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Article de revue

Représenter le paysage antique

Des normes des arpenteurs romains aux témoignages épigraphiques (iie-ixe siècle)

Pages 7 à 56

Notes

  • [*]
    Maître de conférences en Histoire romaine à l’Université de Bretagne occidentale (Brest-Quimper), 49 rue de Paradis, 75010, Paris. Courriel : <acolat@ tele2. fr>.
  • [1]
    Voir notre thèse dactylographiée, Les Romains et la montagne. Image, connaissance et rôle du relief dans le monde impérial romain, Paris iv, 2001, chapitre 1 de la troisième partie, p. 421-486.
  • [2]
    Broc, 1991.
  • [3]
    Strabon, iv, 1, 3.
  • [4]
    Christie, 1991.
  • [5]
    Misurare la terra, 1983 ; Moatti, 1993.
  • [6]
    Gonzalès, 1994, p. 311, fait un relevé exhaustif des miniatures comportant des montagnes, et leur nombre est un indice de leur importance. Dans un article récent, il écrit : « La production iconographique qui illustre plus particulièrement les manuscrits techniques s’avère être une source féconde pour la connaissance des paysages de l’Antiquité […] » : Gonzalès, 2003, ii, p. 10.
  • [7]
    Geographical information systems and landscape archæology, 2000 ; Fabre, 2000.
  • [8]
    Gonzalès, 1994, p. 309 ; Burton, 2000.
  • [9]
    Nous renvoyons à la liste détaillée en annexe. Nous utiliserons également les textes d’autres auteurs du corpus gromatique, dont les manuscrits ne sont pas illustrés, et considérés comme mineurs. Cf. Toneatto, 1994-1995, p. 7-9 ; Campbell, 2000, p. 17-29 ; et Chouquer, 2001, p. 328-338.
  • [10]
    Chouquer, 2001, p. 43. Nous renvoyons aussi à l’étude p. 22 et p. 30-34, où le contexte politique de l’activité des arpenteurs est expliqué.
  • [11]
    Toneatto, 1994-1995, p. 13-14.
  • [12]
    Nous renvoyons, pour plus de clarté, à notre stemma et aux détails exposés en annexe.
  • [13]
    On les qualifie aussi de vignettes : Dilke, 1967. Nous n’allons nous intéresser qu’à celles qui sont de type géographique, et non aux diagrammes, très nombreux. Malheureusement, depuis Thulin, la plupart des éditions, même modernes, sont en noir et blanc, même celles de Campbell (2000) et Chouquer (2001). Pourtant, les couleurs ont été bien préservées. Dans la mesure du possible, nous les présenterons ici en couleur.
  • [14]
    Pour la liste complète : Chouquer, 2001, p. 338.
  • [15]
    Hygin Gromatique, Th. 166 = La. 203. Cf. Chouquer, 2001, p. 343-344, pour une liste des documents épigraphiques.
  • [16]
    Chouquer, 2001, p. 49.
  • [17]
    D’après Carder, 1978, p. 189-204, les études de style de dessins des cités et des montagnes permettraient de dater les illustrations entre le ive et le vie siècle.
  • [18]
    Leur datation peut être remise en question avec le problème des manuscrits médiévaux et des copistes. Lucio Toneatto s’est intéressé de très près aux manuscrits pour tenter de les dater et distingue tradition directe et indirecte d’après les auteurs et les textes, entiers ou fragmentaires. Il demeure impossible d’identifier l’auteur des miniatures de chaque manuscrit : Toneatto, 1994-1995 et 1998.
  • [19]
    Campbell, 2000, p. xxv.
  • [20]
    Végèce, 71, et Vitruve, De architectura, i, 1,4. Chez Hygin, on a dans le texte un sic qui semble suggérer que des illustrations étaient délibérément incluses. (Th. 157, 18 = La. 194,14).
  • [21]
    Gonzalès, 2003, p. 21, évoque des « codes picturaux qui sont à leur tour transformés en topia gromatiques » ; Campbell, 2000, p. xxiv et suiv.
  • [22]
    Pour quelques cas, le débat reste ouvert. J. Peyras donne deux contre-exemples et pense que « l’expression colonia Julia corrrespond à un statut particulier, statut grâce auquel les citoyens de ce type de colonies, qualifiés par le substantif ethnique de Julienses, disposaient de privilèges » : Peyras, 2003, p. 117.
  • [23]
    Gonzalès, 2003, p. 23.
  • [24]
    La question est discutée cas par cas dans Chouquer, 2001, p. 49-55. La présence d’anthroponyme précis est un critère d’authenticité, par exemple.
  • [25]
    Gonzalès, 2003, p. 26, parle de « modélisation d’une vision et d’une représentation des paysages » et d’évolution vers une « épure des formes ».
  • [26]
    Ibid., p. 22.
  • [27]
    Chouquer, 2001, p. 49 parle de « codes graphiques ».
  • [28]
    Liber Coloniarum, La. 228 et suiv. : oppidum muro ductum / oppidum munitum. Le texte précise parfois quand a été fortifiée la cité (par une loi, pour Castiglione, par les triumvirs, pour Interamna, par exemple).
  • [29]
    Rousset, 1999, p. 46. Il a étudié la validité de cet axiome pour les cités de la Grèce centrale.
  • [30]
    La. 295, 9-15.
  • [31]
    Hygin Gromatique, Th. 143 : « Antiqui enim propter subita bellorum pericula non erant urbes contenti cingere muris, verum etiam loca aspera et excelsa saxis eligebant, ubi illis maximum propugnaculum esset et ipsa loci natura ».
  • [32]
    Hygin Gromatique, Th. 157. Le site de Spello est adossé à un arc montagneux qui culmine à plus de 1 000 m d’altitude et la plaine est à 200 m d’altitude.
  • [33]
    En plus des vestiges de parcellaires (qui figurent sur la carte moderne, ci-dessus), on a aussi retrouvé un cippe de frontière d’Hispellum à 20 km de la cité antique, qui semblerait prouver qu’il y a eu des assignations pour Hispellum sur le territoire de l’antique Arna.
  • [34]
    Hormis l’orientation, bien entendu. L’Est s’y trouve en haut.
  • [35]
    Hygin, Th. 145= La. 180 : « quædam propter aquæ commodum monti applicantur ».
  • [36]
    Cf. Campbell, 2000, p. 388, note 15.
  • [37]
    Cette figure apparaît exactement de la même façon, avec les mêmes légendes et les mêmes détails, dans deux manuscrits : le Gudianus et le Palatinus. On voit nettement qu’ils sont issus d’une même source et que le G descend du P. Il resterait à savoir si le texte d’Hygin Gromatique dans cette source antérieure au ixe siècle était déjà illustré. On croit pouvoir indentifier cette colonie à cause de la mention des Tegurini, qui étaient un peuple helvète voisin d’une colonie fondée par Vespasien, Aventicum (Avenches). Mais dans ce cas, il y aurait corruption sur le nom de la colonie (Colonia Claudia), car la fondation par Vespasien lui avait donné le nom de Colonia Pia Flavia Constans Emerita.
  • [38]
    Hygin Gromatique, Th. 133, 4-6.
  • [39]
    Sic. Flacc., Th. 117,5-118,3 = La. 153, 7-30 : « D’autres, se fondant sur la situation et la nature de la région, les ont appelés maritimes ou montagneux ».
  • [40]
    Frontin, Th. 13, 9-12.
  • [41]
    Hygin Gromatique, Th. 133 : (limites) qui ad mare spectant maritimi appellantur, qui ad montem montani.
  • [42]
    La liste des noms donnés aux limites dans les Nomina limitum reprend ces deux adjectifs ; ce sont les seuls de type géographique, en plus de ceux fondés sur l’orientation.
  • [43]
    Liber Coloniarum, La. 256 : ager eius limitibus maritimis et montanis est assignatus.
  • [44]
    La forme de l’enceinte de la cité a, elle aussi, évolué vers une simplification schématique : d’octogonale avec des tours rondes elle devient carrée.
  • [45]
    Figure 5 : fines Tigurinoru<m> en toutes lettres.
  • [46]
    Hygin,Th. 74,19 = La. 114,24 : « et inde deorsum versus ad locum illum, et inde ad comptum illius, et inde per monumentum illius ad locum unde primum coepit scriptura esse.
  • [47]
    Hygin, De cond. Agr., Th. 74, 4-19 = La 114, 11-24 : Quae re<s> [haec autem controversia] territorialibus est finienda terminibus, nam invenimus saepe in publicis instrumentis significanter inscripta territoria ita ut « ex coll<icul>o qui appellatur ille, ad flumen illud, et per flumen illud ad rivum illum » aut « ulam illam, et per ulam illam ad infima montis illius, qui locus appellatur ille, et inde per iugum montis illius in summ<um> et per summum montis per divergia aquae ad locum qui appellatur ille » (« Ce qui doit résoudre cette controverse, ce sont les bornes du territoire, car nous avons souvent trouvé dans les documents publics des territoires inscrits comme : ‘depuis la colline qui porte tel nom, jusqu’au fleuve un tel, et en suivant ce fleuve jusqu’à tel ruisseau ou telle voie, et en suivant cette voie jusqu’au bas de telle montagne, avec le nom du lieu, et de là en suivant la crête de cette montagne jusqu’au sommet, et en suivant le sommet de la montagne par la ligne de partage des eaux jusqu’à tel lieu’ » ).
  • [48]
    Hygin Gromatique, Th. 145 : Multas colonias et ipsi montes finiunt « Dans le cas de nombreuses colonies, ce sont des montagnes précisément qui constituent la limite ». Ce texte se trouve juste sous la miniature d’Aventicum, figure 5 ; Exp. Terminorum, La 362.4 : Flumen aliquotiens in fine inuenies.
  • [49]
    IG v, 1, 1430 : entre Messène et Phigalie, pour la première ; BCH 109 (1985), p. 502 a 29 : entre Ambracie et Charadros, pour la seconde.
  • [50]
    Hygin : per iugum montis illius in summum et per summum montis pour le sommet ; ad infima montis illius pour le piémont.
  • [51]
    Robert, REA 62 (1960), 304-305 = OMS ii (1969), 820-821 : « c’est la région ‘au bout’, […] dans la montagne qui borde toujours le territoire d’une cité grecque ; elles jouxtent la région frontière ou elles s’y fondent, cette région de montagnes et de forêts, laissée à l’usage des bergers, des bûcherons et des charbonniers ». Voir aussi Sartre, 1979.
  • [52]
    En Grèce ce sont les koinai chorai, fréquemment attestées dans des inscriptions : par exemple, IG iv, 1, 76 et 77, entre Trézène et Arsinoé ; IG iv, 1, 75, l. 14 et 32, entre Épidaure et Hermionè. Une autre inscription évoque justement une zone commune à la rencontre de deux sections de la ligne frontalière entre Orchomène et Méthydrion : Schwyzer, Dial. Graec.exempla, n°664, l. 19 et 22 : ? ????????, ???? ? ??????????.
  • [53]
    Photios Katzouros et Rousset, 1992, p. 208, n. 58, expliquent les « catégories de délimitation ».
  • [54]
    Photios Katzouros et Rousset, 1992, avec des photos de la pierre, un commentaire ligne par ligne, et des tentatives de localisation des lieux.
  • [55]
    Rousset, 1994.
  • [56]
    Cf. Plassart, 1915. Il cite d’autres inscriptions du iie siècle avant J.-C. : Insc. Ol., 46, l. 70 et 35 ; Insc. Prien., 37, l. 64 et 159 ; Insc. Prien., 42, l ; 46 et 65.
  • [57]
    La plaine isole tellement les reliefs que la hauteur même d’Orchomène, de moins de 300 m d’altitude, est qualifiée d’???? par Pausanias (viii, 13,2). Madeleine Jost (1996, p. 719) a commenté l’impression donnée par le site d’Orchomène ainsi : « aux yeux de Pausanias, la hauteur d’Orchomène dont la masse se détache sur une plaine haute parfaitement plane, paraît un mont ».
  • [58]
    Chouquer et Favory, 2001, p. 52-53. Les auteurs font remarquer que dans le manuscrit Palatinus (le plus ancien des deux), la centuriation est dessinée avec application, alors qu’il n’y a que les decumani dans le Gudianus. On discerne un cardo sur la miniature.
  • [59]
    Hygin Gromatique, Th. 144 : reliqua pars asperis rupibus continetur, terminata in extremitate more arcifinio per demonstrationes et per locorum vocabula (« la partie restante consiste en des falaises abruptes ; elle a été bornée, à son extrémité, selon la coutume arcifiniale, par des éléments signifiants et des noms de lieu »). Hygin, Controverses, Th. 91, 19-20 = La. 128, 15-16. Nous renvoyons à cet égard, pour une analyse lexicale précise et comparative des termes et pour une étude de la connaissance géographique de la montagne, à notre thèse de doctorat : Les Romains et la montagne. Image, connaissance et rôle du relief dans le monde impérial romain, Paris iv, 2001.
  • [60]
    CIL, x, 6820-26 ; 6839 ; 6841 ; 6846 ; 6849 ; ce sont des marqueurs, disposés tous les dix pieds de hauteur.
  • [61]
    Presque tous les chercheurs modernes ont cherché à identifier avec précision les éléments des paysages des miniatures avec des toponymes : en dernier lieu Chouquer et Favory, 2001, par exemple p. 51 pour les modernes Clitunno ou Ose sur le site d’Hispellum.
  • [62]
    Les exemples de sites où l’on a retrouvé des vestiges attestant que le parcellaire antique était interrompu par le relief sont assez nombreux : voir Chouquer et Favory, 1991, p. 136-138. On peut citer notamment le cas de Suessa, près de Minturnes, dont le territoire est complètement cerné par le relief et la mer.
  • [63]
    Ce type d’arbre marqué (arbor plagata ou stigmata) est attesté dans le Bruttium et le Picenum dans le texte de Pseudo-Agennius, qui dit que « les paysans les laissent pour faire des bornes » (Th. 31, 24-25= La 72, 19-20).
  • [64]
    On en trouve aussi le long des fossés (La. 148, 15-16).
  • [65]
    L’étude de Photios Katzouros et Rousset, 1992, p. 209, est à cet égard tout à fait révélatrice : ne pouvant pas déterminer ce qu’est l’énigmatique ??????, ils posent trois hypothèses différentes : point de départ de la délimitation entre Phanoteus et Siris (lieu-dit), ligne frontière (cours d’eau, vallon, sentier) qui constitue le premier segment de la délimitation, ou espace, zone frontière.
  • [66]
    Denis Rousset et P. Photios Katzouros, 1992, p. 214-215, ont cette opinion et définissent ainsi l’Hélikon « où l’on reconnaîtrait a priori la frontière politique de Stiris », insistant sur l’isolement géographique des deux cités.
  • [67]
    Époque hellénistique, iie siècle avant J.-C. Mais on sait que les Romains conservent en général les décisions d’arbitrage antérieures. L’inscription de Nigrinus, que nous allons évoquer, le prouve. Nous ne pourrons pas présenter et expliquer toutes les inscriptions du corpus latin et grec qui ont ce type de délimitation. Cf. cependant Ager, 1996 ; Magnetto, 1997 ; Van Effenterre et Bougrat, 1969.
  • [68]
    IG ix, 2, 251. Cette inscription est présentée et commentée par Helly, 1999.
  • [69]
    L’inscription est retranscrite, traduite et commentée par Rousset, 2002, p. 156 et Inscr. 3, lignes 31-32. Nous reviendrons sur la confirmation de cette frontière.
  • [70]
    Hygin, Th. 74, 24-77 = La. 281, 1-283 : « Mais si le fossé fait défaut, ou le talus, la pente, la rive ou les arbres plantés antérieurement, on trouve d’habitude des bornes. Ce sont les pierres qu’il faut suivre […] ».
  • [71]
    Une lettre de l’empereur Vespasien, gravée et trouvée en Corse, montre par exemple que l’empereur intervient en octobre 72 dans une controverse entre les Vanacini et les Mariani et il charge son procurateur de borner le terrain : CIL x, 8038 = FIRA i, 72. Les inscriptions impériales sont très nombreuses. Nous ne pouvons pas toutes les citer. De plus, le Liber Coloniarum cite nominativement beaucoup d’empereurs en disant qu’ils ont donné l’ordre de faire poser des bornes de pierre.
  • [72]
    Hygin Gromatique, La. 192= Th. 130-131 : Si fuerit mons asper et confragosus, per singulas petras finitimas notas inponemus et ubi potuerit inscriptiones ; sic et in forma significabimus.
  • [73]
    Extraits des livres de Dolabella, La. 302, 5-9 : inductis quadratariis […] ex monte terminum eminentem monti contituerent.
  • [74]
    Gonzales, 1994, p. 329.
  • [75]
    Inscr. 9-10, p. 94-97 : Optimus Princeps cognoscere me jussit. Comme Denis Rousset le précise dans son énorme étude (Rousset, 2002, p. 150), il s’agit d’une sentence finium regundorum, qui concerne le tracé même de la limite et non une partie de région : cf. Hinrichs, 1974, p. 197-201. L’intérêt de cet arbitrage est qu’il est gravé parallèlement en latin et en grec ; de ce fait, on peut résoudre des problèmes de lecture en comparant les deux versions. Notre intérêt ici n’est pas de présenter et de discuter les indices de reconnaissance des repères naturels dans le paysage, ce qu’a fait Denis Rousset de façon très détaillée, montrant qu’il est extrêmement difficile de reconnaître ces repères, en particulier avec un nom propre sans un substantif géographique expliquant de quel élément du paysage il s’agit (par exemple, le lieu dit Astrabas, que les chercheurs auraient localisé à cinq endroits différents possibles, à plus de 5 km de distance, que Denis Rousset qualifie de « cas exemplaire », p. 174). C’est ce que Louis Robert avait déjà reconnu : Robert, 1937, p. 110, note 1. Comme l’a écrit L. Lerat, 1952, p. 81, « L’identification d’une colline, d’un rocher, d’un ravin restera toujours illusoire et il faudrait beaucoup de chance pour retrouver l’un des petits sanctuaires que nos bornages citent de temps à autre comme repères ». Le légat Nigrinus a déjà eu du mal à retrouver ces repères datant de plus de deux siècles, et il s’est appuyé sur des habitants qui l’ont guidé.
  • [76]
    Plassart, fd iii, 4, 293 = Rousset, 2002, Inscr. 9-10, p. 94-97 ; et Inscr. 11-12 : « après avoir parcouru les lieux en litige et les avoir examinés de mes propres yeux, sur les indications de chacune des parties ; m’étant donc rendu plusieurs fois sur les lieux […] ».
  • [77]
    Inscr. 9-10 et Insc. 11-12 : « et après avoir apprécié les documents concernant cette affaire […] ; ayant mis plusieurs jours à examiner ce qui pouvait être rassemblé soit d’après ce que savaient les hommes du pays, soit d’après les documents qui subsistaient […] ».
  • [78]
    Hygin, Th. 74, 24-77, 7 = La. 281, 2-283, 11.
  • [79]
    Rousset, 2002, Inscr. 9 et 10, p. 94-97 : « de Trinapion, qui est un rocher s’avançant au-dessus de la vallée appelée Charadros où se trouve la fontaine Embateia, jusqu’à cette fontaine, que ce qui regarde Delphes soit territoire de Delphes. De cette fontaine, puisque la délimitation indique que la frontière doit se diriger en droite ligne vers Astrabas, je décide que jusqu’à cette borne qui m’a été montrée sur un rocher appelé Astrabas non loin de la mer, borne sur laquelle est gravé un trépied qui paraît être le symbole de la terre sacrée de Delphes […] ».
  • [80]
    Rousset, 2002, Inscr. 11 et 12, p. 100-106.
  • [81]
    Inscr. 11 : quod naturales in ut[roque] monticulo lapides ex[tant] /quorum in altero græca inscriptio quae sign[ificat ? Delphi] cum terminum [hunc esse] / adhuc manet, cui vetustas fidem faciat, in altero [ea]mdem inscriptionem [fuisse] / [mani]efstum est quamuis st erasa.
  • [82]
    Pour le milieu de l’inscription impériale, il n’y a pas de manques. C’est seulement le bas de l’inscription de Nigrinus qui est altéré et où il peut manquer des repères encore utilisés.
  • [83]
    Le long de la vallée du Pleistos, d’après Denis Rousset, 2002, p. 159-160.
  • [84]
    ??figure im43?? est le terme générique qui peut, en grec, remplacer les autres termes désignant un relief, quelle que soit son altitude.
  • [85]
    Rousset, 2001, inscription n° 3, commentée p. 155 et suiv. ; en 140 avant J.-C., la frontière orientale du territoire de Delphes, vers le nord, finit par se perdre dans le massif du Parnasse.
  • [86]
    Siculus Flaccus, Th. 103, 10-106 = La. 139, 10-142.
  • [87]
    Hygin Gromatique : Et extremitatem deinde terminis lapideis obligabimus, interposito ampliore spatio.
  • [88]
    Boèce, Demonstratio artis geometricæ, La 400, 22 et suiv.
  • [89]
    La. 211, 10 ; 227, 16 ; 228, 6 ; 241, 11 ; 243, 11 ; 252, 5-6 et 21 ; 256, 9 et déjà Sic. Flacc., Th. 102 = La 138 : « d’autres considèrent comme bornes des amas de pierres et les appellent scorpiones ».
  • [90]
    Les exemples sont plus nombreux dans le monde grec que dans le monde romain. Mais Denis Rousset, 1999, a fait remarquer à juste titre que les découvertes de bornes restent relativement rares, par rapport au nombre global des repères cités dans les inscriptions ou connus par ailleurs. Du reste, nous ne pouvons pas les citer toutes ici. Sur celle-ci : Schlumberger, 1939, p. 64-66, fig. 3-4 et 11.
  • [91]
    IG, v, 1, 1371 ; 1, 1372 ; et 1, 1431.
  • [92]
    CIL xiii, 113 : « Conformément à la volonté de l’empereur César Vespasien Auguste, souverain pontife, en sa 5e puissance tribunicienne, consul pour la 5e fois, désigné pour la 6e fois, père de la patrie, Cneus Pinarius Cornelius Clemens, son légat propréteur pour l’armée de Germanie supérieure, a établi la limite entre les Viennenses et les Ceutrons ». Debeauvais, 1995, p. 106-107 ; Bertrandy, Chevrier et Serralongue, 1999, p. 285-286.
  • [93]
    Hygin Grom., Constitutio Limitum, Th. 157 : locorum difficultatem.
  • [94]
    Hygin Grom., Th. 144= La. 180 : Hanc constituendorum limitum rationem servare debebimus, si huic postulationi uel locorum natura suffragabit.
  • [95]
    Ibid. : multas colonias.
  • [96]
    Hygin Grom., Th. 145, 6-9= La. 181, 1-4 : propter quod quattuor regionibus æqualiter pertica non potest diuidi.
  • [97]
    Siculus Flaccus, 288 : Subseciuorum diximus hanc condicionem esse factam, quod siluæ et loca aspera in assignationem non venerunt. Et 297 : cum non potuerit universus agere in assignationem cadere asperitatem locorum aut prærupta montium […].
  • [98]
    Hygin, Th. 73= La. 113 : secundum legem divi Augusti qua falx et arater ierit.
  • [99]
    Ibid. : in forma generatim enotari debebit loca culta et inculta, silvæ.
  • [100]
    Par exemple, pour Capène, en Étrurie : Liber Coloniarum, La. 216, 11 : « les terres ont été assignées proportionnellement à la valeur de la fécondité du sol et selon la nature des lieux ». D’autres exemples sont rassemblés par Chouquer, 2001, p. 371.
  • [101]
    Campbell, 2000, p. 357-358, note 4. Hygin Gromatique, Th 166= La 203 : Hæc lex habet suam interpretationem. Quidam putant tantum cultum nominari ; ut mihi videtur, utile<m> ait agrum adsignare oportere.
  • [102]
    On a une inscription qui est un témoignage d’un lotissement de terres du iie siècle après J.-C. par la cité de Delphes. Pour les localisations possibles de ces lotissements dans le massif du Parnasse ou du Kirphis selon les caractéristiques du relief : cf. Ferrary et Rousset, 1998 ; Vatin, 1965.
  • [103]
    Frontin, Sur les controverses, La 8, 1-9 = Th 3, 6-15.
  • [104]
    C’est ce qui est le plus conforme au texte d’Hygin Gromatique sur les confins des zones limitées, d’après Chouquer et Favory, 2001, p. 310.
  • [105]
    CIL viii, 22787= Dessau 1916, 2308 ; Brodersen, 1995, p. 216.
  • [106]
    Siculus Flaccus, De condicionibus agrorum, 257 : Aliquando vero in limitat quosdam cives colonis dare velit <et> agros eis assignare, voluntate<m> sua<m> edicit commentariis aut in formis extra limitationem, monte illo […].
  • [107]
    Hygin Gromatique, Th 144, 1-8 ; Liber Coloniarum, La 238, 12-13 : Terracina […] ager eius in absoluto est dimissus.
  • [108]
    L’expression « rebuts de terre » est de O.A.W Dilke.
  • [109]
    Il y a plusieurs définitions au mot subsiciva. Nous renvoyons à cet égard à Chouquer et Favory, 2001, p. 179-180 et 462, qui recense jusqu’à 8 cas de figures.
  • [110]
    Siculus Flaccus, Th. 129 = La. 164 : Sæpe etiam r(ei) p(ublicæ) ager donatus est (« Souvent même on a donné ces terres à la res publica »). L’étude des inscriptions grecques de frontières par Denis Rousset indique la même chose : Rousset, 1994, p. 119 ; 123-125.
  • [111]
    Hygin Gromatique, Th. 143 = La. 179.
  • [112]
    Liber Coloniarum, La. 225, 15 - 226, 2 : Ager Spoletius in jugeribus et limitibus intercisivis est adsignatus ubi cultura est : ceterum in soluto est relictum in montibus vel subsiciviis, quæ rei publicæ alii cesserunt.
  • [113]
    Hygin Gromatique, Th. 164, 6-16 = La. 201, 7-17.
  • [114]
    Hygin Gromatique, Th. 167 : Certa enim pretia agris constituta sunt, ut in Pannonia arui primi, arui secundi, prati, silvæ glandiferæ, silvæ vulgaris, pascuæ. His omnibus agris vectigal est ad modum ubertatis per singula jugera.
  • [115]
    Il faut sans doute corriger par Julienses, suivant le principe de modélisation des traités et des miniatures, ce qui semble confirmé par le manuscrit Palatinus pour la même illustration (avec un dessin moins précis), où figure la légende silva et pascua Juliensium.
  • [116]
    L’une d’entre elles est intéressante car elle montre que les pâturages publics sont délimités par les deux bras d’une rivière. Pour la légende compascua : Arcerianus A, La 16, fig. 18 = Th 6, fig. 18.
  • [117]
    Hygin Grom., Th. 161 = La. 198 : Æque lucus aut loca sacra aut ædes quibus locis fuerint, mensura comprehendemus, et locorum vocabula inscribimus […] æris inscriptionibus.
  • [118]
    Siculus Flaccus, Th. 127, 14-20 = La. 162, 28 - 163, 4. On a d’ailleurs retrouvé des bornes de ce type à Ostie et Tibur.
  • [119]
    On trouve cette légende explicite sur une montagne de la grande miniature en double page (figure 36), censée représenter une pertica, à l’image de ce que pouvait être une forma.
  • [120]
    Pseudo-Agennius Urbicus, Th 48, 13-15 : rei publicæ.
  • [121]
    Frontin, Th. 9, 13-20 = La. 22, 9 - 23, 6.
  • [122]
    Frontin, La 20. 7 - 21. 6 = Th. 8, 12 - 9. 2 : « les bois que, dans de nombreux endroits, nous savons appartenir, d’après d’anciennes archives, au peuple romain, comme par exemple, non loin d’ici, chez les Sabins, sur le Mont Mutela ».
  • [123]
    Liber Coloniarum, La. 257, 19-22 : potentinus ager in jugeribus et limitibus intercivis est assignatus ubi cultura : ceterum in absoluto remansit. Reliqua in montibus censuerunt.
  • [124]
    Frontin, La. 15, 10-16 = Th. 62, 37 - 63, 5 : silvæ tamen dum essent glandiferæ, ne earum fructus perirent, diuiso monte particulatim datæ sunt proprietas quædam fundis in planis locis et uberibus constitutis, qui paruis fluminibus stringebantur.
  • [125]
    Frontin, La. 2.
  • [126]
    Pseudo-Agennius, La. 79, 13-18 =Th. 39, 8-13 : Et sunt plerumque agri, ut in Campania in Suessano, culti, qui habent in monte Massico plagas silvarum determinatas.Quarum silvarum proprietas ad quos pertinere debeat uindicatur, nam et formæ antiquæ declarant ita esse adsignatum, quoniam solo culto nihil fuit silvestre iunctum quod adsignaretur.
  • [127]
    Le Mont Massique s’élève à 813 m d’altitude, et il était un site économiquement très intéressant, une terre loin d’être « ingrate », car il produisait un vin fameux dans l’Antiquité. Sur les conflits territoriaux entre Suessa et Sinuessa, cf. Vallat, 1981 ; et Chouquer, et alii, 1987.
  • [128]
    Chouquer, 2001, p. 50.
  • [129]
    Dilke, 1961, p. 424 ; Carder, 1976, p. 136 ; Campbell, 2000, p. 344, note 40.
  • [130]
    Hygin, La. 203, 19 - 204, 4 = Th. 166, 15 - 167,1 : Ita fiet ut alii sibi iunctas siluas accipiant, alii in montibus ultra quartum forte uicinum.
  • [131]
    Hygin, De cond.agr., Th. 79, 5 - 80, 13 = La. 116, 5 - 117, 11 : Itaque in formis locorum talis adscriptio, id est « in modum conpascuae », aliquando facta est, et « tantum conpascuæ » ; quæ pertinerent ad proximos quosque possessores, qui ad ea attingunt finibus suis.
  • [132]
    Gonzalès, 2003, p. 22.
  • [133]
    C’est une opposition qu’a étudiée Philippe Leveau : Leveau, 1977 ; et une complémentarité que nous avons discutée et expliquée dans notre thèse de doctorat.
  • [134]
    L’épithète « Gromatique » sert à le différencier d’Hygin tout court, mais elle n’est pas moderne, figurant dans un traité. On l’appelle aussi parfois Pseudo-Hygin. Campbell, 2000, utilise l’appellation « Hygin 2 ». Il y a en tout trois Hygin, ce qui complique les choses ; nous n’utiliserons pas le troisième, nommé Hygin seulement dans le manuscrit Arcerianus, et qu’on appelle aujourd’hui aussi Pseudo-Hygin. Il a écrit à la fin du ier siècle un traité sur l’organisation des camps militaires : De munitionibus castrorum.
  • [135]
    Le terme limites en italique désigne la ligne tracée par l’arpenteur pour séparer des domaines ou des territoires. Les unités dessinées ainsi sont les centuries. Cette définition est donnée par Siculus Flaccus, Th. 118 = La. 153.
  • [136]
    La thèse est discutée, il est même appelé Pseudo-Agennius Urbicus : Chouquer, 1992, p. 9 ; la question est reprise et rediscutée dans Chouquer, 2001, p. 26-27.
  • [137]
    Il porte le nom d’un de ses propriétaires, Joannes Arcerius d’Utrecht et reçoit ce nom dans une édition de 1607.
  • [138]
    La date s’explique par l’intégration d’un Digeste.

