 à ce poste qu’a occupé précédemment Joseph Tribondeau, alors en fonction dans le Pas-de-Calais.

32Ce fonctionnement en réseau permet que des leçons soient tirées des premières sessions, par exemple sur l’âge souhaitable des élèves. Limité d’abord à dix-huit ans, ce plafond est supprimé pour ne pas créer une « école d’enfants » qui ferait fuir les élèves plus âgées, plus à même de tirer parti rapidement de ce qu’elles auront appris ; à l’inverse, la présence d’élèves de moins de quinze ans est déconseillée par Albert Ducloux. Les statistiques des huit premières sessions de l’école qu’il dirige dans le Nord montrent que les élèves de plus de 25 ans, d’abord absentes, font leur apparition progressivement à partir de la sixième session. Sur 153 inscrites lors de ces sessions, 78 ont moins de 18 ans, 67 de 18 à 25 ans (soit 43 %), et 7 ont plus de 25 ans. Pour les quatre premières sessions dans le Pas-de-Calais, à titre de comparaison, 51 élèves ont moins de 18 ans, 22 de 18 à 25 ans (soit 30 %), aucune n’ayant plus de 25 ans.

33La publicité de l’expérience, révélatrice du souci constant de justification, est assurée par la présence dans les grandes manifestations. Une session est ainsi installée à Roubaix, à l’occasion de l’Exposition internationale du Nord de la France en 1911, pour des démonstrations pratiques de laiterie, de beurrerie et de fromagerie. Une des premières tâches des professeurs départementaux, une fois l’école ambulante ménagère agricole lancée, consiste à justifier et diffuser l’expérience engagée par différentes initiatives. C’est dans cette dynamique aussi que se lit et se conforte un véritable projet agrarien.
La Première Guerre mondiale interrompt brutalement des institutions en pleine expansion, aux échelles régionale et nationale. En 1920, dans la désorganisation de la Reconstitution, les conseillers généraux du Nord s’aperçoivent que l’école ambulante ménagère agricole subventionnée par le département et l’État fonctionne depuis plus de six mois au collège de jeunes filles de Tourcoing, où la directrice et la municipalité envisageraient d’en faire une école saisonnière fixe. Les conseillers généraux s’interrogent sur l’opportunité d’abandonner le caractère ambulant de ces écoles, et l’un d’eux compare avec une école ménagère dont il a admiré le fonctionnement quelques jours plus tôt dans le village belge de Clyte, près d’Ypres. Le préfet à son tour signale l’existence de telles écoles dans d’autres départements français. L’accord se fait sur la réactivation des écoles ambulantes dont tous s’accordent à reconnaître qu’elles donnaient toute satisfaction.

Succès et limites des écoles ménagères ambulantes

34L’installation et le développement des écoles ménagères ambulantes s’inscrivent dans une politique d’affirmation de valeurs agrariennes et laïques, qui associent plusieurs niveaux administratifs, politiques et économiques autour d’un modèle pédagogique spécifique.

Les enjeux d’une forme pédagogique innovante

35L’institutionnalisation des écoles ambulantes de laiterie, puis des écoles ménagères agricoles, répond à des enjeux dont sont conscients leurs promoteurs, les professeurs départementaux d’agriculture et les conseillers généraux. Ils prennent soin d’insister sur ces enjeux. Le premier objectif de ces écoles est la lutte contre l’exode rural. Commentant le programme des écoles et les premiers résultats, Joseph Tribondeau s’exclame à l’adresse du conseil général, dont il sait la sensibilité aux questions agricoles : « n’est-ce pas là la véritable préparation du retour à la terre ? ». Les écoles ambulantes agricoles doivent ainsi lutter contre l’exode rural présumé, contre l’attraction urbaine face à laquelle le combat semble d’arrière-garde s’il consiste à convaincre du retour à la terre ceux qui ne l’ont pas encore quittée… Il s’agit bien de consolider la « République des paysans » forgée par Gambetta puis par Méline. Le lien entre pauvreté paysanne et ignorance, en laissant entrevoir la nécessité de l’éducation professionnelle, ouvre la voie à cette conjonction de la moralisation et de la modernisation [41].

36L’institutionnalisation des écoles ambulantes ménagères agricoles, puis celle des écoles d’agriculture d’hiver, ressort à une logique agrarienne, une « force sociale profonde, celle des agriculteurs luttant pour défendre leur place dans la société industrielle » [42] – un agrarisme précisément « défini non pas comme un archaïsme, mais comme un mouvement social et politique dynamique, participant pleinement de la modernité » [43]. Le caractère reproducteur de l’école ambulante ménagère agricole est patent : ses promoteurs souhaitent stabiliser les cellules familiales et freiner l’exode rural. Mais l’on aurait tort de ne pas observer aussi, dans cette recherche d’équilibre social, la transformation de la société paysanne à laquelle participe l’école [44]. Les cercles de fermières, soutenus par le ministre de l’Agriculture Clémentel après la Grande Guerre, l’attestent : il s’agit de prolonger l’enseignement reçu durant les trois mois que dure une école ambulante, « de travailler au progrès et à la diffusion de la science ménagère et agricole, de développer l’amour du foyer et l’attachement à la terre » [45]. Le public ciblé est clairement agricole : l’effort (hélas ponctuel) mené par les professeurs départementaux pour tenir des statistiques précises aide à s’en convaincre.

