Notes
-
[1]
Site http://www.indianz.com/IndianGaming/2012/024996.asp. Voir aussi : http://www.rrstar.com/insight/x492301735/Our-View-Take-a-deep-breath-governor-hold-your-nose-and-sign-gambling-bill. Consulté en ligne le 15 décembre 2012.
-
[2]
http://rockrivertimes.com/2012/05/30/keepin’-it-kleen-should-a-casino-come-to-rockford, consulté en ligne le 12 décembre 2012.
-
[3]
Nous avons publié un court article généraliste sur la question des casinos indiens en 2005 sans toutefois aborder la dimension religieuse de cette problématique (Servais O., « Le nouveau sentier de la guerre des Amérindiens Ojibwa », in La Revue Nouvelle, n° 4, 2005, p. 51-55).
-
[4]
Voir par exemple les travaux de Ruth Landes, Ojibwa sociology, New York, Columbia University Press, coll. « Columbia University Contributions to Anthropology, vol. 29 », 1937.
- [5]
-
[6]
Les sites suivant ont été systématiquement dépouillés et analysés : http://www.stcroixcasino.com ; http://500nations.com ; http://www.kbic-nsn.gov ; http://ojibwa.com ; http://www.ojibwacasino.com ; http://www.wisconsinrapidstribune.com ; http://www.beloitdailynews.com ; http://www.miningjournal.net ; http://www.sooeveningnews.com ; http://www.mndaily.com ; http://www.twincities.com ; http://www.startribune.com. On ajoutera les journaux des deux communautés : MakizinMiikana pour Turtle Lake et Wiikwedong Dazhi-Ojibwe pour Baraga.
- [7]
- [8]
-
[9]
On songe particulièrement aux productions des communautés chippewa.
-
[10]
J. D. Nichols and E. Nyholm, A Concise Dictionary of Minnesota Ojibwe, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1995, p. 203.
-
[11]
Ibid., p. 10-14.
-
[12]
Ibid., p. 44 et 210.
-
[13]
Voir notamment : R. Hamayon, Le chamanisme : ou l’art de gagner sa chance grâce à des partenaires imaginaires, École française d’Extrême-Orient, Centre de Pékin, 2007, 17-XII p.
-
[14]
Nicolas Perrot, Mémoire sur les mœurs, coustumes, et relligions des sauvaghes de l’Amérique septentrionale, Montréal, Comeau et Nadeau, 1999-[1864], p. 70-76.
-
[15]
Ibid., p. 70-76.
-
[16]
Ibid.
-
[17]
Ibid., p. 74.
-
[18]
Ibid., p. 75.
-
[19]
G. Copway, The Traditional History and Charactéristic Sketches of the Ojibway Nation, Honolulu, University Press of the Pacific, 2002 [1850], p. 42.
-
[20]
Ibid., p. 48
-
[21]
F. Densmore, Chippewa Customs, Minneapolis, Ross & Haines, [1929]-1970, p. 114-119.
-
[22]
Ibid., p. 115.
-
[23]
I. Hilger, Chippewa Child Life and its cultural Background, St Paul, Minnesota Historical Society Press, 1992 [1951], p. 110-112.
-
[24]
D. Jenness, The Ojibwa Indians of Parry Island, Their Social and Religious Life, Ottawa, coll. « Anthropological Series », n° 17, 1935, p. 84.
-
[25]
Ibid.
-
[26]
Voir J. Pirotte, Refaire la chrétienté outre-mer. Les métamorphoses d’un projet de conquête (xixe - milieu du xxe), in L. Van Ypersele, et A.-D. Marcelis, Rêve de Chrétienté. Réalités du monde, Louvain-La-Neuve, Pul, Paris, Cerf, 2001, p. 371-389 ; O. Servais, « Construction identitaire et faux pas missionnaires. Le cas des Amérindiens Anishinaabek du Canada », Bulletin du Centre Protestant d’Études, Genève, t. 58, n° 8, 2006, p. 7-32.
-
[27]
Les chiffres proviennent de la National Indian Gaming Commission : http://www.nigc.gov/LinkClick.aspx?fileticket=0J7Yk1QNgX0%3d&tabid=943.
- [28]
-
[29]
E. J. Danziger, The Chippewas of Lake Superior, Univ. Of Oklahoma Press, Norman, 1990 [1979], p.183 et suiv.
-
[30]
Par exemple : http://www.ojibwacasino.com/events.aspx ; http://www.casinocity.com/us/mi/baraga/ojibwa/.
- [31]
-
[32]
http://www.stcroixcasino.com. Voir aussi pour la communauté : http://stcciw.stcroixcasino.com/tribalhistory.php. Et aussi : http://www.stcciw.com.
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[33]
La littérature amérindienne regorge d’histoires sombres qui démontrent à foison cette destruction des communautés par le jeu. Voir entre autres : P. Pasquaretta, Gambling and Survival in Native North America, The University of Arizona Press, 2003, p. 139-162.
-
[34]
Une fois de plus la communauté de Turtle Lake et les trois casinos St Croix sont emblématiques de cette expansion économique majeure. A cet égard, le site facebook de la communauté traduit bien tout le dynamisme de cette entreprise florissante : http://fr-fr.facebook.com/pages/St-Croix-Chippewa-Contest-Pow-Wow/216060335079333.
-
[35]
G. Vizenor, Casino coups, in Vizenor G., Manifest Manners : Postindian Waarriors of Survivance, Hanovre, Wesleyan University Press-University Press of England, 1994, p. 138-148. Voir aussi le très bon chapitre sur les traditionalistes et les jeu de hasard : P. Pasquaretta, Gambling and Survival in Native North America, The University of Arizona press, 2003, p. 139-162.