1Sous l’Empire romain, les éléments naturels du paysage jouaient un rôle déterminant dans la représentation de l’espace à plusieurs échelles [1]. La plus petite géographiquement était celle du monde alors connu : certaines chaînes de montagnes, réelles ou mythiques, et certains grands fleuves (Rhin, Danube, Euphrate, Phase) représentaient les limites extérieures entre le monde connu et des espaces laissés aux « Barbares ». À l’intérieur de l’œkoumène, conformément à la tradition grecque de la partition géographique du monde connu, les Romains considéraient qu’une immense chaîne de montagnes – des Colonnes d’Hercule (Gibraltar) à l’extrémité est du Taurus – structurait le monde de façon binaire Nord/Sud. Cette représentation du monde qui repose sur le fait que les différentes montagnes sont liées les unes aux autres de façon linéaire, perdure jusqu’au xviiie siècle. On peut le constater sur maintes cartes et planisphères, et surtout dans le système de représentation de Buache [2].

2À une échelle moyenne, d’ampleur régionale, les Romains utilisaient les chaînes de montagnes, ou les cours d’eau, pour rendre compte de l’organisation géographique, administrative ou stratégique de l’Empire. Un tel point de vue ne signifie pas que les montagnes et les fleuves étaient des barrières naturelles, comme la littérature romaine a voulu le faire croire, mais qu’ils marquaient des limites administratives et juridiques. Ainsi les Vosges séparent la Germanie supérieure et la Gaule ; les Pyrénées, les Alpes et le Mont Cemmène limitent la province de Narbonnaise [3]. Les Alpes sont importantes administrativement mais aussi historiquement, parce qu’elles séparent Gaule et Italie : elles jouent donc un rôle de frontières significatives tout en demeurant des provinces équestres procuratoriennes, considérées comme de moindre importance [4]. Plus loin de Rome, chez Ptolémée le Géographe l’Imaus détermine significativement une « Scythie en deçà de l’Imaus » et une « Scythie au-delà de l’Imaus », ce qui organise l’ordre même de sa liste géographique. Il y a enfin la grande échelle à laquelle nous allons nous intéresser ici en tirant partie des traités des arpenteurs romains.

3Les Romains mesuraient les terres et divisaient le territoire qu’ils assignaient aux colons. En arpentant les champs et en ordonnant les domaines, ils dessinaient un paysage organisé [5]. Mais ils devaient tenir compte des contraintes du terrain. Mer, montagnes, marais, forêts, qui intervenaient dans la centuriation, offrent-ils des indices de la manière dont le paysage était perçu [6] ? Comment les Romains les intégraient-ils à leur organisation spatiale [7] ? comme marqueurs topographiques ? comme des obstacles naturels et des zones marginales, nécessitant des arbitrages frontaliers [8] ? Les traités des arpenteurs informent sur la structuration du territoire de la cité –un territoire rural autour d’une ville – à travers une perception souvent stéréotypée.

4Pour répondre à ces questions, confrontons trois types de sources : les textes didactiques ; les représentations du paysage propres aux manuscrits de la fin de l’Antiquité et du Moyen Âge ; quelques sources épigraphiques sur les cités de l’époque du Haut-Empire. En considérant la vision stéréotypée de limites que les Romains préféraient dire « naturelles », on soulignera leur rôle dans la cité, avant de préciser leur fonction dans le bornage des terres et dans la centuriation. Il restera à examiner le statut des zones intermédiaires, qualifiées par les Romains d’« ingrates », en examinant l’exploitation qu’ils en faisaient.