Figure 1

Catégories professionnelles des parents des 391 élèves de l’école ambulante ménagère agricole du Pas-de-Calais, 1907-1912

Figure 1

Catégories professionnelles des parents des 391 élèves de l’école ambulante ménagère agricole du Pas-de-Calais, 1907-1912

D’après les rapports du professeur départemental d’agriculture au préfet du Pas-de-Calais de 1912 et 1913.

37Fin 1912, ce sont 391 élèves qui sont entrées à l’école ambulante ménagère du Pas-de-Calais (321 ont reçu un diplôme de capacité) ; les parents de 267 d’entre elles étaient cultivateurs (soit près de 70 %), 24 instituteurs ou fonctionnaires, 40 négociants ou commerçants, 4 docteurs, 34 avaient « des métiers divers (menuisier, ferblantier, forgeron) », enfin 8 étaient ouvriers et 14 rentiers [46]. Les rapports successifs des directeurs départementaux des services agricoles soulignent complaisamment le succès des écoles ambulantes, auquel une telle statistique n’est pas étrangère : ainsi les deux écoles du Nord « sont toujours très goûtées des populations rurales ; les filles de cultivateurs suivent volontiers et assidûment les cours théoriques et pratiques professés dans ces établissements ». Et le fonctionnaire de renvoyer à un mouvement d’opinion incarné par « les notabilités agricoles, les maires, les conseillers généraux [qui] viennent fréquemment visiter les écoles et assister aux examens et aux distributions des récompenses [47]. »

38L’extension du projet aux écoles d’agriculture d’hiver, à destination des jeunes hommes du village, naît dans cet esprit agrarien. Le 12 mai 1908, les conseillers généraux du Nord Barrois et Ghestem émettent le vœu qu’un projet d’enseignement agricole ambulant « à l’intention des fils de cultivateurs et des cultivateurs eux-mêmes, analogue à celui des jeunes filles », soit conçu. Ils se fondent sur « les excellents résultats obtenus dans toutes les communes où elle s’est installée, par l’école ambulante agricole et de laiterie [et] le bon accueil que lui font partout nos populations agricoles ». Pour les écoles ambulantes d’agriculture d’hiver, pas davantage étudiées que leurs homologues féminines, les dix premières sessions, jusque 1913, totalisent dans le Nord 441 inscrits, et seuls 56 % sont diplômés (248). Ici, la moyenne est à 44 inscrits par session, beaucoup plus donc que pour les écoles ménagères agricoles. Destinées à des fils de cultivateurs âgés d’au moins 18 ans et déjà initiés à la pratique agricole, ces écoles visent à fournir des compléments de technique agricole. Conçu pour s’adapter aux besoins locaux, le programme s’avère assez complet. Il comprend : 9 leçons de chimie agricole (sols, plantes, engrais) ; 9 leçons d’agriculture ; 3 leçons sur les associations agricoles ; 12 leçons de zootechnie ; 3 leçons de comptabilité ; 2 applications de zootechnie ; 2 applications d’agriculture – visites de fermes [48].

39Soumise au conseil général en 1913, la création d’une école ambulante d’agriculture d’hiver n’est pas réalisée avant la guerre dans le département du Pas-de-Calais.

40Avec les écoles ambulantes d’agriculture, l’ambition de déplacer les débats sur l’enseignement agricole, théâtre d’une rivalité exacerbée entre partisans d’un contrôle catholique sur les campagnes et républicains laïcs, ne peut être ignorée : les professeurs départementaux affichent leur républicanisme et mettent en œuvre concrètement la laïcisation des campagnes.

41Par le choix d’un terrain nouveau, l’enseignement public s’affranchit de la concurrence que livre par exemple aux écoles pratiques d’agriculture l’Institut agricole de Genech, fondé en 1894. Le développement de l’enseignement agricole est déterminé à tous les niveaux par la différenciation de réseaux catholiques et laïcs, en France comme en Belgique où l’arrivée des catholiques au pouvoir, en 1884, conforte l’enseignement agricole supérieur [49]. Non que l’enseignement agricole privé catholique délaisse les villages, mais il s’y appuie plutôt sur « l’apostolat du monde rural » assuré par des prêtres spécialement formés – de même que dans l’enseignement agricole public on se préoccupe de former des instituteurs. L’enseignement agricole ménager est délivré dans quatre pensionnats de jeunes filles du Pas-de-Calais [50], et l’on préfère l’action de missionnaires agricoles aux écoles ambulantes [51]. Pourtant, l’abbé Lemire, député du Nord, dans le contexte de l’expulsion des congrégations, avait préconisé pour les religieuses dont les congrégations sont interdites un engagement sur des terrains tels que la profession. Rappelant la maxime « tant vaut la femme, tant vaut la ferme », il se livre lui aussi à une comparaison avec les cas allemand et surtout belge, et encourage contre « l’ignorance professionnelle » l’enseignement ménager, fixe et ambulant, conçu comme un complément plutôt qu’un adversaire de l’école publique [52]. Un quart de siècle plus tard, les professeurs d’agriculture de la Fédération agricole du Pas-de-Calais innovent d’une autre manière, en créant en 1928, sous l’impulsion du chanoine Henri Patou, des cours par correspondance grâce à la publication bimensuelle de L’Ami de la terre, envisagé comme un support de la science agricole et de l’amour de la terre [53]. Le journal annonce 390 inscrits à ces cours par correspondance au 1er novembre 1928 et, dès 1929, ces cours sont étendus à la Fédération du Nord. En 1932, les cours diffusés de novembre à février rassemblent 353 jeunes gens dans le Nord et 192 dans le Pas-de-Calais, ainsi que 240 et 149 jeunes filles dans les départements respectifs.