-
[36]
Sur le concept de Big-Man, voir l’article fondateur : M. Sahlins, « Poor Man, Rich Man, Big Man, Chief ; Political Types in Melanesia and Polynesia », Comparative Studies in Society and History, vol. 5, n° 3, p. 285-303.
-
[37]
Pour une analyse fouillée, voir : A. Chavkin, The Chippewa Landscape of Louise Erdrich, University of Alabama Press, Tuscaloosa & London, 1999.
-
[38]
Bingo palace [« The Bingo Palace »], Paris, Robert Laffont, 1996, p. 326.
-
[39]
Cl. Gurtwirth, « Stop Making Sense. Tricksters variations in the Fiction of Louis Erdrich. » In Reesman J.C., Tricksters livres. Culture and myths in american Fiction, University of Georgia Press, 2001, p. 148-167.
-
[40]
http://www.umc.org/site/apps/nlnet/content.aspx?c=lwL4KnN1LtH&b=5066261&ct=6467697, consulté en ligne le 28 novembre 2012.
-
[41]
http://www.presbyterianmission.org/ministries/101/gambling/ et http://minnesota.publicradio.org/display/web/2011/11/02/faq-pull-tabs, consultés en ligne le 28 novembre 2012.
- [42]
-
[43]
Wisconsin Council of Churches Board of Directors Statement-December 2, 1997, voir notamment : http://www.wichurches.org/sitecontent/pdf_files/programs/wcc_policy_statements.pdf, consulté en ligne le 28 novembre 2012.
1Le 5 Juin 2012, le débat sur l’implantation d’un casino anime la petite ville de Rockford, une ville de 150.000 habitants à la frontière de l’Illinois et du Wisconsin. Les habitants poussent à l’implantation d’un établissement indien face à l’arrivée plausible d’un casino imposant à Beloit à 15 miles de là, juste de l’autre côté de la frontière d’État dans le Wisconsin. Le projet est promu par la Ho-Chunk Nation et envisage d’implanter en outre un centre de conférence, des hôtels et des commerces. La Bad River et Sainte-Croix Chippewa Band du nord du Wisconsin avait proposé à l’origine ce projet, mais elle s’est retirée. La nation Ho-Chunk a alors pris le relais et les perspectives se sont améliorées. À cette date, la tribu doit encore obtenir l’approbation du gouvernement fédéral. L’analyse faite à Rockford est qu’il est peu probable que deux casinos puissent cohabiter avec succès si près l’un de l’autre, de sorte que celui qui construira le premier aura la main [1]. Seuls quelques chrétiens évangéliques s’opposent à cette installation et plus généralement aux Indian Casinos, lieux de vices et de dépendances maladives. Mais leurs arguments sont rapidement balayés, étiquetés comme « exagérés », ou déconstruits plus méticuleusement, arguments contre arguments, par les partisans du casino [2].
2Ce cas de Rockford est typique de la dynamique actuelle des établissements amérindiens de jeux de hasard et des tensions, notamment religieuses, qu’ils génèrent. Les positions théoriques et rhétoriques des acteurs en présence sont connues. Les images d’Épinal sont pléthoriques et renvoient presque exclusivement à l’image d’une opposition unilatérale des évangéliques aux jeux de hasard ou d’une caricature d’amérindiens devenus tous businessmen. Pourtant, il semble au contraire qu’une observation plus fine des réalités témoigne de convergences improbables et, surtout, de la complexité des positionnements à l’égard de ces établissements.
3Au final, même si ce terrain est embryonnaire, et s’il est particulièrement difficile à mettre en œuvre, il semble promettre une porte d’entrée riche et novatrice pour comprendre les tensions entre le développement économique amérindien et les convictions religieuses sur la rive Sud du Lac Supérieur [3]. Dans cette optique, deux acteurs importants nous ont semblé devoir être retenus pour l’analyse. Tout d’abord les groupes traditionalistes amérindiens, des mouvements méfiants vis-à-vis de la modernité occidentale et revendiquant un réancrage des communautés dans les spiritualités amérindiennes. On conçoit aisément que de tels collectifs aient pu s’opposer fermement à la dynamique capitaliste que représentent les casinos. Comme second acteur, nous songeons aux Églises évangéliques qui constituent le fer de lance de la lutte contre les jeux de hasard à l’échelle nationale. Au vu des positionnements très rigides des Églises nationales, nous serions étonnés d’une position fort différente à l’échelon local. C’est donc ces deux acteurs que nous avons voulu passer au crible des casinos.
4Dans le présent article, nous tenterons ainsi de répondre à la question suivante : quels sont les positionnements des mouvements évangéliques et des groupes amérindiens traditionalistes sur cette problématique des casinos chippewa au Michigan, Wisconsin et Minnesota ? Et de manière sous-jacente, quels sont les ressorts permettant d’expliquer l’évolution des positionnements des acteurs sur cette question ?
5Pour nous, le cas des Chippewa des États-Unis (sud et ouest du Lac Supérieur) est emblématique de cette situation ambiguë entre traditionalisme de préservation et évangélisme. En effet, parmi les premières nations, les Chippewas assument très tôt, avec quelques autres, la fonction symbolique de « Résistants » à la colonisation blanche. Dans leurs guerres contre les Iroquois (xviie) les Sioux (xviiie), ou les Américains (xixe), ils avaient déjà fait émerger auprès des colons américains une image particulièrement rude d’eux-mêmes. Il est de ce fait logique que, dès les années 1960, ces populations furent pionnières en matières de préservations des droits des Amérindiens. A cette époque, ils fondèrent à cette fin l’American Indian Movement, un des principaux groupes de pression indien aux États-Unis. De nombreuses affaires furent ainsi portées devant les tribunaux, et les Chippewa se bâtirent une solide image de « résistance » autochtone, notamment dans le cadre de la contre-culture américaine. On a ainsi beaucoup essentialisé ces populations, dont aux premiers plans ces groupes de résistants traditionalistes, en les intégrant dans des discours culturalistes [4] et de facto en les épurant. Dans la même veine, leurs opposants, parmi lesquels les Églises évangéliques, ont été représentés de pareille manière. Notre hypothèse de travail est qu’au delà des caricatures de camps homogènes et univocaux, c’est plutôt la complexité et l’ambiguïté qui prévalent concernant les attitudes des autochtones traditionalistes et des pasteurs chrétiens vis-à-vis de la réalité des casinos amérindiens.