Les problèmes de sources

Les traités des arpenteurs : le Haut-Empire

5Les traités des arpenteurs romains, qu’on peut dater du Haut-Empire (entre 75 et 110 environ pour la plupart) traduisent la volonté politique des empereurs de procéder à d’importantes opérations d’arpentage. Les principaux auteurs sont Frontin, Hygin Gromatique, à ne pas confondre avec Hygin, Balbus, Siculus Flaccus, Pseudo-Agennius Urbicus [9]. On y ajoutera une source administrative, le précieux Liber Coloniarum, ou Regionum : il rassemble en quelques lignes ce qu’il faut savoir sur chaque territoire de cité depuis sa fondation jusqu’à l’Empire, avec les assignations de terres.

Le corpus des manuscrits : Antiquité tardive et Moyen Âge

6Dans une publication récente, Gérard Chouquer et François Favory, rappellent que le corpus des Gromatici veteres, bien qu’élaboré dans l’Antiquité tardive, est représentatif de périodes plus anciennes. Depuis la décision de Vespasien de restaurer les archives, il correspond à la « nécessité dans laquelle se sont trouvés les spécialistes […] de procéder à de nombreuses missions de terrain » [10]. Si la prudence reste de mise quant à la constitution de l’archétype d’où sont issus les premiers manuscrits qui subsistent aujourd’hui, Lucio Toneatto, reprenant les analyses de Mommsen et Thulin, distingue trois collections de dates et de mains différentes, laissant de côté une trentaine de manuscrits mineurs composés de fragments : la première, qu’on appelle Arceriana, date de la fin du ve siècle, la deuxième, Palatina, du vie siècle, la troisième, qui a utilisé les deux précédentes, du viiie siècle [11]. Ces collections ont des textes communs, et tous les manuscrits ont le texte d’Hygin, ce qui permet de penser qu’ils doivent remonter à un seul archétype [12].

Les miniatures

7Dans certains manuscrits tardo-antiques et médiévaux, les textes sont illustrés de miniatures, dans une perspective souvent axonométrique, en couleur ou en dessin monochrome [13]. Frontin est notamment illustré de 33 miniatures, Hygin Gromatique de 79, Pseudo-Agennius Urbicus de 6, Balbus de 59 [14]. Au ve siècle, il est significatif que le commentateur tardo-antique du texte de Frontin (ier siècle) ait jugé bon de rassembler 25 illustrations à part, en une sorte d’appendice qui a son propre nom, le Liber Diazographus, et qui figure dans la recension du type Palatina.

8Les illustrations ont été ajoutées dans un but didactique, pour clarifier des aspects techniques, établissant alors un lien entre les traités et les documents de terrain des arpenteurs, tels que les plans cadastraux, les formae, et autres cartes de relevés de centuriations. Dans les traités ou inscriptions, nombreuses sont les citations des « livres de bronze et plan de pertica comprenant le tracé des lignes » [15]. Mais les formae, qu’elles soient sur bronze ou sur marbre, sont des documents très rares. Les miniatures que Gérard Chouquer et François Favory qualifient de « géographiques » « donnent un éclairage partiel sur ce que devait être la composition iconographique des formae, livrée sous forme d’éléments partiels et très schématisés, sollicités dans un but uniquement et étroitement démonstratif » [16].

9La datation des miniatures et donc la validité de leur étude est un problème ancien difficile à résoudre de façon catégorique, mais qui ne remet pas en cause l’évaluation, la connaissance et l’interprétation de la perception romaine du paysage [17]. Comme dans le cas de la célèbre Tabula Peutingeriana, qui est largement étudiée comme source antique, dater la source manuscrite ne signifie pas pour autant dater le traité lui-même, qui comporte parfois des éléments historiques précis (références à un empereur, à une bataille, par exemple), et/ou une miniature qui a sans doute été systématiquement recopiée, peut-être d’après des formae du Haut-Empire, et parfois modifiée [18].

10Quand on compare les différents manuscrits pour la même figure, les plus anciennes illustrations sont les plus sobres au niveau du dessin, mais aussi les plus précises (Arcerianus A). L’évolution entre les manuscrits montre une part grandissante vers la schématisation. Certains miniaturistes ont en outre ajouté des détails figuratifs, sans doute dans le but d’enjoliver le manuscrit, en s’écartant de ce qui pouvait être l’archétype [19]. Cette pratique de l’ajout ou de la modification artistique pose alors la question de la présence des illustrations dès l’établissement de la collection des textes gromatiques. Pourtant, quelques allusions littéraires antiques semblent montrer qu’on avait recours à des cartes et des schémas dans les manuels techniques [20].

11Les plus anciennes miniatures sont sans doute de meilleures références de ce qu’ont pu être de potentiels dessins originaux, datant de l’Empire, comme les textes auxquels ils se réfèrent. Brian Campbell, comme Antonio Gonzalès, pense qu’un schéma originel a été complété, voire supplanté, par une représentation nettement picturale, voire paysagère [21].

12La plupart des cités présentées dans les textes et les miniatures s’appellent Colonia Julia, Augusta ou Claudia, surnoms emblématiques se référant sans doute à des fondations julio-claudiennes et elles ne portent en général ce nom que pour présenter un modèle de colonie sans faire référence à un site précis [22]. Il s’agit de normaliser les traits du paysage [23]. Les cas les plus intéressants mais aussi les plus délicats sont ceux où l’on a pu situer la cité et comparer sa description avec la réalité du terrain, ou au moins retrouver certains composants authentiques du paysage. Dans les rares cas de cités identifiables [24], les auteurs des miniatures ont souvent simplifié la réalité du terrain pour faire primer la fonction emblématique [25]. Comme l’a écrit Antonio Gonzalès :

13

« Le paysage est codifié, réduit à une expression singulière qui ne doit retenir du paysage que les éléments qui font sens. Sous la pauvreté apparente de la représentation du réel, les agrimensores ont en réalité mis en scène un paysage métonymique et utilitaire » [26].

Les éléments naturels structurant le paysage

14Sur les miniatures des manuscrits médiévaux, qu’elle soit réellement fortifiée ou non à l’époque romaine, la ville est conventionnellement représentée par une enceinte : des murs et des tours, de couleur ocre ou grise, comme les rochers [27]. Le Liber Coloniarum cite une liste censée remonter au début de l’Empire, appelée Liber regionum, où l’immense majorité des villes est « entourée de murs » ou « fortifiée » [28]. Denis Rousset appelle cela un « axiome de la géographie historique » : cité = enceinte fortifiée [29].

15La campagne est représentée par les quatre grands types d’éléments naturels du paysage qui jouent un rôle déterminant dans la structuration de l’espace :

  • des montagnes (légende éventuelle : mons/montes, accompagnée d’un nom propre), figurées symboliquement en rochers, globalement moutonnés et linéaires, ou, plus rarement, aux formes coniques. Leur couleur est ocre sur les miniatures polychromes (exceptionnellement des roses et des verts) et noire sur les miniatures monochromes, avec des effets de contrastes et d’ombres entre les versants ; la montagne apparaît aussi arborée, avec différentes essences, fréquemment des pins ou sapins ;
  • la mer ou des marais (légende : paludes) représentés les uns comme les autres symboliquement par un bassin fermé, avec des vaguelettes, de couleur foncée, parfois même avec des poissons ou des canards ;
  • des cours d’eau (légende : flumen), représentés par une ligne sinueuse de couleur noire ou bleue, plus ou moins épaisse, parfois également avec des poissons multicolores qui y nagent et des vaguelettes ;
  • et enfin, plus rarement, des arbres, symbolisant la forêt (légende : silva). Ils peuvent se trouver sur les montagnes, et ainsi nous trouvons la conjonction de deux éléments différents qui peuvent évoquer ce qu’est un saltus à l’époque romaine.
Marcus Iunius Nypsius nous apprend qu’on doit trouver sur la forma diverses indications, « dont des noms de montagnes pour savoir dans quelle partie du territoire on est » [30]. Nous allons voir qu’en effet, figurent des noms propres qui identifient les éléments importants du paysage : montagnes et fleuves.

Les montagnes comme critère théorique du site de la cité

Le stéréotype du rôle défensif

16D’après Hygin Gromatique, pour la création des colonies, il s’agissait de trouver des sites défensifs et naturellement forts :

« De fait, les Anciens, à cause des dangers imprévus des guerres, ne se contentaient pas seulement de ceindre leurs villes de murs, mais choisissaient aussi des emplacements accidentés et perchés sur des rochers, où la meilleure défense serait la nature même du terrain » [31].
Sur les miniatures, le rôle défensif des montagnes est idéalisé quand elles encerclent la cité (figure 1).

Figure 1

Une cité modèle entourée par les montagnes

Figure 1

Une cité modèle entourée par les montagnes

Miniature du manuscrit Arcerianus A, traité d’Hygin, Th. Fig. 114= La fig 175.

17Sur la figure 1, il y a une légende très significative qui suit la crête des montagnes : col.(onia) iulia montibus conclusa. Sur la figure 2, la ville est complètement encerclée par les montagnes et sa porte d’entrée coïncide avec un abaissement du relief. Le cardo et le decumanus, axes qui déterminent la centuriation, sont à l’extérieur de la ville et du cercle des montagnes ; ainsi, le territoire rural de la cité se trouve à l’extérieur de ses limites naturelles défensives. Dans le cas d’Hispellum, en Ombrie, appelée Colonia Julia sur une miniature, et effectivement désignée sous ce nom dans les inscriptions et chez Pline l’Ancien (iii, 113), la ville, conformément au texte d’Hygin, était adossée à un arc montagneux (figures 3 a et b).

Figure 2

Une cité modèle encerclée par les montagnes avec son territoire à l’écart

Figure 2

Une cité modèle encerclée par les montagnes avec son territoire à l’écart

Miniature du manuscrit Palatinus, traité d’Hygin Gromatique, Th. 157, fig. 114a.
Figures 3 a et b

Hispellum, cité adossée à un arc montagneux

Figures 3 a et b

Hispellum, cité adossée à un arc montagneux

Carte moderne du site de Spello et miniature d’Hispellum, manuscrit Arcerianus A, traité d’Hygin Gromatique, La. 178, fig. La. 152 =Th. 91.

18La représentation imagée amplifie ici la circularité du massif, alors qu’elle n’est que très partielle dans la réalité topographique. Mais la situation de la cité sur le dessin respecte son adossement réel à une partie d’un massif suffisamment haut pour former une barrière (Hygin Gromatique, dans le texte, parle de locorum difficultatem) ; les places de la montagne, du fleuve et de la centuriation sont respectées [32]. Le relief pose un problème pour l’exploitation de l’espace rural. Des vestiges archéologiques de parcellaires, à l’ouest et au sud-ouest de la cité, ont été retrouvés à moins de 200 m d’altitude, dans la plaine [33] au pied des montagnes, conformément à la miniature [34]. Cependant, la représentation omet deux lacs dont l’existence et l’importance sont attestées dans l’Antiquité, et qui ont été drainés ensuite. L’image est modélisation et non transcription de la réalité topographique de l’époque des traités.

Un rôle de château d’eau indispensable

19Hygin écrit que « certaines colonies, pour bénéficier d’un approvisionnement en eau, sont adossées à une hauteur » [35]. Presque toutes les miniatures montrent un cours d’eau qui jaillit de la montagne et qui, parfois, significativement, traverse la ville, pour l’approvisionner en eau (figure 4).

Figure 4

Minturnes : ses montagnes, la mer, le fleuve et les repères anthropiques

Figure 4

Minturnes : ses montagnes, la mer, le fleuve et les repères anthropiques

Miniature de Minturnes, traité d’Hygin Gromatique, manuscrit Palatinus 1564, fig. La. 150 = Th. 89.

20Cette miniature est un écho fidèle du texte d’Hygin. On voit le fleuve Liris (fl<umen> liris) traverser la cité, et il descend des montagnes « voisines », comme la légende l’indique en haut : Mons Vescini. Il se jette ensuite dans la mer. Le paysage dessiné est globalement conforme à la réalité topographique. Mais la représentation sert, semble-t-il, plus de modèle générique que de référent à la réalité, notamment ici à cause des éléments anthropiques qui peuvent être des symboles évoquant ce qui définit une cité romaine typique : une statue de bronze sur un piédestal, un bâtiment hexagonal (un amphithéâtre ?), un bâtiment rectangulaire surmonté d’une voûte, peut-être à fonction funéraire [36].

21Même si le cours d’eau ne passe pas par la cité, le dessin souligne presque toujours que la montagne est le château d’eau de la cité et, qu’ainsi la rivière peut irriguer les terres centuriées. Dans le cas d’Aventicum, il semble que le decumanus maximus suive exactement la rivière Adum (qui apparaît avec une légende nominative : flumen Adum) à l’intérieur de la ville (figures 5a et 5b) [37] :

Figures 5 a et b

Aventicum, cité traversée par un cours d’eau avec des montagnes de confins

Figures 5 a et b

Aventicum, cité traversée par un cours d’eau avec des montagnes de confins

Miniatures du traité d’Hygin Gromatique fig. La 156 = Th 95.5a : manuscrit Palatinus ; 5b : manuscrit Gudianus.

22Un axe majeur de la centuriation d’Aventicum aurait donc été tracé d’après le cours d’eau qui sert de justification au choix du site de la cité. Le massif où il prend sa source a de ce fait assez d’importance pour que son nom apparaisse en toutes lettres, avec l’appartenance territoriale à la cité : Mons Larus Coloniae Claudiae. Un second cours d’eau descend de ce même massif, figuré en trois parties. L’ensemble formé par la montagne et le cours d’eau dessine significativement un axe horizontal (parallèlement au kardo maximus, légendé k.m.) surtout dans le second manuscrit.

Des axes de la centuriation déterminés par la « nature des lieux »

23La « nature des lieux » (natura loci[38]) dans le paysage environnant la cité a une telle importance qu’Hygin Gromatique, Siculus Flaccus [39] et Frontin [40], fortement influencés par le paysage italien qui leur est le plus familier, avec les mers et l’Apennin, expliquent que les limites, les axes de la limitation, portent le nom de l’élément notable du paysage vers lequel ils sont orientés [41] ; ils sont « montagneux » et « maritimes » (limites maritimi et montani) [42] :

24Sur la miniature du manuscrit Arcerianus A, le plus ancien (vie siècle) (figure 6a), il est remarquable qu’une légende reprenne le texte de l’auteur du traité : limites ma/ritimi. Dans la troisième miniature (figure 7, à gauche), la schématisation de la montagne, par étages pyramidaux, est évidente. Les miniatures ne cherchent pas la reconnaissance topographique, mais un didactisme applicable à la plupart des cités d’Italie, à cause de la position d’épine dorsale qu’a le massif de l’Apennin dans la péninsule, bien connue et décrite par les géographes romains. La liste descriptive des territoires des cités dans le Liber Coloniarum confirme cette importance, car l’on retrouve très souvent « un territoire assigné selon des ‘limites’ maritimes et montagneux » [43].

Figures 6 a et b

« Limites maritimes et montagneuses » : les axes orientés selon la topographie

Figures 6 a et b

« Limites maritimes et montagneuses » : les axes orientés selon la topographie

Miniatures du traité d’Hygin Gromatique La 130 = Th fig. 69. 6a : manuscrit Palatinus ; 6b : manuscrit Gudianus.
Figure 7

Modèle de limites orientées selon la mer et la montagne

Figure 7

Modèle de limites orientées selon la mer et la montagne

Miniature du traité de Frontin, manuscrit Arcerianus A, Th. 13, fig. 28 = La. 30.

25Ici, à gauche, le plus ancien des manuscrits est plus précis et plus crédible, car les limites du territoire y sont irrégulières (à droite, en haut, des lignes brisées, suivant sans doute des repères ponctuels qui ne sont pas indiqués, et en bas à gauche, suivant le piémont sinueux de la montagne) alors que dans le Palatinus, le miniaturiste a simplifié les confins, le territoire formant un rectangle parfait où la forme de la montagne ne signifie plus grand-chose par rapport aux limites à droite du document [44]. Comme dans l’exemple précédent, les axes majeurs (indiqués par les lettres km et dm dans le Palatinus) se croisent au centre de la ville, ils se heurtent à une extrémité du massif limitrophe, dans les deux exemples (inversion des côtés), et surtout le cardo maximus est orienté de façon strictement parallèle à la mer, et, dans l’Arcerianus, le decumanus est parallèle à la chaîne linéaire qui borne le territoire à gauche, puisqu’il y a une légende significative de l’autre côté du massif, citant les voisins : <fines> vetustinorum.

26Sur les figures 5 et 8, fleuves et montagnes servent donc de frontière. Cela pose la question de la délimitation du territoire [45].

Figures 8 a et b

Modèle de cité aux axes déterminés par les délimitations naturelles

Figures 8 a et b

Modèle de cité aux axes déterminés par les délimitations naturelles

Miniatures du traité d’Hygin Gromatique, La. 182, 4-7, 10 fig. 158 et Th. 97-97a. 8a : manuscrit Arcerianus ; 8b : manuscrit Palatinus.

Des délimitations de la cité de préférence naturelles

Deux types de repères : naturels et anthropiques

27La limitation de la cité utilise soit des repères naturels, soit des éléments anthropiques, par exemple une route ou des édifices, comme l’affirme Hygin qui cite les documents officiels : « et de là en descendant vers tel endroit, et de là jusqu’au carrefour d’un tel, et de là en passant par le monument d’un tel » [46]. Nous l’avons déjà constaté avec les anciennes terres assignées de Minturnes (figure 4), où l’on avait des éléments de bornage anthropique : un monument hexagonal, un autre en parallélépipède avec une voûte en berceau, une statue de bronze (aena pour aenea : « de bronze »).