42Les écoles ambulantes, œuvre laïque qui s’insinue au cœur des communautés villageoises, rencontrent l’hostilité de beaucoup de catholiques. Le recrutement de la session de Campagne-les-Hesdin, dans le Pas-de-Calais, en décembre 1907, ne donne que 12 élèves présentes à l’ouverture, et le professeur d’agriculture ne fait pas mystère des « influences occultes [qui] ont agi sur l’esprit des jeunes filles désireuses de s’instruire et les ont fait reculer » [54]. Dans une lettre au préfet du Nord datée du 3 novembre 1910, Albert Ducloux pointe les tensions que suscite l’école ambulante à partir du cas de la commune de Fournes : le directeur du pensionnat local, qu’il a contacté pour envisager l’organisation d’une session, dénonce le comte d’Hespel, notable local qui, s’il offre bien des locaux pour accueillir l’école ménagère, serait en réalité un « petit tyranneau de village » adversaire de la République. Les écoles ambulantes se trouvent au centre de l’affrontement entre les syndicats agricoles républicains et leurs homologues catholiques, mais Ducloux estime

« qu’il ne faut pas laisser supposer que nous avons peur de nous trouver en présence des associés de M. d’Hespel. […] je pense qu’il serait difficile de faire fonctionner les écoles ambulantes de laiterie et les cours temporaires d’agriculture si nous ne devions recevoir que des filles de cultivateurs républicains, […] nous ne pouvons avoir la prétention de ne faire aboutir que les seules demandes de session formulées par des municipalités républicaines [55]. »
La rivalité est durable : la session d’Hazebrouck de l’école d’agriculture d’hiver, à la fin de 1913, ne satisfait pas Ducloux car seuls 17 jeunes gens sur 32 inscrits se sont présentés à la première séance. Bien que ces défections soient fréquentes, elles sont imputables ici au « collège libre d’Hazebrouck [qui] a ouvert en même temps que nous et en concurrence avec les nôtres des cours de mécanique agricole » [56]. La Première Guerre mondiale n’efface pas ces antagonismes et le directeur des services agricoles du Pas-de-Calais souligne, en décembre 1928, que si l’école ménagère a rendu de grands services, son recrutement
« est très difficile tant il est vrai que le progrès est lent à pénétrer dans les campagnes. En outre notre école est en butte à chaque session aux attaques du clergé local qui voit en elle une école laïque gouvernementale et l’attaque selon les méthodes chères à l’Église [57]. »

Les soutiens des écoles ambulantes agricoles

43Les écoles ambulantes sont dépendantes des conseils généraux : au-delà du financement qu’ils consentent, les élus sont avec les maires des communes concernées les interlocuteurs des professeurs départementaux lorsqu’il faut mettre sur pied une session. L’intérêt des associations agricoles sert aussi le projet, et la collaboration d’organisations impliquées dans le monde agricole est requise. Le Cercle agricole du Pas-de-Calais est invité par Tribondeau à octroyer 30 francs pour offrir des médailles aux élèves méritantes de la 18e session de l’école ménagère agricole installée à Wicquinghem [58]. La volonté d’organiser une session à Avesnes, dans l’est du département du Nord, émane de l’ancien secrétaire de la Société d’agriculture locale, qui sollicite le maire à la fin de 1911 ; le professeur spécial d’agriculture de l’arrondissement est ensuite chargé de grouper les adhésions. Par ailleurs, en 1912, Albert Ducloux soutient l’idée de créer un conseil de perfectionnement des écoles ambulantes d’agriculture pour jeunes gens, et propose de le composer, sous la présidence du préfet, en associant des conseillers généraux, des agriculteurs souvent représentants de sociétés agricoles et le professeur départemental.

44Ces notables locaux assurent la concrétisation des projets et procurent la souplesse nécessaire à l’organisation. Ducloux l’écrit, dans son rapport de 1911, à propos de cette session « qui aurait dû s’ouvrir dans l’arrondissement d’Avesnes vers le 20 septembre [1910] » : ouverte avec deux semaines de retard car, en dépit des tractations préalables, « aucune disposition n’avait été prise pour que l’ouverture en soit faite à la date réglementaire ». Le mérite du succès de la session revient au maire de Bavay et au conseiller général du canton, qui ont assuré le recrutement, ce qui confirme l’importance de ces élus souvent impliqués dans le progrès agricole. La souplesse de l’organisation ne s’arrête pas en si bon chemin : la tenue d’une deuxième session, sur les mêmes lieux, est décidée, avec moins d’élèves mais en présence de « six élèves diplômées de la première [qui] sont revenues assez régulièrement pour se perfectionner soit en laiterie, soit en fromagerie, soit en couture ». L’afflux est parfois jugé tel, comme à Quesnoy-sur-Deûle de janvier à mars 1926, qu’à en croire le directeur des services agricoles,

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« ce n’est que grâce à une élève stagiaire envoyée par le Ministère de l’Agriculture que les maîtresses ont pu suffire aux exigences de l’instruction d’une quarantaine de jeunes filles. La directrice et son adjointe ont fait aussi, en dehors de leurs cours réguliers dans chacune des sessions, quelques causeries fort appréciées aux fermières de la commune. »