6L’objectif premier de cette contribution sera d’examiner la sémantique, la rhétorique et les imaginaires renvoyés par ces deux groupes souvent antagonistes à l’égard des maisons de jeux gérées par les communautés. On s’apercevra certes de leurs profondes divergences, mais on tentera surtout de percevoir les rapprochements paradoxaux qui unissent ces frères ennemis sur une telle problématique.
7Après avoir expliqué synthétiquement notre approche, nous reviendrons dans un premier temps sur les fondements culturels des jeux de hasard chez les Anishinaabeg. Ensuite, nous contextualiserons le phénomène dit du « Nouveau Bison » et son développement récent. Quelques réserves nous permettront d’illustrer empiriquement cette réalité. Sur cette base, nous examinerons les rhétoriques successives sur les casinos des Chippewas traditionalistes et des pasteurs évangéliques. Il s’agira d’analyser essentiellement les sermons, ouvrages littéraires et discours publics des différents protagonistes. Cette confrontation des perspectives nous permettra alors de tirer quelques enseignements en termes d’analyse plus large du phénomène.
8Pour ce faire, nous fondons notre propos sur des sources différentes. En premier lieu nous avons inventorié les établissements chippewa de jeu dans les deux États [5]. Ensuite, sur cette base, nous avons recensé un maximum de discours publics à propos de leurs casinos de 1997 à 2012 : littérature amérindienne, discours politiques, sites web et blog des communautés et des municipalités en jeu et presse locale [6]. Au delà des discours, notre étude vise aussi à mesurer la nature du débat autour de ces énoncés souvent prescriptifs et moralistes. À cette fin, nous avons passés au crible les forums internet des groupes traditionalistes chippewa [7] et les « Frequented Asked Questions » des sites évangéliques ou d’opposants au jeu [8]. Par ailleurs, les documents à diffusion plus large, comme les journaux et certains documents d’archives, nous ont permis de compléter nos informations [9]. Enfin, nous avons dépouillé plus systématiquement les sources liées à deux communautés : Baraga (Michigan) et Turtle Lake (Wisconsin, à quelques minutes du Minnesota). Le choix de ces communautés n’est pas le fruit du hasard. Baraga est une des plus anciennes communautés sédentarisées. On rattache son histoire à la venue des jésuites au xviie siècle. Des éléments majeurs de la culture occidentale y ont ainsi été intégrés de très longue date. Turtle Lake de son côté, déjà évoquée dans le cas de Rockford est devenu une entreprise de casino très dynamique, largement au-delà des murs de la réserve puisque son aire d’action s’étend au Minnesota voisin et jusqu’en Illinois. Les dimensions d’histoire longue, d’une part, et de dynamisme économique, d’autre part, nous semblaient intéressantes à sonder dans cette analyse au statut préliminaire.
9D’un point de vue méthodologique, nous avons procédé en trois étapes. Dans un premier temps, nous avons réalisé un inventaire et un classement des sources en fonction de leur positionnement sur la question des casinos au sein d’une part des mouvements Chippewa traditionalistes et des Églises chrétiennes locales. Sur base de ce classement, nous avons opéré une comparaison entre catégories, permettant notamment d’étudier plus finement les différences et ressemblances entre les rhétoriques et argumentations des protagonistes. Enfin, nous avons procédé à une recontextualisation, notamment par une archéologie linguistique et ethnographique des différents termes renvoyant au jeu chez les Chippewa, et plus largement dans l’ensemble anishinaabe. L’objectif est de mettre en lumière les logiques rhétoriques et les grands positionnements des acteurs spirituels et religieux sur ces jeux de hasard autochtones.
Le jeu traditionnel chez les Anishinaabeg
10Chez les Anishinaabeg, comme dans bien des sociétés humaines, le jeu s’ancre dans une longue tradition culturelle. Cette histoire a d’ailleurs laissé son empreinte dans la langue à travers l’existence de certains mots.
11Sur cette base lexicale, les jeux les plus classiques sont les jeux sportifs, dont le plus courant est Baaga’adowe, le jeu bien connu de Lacrosse [10] Mais la référence au jeu de hasard est aussi d’emblée présente. Ataage signifie littéralement « le jeu de hasard ». On retrouve la même racine dans ataadiwin, à la lettre « jouer aux cartes », et ataadiwag, « le jeu de cartes ». Ataw c’est ainsi « jouer aux cartes avec quelqu’un » [11].
12La chance est aussi évoquée de deux manières. La première se trouve sous la signification « d’avoir assez », « d’être satisfait » avec le terme debizi. On la retrouve associée à la nourriture et au repas avec debise, signifiant « manger assez », « être rassasié », bref avoir suffisamment [12]. La chance en ce sens est ce qui satisfait et donne en quantité raisonnable. Debi s’est donc « satisfaire quelqu’un », « donner quelque chose d’approprié à quelqu’un ». Ce registre de la chance renvoie de la sorte à ce que procurent la chasse, la pêche et la cueillette, ce que permet le travail de l’homme, dont probablement la négociation avec des entités capables de pourvoir cette quantité suffisante. Une autre charge sémantique est la fortune associée au spirituel. Zhawendaagozi veut dire « être béni », « être pieux », « être fortuné ». La fortune est ainsi adjointe à une bénédiction liée à une attitude pieuse, à un don reçu d’entités non humaines qui fournissent la chance. Bref, là où la chance est définie comme suffisance elle est intra-humaine, alors que la fortune comme bénédiction apparaît extrahumaine.