28Ici, on discerne bien le parcellaire avec des lignes finement tracées (sauf pour les deux axes principaux, plus épais dans le Palatinus) qui s’arrêtent aux montagnes, au cours d’eau qui en sort, puis à un pont, et à une route avec une borne inscrite, qui porte le nom de Caius Augustus, ce qui est une titulature incomplète désignant peut-être l’empereur Caligula. Dans les deux manuscrits, les miniatures n’illustrent aucun texte précis du Liber Diazographus, mais sont présentées à titre purement didactique et schématique pour montrer iconographiquement comment limiter un territoire, le partager en centuries, avec des éléments naturels et anthropiques du paysage.

29Les arpenteurs romains, dans leurs traités, et les miniaturistes, ont donc créé des instruments théoriques, des modèles qui devaient servir à l’établissement des cadastres. Les représentations iconographiques où la véracité de la topographie est vérifiable ne semblent être là qu’à titre d’exemples, en regard d’un texte qui cite un toponyme ou décrit une réalité connue du copiste médiéval, ou déjà présente dans un manuscrit antérieur.

30À titre privé, pour délimiter un domaine, on retrouve la même conjonction des deux types d’éléments :

Figure 10

Un domaine entouré par des éléments de délimitation naturels et anthropiques avec une mise à l’écart des montagnes dès leur piémont

Figure 10

Un domaine entouré par des éléments de délimitation naturels et anthropiques avec une mise à l’écart des montagnes dès leur piémont

Miniature du traité de Frontin, manuscrit Arcerianus, Th. 2,8-15, fig. 6.

31Le domaine qui dépend de la villa située en haut à droite est limité, à l’arrière-plan, par des montagnes (en haut et à gauche) devant lesquelles sont plantés des arbres en ligne et par un cours d’eau parallèle aux montagnes (il prend sa source dans ces montagnes), par un autre cours d’eau (à droite), perpendiculaire à la ligne de montagnes, enfin par une voie pavée (au premier plan), bordée d’arbres en ligne et de bornes très régulières, qui finit au pied des montagnes.

Des repères naturels : lignes frontières ou espaces de confins ?

32Hygin présente une énumération des « bornes naturelles » ; dans sa liste jalonnée de citations des documents officiels, tel ou tel territoire va « depuis telle colline jusqu’à tel fleuve », « suivant telle voie jusqu’au bas de telle montagne », « suivant la crête de cette montagne par la ligne de partage des eaux » [47]. Les éléments naturels structurent donc le territoire de différentes façons : s’ils sont linéaires (fleuves, chaîne de montagnes), les limites les « suivent » (préposition per) ; dans le cas contraire, ils servent de limites ponctuelles du territoire (prépositions ex…ad). Sur la miniature d’Aventicum (figure 5), la frontière entre deux territoires est orographique et fluviale. Sur la miniature d’Hispellum (figure 3, à gauche, en bas), on trouve une légende explicite : fl(umen) finitimum, « cours d’eau frontalier ». La limitation du territoire d’une cité utilise soit le relief, soit un cours d’eau, plus rarement, comme l’atteste l’Expositio terminorum, une liste des repères frontaliers constituée entre le iie et ive siècle : « on trouve quelquefois un fleuve sur la frontière » [48]. Dans les inscriptions grecques, l’eau des cours d’eau frontaliers est alors souvent commune aux deux cités limitrophes : ???? ??????, ou encore ??????? ?????? [49].

33Les zones montagneuses de confins sont soit incluses dans le territoire jusqu’au sommet (la limite ultime du territoire se trouve « sur leur crête » ou « à leur sommet », écrit Hygin), soit exclues : la limite se situe alors à leur pied ou dans leur piémont [50]. Ces portions du territoire particulières (eschatiai en Grèce [51]) sont revendiquées par la cité ou restent des territoires indivis, communs aux cités limitrophes [52].

Des repères nécessairement « bien visibles » dans leur environnement

34Les inscriptions indiquant des conflits de limites et des décisions d’arbitrages frontaliers confirment que les éléments remarquables du paysage servaient à définir le périmètre d’un territoire [53]. Entre les cités phocidiennes de Phanoteus et Stiris, les limites sont données comme étant nécessairement des repères « bien visibles » (??? ??? ???????? ??? ?????????) leur forme est donc reconnaissable car singulière, et elle doit se dégager de son environnement immédiat. Le choix du terme ?????? pour désigner un des repères dans un environnement montagneux est très significatif : Denis Rousset et P. Photios Katzouros le traduisent par « guette » et expliquent que sur les lieux, « le relief offre naturellement quantité de points de vue » [54].

35D’après l’étude typologique des inscriptions frontalières de cités grecques recensées par Denis Rousset, sur 429 repères relevés, 235 repères naturels ont été répertoriés et ils sont majoritairement orographiques, puis aquatiques, puis sylvestres (tableau 1) [55].

Tableau 1

Répartition des repères naturels d’après les inscriptions frontalières grecques

Tableau 1

Répartition des repères naturels d’après les inscriptions frontalières grecques

Dans un environnement de plaine, la moindre colline ou hauteur qui se détache du paysage peut servir de délimitation. Ainsi, sur une inscription datée de 369 avant J.-C., une colline (qualifiée de ?????) sert de bornage à la cité d’Orchomène [56]. Au §7 de l’inscription, on a une précision sur la nature escarpée du relief servant de repère et donc de limite : ??? ????? ??? ?????? ; au §12, deux bornes identifiant une autre hauteur limite : ??? ????? ??? ??????. Quand on voit la configuration géographique du site de l’antique Orchomène, les petites hauteurs sont suffisamment en contraste avec la plaine pour valider leur fonction de délimitation du territoire [57].
Figure 11

Orchomène (Arcadie, Grèce). La plaine et les montagnes environnantes, repères frontaliers « évidents »

Figure 11

Orchomène (Arcadie, Grèce). La plaine et les montagnes environnantes, repères frontaliers « évidents »

36Les marais, plus rarement présentés comme repères, apparaissent sur la miniature de Terracine, ancienne Terracina, colonie établie en 329 avant J.-C., située en Campanie et identifiée par la légende Colonia A<n>xurnas qui fait référence à l’oppidum volsque d’origine, Anxur :

Figure 12 a et b

Terracine, cité, territoire et confins montagnes, falaises maritimes, fleuve, mer, marais

Figure 12 a et b

Terracine, cité, territoire et confins montagnes, falaises maritimes, fleuve, mer, marais

Miniature du traité d’Hygin Gromatique, fig. La. 153 = Th. 92. 11a : manuscrit Palatinus ; 11b : manuscrit Gudianus

37La cité est adossée aux montagnes qui l’encadrent sur presque trois côtés entiers, se terminant (en bas à droite des miniatures, ce qui correspond à l’est) par un promontoire maritime et des falaises (très schématisées et difficiles à discerner dans le Gudianus[58]). L’espace centurié est fermé complètement dans le Gudianus alors que dans le Palatinus, la centuriation « déborde » au-delà du fleuve. Encore une fois, la schématisation et l’aspect didactique sont renforcés dans le manuscrit le plus tardif. En haut, le territoire est limité par les montagnes, auxquelles la Via Appia est significativement parallèle, à droite, par les falaises maritimes, en bas, par la mer dans laquelle se jette un cours d’eau issu des montagnes, et en haut à gauche, par des marais avec la légende paludes. Les montagnes en bas de la miniature apparaissent dans le texte du traité sous l’appellation asperis rupibus, soulignant ainsi la raideur des falaises [59]. Cette précision topographique est conforme à la réalité du site : on trouve en effet des falaises en promontoire à Terracine. Celles-ci ont d’ailleurs été entaillées sous le règne de Trajan pour que la Via Appia pût ensuite passer sans faire de détour [60] :

Figure 13

Terracine : vue générale des falaises maritimes depuis la mer avec l’entaille de Trajan et le temple de Jupiter Anxur au sommet

Figure 13

Terracine : vue générale des falaises maritimes depuis la mer avec l’entaille de Trajan et le temple de Jupiter Anxur au sommet

38Quand on observe les vestiges archéologiques du parcellaire dans la plaine de Terracine (la Valle), on constate que la plus grande partie de la centuriation se trouvait du côté des marais (paludes Pomptinæ) au nord de la voie, et non seulement au sud de l’Appia (figure 9).

Figures 9 a et b

Une cité au territoire limitée par des éléments naturels et anthropiques

Figures 9 a et b

Une cité au territoire limitée par des éléments naturels et anthropiques

Miniatures du Liber Diazographus, Th. fig. 48. 9a : manuscrit Palatinus ; 8b : manuscrit Gudianus.

39Elle a donc été omise par le miniaturiste. Il semble évident qu’il n’est pas allé sur place, et qu’il n’a même pas dû consulter et copier une forma complète de Terracine, car il n’aurait pas pu négliger ce qui est une partie importante du sujet du document. Il a peut-être repris un manuscrit antérieur utilisant une bonne source cartographique décrivant le site, mais pas nécessairement dans une perspective purement gromatique, puisqu’il y a inversion du principal lieu de la centuriation, par rapport à la voie. L’omission d’une partie de la centuriation sur les figures montre que Terracine devient un modèle topographique servant de base méthodologique à une situation cadastrale à résoudre [61].

Figure 14

Carte moderne du site de Terracine (vestiges de parcellaire au nord-est de la cité et situations respectives des masses paysagères)

Figure 14

Carte moderne du site de Terracine (vestiges de parcellaire au nord-est de la cité et situations respectives des masses paysagères)

Source : DILKE, 1985, p. 130.

40Les vestiges archéologiques du parcellaire sur le site de Terracine montrent que la centuriation a été faite dans la partie plane du territoire, limitée par des repères naturels (montagnes) et anthropiques (Via Appia).

Figure 15

Terracine, vue de la Via Appia et, à gauche, de la vallée, espace qui était centurié jusqu’au pied des Monte Lepini

Figure 15

Terracine, vue de la Via Appia et, à gauche, de la vallée, espace qui était centurié jusqu’au pied des Monte Lepini

41Les exemples théoriques que nous trouvons dans les manuscrits ont connu une application pragmatique attestée par l’archéologie. C’est ce que prouve le cas de Cosa, en Italie. Les éléments remarquables du paysage qui entoure la cité limitent la centuriation de façon complémentaire (mer au sud, montagnes au nord) [62] :

Figure 16

Cosa : carte de la centuriation limitée par les éléments du paysage

Figure 16

Cosa : carte de la centuriation limitée par les éléments du paysage

Des repères naturels ponctuels nécessaires dans les repères zonaux

42Les repères naturels zonaux ou linéaires ne suffisent pas toujours. Sur les miniatures – qui ont été rassemblées dans les éditions de Lachmann et Thulin, de façon différente – accompagnant le catalogue des bornes de Balbus – recopié dans le Livre des colonies, i, La. 249-251 –, il apparaît justement les deux types d’éléments structuraux du paysage, naturel et anthropique, le second étant ajouté au premier :

  • trois arbres (alignés avec une borne de pierre, à gauche), en haut : ils symbolisent sans doute une forêt ou plutôt des arbres plantés intentionnellement en ligne (ils portent des marques, des croix fichées dans le tronc ), dans un contexte montagneux dessiné très légèrement par une fine ligne de relief en arrière-plan [63] ;
  • une montagne, très schématisée, avec une grotte à ses pieds et un cours d’eau qui en sort (elle est donc aménagée) ;
  • une voie pavée avec deux tombeaux ;
  • un cours d’eau (figure 17).

Figure 17

Liste des éléments de délimitation

Figure 17

Liste des éléments de délimitation

Miniature du traité de Balbus, manuscrit Arcerianus, La 249-251.

43Les deux premières délimitations montrent un aménagement anthropique dans un repère naturel zonal. La linéarité naturelle est « précisée » par des points : la source dans la montagne, la ligne des arbres dans la montagne. Dans le Liber Diazographus, les arbres remarquables, car alignés, se surajoutent aux repères linéaires du paysage frontalier que sont la chaîne de montagne et le cours d’eau [64].

Figure 18

Des arbres ajoutés à des repères naturels linéaires

Figure 18

Des arbres ajoutés à des repères naturels linéaires

Miniature du Liber Diazographus, manuscrit Palatinus, Th. fig. 55-56 = La 56-57.

44Contrairement à l’exemple ci-dessus, où les arbres étaient figurés dans le massif montagneux, ceux-ci se trouvent clairement en position sommitale. Hygin précise que ce sont souvent des arbres anciennement plantés, reconnus comme marque de limite à cause de leur alignement, et donc laissés en place.

La pratique sur le terrain montagneux : une confirmation épigraphique

45Les sources épigraphiques confirment ce besoin de préciser le repère zonal ou linéaire par un élément ponctuel et isolé. Lorsqu’on observe le tableau des 429 éléments naturels relevés d’après les inscriptions rassemblées par Denis Rousset, on constate que sur l’ensemble des 14 types de repères, il y en a en fait 6 qui sont de type ponctuel, et non linéaire ou zonal (au total, sur les 235 repères naturels cités dans ce tableau, 62 sont ponctuels, ce qui fait 26 %). Dans ces inscriptions d’arbitrage frontalier, on peut constater qu’un massif, un ravin, ou un cours d’eau, qui sont des repères linéaires globaux, ne suffisaient pas et qu’on a cherché un repère précis, un point géographique, notamment une confluence de cours d’eau, une cluse, ou encore un sommet particulier, un lieu d’observation, un rocher, une caverne, une source dans un massif, des arbres, voire un talus [65].

46Avec la citation de trois lieux dits remarquables (noms propres dans l’inscription), un sommet, un « passage » et une guette, le litige entre Phanoteus et Stiris met en évidence ce besoin de préciser la délimitation zonale que le massif de l’Hélikon pouvait a priori représenter, s’élevant à 1300-1500 m en une barrière naturelle difficilement franchissable, dominant en particulier de façon abrupte l’une des deux cités, Stiris et l’isolant de Phanoteus [66]. Une autre inscription rapporte un conflit de frontière en Thessalie entre Kondaia et Mopsion [67]. Elle est particulièrement intéressante car on peut suivre la démarche « officielle » du jugement, avec l’interrogation de témoins par les juges :

47

« Je connais ce territoire que j’ai personnellement montré aux juges depuis le sommet du Nysaion, en descendant le versant le plus proche de chez nous jusqu’à la passe que les Kondaiens ont fait visiter aux juges et j’ai toujours entendu dire à nos anciens que pour les Kondaiens, la limite de territoire touchait à ce versant […]. On a aussi produit des témoignages répétés de citoyens de Mopsion sur la partie basse du territoire, sur laquelle a témoigné Pantaios […] en partant du confluent du Pénée et de l’Eurôpos, jusqu’au barrage de pêche et à la passe qui amène d’Orcheia […] » [68].

48On voit ici l’importance attendue des versants du Nysaion que les délimitations suivent, mais aussi celle des ravins (?????). L’organisation du paysage, sa structuration logique dépend du sommet local, (??? ?figure im20? ?????figure im21?) en tant que point de vue permettant de définir les limites selon les grandes masses paysagères, les ruptures linéaires dans le massif, comme les ravins, l’opposition binaire traditionnelle entre la montagne et la plaine (« la partie basse du territoire » : ??? ???? ?????). Et surtout, il y a des points de repère précis dans des zones, en particulier la confluence du Pénée antique (moderne Pinios) et de l’Eurôpos (Titarèse). Une inscription de frontière du territoire de Delphes avec Ambryssos, datant de 140 avant J.-C. et confirmée sous l’Empire romain au iie siècle donne comme repère la confluence de deux cours d’eau (située entre deux ravins que suit la frontière), commune aux deux cités [69]. Ce point précis a une telle importance qu’on lui a donné un nom propre : ????????. La ligne frontière n’est plus sinueuse, en suivant des éléments naturels, mais brisée, allant d’un point à un autre.

Un bornage territorial ajouté aux repères naturels

Des bornes anthropiques ajoutées pour préciser les limites naturelles

49En montagne, la fonction naturelle de bornage de ces éléments du paysage peut être renforcée par l’ajout de bornes de pierre qui sont soit apportées et plantées, soit taillées dans les rochers qui se trouvent sur place. « Ce sont les pierres qu’il faut suivre […] », écrit Hygin [70]. Elles affirment et confirment le caractère frontalier de la montagne, mais précisent aussi l’emplacement exact des limites territoriales et sont une garantie de leur officialisation, voire la preuve que les repères naturels font défaut, en particulier dans le cas de controverses [71].

Des marques sur les rochers

50Ces marqueurs anthropiques renforcent et légalisent la fonction naturelle de bornage des montagnes de deux façons différentes possibles. Hygin Gromatique en expose une, qui est de marquer des rochers naturels de la montagne pour leur donner la fonction de bornes :

51

« S’il se trouve une montagne abrupte et difficile, nous placerons sur des rochers isolés des marques signalant la frontière et, là où cela sera possible, nous l’indiquerons aussi sur le plan cadastral (forma), de la même façon » [72].