46La composition des conseils de surveillance et jurys d’examen fournit un bon indicateur de l’implication des notables. Lors des examens clôturant une session à Saint-Pol-sur-Ternoise inaugurée en novembre 1922, le comité de surveillance et de perfectionnement de l’école d’agriculture d’hiver ambulante du Pas-de-Calais, réuni le 29 mars suivant, est composé de Tribondeau, directeur des services agricoles, de Demazure, professeur d’agriculture à Saint-Pol (et enseignant au cours de la session), du maire, du directeur de l’école communale de garçons. Assistaient aussi à la réunion le directeur de l’école d’agriculture du Pas-de-Calais et président du Cercle agricole, le directeur départemental des services vétérinaires, le président du syndicat agricole de l’arrondissement, un conseiller d’arrondissement (agriculteur), le maire d’une commune voisine et l’adjoint à la direction des services agricoles. Cet aréopage octroie douze diplômes et des récompenses procurées par les sociétés d’agriculture des arrondissements de Saint-Omer et de Saint-Pol, par les syndicats agricoles des arrondissements d’Arras et de Saint-Pol, et par huit donateurs à titre privé (tous étant des élus) [59]. Le cas est assez représentatif des différentes sessions et il incite à se pencher sur le caractère composite des budgets des écoles ménagères ambulantes. Initiées par les conseils généraux, au prix d’un investissement financier mesuré, les écoles ménagères ambulantes sont pérennisées grâce aux subventions du ministère de l’Agriculture. Pour les deux écoles ménagères ambulantes du Nord – qui ne fonctionnent pourtant pas à cette date – le budget prévu en 1921 atteint respectivement 26 440 et 23 740 francs. L’État, dans le sillage de la nouvelle législation sur l’enseignement agricole promulguée le 2 août 1918, prend 70 % de ces sommes à sa charge.

47Dans cet enseignement nomade, l’État intervient en effet en second : il assure la pérennisation de l’initiative et de la compétence départementales, et procède aussi à une mise en ordre, concomitante de l’intégration au système d’enseignement. Certes, les écoles ménagères ambulantes agricoles ont été « le pivot d’une stratégie de fixation de la main-d’œuvre à la terre » [60]. Pourtant, leur institutionnalisation, prolongée par celle des écoles ambulantes d’agriculture d’hiver à la veille de la guerre, traduit les glissements des configurations sociales et politiques. Les fonctionnaires municipaux et départementaux, travaillant à la charnière entre les mondes économique et administratif, suppléent l’autorité centrale dont il ne faut pas seulement pointer les carences en la matière, puisqu’à défaut d’initier l’expérience des écoles ambulantes, les fonctionnaires du ministère de l’Agriculture viennent épauler et diffuser l’effort entrepris. Si le protectionnisme a été l’instrument le plus important de l’intervention de l’État dans les questions agricoles, il fut loin d’être le seul. Entre les corps politiques locaux et intermédiaires, d’une part, et d’autre part l’administration centrale, les domaines d’intervention et les moyens d’action diffèrent. Comme en Belgique, où l’école de laiterie de Virton, créée dès 1894, est reconnue comme école professionnelle par le gouvernement en 1925, l’État s’engage avec prudence, bien qu’il soit persuadé du rôle économique de l’agriculture [61].
Les écoles ambulantes d’agriculture s’intègrent dans la trame républicaine d’une politique de l’offre, conformément à la dynamique des lois Ferry ; les services agricoles départementaux encouragent la « demande d’éducation » à l’échelon municipal. Toutefois, les professeurs départementaux, conscients de l’impossibilité de parcourir tous les villages, d’atteindre toutes les populations, comptent sur la force contagieuse de l’exemple, à la manière d’un Guizot plutôt que d’un Ferry pour l’enseignement primaire : la stabilité et la modicité du budget départemental imparti en attestent. Cet enseignement particulier figure en bonne place parmi les structures de formation et d’encadrement, dans une logique plus large d’intégration nationale [62]. Se bâtit ainsi un système combiné, grâce à l’implication d’acteurs institutionnels de différents niveaux, où le ministère vient reconnaître par des subventions la vertu de cet enseignement « peut-être le plus utile de tous, assurément celui qui coûte le moins et donne le plus rapidement des résultats pratiques, en rapport avec les goûts et les ressources des cultivateurs » [63], selon le député Maurice Braibant. Des subventions de 4 000 francs sont accordées par le ministre de l’Agriculture Joseph Ruau, le 7 avril 1908, aux départements du Nord, de l’Oise, du Pas-de-Calais et de la Seine-Inférieure [64] ; les départements de l’Isère et de la Haute-Marne rejoignent ce groupe l’année suivante.
Parallèlement, l’enquête confiée à Louis Henry, professeur à l’école nationale d’horticulture de Versailles, prend significativement la suite des premières expériences départementales. Sa publication en 1907 contribue à diffuser et à identifier les types d’écoles ménagères. Henry en identifie trois, dont les écoles ménagères agricoles temporaires et ambulantes qui rendent des services « à notre avis bien plus considérables » [65] que ceux des écoles ménagères fixes. Si l’auteur s’appuie sur des rapports précis et documentés sur les institutions qui fonctionnent à l’étranger, en réservant une place importante à la Belgique, il a aussi visité l’école ménagère ambulante du Nord lors de sa troisième session, à Ors, et se réjouit d’y avoir constaté qu’elle répond « pleinement au but poursuivi : vulgariser les bonnes méthodes d’industrie laitière, donner des notions théoriques et pratiques d’économie domestique » [66].