13Cette perspective n’est pas sans rappeler les thèses de Roberte Hamayon sur la chasse de la chance qui conditionne la prise de gibier [13]. C’est dans cette optique une société cynégétique où c’est la chance qu’il faut chasser et c’est alors elle qui livre le gibier. Cette vision s’inscrit à l’opposé d’une société de chasse occidentale où c’est, a contrario, l’habileté du chasseur à attraper sa proie qui est la qualité première. La chance, ou la fortune assument ainsi un rôle clé dans ce type d’univers culturel.
14La littérature ethnographique et historique est moins précise sur ces distinctions linguistiques ou conceptuelles, mais plus descriptives sur la nature des jeux. Nicolas Perrot, un coureur des bois de la fin du xviie siècle, mentionne plusieurs jeux, mais il évoque plus en détail deux jeux de hasard : le jeu des pailles et le jeu de dés. Il signale déjà : « les sauvages perdent au jeu des pailles non seulement tout ce qu’ils ont, mais encore ce qui appartient à leurs camarades ». La question du jeu est donc de l’ordre du débordement : « il faut remarquer qu’après avoir perdu au jeu, ce qu’on a devant soy, on continüe de joüer sur la parole, si on asseure qu’on a des effets quoyqu’ils ne soient pas présents. Mais quand on continüe d’avoir du malheur, le gagnant peut refuser des grains au perdant pour la valeur qu’il luy demande, et l’obliger d’aller quérir des effets sans vouloir jouer davantage qu’il ne le voye, à quoy il n’y a pas de réplique à lui faire. » [14]. Ce gain ou cette perte, il faut absolument la compenser, pour rééquilibrer la chance. Impossible de demeurer en dette de chance, quitte à être relayé par un ami ou un parent. « Le perdant dira sur-le-champ à un de ses camarades de les luy apporter et, si le malheur continue, il perdra tout ce qu’il a. Un de ses camarades le relève ensuitte et prend sa place, déclarant à celuy qui est le gagnant ce qu’il a adessein de risquer au jeu… Ce jeu dure quelquefois des trois ou quatre jours » [15].
15Perrot note qu’un tel jeu dure souvent jusqu’au moment où un des deux camps a tout perdu. Pour les protagonistes, impossible de quitter ce combat ludique et agonistique sans que tout ne soit perdu, d’un côté ou de l’autre. « Il ne peuvent se dispenser de donner la revanche », témoigne Perrot [16].
16Dans ces parties parfois interminables, les attitudes des joueurs sont centrales. Les comportements moraux sont de mise. A ce propos, une distinction tout en nuance a court entre attitudes recommandées et attitudes proscrites. La tricherie, c’est-à-dire le fait d’enfreindre les règles pour gagner, est blâmée alors que l’adresse et la ruse, c’est-à-dire la tromperie en respectant les règles, sont louées [17]. Le joueur rusé reçoit beaucoup de prestiges de ces attitudes qui témoignent de son intelligence. D’ailleurs, ces parties sont tout sauf des rituels privés. La dimension publique, voire collective, y est centrale. Perrot nous rapporte d’ailleurs que le jeu se déroule dans les cabanes des chefs, car elles sont grandes. La capacité à accueillir un large groupe est centrale dans le critère du choix du lieu. On joue en face d’un autre joueur, mais surtout en présence d’un large public qui assiste aux sanctions de la chance.
17La multiplicité de ces jeux de chance est impressionnante. Perrot évoque bien entendu le « jeu de dez » [18], mais il cite aussi un jeu d’os. Six petits os plats, un plat en bois bien rond. Le jeu est aussi pratiqué par les femmes, mais les règles y sont un peu différentes, livre-t-il.
18Copway, un autochtone converti au christianisme, signale lui aussi que les jeux de chance sont particulièrement en vogue parmi les Ojibway [19]. Il décrit le jeu du mocassin, qu’il définit comme « simple », et remarque qu’il peut être joué à 2 ou 3. Trois mocassins sont utilisés pour cacher une bille, le but est de deviner où se trouve la bille. Copway note qu’on mise à ce jeu de nombreux biens : fusils, pièges en fer, habits, etc. « Jusqu’à ne plus rien avoir », dit-il [20].
19Au xxe siècle on retrouve toujours cette pratique sociale. Deux types de jeux étaient pratiqués par les Chippewa pour Densmore [21] : les jeux de chance, incluant les jeux du mocassin, de main, du plat, du serpent et du bâton, et des jeux d’adresse. Dans cette version, le jeu du mocassin consiste à cacher quatre billes sous quatre mocassins, l’une d’entre elle étant marquée. L’un cache la bille sous le mocassin et son opposant doit la retrouver en devinant. On peut le faire aussi sous ses mains à la place des mocassins. D’autres jeux proches existent comme le jeu des mains. Le « jeu de dez » est appelé par Densmore « le jeu du plat » [22]. Ce jeu utilise un plat et des figurines taillées dans des os. Le but du jeu est de retourner le plat avec les figurines en son sein et alors de garder un maximum de ces statuettes en position debout. Selon la figurine encore d’aplomb, des points différents sont attribués. Les autres jeux cités par Densmore sont apparentés.
20Hilger, une religieuse bénédictine et anthropologue, témoigne qu’elle a observé le jeu du mocassin, ma’kisinatadiwin, joué par les hommes et les jeunes garçons dans deux de ces terrains [23]. Elle nous informe qu’en 1939, au lac Vermillon, un ancien de 80 ans apprenait le jeu du mocassin à des enfants âgés de 7 à 11 ans.