Figure 19 a et b

Marques frontalières gravées sur des rochers en montagne

Figure 19 a et b

Marques frontalières gravées sur des rochers en montagne

Miniatures du traité d’Hygin Gromatique, La 198, 20-199, 1 fig. 191. 19a : manuscrit Palatinus ; 19b : manuscrit Jenensis

52Au-dessus des montagnes, sur les deux miniatures, on peut lire Lapides naturales incisi notis finitimis : « pierres naturelles gravées avec des marques frontalières ». Encore une fois, on peut constater aisément que le plus ancien, le Palatinus, antérieur de plus de 4 siècles au Jenensis, est de loin le meilleur et le plus précis, tant par le dessin que par la légende. En effet, dans la première miniature, il est précisé, sous la montagne, qu’elle est « pierreuse » (mons lapideus). Les pierres sur place sont gravées par des marques de limites, voire taillées, puisqu’elles sont cylindriques dans la première miniature. On aperçoit en effet trois bornes au pied de la montagne. La fonction naturelle de bornage du relief est donc facilitée par la présence de nombreux rochers que les Romains ont pu graver pour en faire des « bornes naturelles ». Le traité de Dolabella énonce que l’on « envoie des tailleurs de pierre pour qu’ils établissent une borne empruntée à la montagne et dominant celle-ci » [73]. Sur la miniature, deux sommets sont surmontés de bornes repères à la forme nettement sculptée, distinguée des autres rochers [74] :

Figure 20

Deux bornes de pierre taillée dominant la montagne

Figure 20

Deux bornes de pierre taillée dominant la montagne

Miniature du traité de Dolabella, manuscrit Gudianus, La 302, fig. 224.

53Dans des inscriptions d’arbitrage frontalier entre Amphissa-Myania et Delphes, et entre Antikyra et Delphes, datant de 110 après J.-C., sous l’empereur Trajan, on a le verdict d’un légat impérial, qui a reçu un ordre formel de son « Excellent Prince » [75]. Comme pour d’autres arbitrages que nous avons évoqués, le légat, C. Avidius Nigrinus, accompagné d’un mensor, a auditionné des témoins, puis il a pris la peine de monter sur le terrain, en montagne, pour rechercher les anciens repères de l’époque hellénistique et s’y référer [76]. Il ne s’est donc pas contenté de répertorier des éléments naturels qui sont des repères topographiques, mais il a recherché les « signes », les marques ajoutées dans les espaces de confins pour préciser la frontière (« une borne qui m’a été montrée sur un rocher […] »), en se fondant sur la lecture attentive de précédentes inscriptions, documents officialisant la frontière suivie à la période hellénistique, en 117 avant J.-C. [77]. On retrouve un conseil donné par Hygin :

54

« Lorsqu’un arpenteur est dépêché pour réaliser une enquête, qu’il commence par observer les usages de la région ; éléments naturels et bornes faisant limite ; diversité de la disposition des bornes selon les régions […] » [78].

55C’est exactement ce que fait le légat Nigrinus.

56On retrouve les types de délimitations naturelles que nous avons exposés jusqu’ici, associés à des repères précis, ponctuels, gravés sur place. L’ensemble du territoire de Delphes dessine donc tantôt une frontière sinueuse, tantôt une frontière en ligne brisée allant de point en point [79]. Dans l’inscription sur la frontière entre Amphissa-Myania et Delphes, il y a une sorte de falaise rocheuse très dominante (petra imminens super vallem), puis une fontaine bien connue, puisqu’elle porte un nom propre (fons Embateia, ????[??] ?????????), puis un rocher avec un trépied gravé dessus, qui est sans doute une sorte de relief rupestre rappelant un symbole de Delphes, et qui est, par sa marque ajoutée, considéré comme une borne (terminum).

57Dans l’inscription d’arbitrage entre Antikyra et Delphes, la délimitation est très nettement une ligne brisée allant de point en point : ces points sont des repères naturels identifiés par des noms propres ou mieux, par des inscriptions qui les font assimiler à des bornes [80]. Le point de départ est un promontoire appelé Opous (promunturium Opus, ?????), remarquable car « faisant saillie par rapport aux lieux dits ([??]????????? ??? ??????), puis la frontière suit une ligne droite (recto [ri]gore) « jusqu’à des petites collines » (ad monticul[os quos app]ellatos Acra Colophia). À cet endroit, le mode de délimitation est particulièrement intéressant, car les petites collines ne suffisaient pas à elles seules comme repères naturels. On a donc jadis ajouté une inscription en grec, sur les rochers sommitaux de chacune, qui leur donne une valeur de borne, comme le précise explicitement l’arbitrage :

58

« en particulier parce que se dressent sur chaque colline des pierres naturelles sur l’une desquelles figure encore une inscription grecque, dont l’antiquité doit faire autorité pour montrer que c’est une borne [de Delphes] ; sur l’autre, il est manifeste qu’il y a eu la même inscription, bien qu’elle ait été effacée » [81].

59L’insistance est mise sur le fait que la borne est une marque gravée sur des pierres se trouvant d’avance in situ. Dans l’inscription en latin, on retrouve exactement la même expression de naturales lapides (par opposition à l’idée d’une borne ajoutée et apportée) que dans le texte d’Hygin Gromatique et dans les miniatures ci-dessus. C’est donc la gravure d’une marque sur la pierre (???????? en grec, graeca inscriptio, en latin) « qui signifie » (quae sign[ificat ?]) que c’est une borne de délimitation (terme technique terminum en latin). Grâce à l’inscription hellénistique qui fait référence pour Nigrinus, que l’on a retrouvée, on peut compléter la liste des repères [82] : un ravin (????????), le pied du massif du Kirphis (??[? ??]??? ??????) [83], un élément anthropique qui n’est pas cité dans l’inscription impériale : un heroon dans le massif du Kirphis, un ???? ??figure im24?? (qui s’est transformé en monticuli, plus précis dans l’inscription postérieure, de façon sans doute significative : il ne s’agit pas d’un massif élevé, mais des contreforts du Parnasse [84]), un alignement de vieux oliviers.

60Avant les Romains, il y avait donc une nette alternance entre des repères naturels linéaires et des repères ponctuels, alors que dans l’inscription impériale, dès le premier repère, il y a une focalisation sur l’idée que l’on doit avoir de préférence des lignes droites entre les repères, autrement dit une frontière en lignes brisée, avec des points précis. Il y a donc eu une évolution vers la précision des délimitations et vers une abstraction de la ligne frontière [85].

Des bornes apportées

61Dans un second cas, on apporte « n’importe quelles pierres étrangères au terrain pour que l’on voie bien qu’elles ont été placées artificiellement comme bornes de limite » [86],« à une certaine distance les unes des autres » [87]. Dans un passage tardif, attribué à Boèce, les deux types sont distingués :

62

« Dans les montagnes, les lieux arides et rocailleux, nous trouvons des pierres marquées d’un signe ; au sommet des montagnes, [on trouve] des bornes augustéennes […], des tas […] c’est-à-dire des amas de pierres » [88].

63Certaines bornes sont gravées, les autres sont de simples cairns. Ces amoncellements de pierres portent les noms de scorofiones, congeriae lapidum, carbunculi, scorpiones et sont fréquemment cités dans les Liber Coloniarum[89].

64Les bornes retrouvées en montagne permettent de constater que comme les Grecs, les Romains considèrent souvent que le « sommet » (utile) d’une montagne est en fait soit le point le plus élevé où ils passent, en général un col, soit le point le plus élevé qu’ils voient d’en bas, ce qui, avec des perspectives faussées par la distance et le point de vue, peut ne pas être le vrai sommet (par exemple une crête). Dans une montagne de Syrie, à environ 1 000 m d’altitude, on a par exemple retrouvé une colonne de 11 m de haut, dédicacée à Nerva et à Trajan, repère visible de loin, qui signalait le franchissement de la frontière entre les territoires d’Apamée et de Palmyre, non pas au sommet réel du massif, mais sur la route antique, au passage du col du Djebel Bil’as [90].

65Entre Pharai et Sparte, au « sommet » du mont Paximadi et du mont Taygète, on a trouvé des bornes érigées en 78 après J.-C., sous l’empereur Vespasien, qui séparaient les territoires de Sparte et de Messène, dont le texte est : ???? ??????????? ???? ???????? [91]. La borne est donc la limite artificielle et légale (????) précise qui officialise la fonction naturelle de bornage du massif dans lequel elle se trouve. En étant située au sommet de la route, à plus de 1 500 m d’altitude, elle partage le massif en deux territoires, au lieu de le laisser indivis avec des limites inexactes, sujettes à controverses. L’espace de confins est partagé et son exploitation, voire sa sécurité, est légalisée, entre les deux cités.

66Dans les Alpes, en Haute-Savoie, on a trouvé un ensemble d’inscriptions intéressantes, significativement situées à des cols ou sur des lignes de crête, points de passage et de limitation entre deux sommets et deux vallées : une célèbre inscription se trouvait au col de la Forclaz du Prarion, près de Saint-Gervais. Elle date de juillet 74 après J.-C. et définit la limite entre le territoire des Allobroges de la Viennoise et celui des Ceutrons [92]. Dans la même province, un peu plus au sud-ouest, près de Megève, Cordon et Combloux, on a retrouvé trois bornes (conservées sur place) qui montrent que la limite suivait la ligne de crête : la première est une borne de granit d’environ un mètre de haut, qui a été trouvée en 1964 à 1 723 m d’altitude, dans la prairie du col du Jaillet, et porte le terme fines, une autre, étêtée (il n’y figure plus d’inscription) à une distance de 1 100 m de la première, vers le nord-ouest, à 2 009 m d’altitude, au lieu-dit du Petit Croisse Baulet ; la troisième se trouve un peu plus loin, au col de l’Avenaz.

Figure 21

Borne du col du Jaillet (Haute-Savoie) devant le Mont-Blanc, avec son inscription : FIN(ES)

Figure 21

Borne du col du Jaillet (Haute-Savoie) devant le Mont-Blanc, avec son inscription : FIN(ES)

Figure 22 a et b

22a : Borne de Cordon (Haute-Savoie), crête du Petit Croisse Baulet ; 22b : Borne du col de l’Avenaz (Haute-Savoie)

Figure 22 a et b

22a : Borne de Cordon (Haute-Savoie), crête du Petit Croisse Baulet ; 22b : Borne du col de l’Avenaz (Haute-Savoie)

67Ces bornes sont d’autant plus intéressantes qu’elles sont in situ, on peut donc les observer dans leur environnement montagnard et comprendre le choix du site : à chaque fois, on constate qu’elles sont en position très dominante, avec une vue très ouverte jusqu’aux plus hauts massifs alentours. En effet, ces quatre bornes se trouvent dans des sites de cols ou de crête, sans doute sur des voies de passage (pour la première) entre deux vallées où l’habitat s’est développé, ou dans des espaces de pâturages intéressants économiquement, alors que plus loin, la limite de la province suivait vraisemblablement la chaîne des Aravis qui est élevée, de forme très linéaire et encore plus escarpée sur son versant oriental que sur son versant occidental, formant ainsi un repère naturel a priori idéal à une échelle régionale, suffisant à lui seul, car inaccessible.

Figure 23

La chaîne des Aravis (Savoie / Haute-Savoie), barrière linéaire régionale imposante (vue depuis l’ouest, avec au fond le Mont-Blanc)

Figure 23

La chaîne des Aravis (Savoie / Haute-Savoie), barrière linéaire régionale imposante (vue depuis l’ouest, avec au fond le Mont-Blanc)

68Les Romains ont vraisemblablement conjugué repères ponctuels (des bornes) et repères zonaux (massifs aux formes particulièrement linéaires, inaccessibles du fait de leur caractère escarpé), où par conséquent le bornage était inutile, parce que l’exploitation agricole de ces espaces semblait peu rentable ou impossible.

Organisation du paysage centurié à l’intérieur du territoire

L’adaptation des axes majeurs de la centuriation aux obstacles naturels

69Dans la plupart des cas dans les miniatures des traités, comme nous l’avons vu, la centuriation s’interrompt devant la mer ou les montagnes du territoire de la cité, qu’Hygin Gromatique qualifie d’« obstacles topographiques » [93] :

Figure 24

Montagnes et mers interrompant les axes majeurs

Figure 24

Montagnes et mers interrompant les axes majeurs

Miniature du traité d’Hygin Gromatique, manuscrit Palatinus, La 180, 4-7 fig. 155 = Th 144-145, fig. 94.

70Hygin Gromatique reconnaît que l’arpenteur doit tenir compte de la « nature des lieux » et de ses contraintes, très fréquentes [94]. Quand la ville est située près d’une importante chaîne de montagnes sans être exactement centrée par rapport à elle, ce qui est le cas de « beaucoup de colonies » [95], il reconnaît que « le territoire ne peut être divisé en quatre régions égales » [96], comme le montre la miniature accolée au texte :

Figure 25

Les contraintes topographiques pour les axes majeurs

Figure 25

Les contraintes topographiques pour les axes majeurs

Miniature du traité d’Hygin Gromatique, manuscrit Gudianus, La 181, 1-4, 10, fig. 157.

71La chaîne de montagnes, appelée Mons Mica (non identifiable) en haut de la miniature, est une forte contrainte topographique. Si la cité est même complètement circonscrite par des montagnes, comme l’illustrent les miniatures que nous avons présentées en figure 2, 3 et 4, la zone centuriée du territoire de la cité se trouve totalement à l’extérieur de la contrainte topographique.

Les zones rurales de nature ingrate : un statut particulier

72Qu’elles soient à l’intérieur des étendues mesurées et assignées ou à la limite générale du territoire, des zones ingrates (terrains le plus souvent montagneux, escarpés, rocheux, stériles, quelquefois marécageux), qualifiées de loca aspera, ont souvent un statut particulier, comme l’écrit Siculus Flaccus, « dans le cas où la terre n’a pas pu tomber sous l’assignation à cause soit de l’âpreté de lieux, soit de l’escarpement des montagnes » [97]. Le critère de l’assignation est l’utilité du terrain, mais il varie selon les auteurs. Ainsi, depuis la loi d’Auguste, citée par Hygin, le critère de l’utilité est la « possibilité du passage de la charrue et de la faux » [98]. Il cite trois catégories de terres qu’il peut y avoir sur la forma : « chaque endroit devra être indiqué par catégorie : lieux cultivés, lieux incultes, forêts » (loca culta, inculta, silvæ) [99]. Le Liber Coloniarum atteste, à travers de nombreux exemples de cités, que les terres ont été assignées « en proportion de la fertilité du sol » [100]. Juste après la citation de la loi augustéenne de référence, Hygin Gromatique montre que « cette loi ouvre la possibilité d’une interprétation », et il fait une distinction entre « terre utile » et « terre en culture » [101]. Selon lui, la terre utile comprend les pâturages et les forêts.

73Les miniatures peuvent montrer graphiquement une différence de statut entre les terres arables et les pentes fortes des montagnes.

Figure 26

Trois domaines bornés, entourés par des repères naturels

Figure 26

Trois domaines bornés, entourés par des repères naturels

Miniature du traité de Frontin, manuscrit Arcerianus, La 12, 1-7= Th fig. 14.

74Ici, trois domaines ont pour limites naturelles une chaîne de montagnes rocheuses et un cours d’eau qui y prend sa source. Les montagnes elles-mêmes semblent incultes, car il est fait graphiquement une différence entre celles-ci (jonchées de rochers figurés en taches gris pâle) et leur piémont (bande étroite vert tendre avec des cultures). Mais elle ne signifie pas pour autant qu’on n’attribue jamais des terres à l’intérieur de vastes massifs, sur des plateaux en altitude ou dans des hautes vallées, qui laissent des possibilités agricoles [102].

75Le critère systématique est donc la fertilité de ces espaces pour leur exploitation agricole, sinon ils demeurent en retrait des principales préoccupations et sont laissés de côté (loca relicta), c’est-à-dire hors de la centuriation, dans ce que l’on appelle l’ager extra clusus ou regio extra clusa. Frontin écrit que l’ager extra clusus est « ce qui se trouve entre la ligne frontière du territoire (finitima linea) et les centuries ; on l’appelle extra clusus du fait qu’il est enclos (cludatur) par la ligne frontière au-delà des ‘limites’ » [103]. Comme on peut le voir en toutes lettres sur la miniature de la figure 27, c’est une zone montagneuse non quadrillée à l’intérieur des frontières du territoire de la cité :

Figure 27

Zone territoriale mise à l’écart, en position de piémont

Figure 27

Zone territoriale mise à l’écart, en position de piémont

Miniature du traité d’Hygin Gromatique, manuscrit Gudianus, La 198, 3-6, fig. 189.

76On a ici une zone de montagnes (légende Mons Iuliensium) qui appartient à une colonie Iulia modélisée, du moins dans sa partie gauche, car il y a un changement d’orientation dans la zone montagneuse à partir du quatrième sommet et dans l’orientation de la centuriation. La première zone au pied des montagnes est qualifiée de regio extra clusa. On peut se demander si cette légende désigne la zone montagneuse ou une zone non centuriée entre l’ager diuisus et la montagne, que le miniaturiste aurait incluse à tort dans le dessin [104].

77Sur cette miniature, il s’agit d’une zone de piémont. Nous avons étudié précédemment une autre miniature, avec des bornes cylindriques (figure 18), où le miniaturiste a séparé la montagne de la zone quadrillée par une ligne brisée, qui remplace sans doute la légende regio extra clusa que nous lisons ici. Une autre miniature du manuscrit Palatinus, qui est un pur schéma légendé, expose avec clarté les différentes catégories de terres aux confins des territoires : en bas, on voit le quadrillage des centuries, puis, au-dessus, la regio extra clusa est non assignata, « la région hors de la zone enclose et non assignée », limitée par une linea normalis, une « ligne tracée à l’équerre », orthogonale, jalonnée de bornes, puis une zone non légendée avant la linea finitima, la ligne frontière, qui porte des noms propres : Fines Iuliensum, « frontières des Iulienses » ; Fines Mantuanoum, « frontières des Mantouans », à droite :

Figure 28

Les différentes catégories de terres

Figure 28

Les différentes catégories de terres

Miniature du traité d’Hygin Gromatique, manuscrit Palatinus, Th fig. 129.