Tableau 3

Les écoles ambulantes en France de 1914 à 1939

Tableau 3
Année Écoles ménagères agricoles ambulantes Année Écoles d’agriculture d’hiver Fixes Ambulantes 1914 36 1916 20 8 1924 44 1921-1922 24 10 1928 55 1922-1923 29 18 1932 61 1924-1925 35 28 1939 69 69 Source : Charmasson, 1999.

Les écoles ambulantes en France de 1914 à 1939

48Le travail de Simon Plissonnier prolonge l’enquête de Louis Henry. Ce député, défenseur farouche de l’enseignement agricole [67], remarque à propos des écoles ménagères ambulantes que ce sont

« de beaucoup celles qui ont actuellement le plus de succès. Elles ne correspondent pas du tout aux écoles ambulantes d’hiver pour jeunes gens : elles donnent, en effet, des sessions de trois mois (90 jours), alors que ces dernières ne fonctionnent que deux fois par semaine (l’après-midi du jeudi et du dimanche). Cependant, l’enseignement de l’école ménagère ambulante est aussi, comme celui de l’école d’hiver pour les jeunes gens, le complément très utile de l’enseignement agricole et ménager postscolaire [68]. »
Bien qu’il ait sans doute étudié de près la question – il cite du reste, sans le nommer, le professeur départemental du Nord Ducloux –, son tableau des écoles ambulantes ménagères et agricoles (filles) « qui fonctionnent actuellement » [69] recèle plusieurs erreurs de datation, entre autres sur la création des écoles du Nord (1905 et non 1908) et du Pas-de-Calais (1907 et non 1908), ou pour celle de la Haute-Marne (créée en 1911 et non en 1908 [70]). Ces erreurs rappellent la difficulté pour le législateur à suivre les activités d’écoles itinérantes, et suggèrent la latitude d’action de leurs responsables lors des sessions. Les écoles ménagères ambulantes sont toutefois incluses dans la loi du 2 août 1918, et trouvent ainsi une place reconnue dans le budget.

Une expérience pédagogique observée et copiée

49Sur la base d’un tel projet agrarien, objet d’un quasi-consensus républicain et laïc, émerge une manière de modèle pédagogique, appelé à circuler au prix d’inflexions incessantes.

50Les pouvoirs publics interviennent en mettant en place des procédures d’inspection des écoles ménagères ambulantes [71], instrument décisif dans le nivellement des pratiques par une autorité centrale. Pourtant, ces procédures, comme les erreurs statistiques du député Plissonnier, se heurtent à la diversité probablement irréductible des situations locales. Les deux écoles du Nord reçoivent la visite de l’inspectrice Gatard en juin 1914. À Quaëdypre, elle déplore un recrutement « médiocre », puisqu’il n’y a « que 8 élèves, dont la plupart ont moins de 15 ans ; elles sont peu instruites, mais très dociles et désireuses d’apprendre ; leur tenue est irréprochable ». Au collège de jeunes filles de Cambrai, quelques jours plus tard, le recrutement a été plus aisé et le niveau d’élèves plus âgées est bon [72]. Toutes ces jeunes filles, note-t-elle, possèdent le manuel rédigé par Albert Ducloux lui-même, mis à leur disposition en plus de la présence dans l’école d’une bibliothèque de 80 ouvrages concernant l’agriculture [73]. L’inspectrice principale de l’enseignement agricole et ménager, en visite dans la première école ménagère agricole ambulante du Nord lors de la session tenue à Quarouble en février 1921, critique le local utilisé et le matériel, en mauvais état et incomplet : « l’aspect de l’école est pauvre, pas propre, peu engageant ». Du côté des 25 élèves inscrites, et dont la présence semble irrégulière,

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« certaines semblent vraiment trop jeunes […] il y aurait bien des modifications à faire aux programmes qui m’ont semblé, d’après la copie qui m’en a été remise, trop techniques pour les élèves que j’ai vues. »

52Deux jours plus tôt, dans la deuxième école installée à Steenvoorde dans les bâtiments de l’école maternelle, il n’y avait que huit élèves ; selon L. Babet,

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« La municipalité semble avoir fait peu de propagande en faveur de l’école ; de plus il y a dans la commune deux partis distincts qui s’entravent mutuellement. Les élèves sont jeunes, peu instruites, mais elles sont raisonnables et leur travail est satisfaisant [74]. »

54L’enseignement, initialement centré sur la laiterie (procédés d’écrémage, fabrication raisonnée du beurre et des divers fromages, évaluation de la qualité du lait), inclut le plus souvent la comptabilité agricole, l’économie domestique et l’hygiène de la famille (des éléments de puériculture à la couture et la cuisine), les soins et l’alimentation des animaux et de la basse-cour, la composition des principaux engrais chimiques ou encore le rôle de la terre dans l’alimentation de la plante. Comme dans les écoles de garçons, trois cours sur les associations agricoles sont dispensés.