21À lister tous ces exemples, il est assez évident que les jeux de hasard, par leur multiplicité et leur présence sur toute l’aire anishinaabe, constituaient un élément culturel caractéristique des Chippewas. Ceux-ci étaient des joueurs et, au delà du sport, les jeux de fortune s’y manifestaient sous de multiples formes et généraient une réelle effervescence communautaire.
22Une panoplie de recettes pour attirer la chance ou la bonne fortune existait d’ailleurs. Jenness, côté canadien, nous rapporte une pratique régulière en ce sens, le port d’une patte droite d’un lapin [24]. Dans la même veine, une pierre, obtenue seulement auprès d’un shaman spécifique, le tchissaki, donne la prospérité [25]. L’auteur précise que « si vous la gardez dans votre maison un été, vous deviendrez riche ». En outre, aucun mauvais esprit ou chaman ne peut dès lors vous agresser. Protection personnelle et chance au jeu vont de pairs. La queue d’un michipichi, le fameux lynx sous-marin, entraîne des faveurs similaires mais de manière amplifiée. Elle calme les ennemis, encourage la bonne volonté et apporte bonne fortune et prospérité.
23C’est au xixe siècle, avec des missionnaires catholiques ultramontains et les missions méthodistes et baptistes, qu’un jugement « moraliste » sévère va imposer un sérieux frein à la pratique régulière de ces jeux [26]. Cette dynamique répressive manifeste une méfiance vis-à-vis du monde moderne, par une discipline morale de répression et surtout par une condamnation de la danse et de toute attitude qualifiée d’occasion de pécher. Dans ce cadre, les jeux sont contrôlés de manière bien plus stricte. Cette période clôt, officiellement, les pratiques de jeux de hasards non contrôlés. Toutefois, comme nous le démontrent Densmore, Diamond ou Hilger, une partie de ces populations anishinaabes, sédentaires ou nomades au moins partiellement, est réfractaire à ces politiques de réprimande. Et comme le contrôle des activités de jeu en dehors des points de mission ou dans la réserve sous souveraineté amérindienne est difficile, celles-ci perdurent. La pratique demeure donc probablement, mais dans un cadre plus limité.
Le phénomène du Nouveau Bison
24La montée en puissance d’affirmation indigéniste revendiquant un retour aux traditions va marquer une rupture dans cette limitation des jeux. La forme actuelle des jeux de hasard remonte, dans la plupart des communautés chippewa, au début des années 1970. Comme dans bien des endroits aux États-Unis, c’est le Bingo qui semble avoir été le premier jeu publiquement promu dans les communautés amérindiennes. Cette situation n’est pas étonnante, puisque ce jeu fut le plus toléré par les institutions chrétiennes. Celles-ci organisaient même des bingos et des loteries caritatives pour financer certaines de leurs œuvres. S’opposer à ce type de pratiques devenait ainsi de facto plus difficile pour les différentes confessions chrétiennes promotrices et bénéficiaires de ce type d’activités.
25Mais depuis une vingtaine d’années le jeu de hasard amérindien, sous toutes ses formes, subit une véritable accélération suite à la nouvelle législation fédérale : l’Indian Gaming Regulatory Act (Igra). Le 17 octobre 1988, le gouvernement américain décrète la légalisation des jeux de hasard en territoires indiens, autorisant de ce fait les nations indiennes reconnues par le pouvoir fédéral à développer des jeux de hasard sur leur terre.
26Cette législation était une réponse à deux décisions de la Cour d’État (Seminole, 1979 et Cabazon, 1987) qui avait affirmé le droit des communautés amérindiennes à organiser ces jeux en dehors des limitations et des règlements imposés à de telles activités par la loi des États. L’apparition de l’Igra a entraîné une expansion phénoménale des jeux amérindiens à travers tous les États-Unis, bien au-delà de ce qu’imaginaient ses promoteurs. Ainsi, alors qu’en 1988 il y avait seulement environ 70 établissements tribaux de petites tailles, leur nombre a grimpé jusqu’à atteindre environ 460 en 2011 [27]. Et certains d’entre eux s’avèrent de véritables casinos géants, hautement profitables. Aujourd’hui, 240 groupes, soit environ 42 % des 562 tribus indiennes reconnues par le niveau fédéral aux États-Unis, détiennent un ou plusieurs équipements de jeu (la moyenne est à peine inférieure à deux établissements par communauté).
27Cette expansion s’observe également dans la croissance considérable des revenus des jeux de hasard pour les communautés. D’environ 212 millions de dollars en 1988, on est passé à presque 13 milliards de dollars en 2001, 24,9 en 2006 et 27,2 en 2011 [28]. En outre, comme ces entreprises ne sont pas considérées comme des jeux commerciaux privés mais des établissements tribaux (donc publics), elles ne sont pas sujettes à imposition. Dès lors, même pour des communautés isolées, dans des zones éloignées, les casinos constituent très souvent la source de revenus principale pour le budget tribal. Par conséquent, le jeu d’argent est présenté aujourd’hui par beaucoup de communautés autochtones comme le symbole de l’avenir, après des décennies, ou même des siècles, de pauvreté et de perspectives économiques sombres. Ceci permet de comprendre pourquoi on le désigne métaphoriquement aujourd’hui chez les Amérindiens des plaines comme le « nouveau bison ».
28La situation économique et sociale qui a précédé à cette expansion mérite un court rappel. Dans les années 1960 et 1970, les communautés se caractérisaient très majoritairement par une économie en stagnation, notamment par manque de capitaux, avec entre 20 et 70 % de chômage selon les lieux, et des salaires ridiculement bas. Avant les casinos, seuls quelques centres récréatifs ou artistiques existaient dans certaines communautés. La situation sociale reflétait aussi ces réalités économiques difficiles : troubles familiaux à cause de l’alcool (en 1974 par exemple, 67 % chez les Amérindiens contre 14 % en moyenne pour tout le Minnesota) ; troubles à l’ordre public (50 % chez les Amérindiens contre 10 % pour tout le Minnesota) ; abandons scolaires (en 1961, 64 % d’abandon et 1973 plus que 9,5 %) [29].