78Nous avons vu qu’au-delà du pied des montagnes, par exemple, il est peu fréquent d’avoir un territoire centurié. Même le piémont est le plus souvent hors des domaines centuriés. L’épigraphie le confirme : sur la face latérale d’une borne qui date du règne de Trajan, trouvée au pied du Djebel Stiah, en Afrique du Nord, on lit in summum venire non potuit : l’arpenteur a fait un constat officiel de son incapacité à assigner la montagne, il n’y est pas monté et a arrêté en cet endroit précis la centuriation [105]. Siculus Flaccus prend dans son texte la montagne comme limite à l’assignation des terres de façon officielle (extra limitationem, monte illo) [106]. C’est le cas à Terracine : Hygin Gromatique, confirmé par le Liber Colonianum, dit de laisser sans assignation les terrains non cultivables à cause du relief difficile :

« Les terres qui ont pu accueillir les cultures ont reçu des « limites » ; la partie restante, qui consiste en de rugueuses parois rocheuses, a été délimitée aux confins […] » [107].
Ici, on distingue nettement sur la figure 29 un territoire schématiquement délimité par des lignes brisées, semble-t-il centurié (surtout sur le manuscrit Palatinus, plus précis), qui laisse à l’écart le massif à sa droite. De nombreux marécages et zones pentues à l’intérieur du territoire, sont des « rebuts de terre » qui peuvent être occupés sans être assignés par l’arpenteur : seul apparaît sur les cadastres leur contour, souvent irrégulier (figure 30) [108].

Figure 29 a et b

Espaces ingrats montagneux, hors du territoire centurié

Figure 29 a et b

Espaces ingrats montagneux, hors du territoire centurié

Miniatures du Liber Diazographus, La fig. 62 = Th fig. 59. 29a : manuscrit Palatinus ; 29b : manuscrit Gudianus
Figure 30

Subsécives marécageuses et montagne arborée interrompant la centuriation

Figure 30

Subsécives marécageuses et montagne arborée interrompant la centuriation

Miniature du traité d’Agennius Urbicus, manuscrit Arcerianus A, La 52, fig. 39 = Th 44, fig. 38.

79Ici, une zone marécageuse, reconnaissable aux plantes d’eau et aux canards qui s’y trouvent, qui est qualifiée en légende de subcésive (subsiciba = subsiciua), et une montagne interrompent le territoire centurié [109].

Des biens communautaires ingrats ou attractifs ?

80S’ils sont utilisés au moins comme pâturages ou comme bois, ces terrains de nature difficile mais exploitables sont souvent des biens communautaires (appartenant à l’Etat romain ou à la cité, écrit Siculus Flaccus [110]). C’est ce que Hygin Gromatique explique :

81

« Cette grande quantité de reliefs, au voisinage des villes, n’a pu recevoir de ‘limites’ en raison des difficultés du terrain, mais on les a laissés de côté, soit pour mettre des bois à la disposition de la communauté, soit, s’il n’y poussait rien, pour les laisser vides » [111].

82Dans le Liber Coloniarum, on a l’exemple de Spolète :

83

« Le territoire de Spolète a été assigné en jugères et par des ‘limites’ interparcellaires, là où il y a des cultures. Le reste a été laissé sans arpentage, dans les montagnes et les subsécives, que d’autres ont concédés à la collectivité » [112].

84Ainsi, on a une opposition entre l’ager centurié et assigné à des particuliers, et le reste, terres ingrates concédées à la collectivité. Ces zones ingrates aux contours non rectilignes, au cœur des centuries, sont des surplus de terres, loués « aux possesseurs les plus proches, en commun, sous le nom de pâturages » [113]. Elles sont donc surtout utilisées par les voisins contigus, qui paient une redevance. Celle-ci varie selon la productivité potentielle, liée à la fertilité, comme le précise Hygin Gromatique en donnant l’exemple des trois catégories de terres de la Pannonie :

85

« En effet, des prix fixes ont été établis pour les terres comme en Pannonie : terres labourées en première catégorie ; en deuxième catégorie : prés, forêts à glands, forêts ordinaires, pâtures. Pour toutes ces terres, le vectigal a été fixé pour chaque jugère en fonction de la fertilité » [114].

Figure 31

Forêt et pâturages publics au milieu de la centuriation

Figure 31

Forêt et pâturages publics au milieu de la centuriation

Miniature du traité d’Hygin Gromatique, La 196, 15 -197, 3 fig. 183, manuscrit Arcerianus

86En plus de la végétation arbustive, il y a une légende qui précise silva et pascua publica miliensium (« forêts et pâturages publics des M<?>ilienses ») [115]. Dans le même manuscrit, on trouve plusieurs miniatures similaires, avec des pâturages communautaires, et la légende pascua fundorum publica (« pâturages publics des domaines ») ou compascua[116].

87Les lieux sacrés, eux, doivent, affirme Hygin Gromatique, être inscrits en toutes lettres comme communautaires, sur les plans cadastraux :

88

« Également les bois sacrés, les lieux sacrés ou les sanctuaires, là où ils se trouvent, nous les comprendrons dans la mesure et nous inscrirons leur nom […] sur le plan en bronze » [117].

89Dans la plupart des cas, il s’agit « de bois sacrés et sur certains, des sanctuaires et des temples », en montagne, mesurés sur leur pourtour [118], avec pour légende sur la forma : Mons sacer populi romani[119].

Figure 32

Un mont recouvert d’un bois sacré, domaine public

Figure 32

Un mont recouvert d’un bois sacré, domaine public

Miniature du traité d’Hygin Gromatique, Th 127 = La 188, manuscrit Gudianus

90La montagne est ici, conformément à la légende Mons lucus Dianae Iuliensium qui évoque un « bois » (lucus), couverte d’arbres aux essences variées. Celui-ci est dédié à Diane, sur le territoire public des Iulienses, ce qui sous-entend qu’on est encore une fois dans le cadre d’un modèle de colonia Julia, et qu’on ne doit pas chercher à trouver de référent géographique précis.

91Le sol et le bâtiment religieux, biens communautaires sacrés, sont inaliénables. Selon Pseudo-Agennius Urbicus, il arrive que des exploitants abusifs « occupent les bois sacrés dont le sol est sans aucun doute propriété du peuple romain ». De plus, comme ce sont des lieux de réunions religieuses, il peut apparaître des controverses entre « autorités publiques » pour percevoir un vectigal, ce que confirme Frontin [120] :

92

« Sur les lieux sacrés et religieux naissent un très grand nombre de controverses qui sont définies par le droit ordinaire, sauf si l’on discute de l’ampleur des lieux qui leur appartiennent, par exemple de celle des bois sacrés ou des temples dans les montagnes » [121].

93Même si elles ne sont pas sacrées, les montagnes boisées font l’objet d’usurpations, à l’exemple du Mont Mutela, en Italie [122] :

Figure 33

Conflit sur l’exploitation d’une forêt sur une montagne

Figure 33

Conflit sur l’exploitation d’une forêt sur une montagne

Miniature du traité de Frontin, manuscrit Arcerianus, Th. fig. 20 = La. fig 20

94Il y a une légende au-dessus de la montagne sabine : Mons Mutela rei pub(licæ) populi rom(ani) : « mont Mutela, domaine public du peuple romain ». Le propriétaire des terres qui jouxtent la montagne (fundus Septicianus), n’a pas hésité à détourner une partie du cours d’eau et à intégrer à son domaine au moins une partie du mont Mutela, en violation du statut juridique de cette terre, pour exploiter son bois, mis en valeur dans le dessin.

L’assignation des montagnes boisées en complément de lots de plaine

95Le Liber Coloniarum sur le territoire de Potentia, ville du Picenum, confirme l’opposition entre les terres « laissées sans arpentage officiel », et celles « où il y avait des cultures (cultura) », mais « dans les montagnes, les terres qui restent sont distribuées » [123]. Selon Frontin, la montagne, par son caractère âpre et stérile, peut empêcher l’établissement d’un domaine, mais

« dans la mesure où ces forêts produisaient des glands, et pour éviter de laisser la récolte se perdre, on a donné sur la montagne, après l’avoir divisée, certaines propriétés, par morceaux, aux domaines établis dans les zones de plaine fertile mais resserrés dans des limites étroites » [124].
Une miniature précise alors la superficie des bois de chaque domaine sur la montagne :

Figure 34

Assignation de montagnes boisées

Figure 34

Assignation de montagnes boisées

Miniature du traité de Frontin, manuscrit Ienensis, La. 15, 1-4, fig 17

96De gauche à droite, on peut lire : « le domaine de Seius Agerius possède 15 jugères ; le domaine de Sextilianus possède 30 jugères ; le domaine de Vennianus possède 50 jugères : ils sont enregistrés ; les autres domaines de la même manière ».

97Chez Frontin, repris par Pseudo-Agennius Urbicus, le Mont Massique, sur le territoire de Suessa, dans le sud de la Campanie, est érigé en modèle [125]. Il a été divisé, borné et assigné en compléments des lots de terres cultivables en plaine :

98

« Et souvent, il y a des terres cultivées, comme par exemple sur le territoire de Suessa, en Campanie, qui ont des zones boisées délimitées, dans ce cas sur le Mont Massique. On débat en justice pour savoir à qui doit revenir la propriété de ces forêts. En effet, Sbles anciens plans cadastraux montrent qu’on a procédé à de telles assignations, parce qu’on n’avait ajouté ni assigné aucune zone boisée au sol cultivé (en plaine) [126].

Figure 35

Une montagne divisée, assignée et bornée

Figure 35

Une montagne divisée, assignée et bornée

Miniature du traité d’Agennius Urbicus, manuscrit Arcerianus A, La fig. 36 = Th fig. 35

99On voit nettement que les versants du Mont Massique sont boisés et hors des centuries de la cité de Suessa (à droite) ; cependant, les bois ont été assignés puisqu’ils portent des bornes de délimitation (rectangles verts) [127]. La restitution fidèle de la réalité agraire n’est pas pour autant l’objet de la représentation par le miniaturiste, car celle-ci était beaucoup plus complexe [128]. De plus, si l’on peut penser que l’opposition entre les centuries et le mont avec ses bornes peuvent avoir été copiés d’après une figure du traité de Frontin remontant au moins à la collection Arceriana du ve siècle, il semble que le style du dessin de la cité indique clairement une addition postérieure [129].

100Hygin prescrit lui aussi que dans les régions où l’on rencontre ces terrains difficiles, « les uns recevront des bois contigus à leur parcelle, les autres des bois sur des monts, peut-être au-delà de leur quatrième voisin » [130]. Le souci des arpenteurs est donc d’assurer une répartition équitable et juste des terres planes et pentues, et une délimitation la plus « naturelle » possible, fondée sur la proximité, pour éviter les controverses. Hygin cite une forma pour le mode d’exploitation de ces terres :

101

« C’est pourquoi, sur les formae, des lieux ont quelquefois fait l’objet d’annotation de ce genre : ‘comme pâturage commun ; pâturage commun, tant’ : ce sont ceux qui appartenaient aux possesseurs les plus proches, qui touchent à ces lieux par leurs confins » [131].

Figure 36

Des pâturages collectifs attribués « aux propriétaires les plus proches »

Figure 36

Des pâturages collectifs attribués « aux propriétaires les plus proches »

Miniature du traité de Frontin, manuscrit Arcerianus A, Th-La, fig. 18.

102Pour finir, nous étudierons une figure importante, qui occupe une double page dans les manuscrits Palatinus et Gudianus (plus schématique), et qui résume la fonction de bornage naturel aux frontières du territoire et la double répartition des campagnes de nature ingrate, entre domaine public et privé.

103En haut à droite de la miniature, il est précisé que des montagnes sont les limites du territoire de la cité : montes finitimi. La ville, au nom modèle (colonia Augusta), est presque au milieu. Les parcelles comprennent parfois des montagnes avec des bois ou des pâturages (symbolisés dans le Gudianus par des petites branches) identifiés par des légendes explicites : par exemple, à droite de la ville se trouvent trois ensembles de montagnes, avec, de haut en bas, les mots mons, pascua et silva. Le domaine public est signalé : un ensemble montagneux avec des arbres porte la légende mons et silva publica, un autre mons meta publica, un autre mons publicus et silva, entre deux routes on distingue un espace non délimité qualifié de compascua publica populi romani. Enfin, le mons sacer populi romani que nous avons cité un peu plus haut se trouve à droite. On peut donc a priori distinguer ici les terres « publiques », gérées sans doute par la cité, et les terres « publiques du peuple romain », relevant de l’autorité de Rome et de la Res Publica.

Figure 37

Pertica résumant les statut des zones centuriées et ingrates, avec les limites naturelles

Figure 37

Pertica résumant les statut des zones centuriées et ingrates, avec les limites naturelles

Miniature du traité d’Hygin Gromatique, manuscrit Palatinus, Th 167, 12-15, fig. 136a= La. 197a

104Cette miniature regroupe les composants naturels essentiels du paysage qui doivent apparaître sur un plan cadastral et qui participent à l’organisation des terres. Même s’ils sont souvent des obstacles ou s’ils ont un statut ingrat, les Romains savent les utiliser, soit en tant que zones tampons entre deux cités (peu exploitées et/ou particulièrement surveillées), soit en tant que terrain arable ou forestier entrant dans une législation particulière.

105*

106Une part énorme des sources gromatiques est consacrée aux problèmes de bornage, de limitation de territoire, de distinction entre les territoires occupés et délaissés, et de controverses sur le bornage. Les masses paysagères remarquables y jouent un rôle très important, confirmé par les sources épigraphiques, mais elles ne suffisent pas toujours à définir une frontière que les Romains préfèrent précise avec des points de référence topographiques, renforcée par des marques anthropiques. Ainsi, dans les traités, les Romains modélisent le paysage en s’attachant à faire coexister nature et culture, la marque anthropique et l’aménagement étant montrés comme des preuves de maîtrise et de complémentarité avec l’espace dans lequel ils vivent [132].

107Tandis que les marais sont vraiment laissés à l’écart, que les fleuves servent rarement à délimiter le territoire, mais plutôt à l’irriguer, ou à assurer des transports par voie d’eau, les montagnes présentent une image plus complexe : les piémonts et les moyennes montagnes sont des espaces de transition agricole entre les espaces colonisés et habités, voire urbanisés, et la haute montagne que les Romains laissent vides le plus souvent à cause d’un climat difficile ou de sols en trop forte pente et parfois très rocheux. Ce rocher sert cependant au bornage, surtout en position sommitale.

108On peut donc discerner plusieurs types d’utilisation des éléments ruraux : certains sont mis en valeur parce qu’ils sont utilisés pour la délimitation, soit grâce à leur forme linéaire, soit grâce à leur forme remarquable dans l’environnement ; d’autres sont des sortes d’écueils pour la centuriation, des obstacles à la régularité chère aux Romains, voire des sortes de zones tampons qui posent des problèmes de classification légale. Les plus intéressants sont des espaces a priori ingrats, laissés de côté ou soumis à un régime particulier. Dans cette mesure, ce sont ceux qui sont les plus sujets à des controverses territoriales, et donc les plus fréquemment représentés. Qu’ils soient au cœur du territoire divisé et assigné ou aux confins, ces espaces deviennent des zones marginales, en raison d’un cours d’eau, du relief ou d’un marécage, et ils posent des problèmes techniques et juridiques à l’arpenteur, devenant des sujets d’arbitrages attestés par les sources épigraphiques, loin de ce fait d’être systématiquement délaissés.

109L’étude des traités des arpenteurs et des miniatures qui les accompagnent dans les manuscrits tardo-antiques et médiévaux, très expressives et démonstratives, permet de poser des problèmes dans la perception et l’utilisation des zones de confins, des zones marginales des territoires, dans un système de structuration de l’espace a priori fondé sur une opposition binaire entre la plaine et la montagne [133]. Mais il s’avère souvent que plus qu’une opposition, mise schématiquement en valeur dans presque toutes les miniatures parce qu’elle appartient à un mode de pensée stéréotypé, c’est une complémentarité qui est validée par les lois d’occupation de ces espaces « ingrats », rapportées par les arpenteurs, ainsi que par les inscriptions de délimitations des territoires, qui montrent que la frontière se doit d’être précise, allant de point en point, pour éviter des controverses sur des espaces qui, sinon, resteraient indivis et peu sécurisés.


Annexe

Sources littéraires utilisées

110Frontin (ier siècle après J.-C., époque flavienne), De agrorum qualitate, De controuersiis, De limitibus, De arte mensoria.

111Hygin Gromatique, De limitibus constituendis, écrit vers 75 après J.-C. [134].

112Hygin écrit au début du iie siècle (entre le début de 98 et la fin de 102, datation précisée par la titulature impériale de Trajan) trois ouvrages sur les conditions des terres, les limites et les controverses : De limitibus, De condicionibus agrorum, De controuersiis agrorum[135].

113Balbus (Ad Celsum expositio et ratio omnium formarum) a sans doute vécu sous Trajan, et a participé à une campagne en Dacie. Il écrit donc entre 102 et 106.

114Siculus Flaccus, De condicionibus agrorum, n’est pas facile à dater, avec des indications chronologiques dans le texte qui le situent entre la fin du principat de Domitien (96) et la création d’une province italienne par Dioclétien (290-291).

115Pseudo-Agennius Urbicus, De controuersiis agrorum. On pense que c’est un compilateur du Haut Empire recopiant un anonyme de l’époque de Domitien (81-96) [136].

116Le Liber Coloniarum, ou Regionum, liste des territoires de l’Italie centro-méridionale, avec quelques fragments d’autres aires géographiques, comme la Dalmatie. L’ensemble est en deux listes distinctes : le titre initial de la première est Liber Augusti Cæsaris et Neronis, mais il s’agit en fait d’un état de l’Italie du début du ive siècle (appelé Liber coloniarum i) utilisant des archives remontant à Auguste et Tibère ; la seconde est plus confuse.