55Les circulations du modèle des écoles ménagères ambulantes sont de plusieurs ordres. Le professeur départemental du Pas-de-Calais signale dans son rapport de juillet 1909 que son école ménagère agricole a

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« été copiée plusieurs fois. Des délégations des conseils généraux de la Haute-Marne, de la Somme sont venues étudier le fonctionnement et l’organisation, et mes collègues de la Haute-Marne et des Deux-Sèvres ont envoyé leurs futures directrices faire un stage plus ou moins long à l’école ambulante du Pas-de-Calais. C’est, du reste, une ancienne élève de la session d’Inchy qui est adjointe à l’école des Deux-Sèvres. »

57À cette diffusion par imitation-adaptation s’ajoutent des circulations plus contraintes pour le personnel. Les professeurs départementaux signalent dès l’origine la difficile recherche d’enseignantes compétentes et intéressées. Dans le Pas-de-Calais, « ce n’est qu’après de laborieuses recherches que [Joseph Tribondeau a pu s’]assurer le concours de Mlle Brunel comme directrice et de Mlle Régnier comme adjointe », mais cette dernière retourne dans le département du Nord à l’issue de la première session. Pour la remplacer, le professeur a

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« décidé une ancienne élève de l’école normale à compléter son instruction agricole en faisant des études spéciales à l’école d’aviculture de Gamblais (Seine-et-Oise). Elle pourra ensuite être nommée adjointe à l’école ménagère agricole du Pas-de-Calais [75]. »

59La forme itinérante et la précarité des installations temporaires exigent un engagement et un dévouement importants de la part des professeurs : Hélène Zeller, devenue directrice de l’école ambulante du Nord avant la guerre, est l’adjointe indispensable d’Albert Ducloux. Le directeur des services agricoles du Pas-de-Calais rend hommage à la directrice de l’école ménagère ambulante Allart lorsqu’elle quitte ses fonctions pour se marier après une décennie à ce poste (de 1926 à 1937). Les anciennes élèves poursuivent parfois leur formation, au point de pouvoir prétendre à des fonctions enseignantes : tel est le cas de Juliette Sénez, originaire d’Etrœungt, dans le Nord, qui fréquente l’école ambulante ménagère agricole du département, puis l’école d’aviculture de Gamblais et l’école d’industrie laitière et ménagère de Poligny. Elle est recommandée par le député de Sains-du-Nord, en mai 1912, pour un poste de professeur à l’école ambulante ménagère agricole de l’Eure-et-Loir [76]. Globalement, se met en place une formation spécifique de ces personnels, notamment dans le cadre de la section normale supérieure de l’école de Coëtlogon-Rennes.

60L’extension du modèle des écoles ménagères agricoles ambulantes est pensée et mise en pratique par les professeurs départementaux eux-mêmes. Dès le début, la présence d’élèves des écoles normales est souhaitée. L’enjeu est de taille et Albert Ducloux préconise, dans un courrier au préfet du Nord daté du 24 mars 1913, l’organisation d’une session à l’école normale d’institutrices de Douai. L’objectif est double : utiliser l’été les écoles ménagères, qui ne réussissent pas dans les communes rurales en cette période de travaux agricoles, et former des relais pour la diffusion de l’enseignement agricole. À l’appui de sa suggestion, Ducloux renvoie au projet de loi Plissonnier et signale que plusieurs départements ont déjà opté pour cette solution. Or, « rien n’est impossible dans le Nord, surtout quand une chose existe dans plusieurs autres départements et y est jugée bonne », d’autant que 32 instituteurs sont déjà diplômés et « en bonne situation pour devenir nos collaborateurs » [77]. En 1932 et 1933, avec la même ambition d’entretenir la dynamique enclenchée, et alors que le conseil général s’accorde sur la propagande nécessaire pour améliorer la fréquentation de l’école, la direction des services agricoles du Nord expérimente des cours du soir « pour augmenter le rendement de nos écoles ménagères ».