29L’arrivée des établissements de jeu change radicalement la donne. Chez les Chippewa, le nombre de ce type d’établissements a littéralement explosé. On ne compte plus les sites de jeu dans les réserves, dont les façades virtuelles ont fortement accru la présence sur la toile [30].
30Le casino de la communauté de Baraga, créé par la Keweenaw Bay Indian Community [31], 3 200 indiens inscrits, est particulièrement caractéristique de cette folie du jeu. Le casino est ouvert 24h/24. C’est un établissement de 2 000 mètres carré avec 400 machines à sous et 12 tables de jeu. L’établissement comprend trois hôtels et deux restaurants. La communauté possède un second établissement en dehors de la réserve à environ 80 kilomètres. Elle anime deux radios : Eagle County & The Rockin’ Eagle. Dans cet environnement nouveau, le conseil tribal devient parfois le véritable conseil d’Administration d’une entreprise diversifiée et hautement profitable. Pourtant la communauté est située à l’écart des grands axes, loin des centres urbains, sur les rives sud du lac Supérieur, une région assez isolée et au tissu économique fragile.
31Un autre cas est emblématique, celui de Turtle Lake dans le Wisconsin. La communauté des Chippewa de St Croix possède trois Casinos dénommés « St Croix » : Turtle Lake, Dan Bery et Hertel Express [32] alors qu’elle est pourtant située à plus d’une centaine de kilomètres de Minneapolis en zone rurale. Et l’éloignement n’est pas un frein à son activité et à son développement. Les établissements St Croix sont ouverts également 24h/24, occupent un espace de plus de 8 800 m2. On y trouve pas moins de 1 100 machines à sous, 35 tables de jeu (roulettes, craps, etc.), une salle de poker avec 12 tables. Mais ce petit empire ne s’arrête pas aux activités ludiques : restaurants, et même un hôtel de 153 chambres et 8 suites. Un véritable petit paradis pour joueurs où l’on peut se divertir, dépenser son argent, manger et dormir. Les activités liées au jeu emploient environ 1 000 personnes à Turtle Lake, et plusieurs centaines pour les autres établissements. Elle se revendique ouvertement comme un des principaux employeurs du Nord Wisconsin.
32Cette véritable industrie nouvelle, où le joueur a remplacé le gibier, a un impact majeur sur les activités de la communauté Chippewa. À Turtle Lake, le casino St Croix sponsorise aujourd’hui la compétition annuelle de Pow-Wow qui se déroule dans l’amphithéâtre local, la Ma’koode Arena. Les danseurs et joueurs de tambours viennent de tout le Middle West pour s’affronter dans l’espoir de gagner les centaines de dollars mis en jeu. Cet événement se tient durant le dernier week-end de juin avec une parade, la « Grand Entry », le vendredi en fin de journée, puis les compétitions s’enchainent les deux jours suivants. De multiples autres activités culturelles ou commerciales sont organisées lors de ces trois jours.
33Le jeu d’argent constitue ainsi, au-delà d’un revenu important, une véritable promesse d’avenir pour bon nombre de ces groupes autochtones. Le passage par ce capitalisme financier de grande ampleur a accru les moyens de ces communautés après des décennies de pauvreté. Il a paradoxalement aussi permis de remettre en avant les dynamiques traditionnelles, sous de nouveaux habits.
34Au regard de cette mutation majeure de la vie socio-économique de ces communautés amérindiennes, on est en droit de s’interroger sur les réactions des principaux groupes convictionnels, traditionalistes amérindiens et protestants évangéliques.
Le Jeu et les traditionalistes
35Les traditionalistes auraient au moins deux raisons de se réjouir du « nouveau bison ». D’une part, ce phénomène des casinos reconnecte l’économie indienne à des logiques anciennes propres à la culture anishinaabe. On l’a vu auparavant, les jeux de hasard occupaient une place importante dans la socialité de ces sociétés amérindiennes. Ces jeux participaient d’un système de gestion de l’aléatoire, au cœur des logiques chamaniques. Dans cette optique, il est évident que ce type de pratiques pouvait constituer un compromis avec l’économie « blanche », permettant de protéger certains éléments jugés fondamentaux de leur culture ancestrale. En outre, ses jeux ayant longtemps été l’objet d’une désapprobation, voire d’une interdiction, de la part des autorités civiles ou religieuses, ils peuvent constituer des outils de résistance, symboliquement performants.
36Toutefois ce capitalisme financier, et le basculement économique qu’il promeut, pourraient aussi susciter de la méfiance. On songe à la gestion difficile d’une richesse, soudain abondante. Tout est loin d’être rose et, dans certaines réserves, des groupes spécifiques s’accaparent la rente de cette manne improbable [33]. En outre, les « bandes » les plus favorisées et possédant les établissements les plus importants subissent une transformation de leur conseil. Les enjeux économiques y ont une place de plus en plus importante et risquent parfois de submerger les autres dimensions de la communauté [34]. Cette situation ambivalente est caractéristique du positionnement des tendances favorables à une valorisation ou à un redéploiement des traditions spirituelles amérindiennes chez les Chippewa américains.
37Au moment de l’Igra ces groupes amérindiens traditionalistes se sont montrés hostiles à l’implantation de tels établissements dans les réserves. Gérald Vizenor, un des auteurs majeurs du monde chippewa, est emblématique de cette position :
« Anishinaabe singers are the heirs of a rich tradition of chance and games, the mocassin games…There are no traditional songs to tease the electronic machines ; the coins are the sounds of technology, the possession of time and place without music » [35].