Manuscrits utilisés

1171. Un recueil originaire, qu’il qualifie d’époque « gothico-byzantine », stabilisé vers la fin du ve siècle probablement à Ravenne, qui donne naissance à l’Arcerianus [137]. Rédigés en Italie, les deux manuscrits de l’Arcerianus sont appelés A et B. Le manuscrit Arcerianus B date de la fin du ve siècle, et l’Arcerianus A, du début du vie siècle. Ce dernier est le plus connu, à cause de ses 139 illustrations en couleur. Ils se trouvent en Allemagne, à Wolfenbüttel (Herzog-August-Bibliothek, Guerferb. 36-23 Aug. 2°), MS A/B. Ils semblent se compléter, mais ils se répètent aussi par fragments, ce qui pousse Lucio Toneatto à penser qu’ils étaient deux manuscrits différents, et non un seul en deux parties.

118Des copies de A et B sont faites au xvie s. et permettent aujourd’hui de combler les feuillets endommagés : c’est le manuscrit Jenensis, qui se trouve à Iéna (Universitätbibliothek, Cod. Fol. 156) : MS J, qui combine A et B en ôtant les répétitions, et le Latinus 3132, MS V, au Vatican (Bibliotheca Vaticana), qui réunit dans l’ordre A puis B.

1192. La seconde collection, réorganisée après décembre 533 comprend aujourd’hui [138] :

  • le Palatinus Vaticanus Latinus 1564 (303 illustrations) daté de 810-830 : il a été rédigé en Basse-Rhénanie et se trouve à la Bibliothèque Vaticane, MS P ;
  • le Gudianus (avec 305 illustrations), copie d’une copie du Palatinus, qui date de 850-875, à Wolfenbüttel (Guelferb. 105), originaire de Corbie, MS G. Il sert à compléter le Palatinus quand celui-ci a des feuillets manquants ;
  • le iiie élément d’un manuscrit bruxellois (Bibliothèque Royale, 10615-729), du xiie siècle, Cusanus Bruxellensis (ff. 36-57) (MS p), copie très partielle du Palatinus, sans illustrations.
3. Une troisième, datant d’avant la fin du viiie siècle, qui a utilisé les deux types différents de collections, Arceriana et Palatina, appelée codices mixti par Thulin, a pour intérêt de pouvoir remonter à un texte indépendant des rédactions des manuscrits A, B et P. Elle regroupe des éléments types des deux recensions :
  • le Laurentianus, de Florence (Biblioteca Medicea Laurenziana, 29-32), originaire de Basse-Rhénanie, datant de 800 environ, MS F ;
  • un fragment de manuscrit datant du xe siècle (conservé à Berlin, Staatsbibliothek der Stiftung Preussischer Kulturbesitz, lat.f. 2° 641, ff. 1-14), MS C ;
  • le ive élément de l’Erfurtensis (conservé à la Wissenschaft Bibliothek d’Erfurt en Allemagne, Amplon. Q. 362), datant du xi-xiie siècle, MS E ;
  • le Scriuerianus/Nansianus, du xiie siècle, à la British Library (Add. 47679), MS H.
On peut donc tracer un stemma pour schématiser les contaminations des manuscrits par rapport au potentiel archétype et leur appartenance aux trois collections (Tableau 1).

Tableau I

Stemma des principaux manuscrits du Corpus agrimensorum romanorum

Tableau I

Stemma des principaux manuscrits du Corpus agrimensorum romanorum

Les manuscrits qui ont des illustrations sont encadrés en gris.

Bibliographie

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : traités d'arpenteurs, miniatures, épigraphie, stéréotypes, frontières, paysage romain

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Date de mise en ligne : 01/08/2006.