61*

62À la fin des années 1930, l’existence des écoles ambulantes n’est pas menacée : le Conseil général du Nord et le Ministère de l’Agriculture décident en 1939 d’augmenter le budget en maintenant l’équilibre de leurs contributions respectives (30 et 70 % pour une somme totale de 103 000 francs affectée aux deux écoles ménagères). L’entrée en guerre suspend l’activité des écoles durant plusieurs mois, avant une reprise précaire dans les conditions difficiles d’une région coupée du reste du pays. Avant cette période troublée, l’étude des contenus de ces formations peut éclairer les nuances locales de la phase d’institutionnalisation. La sensibilité aux circulations d’expériences et de modèles, entre départements comme par-delà les frontières nationales, permet de mettre en perspective les vertus du comparatisme, ainsi que d’ajuster la perspective quant aux impulsions, réactions, appropriations et adaptations qui mettent en jeu collectivités locales et ministères. On suit ainsi doublement Thierry Nadau lorsqu’il écrivait que « se contenter d’envisager l’évolution de l’enseignement agricole comme l’aboutissement logique d’une préoccupation de plus en plus générale ne peut suffire » [78] : la comparaison, fertile lorsque l’historien l’utilise, l’est d’autant plus lorsqu’on peut en restituer l’usage par ceux-là mêmes qui ont pour mission de développer l’enseignement agricole, et dissiper du même coup quelques malentendus sur la genèse des systèmes d’enseignement.
Des questions demeurent, néanmoins, en ce qui concerne l’influence du modèle pédagogique ambulant sur les pratiques professionnelles et sur les structures agraires des territoires parcourus. La part à imputer à ce modèle spécifique dans la reconnaissance par les paysans de la nécessité de l’institution scolaire (en tant qu’instrument de promotion sociale) s’avère difficilement mesurable. L’école ambulante intègre les populations paysannes dans une trame qui transcende les limites de la communauté (entendue comme la cellule élémentaire des activités et de la société rurales [79]). Universaliste par principe, spécifique par nécessité, l’école républicaine cantonnerait les populations rurales dans les campagnes par sa forme. L’ambiguïté constitutive de l’agrarisme rejaillit, en ce qu’il fournit une réponse aux menaces ou aux défis économiques modernes par la préservation d’une société prétendument unanime contre les sirènes de la ville. En suivant le développement des écoles ambulantes d’agriculture, grâce à cette caractéristique d’itinérance, il apparaît que le progrès n’est pas antinomique du maintien à la terre ; l’industrialisation si massive du Nord de la France à partir du milieu du xixe siècle ne peut laisser dans l’ombre des espaces ruraux loin d’être simplement délaissés. Si l’histoire économique et sociale est nécessairement la combinatoire de composantes multiples, sans doute les relations, les échanges et les circulations sont-elles les plus aptes à en incarner la richesse. À un autre niveau d’analyse, l’exemple illustre la correspondance complexe – car traversée par l’articulation du local, du national et du transnational – entre identité et modernité. Pour lutter contre l’exode rural, quel meilleur moyen que de rompre les équivalences entre ville et modernité d’une part, ruralité et archaïsme d’autre part ? On rejoint davantage ici l’image, tout aussi importante, qui distingue les campagnes « berceau de la race » des villes « tombeau » de celle-ci [80]. La force de l’idéologie agrarienne – perceptible dans les pratiques – naît bien de sa capacité à intégrer la modernité et à rompre le chiasme du discours agrarien [81] entre « une disqualification économique » et « un surinvestissement idéologique », et rejoint la nécessité historienne de plaider pour la compréhension des systèmes agro-ruraux dans le cadre de « l’indivisibilité de l’histoire rurale » [82].

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : modèles, laiterie, enseignement féminin, communautés rurales, école ambulante, agrarisme, agriculture, comparaison