39Les arguments évoqués par ces défenseurs de l’identité anishinaabe se sont plus ou moins structurés en quatre ensembles :
- Le jeu peut miner les valeurs culturelles et spirituelles de la communauté.
- La crainte de la dépendance et de la méfiance vis-à-vis de leurs gouvernements tribaux respectifs (cas de détournement, de fraude et de corruption opérés par des membres de gouvernements autochtones).
- L’inquiétude de voir émerger des Bingo Chief, c’est-à-dire de la naissance d’une inégalité socio-économique au sein des communautés et l’apparition de chefs de rente. Une version amérindienne du Big-Man [36] en quelque sorte.
- L’accroissement des violences dans les réserves et la jalousie intertribale.
40Au-delà, plusieurs leaders autochtones ont exprimé les craintes d’une souveraineté rabaissée : la souveraineté a été limitée par le gouvernement américain et « Les casinos ne représentent en rien la mesure de la souveraineté tribale ». Au départ donc, on peut clairement affirmer que c’est à une opposition franche contre le jeu des Blancs que se trouve confronté Igra.
41Toujours est-il que la libéralisation des jeux est mise en œuvre et que nombre de communautés utilisent cette opportunité. L’argent gagné de la sorte, dans des établissements publics, reste du ressort de la collectivité. La plupart des gouvernements tribaux ont utilisé ces revenus nouveaux pour mettre en œuvre un certain nombre de mesures sociales et économiques. On a construit des écoles, des hôpitaux, des centres communautaires, des musées, des centres de soin de jour pour les aînés, et un ensemble d’autres investissements d’infrastructure dans les réserves. Outre les gains financiers, l’établissement de jeu a permis une régression massive du chômage et subséquemment de la pauvreté.
42Mais cet essor capitaliste a surtout accru l’autonomie des communautés et a paradoxalement renforcé directement et ouvertement le développement des mouvements traditionalistes. Ce renforcement ne s’est pas produit par opposition au casino, mais par un soutien direct des casinos au profit de ces groupements. C’est donc une politique de subventionnement direct qui a infléchi l’opposition. De fait, bien des « bandes » ont pu investir une partie des sommes gagnées dans des projets culturels ou spirituels, par exemple la conservation ou la revitalisation de leurs langues maternelles, dans des programmes spéciaux, des éco-musées, des stages, etc… Ces créations culturelles ont contribué pour leur part à accroître l’attrait de la réserve et dès lors à attirer de nouveaux clients pour les casinos. À l’opposé d’un affaiblissement mutuel, traditionalisme et économie des casinos se renforcent donc conjointement.
43Il va de soi toutefois que ces bouleversements récents ne sont pas sans poser des problèmes. De fait, au-delà du pragmatisme amérindien que révèle cette gestion du jeu, l’émergence d’un tel phénomène a créé de nouveaux conflits. Plusieurs communautés ont écarté cette pratique comme moyens de développement économique et d’autonomisation tribale en raison des antagonismes qu’elle génère.
Confrontations
44Ces confrontations semblent avoir surgi à plusieurs niveaux. Tout d’abord, la situation a parfois semblé tourner à l’affrontement entre communautés chez les Chippewa du Wisconsin et du Michigan. Les réserves situées à proximité des grandes agglomérations étaient accusées de détourner la clientèle des premiers casinos souvent plus éloignés. Et inversement, les casinos lointains surenchérissaient d’innovation pour maintenir leurs revenus (week-end spéciaux, sites internet de jeu, etc.). Les relations tendues avec les populations blanches alentours constituent le deuxième impact net de l’arrivée des casinos amérindiens. Augmentation du trafic, attitudes de dépendances au jeu, accroissement de l’insécurité sont les principales lignes de fractures entre ces groupes. On ajoutera à ce tableau relativement noir la montée en puissance de conflits quand les populations amérindiennes ont commencé à utiliser les revenus du jeu pour agrandir leur base territoriale. Ce rachat par les autochtones de territoires « blancs » constitue la première inversion symbolique des rapports de force entre communautés autochtones et euro-américaines. Pour contrer ces difficultés, une partie des communautés autochtones ont tenté d’améliorer leurs relations de voisinage. Une fois encore, c’est l’argent des casinos qui va permettre de réhabiliter l’Indien. Concrètement, les communautés financent des infrastructures locales, participent à des programmes de répression du crime ou de la dépendance au jeu, font des dons aux organismes charitables locaux, voire même couvrent les déficits fiscaux qu’entraînent leur rachat de terres.
45Cette avancée significative et un peu paradoxale de la cause indigéniste et traditionaliste grâce à l’économie-casino n’enlève rien à l’ambivalence, voire à la gêne profonde que la présence de tels établissements engendre chez bien des intellectuels anishinaabe. Louise Erdrich, la romancière bien connue et auteure pour enfants, a écrit abondamment sur des figures chippewa du « Native American Renaissance ». Et elle y décrit en profondeur la réalité des casinos amérindiens. Dans The Bingo Palace, Erdrich analyse les effets positifs et négatifs du casino indien établi dans une communauté chippewa [37].
« […] Gambling fit into the old traditions, chance was kind of an old time thing… Money was the key to assimilating. So Indians were taught. Why not make a money business out of money itself […] » [38].
47Ce passage du roman renvoie implicitement à cette ambiguïté fondamentale décrite comme une ruse de l’argent pour piéger les Indiens. Dans cette perspective, une dimension traditionnelle du jeu de hasard est clairement reconnue. Gurtwirth a souligné combien, dans ce cas, la figure du Trickster, Nanabozho, le héros culturel chippewa, pouvait être associée aux jeux de hasard. Métaphoriquement, les casinos sont donc, en quelque sorte, totalement traditionnels [39]. Toutefois, ils sont aussi la marque du colonisateur et de son système capitaliste au cœur même de la communauté. Impossible de laisser en l’état cette cicatrice en sol amérindien. Dès lors, le compromis permettant l’acceptation de telles institutions exogènes va progressivement consister à indianiser les casinos.