https://doi.org/10.3917/hsr.024.07

Notes

  • [*]
    Maître de conférences en Histoire romaine à l’Université de Bretagne occidentale (Brest-Quimper), 49 rue de Paradis, 75010, Paris. Courriel : <acolat@ tele2. fr>.
  • [1]
    Voir notre thèse dactylographiée, Les Romains et la montagne. Image, connaissance et rôle du relief dans le monde impérial romain, Paris iv, 2001, chapitre 1 de la troisième partie, p. 421-486.
  • [2]
    Broc, 1991.
  • [3]
    Strabon, iv, 1, 3.
  • [4]
    Christie, 1991.
  • [5]
    Misurare la terra, 1983 ; Moatti, 1993.
  • [6]
    Gonzalès, 1994, p. 311, fait un relevé exhaustif des miniatures comportant des montagnes, et leur nombre est un indice de leur importance. Dans un article récent, il écrit : « La production iconographique qui illustre plus particulièrement les manuscrits techniques s’avère être une source féconde pour la connaissance des paysages de l’Antiquité […] » : Gonzalès, 2003, ii, p. 10.
  • [7]
    Geographical information systems and landscape archæology, 2000 ; Fabre, 2000.
  • [8]
    Gonzalès, 1994, p. 309 ; Burton, 2000.
  • [9]
    Nous renvoyons à la liste détaillée en annexe. Nous utiliserons également les textes d’autres auteurs du corpus gromatique, dont les manuscrits ne sont pas illustrés, et considérés comme mineurs. Cf. Toneatto, 1994-1995, p. 7-9 ; Campbell, 2000, p. 17-29 ; et Chouquer, 2001, p. 328-338.
  • [10]
    Chouquer, 2001, p. 43. Nous renvoyons aussi à l’étude p. 22 et p. 30-34, où le contexte politique de l’activité des arpenteurs est expliqué.
  • [11]
    Toneatto, 1994-1995, p. 13-14.
  • [12]
    Nous renvoyons, pour plus de clarté, à notre stemma et aux détails exposés en annexe.
  • [13]
    On les qualifie aussi de vignettes : Dilke, 1967. Nous n’allons nous intéresser qu’à celles qui sont de type géographique, et non aux diagrammes, très nombreux. Malheureusement, depuis Thulin, la plupart des éditions, même modernes, sont en noir et blanc, même celles de Campbell (2000) et Chouquer (2001). Pourtant, les couleurs ont été bien préservées. Dans la mesure du possible, nous les présenterons ici en couleur.
  • [14]
    Pour la liste complète : Chouquer, 2001, p. 338.
  • [15]
    Hygin Gromatique, Th. 166 = La. 203. Cf. Chouquer, 2001, p. 343-344, pour une liste des documents épigraphiques.
  • [16]
    Chouquer, 2001, p. 49.
  • [17]
    D’après Carder, 1978, p. 189-204, les études de style de dessins des cités et des montagnes permettraient de dater les illustrations entre le ive et le vie siècle.
  • [18]
    Leur datation peut être remise en question avec le problème des manuscrits médiévaux et des copistes. Lucio Toneatto s’est intéressé de très près aux manuscrits pour tenter de les dater et distingue tradition directe et indirecte d’après les auteurs et les textes, entiers ou fragmentaires. Il demeure impossible d’identifier l’auteur des miniatures de chaque manuscrit : Toneatto, 1994-1995 et 1998.
  • [19]
    Campbell, 2000, p. xxv.
  • [20]
    Végèce, 71, et Vitruve, De architectura, i, 1,4. Chez Hygin, on a dans le texte un sic qui semble suggérer que des illustrations étaient délibérément incluses. (Th. 157, 18 = La. 194,14).
  • [21]
    Gonzalès, 2003, p. 21, évoque des « codes picturaux qui sont à leur tour transformés en topia gromatiques » ; Campbell, 2000, p. xxiv et suiv.
  • [22]
    Pour quelques cas, le débat reste ouvert. J. Peyras donne deux contre-exemples et pense que « l’expression colonia Julia corrrespond à un statut particulier, statut grâce auquel les citoyens de ce type de colonies, qualifiés par le substantif ethnique de Julienses, disposaient de privilèges » : Peyras, 2003, p. 117.
  • [23]
    Gonzalès, 2003, p. 23.
  • [24]
    La question est discutée cas par cas dans Chouquer, 2001, p. 49-55. La présence d’anthroponyme précis est un critère d’authenticité, par exemple.
  • [25]
    Gonzalès, 2003, p. 26, parle de « modélisation d’une vision et d’une représentation des paysages » et d’évolution vers une « épure des formes ».
  • [26]
    Ibid., p. 22.
  • [27]
    Chouquer, 2001, p. 49 parle de « codes graphiques ».
  • [28]
    Liber Coloniarum, La. 228 et suiv. : oppidum muro ductum / oppidum munitum. Le texte précise parfois quand a été fortifiée la cité (par une loi, pour Castiglione, par les triumvirs, pour Interamna, par exemple).
  • [29]
    Rousset, 1999, p. 46. Il a étudié la validité de cet axiome pour les cités de la Grèce centrale.
  • [30]
    La. 295, 9-15.
  • [31]
    Hygin Gromatique, Th. 143 : « Antiqui enim propter subita bellorum pericula non erant urbes contenti cingere muris, verum etiam loca aspera et excelsa saxis eligebant, ubi illis maximum propugnaculum esset et ipsa loci natura ».
  • [32]
    Hygin Gromatique, Th. 157. Le site de Spello est adossé à un arc montagneux qui culmine à plus de 1 000 m d’altitude et la plaine est à 200 m d’altitude.
  • [33]
    En plus des vestiges de parcellaires (qui figurent sur la carte moderne, ci-dessus), on a aussi retrouvé un cippe de frontière d’Hispellum à 20 km de la cité antique, qui semblerait prouver qu’il y a eu des assignations pour Hispellum sur le territoire de l’antique Arna.
  • [34]
    Hormis l’orientation, bien entendu. L’Est s’y trouve en haut.
  • [35]
    Hygin, Th. 145= La. 180 : « quædam propter aquæ commodum monti applicantur ».
  • [36]
    Cf. Campbell, 2000, p. 388, note 15.
  • [37]
    Cette figure apparaît exactement de la même façon, avec les mêmes légendes et les mêmes détails, dans deux manuscrits : le Gudianus et le Palatinus. On voit nettement qu’ils sont issus d’une même source et que le G descend du P. Il resterait à savoir si le texte d’Hygin Gromatique dans cette source antérieure au ixe siècle était déjà illustré. On croit pouvoir indentifier cette colonie à cause de la mention des Tegurini, qui étaient un peuple helvète voisin d’une colonie fondée par Vespasien, Aventicum (Avenches). Mais dans ce cas, il y aurait corruption sur le nom de la colonie (Colonia Claudia), car la fondation par Vespasien lui avait donné le nom de Colonia Pia Flavia Constans Emerita.
  • [38]
    Hygin Gromatique, Th. 133, 4-6.
  • [39]
    Sic. Flacc., Th. 117,5-118,3 = La. 153, 7-30 : « D’autres, se fondant sur la situation et la nature de la région, les ont appelés maritimes ou montagneux ».
  • [40]
    Frontin, Th. 13, 9-12.
  • [41]
    Hygin Gromatique, Th. 133 : (limites) qui ad mare spectant maritimi appellantur, qui ad montem montani.
  • [42]
    La liste des noms donnés aux limites dans les Nomina limitum reprend ces deux adjectifs ; ce sont les seuls de type géographique, en plus de ceux fondés sur l’orientation.
  • [43]
    Liber Coloniarum, La. 256 : ager eius limitibus maritimis et montanis est assignatus.
  • [44]
    La forme de l’enceinte de la cité a, elle aussi, évolué vers une simplification schématique : d’octogonale avec des tours rondes elle devient carrée.
  • [45]
    Figure 5 : fines Tigurinoru<m> en toutes lettres.
  • [46]
    Hygin,Th. 74,19 = La. 114,24 : « et inde deorsum versus ad locum illum, et inde ad comptum illius, et inde per monumentum illius ad locum unde primum coepit scriptura esse.
  • [47]
    Hygin, De cond. Agr., Th. 74, 4-19 = La 114, 11-24 : Quae re<s> [haec autem controversia] territorialibus est finienda terminibus, nam invenimus saepe in publicis instrumentis significanter inscripta territoria ita ut « ex coll<icul>o qui appellatur ille, ad flumen illud, et per flumen illud ad rivum illum » aut « ulam illam, et per ulam illam ad infima montis illius, qui locus appellatur ille, et inde per iugum montis illius in summ<um> et per summum montis per divergia aquae ad locum qui appellatur ille » (« Ce qui doit résoudre cette controverse, ce sont les bornes du territoire, car nous avons souvent trouvé dans les documents publics des territoires inscrits comme : ‘depuis la colline qui porte tel nom, jusqu’au fleuve un tel, et en suivant ce fleuve jusqu’à tel ruisseau ou telle voie, et en suivant cette voie jusqu’au bas de telle montagne, avec le nom du lieu, et de là en suivant la crête de cette montagne jusqu’au sommet, et en suivant le sommet de la montagne par la ligne de partage des eaux jusqu’à tel lieu’ » ).
  • [48]
    Hygin Gromatique, Th. 145 : Multas colonias et ipsi montes finiunt « Dans le cas de nombreuses colonies, ce sont des montagnes précisément qui constituent la limite ». Ce texte se trouve juste sous la miniature d’Aventicum, figure 5 ; Exp. Terminorum, La 362.4 : Flumen aliquotiens in fine inuenies.
  • [49]
    IG v, 1, 1430 : entre Messène et Phigalie, pour la première ; BCH 109 (1985), p. 502 a 29 : entre Ambracie et Charadros, pour la seconde.
  • [50]
    Hygin : per iugum montis illius in summum et per summum montis pour le sommet ; ad infima montis illius pour le piémont.
  • [51]
    Robert, REA 62 (1960), 304-305 = OMS ii (1969), 820-821 : « c’est la région ‘au bout’, […] dans la montagne qui borde toujours le territoire d’une cité grecque ; elles jouxtent la région frontière ou elles s’y fondent, cette région de montagnes et de forêts, laissée à l’usage des bergers, des bûcherons et des charbonniers ». Voir aussi Sartre, 1979.
  • [52]
    En Grèce ce sont les koinai chorai, fréquemment attestées dans des inscriptions : par exemple, IG iv, 1, 76 et 77, entre Trézène et Arsinoé ; IG iv, 1, 75, l. 14 et 32, entre Épidaure et Hermionè. Une autre inscription évoque justement une zone commune à la rencontre de deux sections de la ligne frontalière entre Orchomène et Méthydrion : Schwyzer, Dial. Graec.exempla, n°664, l. 19 et 22 : ? ????????, ???? ? ??????????.
  • [53]
    Photios Katzouros et Rousset, 1992, p. 208, n. 58, expliquent les « catégories de délimitation ».
  • [54]
    Photios Katzouros et Rousset, 1992, avec des photos de la pierre, un commentaire ligne par ligne, et des tentatives de localisation des lieux.
  • [55]
    Rousset, 1994.
  • [56]
    Cf. Plassart, 1915. Il cite d’autres inscriptions du iie siècle avant J.-C. : Insc. Ol., 46, l. 70 et 35 ; Insc. Prien., 37, l. 64 et 159 ; Insc. Prien., 42, l ; 46 et 65.
  • [57]
    La plaine isole tellement les reliefs que la hauteur même d’Orchomène, de moins de 300 m d’altitude, est qualifiée d’???? par Pausanias (viii, 13,2). Madeleine Jost (1996, p. 719) a commenté l’impression donnée par le site d’Orchomène ainsi : « aux yeux de Pausanias, la hauteur d’Orchomène dont la masse se détache sur une plaine haute parfaitement plane, paraît un mont ».
  • [58]
    Chouquer et Favory, 2001, p. 52-53. Les auteurs font remarquer que dans le manuscrit Palatinus (le plus ancien des deux), la centuriation est dessinée avec application, alors qu’il n’y a que les decumani dans le Gudianus. On discerne un cardo sur la miniature.
  • [59]
    Hygin Gromatique, Th. 144 : reliqua pars asperis rupibus continetur, terminata in extremitate more arcifinio per demonstrationes et per locorum vocabula (« la partie restante consiste en des falaises abruptes ; elle a été bornée, à son extrémité, selon la coutume arcifiniale, par des éléments signifiants et des noms de lieu »). Hygin, Controverses, Th. 91, 19-20 = La. 128, 15-16. Nous renvoyons à cet égard, pour une analyse lexicale précise et comparative des termes et pour une étude de la connaissance géographique de la montagne, à notre thèse de doctorat : Les Romains et la montagne. Image, connaissance et rôle du relief dans le monde impérial romain, Paris iv, 2001.
  • [60]
    CIL, x, 6820-26 ; 6839 ; 6841 ; 6846 ; 6849 ; ce sont des marqueurs, disposés tous les dix pieds de hauteur.
  • [61]
    Presque tous les chercheurs modernes ont cherché à identifier avec précision les éléments des paysages des miniatures avec des toponymes : en dernier lieu Chouquer et Favory, 2001, par exemple p. 51 pour les modernes Clitunno ou Ose sur le site d’Hispellum.
  • [62]
    Les exemples de sites où l’on a retrouvé des vestiges attestant que le parcellaire antique était interrompu par le relief sont assez nombreux : voir Chouquer et Favory, 1991, p. 136-138. On peut citer notamment le cas de Suessa, près de Minturnes, dont le territoire est complètement cerné par le relief et la mer.
  • [63]
    Ce type d’arbre marqué (arbor plagata ou stigmata) est attesté dans le Bruttium et le Picenum dans le texte de Pseudo-Agennius, qui dit que « les paysans les laissent pour faire des bornes » (Th. 31, 24-25= La 72, 19-20).
  • [64]
    On en trouve aussi le long des fossés (La. 148, 15-16).
  • [65]
    L’étude de Photios Katzouros et Rousset, 1992, p. 209, est à cet égard tout à fait révélatrice : ne pouvant pas déterminer ce qu’est l’énigmatique ??????, ils posent trois hypothèses différentes : point de départ de la délimitation entre Phanoteus et Siris (lieu-dit), ligne frontière (cours d’eau, vallon, sentier) qui constitue le premier segment de la délimitation, ou espace, zone frontière.
  • [66]
    Denis Rousset et P. Photios Katzouros, 1992, p. 214-215, ont cette opinion et définissent ainsi l’Hélikon « où l’on reconnaîtrait a priori la frontière politique de Stiris », insistant sur l’isolement géographique des deux cités.
  • [67]
    Époque hellénistique, iie siècle avant J.-C. Mais on sait que les Romains conservent en général les décisions d’arbitrage antérieures. L’inscription de Nigrinus, que nous allons évoquer, le prouve. Nous ne pourrons pas présenter et expliquer toutes les inscriptions du corpus latin et grec qui ont ce type de délimitation. Cf. cependant Ager, 1996 ; Magnetto, 1997 ; Van Effenterre et Bougrat, 1969.
  • [68]
    IG ix, 2, 251. Cette inscription est présentée et commentée par Helly, 1999.
  • [69]
    L’inscription est retranscrite, traduite et commentée par Rousset, 2002, p. 156 et Inscr. 3, lignes 31-32. Nous reviendrons sur la confirmation de cette frontière.
  • [70]
    Hygin, Th. 74, 24-77 = La. 281, 1-283 : « Mais si le fossé fait défaut, ou le talus, la pente, la rive ou les arbres plantés antérieurement, on trouve d’habitude des bornes. Ce sont les pierres qu’il faut suivre […] ».
  • [71]
    Une lettre de l’empereur Vespasien, gravée et trouvée en Corse, montre par exemple que l’empereur intervient en octobre 72 dans une controverse entre les Vanacini et les Mariani et il charge son procurateur de borner le terrain : CIL x, 8038 = FIRA i, 72. Les inscriptions impériales sont très nombreuses. Nous ne pouvons pas toutes les citer. De plus, le Liber Coloniarum cite nominativement beaucoup d’empereurs en disant qu’ils ont donné l’ordre de faire poser des bornes de pierre.
  • [72]
    Hygin Gromatique, La. 192= Th. 130-131 : Si fuerit mons asper et confragosus, per singulas petras finitimas notas inponemus et ubi potuerit inscriptiones ; sic et in forma significabimus.
  • [73]
    Extraits des livres de Dolabella, La. 302, 5-9 : inductis quadratariis […] ex monte terminum eminentem monti contituerent.
  • [74]
    Gonzales, 1994, p. 329.
  • [75]
    Inscr. 9-10, p. 94-97 : Optimus Princeps cognoscere me jussit. Comme Denis Rousset le précise dans son énorme étude (Rousset, 2002, p. 150), il s’agit d’une sentence finium regundorum, qui concerne le tracé même de la limite et non une partie de région : cf. Hinrichs, 1974, p. 197-201. L’intérêt de cet arbitrage est qu’il est gravé parallèlement en latin et en grec ; de ce fait, on peut résoudre des problèmes de lecture en comparant les deux versions. Notre intérêt ici n’est pas de présenter et de discuter les indices de reconnaissance des repères naturels dans le paysage, ce qu’a fait Denis Rousset de façon très détaillée, montrant qu’il est extrêmement difficile de reconnaître ces repères, en particulier avec un nom propre sans un substantif géographique expliquant de quel élément du paysage il s’agit (par exemple, le lieu dit Astrabas, que les chercheurs auraient localisé à cinq endroits différents possibles, à plus de 5 km de distance, que Denis Rousset qualifie de « cas exemplaire », p. 174). C’est ce que Louis Robert avait déjà reconnu : Robert, 1937, p. 110, note 1. Comme l’a écrit L. Lerat, 1952, p. 81, « L’identification d’une colline, d’un rocher, d’un ravin restera toujours illusoire et il faudrait beaucoup de chance pour retrouver l’un des petits sanctuaires que nos bornages citent de temps à autre comme repères ». Le légat Nigrinus a déjà eu du mal à retrouver ces repères datant de plus de deux siècles, et il s’est appuyé sur des habitants qui l’ont guidé.
  • [76]
    Plassart, fd iii, 4, 293 = Rousset, 2002, Inscr. 9-10, p. 94-97 ; et Inscr. 11-12 : « après avoir parcouru les lieux en litige et les avoir examinés de mes propres yeux, sur les indications de chacune des parties ; m’étant donc rendu plusieurs fois sur les lieux […] ».
  • [77]
    Inscr. 9-10 et Insc. 11-12 : « et après avoir apprécié les documents concernant cette affaire […] ; ayant mis plusieurs jours à examiner ce qui pouvait être rassemblé soit d’après ce que savaient les hommes du pays, soit d’après les documents qui subsistaient […] ».
  • [78]
    Hygin, Th. 74, 24-77, 7 = La. 281, 2-283, 11.
  • [79]
    Rousset, 2002, Inscr. 9 et 10, p. 94-97 : « de Trinapion, qui est un rocher s’avançant au-dessus de la vallée appelée Charadros où se trouve la fontaine Embateia, jusqu’à cette fontaine, que ce qui regarde Delphes soit territoire de Delphes. De cette fontaine, puisque la délimitation indique que la frontière doit se diriger en droite ligne vers Astrabas, je décide que jusqu’à cette borne qui m’a été montrée sur un rocher appelé Astrabas non loin de la mer, borne sur laquelle est gravé un trépied qui paraît être le symbole de la terre sacrée de Delphes […] ».
  • [80]
    Rousset, 2002, Inscr. 11 et 12, p. 100-106.
  • [81]
    Inscr. 11 : quod naturales in ut[roque] monticulo lapides ex[tant] /quorum in altero græca inscriptio quae sign[ificat ? Delphi] cum terminum [hunc esse] / adhuc manet, cui vetustas fidem faciat, in altero [ea]mdem inscriptionem [fuisse] / [mani]efstum est quamuis st erasa.
  • [82]
    Pour le milieu de l’inscription impériale, il n’y a pas de manques. C’est seulement le bas de l’inscription de Nigrinus qui est altéré et où il peut manquer des repères encore utilisés.
  • [83]
    Le long de la vallée du Pleistos, d’après Denis Rousset, 2002, p. 159-160.
  • [84]
    ??figure im43?? est le terme générique qui peut, en grec, remplacer les autres termes désignant un relief, quelle que soit son altitude.
  • [85]
    Rousset, 2001, inscription n° 3, commentée p. 155 et suiv. ; en 140 avant J.-C., la frontière orientale du territoire de Delphes, vers le nord, finit par se perdre dans le massif du Parnasse.
  • [86]
    Siculus Flaccus, Th. 103, 10-106 = La. 139, 10-142.
  • [87]
    Hygin Gromatique : Et extremitatem deinde terminis lapideis obligabimus, interposito ampliore spatio.
  • [88]
    Boèce, Demonstratio artis geometricæ, La 400, 22 et suiv.
  • [89]
    La. 211, 10 ; 227, 16 ; 228, 6 ; 241, 11 ; 243, 11 ; 252, 5-6 et 21 ; 256, 9 et déjà Sic. Flacc., Th. 102 = La 138 : « d’autres considèrent comme bornes des amas de pierres et les appellent scorpiones ».
  • [90]
    Les exemples sont plus nombreux dans le monde grec que dans le monde romain. Mais Denis Rousset, 1999, a fait remarquer à juste titre que les découvertes de bornes restent relativement rares, par rapport au nombre global des repères cités dans les inscriptions ou connus par ailleurs. Du reste, nous ne pouvons pas les citer toutes ici. Sur celle-ci : Schlumberger, 1939, p. 64-66, fig. 3-4 et 11.
  • [91]
    IG, v, 1, 1371 ; 1, 1372 ; et 1, 1431.
  • [92]
    CIL xiii, 113 : « Conformément à la volonté de l’empereur César Vespasien Auguste, souverain pontife, en sa 5e puissance tribunicienne, consul pour la 5e fois, désigné pour la 6e fois, père de la patrie, Cneus Pinarius Cornelius Clemens, son légat propréteur pour l’armée de Germanie supérieure, a établi la limite entre les Viennenses et les Ceutrons ». Debeauvais, 1995, p. 106-107 ; Bertrandy, Chevrier et Serralongue, 1999, p. 285-286.
  • [93]
    Hygin Grom., Constitutio Limitum, Th. 157 : locorum difficultatem.
  • [94]
    Hygin Grom., Th. 144= La. 180 : Hanc constituendorum limitum rationem servare debebimus, si huic postulationi uel locorum natura suffragabit.
  • [95]
    Ibid. : multas colonias.
  • [96]
    Hygin Grom., Th. 145, 6-9= La. 181, 1-4 : propter quod quattuor regionibus æqualiter pertica non potest diuidi.
  • [97]
    Siculus Flaccus, 288 : Subseciuorum diximus hanc condicionem esse factam, quod siluæ et loca aspera in assignationem non venerunt. Et 297 : cum non potuerit universus agere in assignationem cadere asperitatem locorum aut prærupta montium […].
  • [98]
    Hygin, Th. 73= La. 113 : secundum legem divi Augusti qua falx et arater ierit.
  • [99]
    Ibid. : in forma generatim enotari debebit loca culta et inculta, silvæ.
  • [100]
    Par exemple, pour Capène, en Étrurie : Liber Coloniarum, La. 216, 11 : « les terres ont été assignées proportionnellement à la valeur de la fécondité du sol et selon la nature des lieux ». D’autres exemples sont rassemblés par Chouquer, 2001, p. 371.
  • [101]
    Campbell, 2000, p. 357-358, note 4. Hygin Gromatique, Th 166= La 203 : Hæc lex habet suam interpretationem. Quidam putant tantum cultum nominari ; ut mihi videtur, utile<m> ait agrum adsignare oportere.
  • [102]
    On a une inscription qui est un témoignage d’un lotissement de terres du iie siècle après J.-C. par la cité de Delphes. Pour les localisations possibles de ces lotissements dans le massif du Parnasse ou du Kirphis selon les caractéristiques du relief : cf. Ferrary et Rousset, 1998 ; Vatin, 1965.
  • [103]
    Frontin, Sur les controverses, La 8, 1-9 = Th 3, 6-15.
  • [104]
    C’est ce qui est le plus conforme au texte d’Hygin Gromatique sur les confins des zones limitées, d’après Chouquer et Favory, 2001, p. 310.
  • [105]
    CIL viii, 22787= Dessau 1916, 2308 ; Brodersen, 1995, p. 216.
  • [106]
    Siculus Flaccus, De condicionibus agrorum, 257 : Aliquando vero in limitat quosdam cives colonis dare velit <et> agros eis assignare, voluntate<m> sua<m> edicit commentariis aut in formis extra limitationem, monte illo […].
  • [107]
    Hygin Gromatique, Th 144, 1-8 ; Liber Coloniarum, La 238, 12-13 : Terracina […] ager eius in absoluto est dimissus.
  • [108]
    L’expression « rebuts de terre » est de O.A.W Dilke.
  • [109]
    Il y a plusieurs définitions au mot subsiciva. Nous renvoyons à cet égard à Chouquer et Favory, 2001, p. 179-180 et 462, qui recense jusqu’à 8 cas de figures.
  • [110]
    Siculus Flaccus, Th. 129 = La. 164 : Sæpe etiam r(ei) p(ublicæ) ager donatus est (« Souvent même on a donné ces terres à la res publica »). L’étude des inscriptions grecques de frontières par Denis Rousset indique la même chose : Rousset, 1994, p. 119 ; 123-125.
  • [111]
    Hygin Gromatique, Th. 143 = La. 179.
  • [112]
    Liber Coloniarum, La. 225, 15 - 226, 2 : Ager Spoletius in jugeribus et limitibus intercisivis est adsignatus ubi cultura est : ceterum in soluto est relictum in montibus vel subsiciviis, quæ rei publicæ alii cesserunt.
  • [113]
    Hygin Gromatique, Th. 164, 6-16 = La. 201, 7-17.
  • [114]
    Hygin Gromatique, Th. 167 : Certa enim pretia agris constituta sunt, ut in Pannonia arui primi, arui secundi, prati, silvæ glandiferæ, silvæ vulgaris, pascuæ. His omnibus agris vectigal est ad modum ubertatis per singula jugera.
  • [115]
    Il faut sans doute corriger par Julienses, suivant le principe de modélisation des traités et des miniatures, ce qui semble confirmé par le manuscrit Palatinus pour la même illustration (avec un dessin moins précis), où figure la légende silva et pascua Juliensium.
  • [116]
    L’une d’entre elles est intéressante car elle montre que les pâturages publics sont délimités par les deux bras d’une rivière. Pour la légende compascua : Arcerianus A, La 16, fig. 18 = Th 6, fig. 18.
  • [117]
    Hygin Grom., Th. 161 = La. 198 : Æque lucus aut loca sacra aut ædes quibus locis fuerint, mensura comprehendemus, et locorum vocabula inscribimus […] æris inscriptionibus.
  • [118]
    Siculus Flaccus, Th. 127, 14-20 = La. 162, 28 - 163, 4. On a d’ailleurs retrouvé des bornes de ce type à Ostie et Tibur.
  • [119]
    On trouve cette légende explicite sur une montagne de la grande miniature en double page (figure 36), censée représenter une pertica, à l’image de ce que pouvait être une forma.
  • [120]
    Pseudo-Agennius Urbicus, Th 48, 13-15 : rei publicæ.
  • [121]
    Frontin, Th. 9, 13-20 = La. 22, 9 - 23, 6.
  • [122]
    Frontin, La 20. 7 - 21. 6 = Th. 8, 12 - 9. 2 : « les bois que, dans de nombreux endroits, nous savons appartenir, d’après d’anciennes archives, au peuple romain, comme par exemple, non loin d’ici, chez les Sabins, sur le Mont Mutela ».
  • [123]
    Liber Coloniarum, La. 257, 19-22 : potentinus ager in jugeribus et limitibus intercivis est assignatus ubi cultura : ceterum in absoluto remansit. Reliqua in montibus censuerunt.
  • [124]
    Frontin, La. 15, 10-16 = Th. 62, 37 - 63, 5 : silvæ tamen dum essent glandiferæ, ne earum fructus perirent, diuiso monte particulatim datæ sunt proprietas quædam fundis in planis locis et uberibus constitutis, qui paruis fluminibus stringebantur.
  • [125]
    Frontin, La. 2.
  • [126]
    Pseudo-Agennius, La. 79, 13-18 =Th. 39, 8-13 : Et sunt plerumque agri, ut in Campania in Suessano, culti, qui habent in monte Massico plagas silvarum determinatas.Quarum silvarum proprietas ad quos pertinere debeat uindicatur, nam et formæ antiquæ declarant ita esse adsignatum, quoniam solo culto nihil fuit silvestre iunctum quod adsignaretur.
  • [127]
    Le Mont Massique s’élève à 813 m d’altitude, et il était un site économiquement très intéressant, une terre loin d’être « ingrate », car il produisait un vin fameux dans l’Antiquité. Sur les conflits territoriaux entre Suessa et Sinuessa, cf. Vallat, 1981 ; et Chouquer, et alii, 1987.
  • [128]
    Chouquer, 2001, p. 50.
  • [129]
    Dilke, 1961, p. 424 ; Carder, 1976, p. 136 ; Campbell, 2000, p. 344, note 40.
  • [130]
    Hygin, La. 203, 19 - 204, 4 = Th. 166, 15 - 167,1 : Ita fiet ut alii sibi iunctas siluas accipiant, alii in montibus ultra quartum forte uicinum.
  • [131]
    Hygin, De cond.agr., Th. 79, 5 - 80, 13 = La. 116, 5 - 117, 11 : Itaque in formis locorum talis adscriptio, id est « in modum conpascuae », aliquando facta est, et « tantum conpascuæ » ; quæ pertinerent ad proximos quosque possessores, qui ad ea attingunt finibus suis.
  • [132]
    Gonzalès, 2003, p. 22.
  • [133]
    C’est une opposition qu’a étudiée Philippe Leveau : Leveau, 1977 ; et une complémentarité que nous avons discutée et expliquée dans notre thèse de doctorat.
  • [134]
    L’épithète « Gromatique » sert à le différencier d’Hygin tout court, mais elle n’est pas moderne, figurant dans un traité. On l’appelle aussi parfois Pseudo-Hygin. Campbell, 2000, utilise l’appellation « Hygin 2 ». Il y a en tout trois Hygin, ce qui complique les choses ; nous n’utiliserons pas le troisième, nommé Hygin seulement dans le manuscrit Arcerianus, et qu’on appelle aujourd’hui aussi Pseudo-Hygin. Il a écrit à la fin du ier siècle un traité sur l’organisation des camps militaires : De munitionibus castrorum.
  • [135]
    Le terme limites en italique désigne la ligne tracée par l’arpenteur pour séparer des domaines ou des territoires. Les unités dessinées ainsi sont les centuries. Cette définition est donnée par Siculus Flaccus, Th. 118 = La. 153.
  • [136]
    La thèse est discutée, il est même appelé Pseudo-Agennius Urbicus : Chouquer, 1992, p. 9 ; la question est reprise et rediscutée dans Chouquer, 2001, p. 26-27.
  • [137]
    Il porte le nom d’un de ses propriétaires, Joannes Arcerius d’Utrecht et reçoit ce nom dans une édition de 1607.
  • [138]
    La date s’explique par l’intégration d’un Digeste.
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