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Mise en ligne 01/06/2011

https://doi.org/10.3917/hsr.034.0149

Notes

  • [1]
    Cet article est une version remaniée et augmentée d’une communication à l’école thématique cnrs « Enfance, jeunesse, formation », organisée par le cerhio à Fougères en novembre 2008.
  • [2]
    Boulet, 1995, p. 252.
  • [3]
    Vanpaemel, 1983, p. 201-202.
  • [4]
    Caniou, 1983.
  • [5]
    Roll, 2008.
  • [6]
    Plissonnier, 1919, p. 296.
  • [7]
    Sainclivier, 2005.
  • [8]
    Jessenne, 2008, p. 324 et suiv.
  • [9]
    Grignon, 1975, p. 78.
  • [10]
    Vandamme, 1951, p. 375.
  • [11]
    À défaut de registres d’inscription, les rapports des professeurs départementaux d’agriculture ont été une source précieuse, consultée dans les procès-verbaux des séances des conseils généraux du Nord : Arch. dép. Nord, 1 n 149 à 214, et du Pas-de-Calais : Arch. dép. Pas-de-Calais, 1 n 112 à 178. Les archives de l’Inspection générale de l’agriculture, de l’enseignement ménager et des écoles ménagères agricoles ont été consultées aux Archives nationales. Enfin, des documents tirés des séries t, Arch. dép. Nord et Pas-de-Calais, ont été utilisés. Les références sont fournies au fur et à mesure.
  • [12]
    Plissonnier, 1919, p. 26.
  • [13]
    Le Pas-de-Calais a été étudié en détail : Allart, 2007. Seules quelques lignes sont consacrées aux écoles ambulantes.
  • [14]
    Boulet, 1982 ; Charmasson, 1999, p. 56 et suiv.
  • [15]
    « L’enseignement agricole », dans Le Pas-de-Calais au dix-neuvième siècle. Notices rédigées à la demande du Conseil général pour servir à l’histoire de ce département pendant le xixe siècle, iv. Agriculture, Arras, Impr. Guyot, 1900, p. 393-421 ; Hubscher, 1980, p. 291-292. Sur la place de l’enseignement agricole à l’école primaire, voir Gadpaille, 2004, et en dernier lieu Chanet, 2007.
  • [16]
    Charles Maréchal, conférence à la Société d’agriculture de Montreuil-sur-Mer, octobre 1892 : David, 1893, p. vii.
  • [17]
    Raquet, 1898.
  • [18]
    Bécu, 1907, p. 60.
  • [19]
    Méline, 1905, chap. 5.
  • [20]
    Roll, 2008, p. 214. L’auteur s’appuie sur l’article de Saffroy, 1902, p. 790.
  • [21]
    Voir par exemple Rolet, 1903.
  • [22]
    Buisson, 1991, sv. « Temporaires (écoles) ».
  • [23]
    Hitier, 1901, p. 394.
  • [24]
    Bodé, 2006, p. 363-374.
  • [25]
    Delbaere, 2007, p. 114-115 et p. 136-140.
  • [26]
    « Les progrès de l’enseignement agricole en Belgique », Revue générale des sciences pures et appliquées, t. 16, 1, p. 102.
  • [27]
    Lajoye, 1901, p. 20.
  • [28]
    Ibid., p. 11-12.
  • [29]
    Rapport du professeur départemental d’agriculture au Conseil général du Pas-de-Calais, session d’août 1908.
  • [30]
    Maréchal, 1893, p. iv.
  • [31]
    Vanpaemel, 1983.
  • [32]
    Conseil général du département du Nord, 1905.
  • [33]
    Brunhes, 1897, p. 87-90.
  • [34]
    Lobreau, 1995, notamment vol. 1, p. 247-255.
  • [35]
    Rapport du directeur de l’école pratique de Berthonval, 1901, Arch. dép. Pas-de-Calais, n 1041.
  • [36]
    Boulet, 1995, p. 252.
  • [37]
    Lapie, 1910.
  • [38]
    Rapport de Joseph Tribondeau au Conseil général du Pas-de-Calais, session d’août 1907.
  • [39]
    Sur le lait, outre la thèse de N. Delbaere déjà citée, voir Vatin, 1996 et Atkins, 2007.
  • [40]
    Albert Ducloux, Rapport sur les écoles ambulantes ménagères agricoles, 32 pages dactylographiées, Arch. nat. F10/2648.
  • [41]
    Duby et Wallon, 1977, p. 28.
  • [42]
    Selon la définition classique proposée par Barral, 1968, p. 13.
  • [43]
    Cornu et Mayaud, 2007, p. 10.
  • [44]
    Cardi, 2007.
  • [45]
    Plissonnier, 1919, p. 315.
  • [46]
    Arch. dép. Pas-de-Calais, t 4338.
  • [47]
    Rapport du directeur des services agricoles du Nord, 11 octobre 1929, Arch. Nat. F10/2649.
  • [48]
    Écoles ambulantes d’agriculture pour jeunes gens. Fondées en 1908 par le conseil général du Nord. Notice : but, organisation, fonctionnement, résultats, Lille, Danel, 1911.
  • [49]
    Segers et Hermans, 2009.
  • [50]
    C’est le cas de celui de Dohem : Darnaux, 2001.
  • [51]
    Bacquaert, 2000.
  • [52]
    Lemire, 1903. L’ouvrage reprend une série d’articles publiés dans la revue Le Coin de terre et le foyer, dont il est le directeur. Cf. Mayeur, 1968, en particulier p. 276-279 pour sa conception des systèmes d’enseignement.
  • [53]
    Radioyes, 2005, p. 78-83 et Arch. diocésaines Arras, 4 z 28/20.
  • [54]
    Rapport du professeur départemental d’agriculture au Conseil général du Pas-de-Calais, session d’août 1908.
  • [55]
    Le professeur départemental d’agriculture au préfet du Nord, 3 novembre 1910, Arch. dép. Nord, 1 t 174/5.
  • [56]
    Le directeur des services agricoles du Nord au préfet, 29 décembre 1913, Arch. dép. Nord 1 t 174/2.
  • [57]
    Arch. Nat. F10/2649.
  • [58]
    Bulletin du cercle agricole du Pas-de-Calais, séance du 11 janvier 1913.
  • [59]
    Exemple puisé dans Arch. Nat., F10/2655.
  • [60]
    Caniou, 1983, p. 52.
  • [61]
    Vivier et Petmezas, 2008, p. 30.
  • [62]
    Cf. l’exemple de la Franche-Comté dans Mayaud, 1999, p. 100-103.
  • [63]
    Braibant, 1913, p. 128.
  • [64]
    Arrêté du ministre de l’Agriculture Joseph Ruau, 7 avril 1908, reproduit dans Charmasson, 1992, p. 282-283.
  • [65]
    Henry, 1907. Sur cet important rapport, voir Charmasson, 1999, p. 63-64.
  • [66]
    Henry, 1907, p. 11.
  • [67]
    Barral, 2000, p. 41-44.
  • [68]
    Plissonnier, 1919, p. 303, et Charmasson, 1992, p. 312 et suiv. pour le texte de la loi.
  • [69]
    Ibid., p. 319.
  • [70]
    École ménagère agricole ambulante de la Marne. Programme des cours théoriques et pratiques. Matériel de l’école, Châlons-sur-Marne, Imprimerie-Librairie de l’Union Républicaine, 1923, p. 3.
  • [71]
    Lelorrain, 1992.
  • [72]
    Rapports d’inspection du 4 juin 1914 à Quaëdypre, du 12 juin 1914 à Cambrai, par Mme Gatard, Arch. Nat., F10/2647.
  • [73]
    On ne sait malheureusement rien de l’usage fait de ces ouvrages par les élèves.
  • [74]
    Rapports d’inspection par L. Babet, Arch. Nat., F10/2648.
  • [75]
    Rapport du professeur départemental d’agriculture au Conseil général du Pas-de-Calais, session d’août 1907.
  • [76]
    Lettre du 23 mai 1912, et lettre de la candidate au ministre de l’Agriculture datée du 26 avril, F10/2653.
  • [77]
    Arch. dép. Nord, 1 t 174/2.
  • [78]
    Nadau, 2002, p. 206.
  • [79]
    Jessenne, 2008, p. 331-332.
  • [80]
    Sur ces deux images opposées, Jollivet, 1996, p. 21.
  • [81]
    Hervieu, dans Jollivet, 1996, p. 147.
  • [82]
    Jessenne, 2008, p. 329.
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