48On va pour ce faire indianiser les infrastructures et le personnel, développer le programme spirituel en lien avec les activités ludiques. La théologie néo-traditionnelle va procéder à une reconstruction de l’histoire, et les jeux historiques vont être remis en avant. Le concept de Mà’kisin ata’diwin devient un slogan qui ancre l’activité de jeu contemporaine dans une longue histoire autochtone. L’analogie entre Games (gibier/jeux) et Gaming (jouer/chasser) sera abondamment mobilisée sous les vocables : ata’diwin et matchi’ ata’diwin.
49Les symboles visibles seront aussi réfléchis en ce sens. À Turtle Lake, le logo du casino met en avant l’inévitable tortue (animal chamanique par excellence) et une roue rouge en arrière-fond renvoyant à la fois à la roue de roulette tout autant qu’au cercle de vie amérindien. Le marketing se mâtine de référents spirituels, mais joue abondamment de l’ambiguïté des référents symboliques. En permanence on doit pouvoir lire une symbolique occidentale, mais aussi, et tout autant, une symbolique amérindienne. Dans le cas de « St croix » se surajoute ce référent chrétien qui achève de permettre à chacun d’y retrouver son ancrage.
50D’autres symboles anishinaabes (île, cercle, lapin, sac médecine) apparaissent aussi de plus en plus dans d’autres établissements. Mais l’adaptation culturelle ne s’arrête pas aux symboles pictographiques. Le cercle est généralisé dans les formes de certains bâtiments ou dans leurs aménagements. Bref, le renforcement matériel et imagé des traditions que permet l’économie-casino a globalement entraîné une acceptation du jeu moyennant une coloration Chippewa, voire un lissage symbolique généralisé.
Jeu, Diable, et évangéliques
51Si le lien entre la tradition spirituelle amérindienne et les jeux de hasard est relativement facile à établir, il en va tout différemment pour les relations entre le christianisme et ces mêmes activités. Les jeux de hasard et les missionnaires chrétiens entretiennent une vieille inimitié historique. C’est dès xixème siècle avec les mouvements de réveils protestants et d’ultramontanisme catholique que les jeux d’argent vont tomber dans le domaine des vices et du diable. Soulignons quelques acteurs actuels et identifions le cœur de leurs arguments et de leurs stratégies.
52Parmi les plus actifs dans la région, la United Methodist Church est sans ambiguïté sur cette problématique : « Gambling is a menace to society, deadly to the best interests of moral, social, economic and spiritual life, and destructive of good governement » [40]. L’Église presbytérienne elle aussi témoigne d’une opposition importante à ces pratiques [41]. Enfin, Bethlehem Baptist Church in Minneapolis est probablement l’Église la plus en pointe sur ces questions. Le Pasteur John Piper, écrit encore en 2005 une lettre ouverte au Governeur Tim Pawlenty « regarding Pawlenty’s new support for the expansion of statewide gambling. » Il y affirme notamment :
« […] you are willing to promote an industry that destroys many lives, and then take some of income and try to do remedial work with the human wreckage. You are a Christian. I rejoice in that. I am not suggesting any naïve attempt to “legislate your morality.” I am suggesting that the Bible informs our vision of what is good for people, and our daily lives confirm the wisdom of God (not that he needs it). That is surely the case with gambling. Evidence abounds that gambling damages the fabric of the community—especially the Native community. [42] »
54Les modes d’action privilégiés varient selon l’intensité des discours avancés plus haut. Pour les plus intransigeants, il s’agira de convaincre les pasteurs influents de persuader par ce moyen les pasteurs indiens et, parallèlement, de diffuser des publipostages de masse sur les conséquences du jeu, en lien avec des mobilisations et des lettres officielles. Les plus libéraux, catholiques et luthériens, s’en tiendront à des lettres officielles et des activités pastorales à visée préventive. En tout état de cause, peu d’Églises choisissent la rupture unilatérale avec la Communauté chippewa détentrice du casino.
55Du point de vue intra-tribal, la question centrale a souvent été de savoir si le jeu représente une solution utile et raisonnable aux problèmes sociaux et économiques de toute la communauté. Alors que les partisans soulignent les avantages matériels potentiels d’un casino, les adversaires, dont aux premiers plans les chrétiens les plus fervents, arguent du fait que le jeu peut miner les valeurs culturelles et religieuses de la communauté. De manière sous-jacente d’autres arguments sont avancés comme l’évocation d’une crainte de la dépendance et de la méfiance vis-à-vis de leurs gouvernements tribaux respectifs. Et de fait, ce dernier élément est caractéristique de la situation amérindienne aux États-Unis. La méfiance de beaucoup d’autochtones envers leurs propres gouvernements tribaux est répandue. Pour les affaires de jeu, on peut mentionner à cet égard de nombreux cas de détournement, de fraude et de corruption opérés par des membres de gouvernements autochtones.
56Mais c’est le point de vue extra-tribal qui affiche la plus grande visibilité. En effet, l’opposition prend ici souvent la forme de coalition de grande ampleur, souvent à l’échelle d’un État et parfois au niveau national. La plus connue est sans aucun doute la National Coalition Against Gambling Expansion (Ncage) qui fédère des confessions aussi différentes que les Assemblées de Dieu (pentecôtistes), les luthériens évangéliques ou les baptistes, toutes principalement de mouvance évangélique. Ce type de coalition prend aussi une forme à l’échelle d’un État ou de plusieurs. Ainsi, Vernon Bergstrom du Minnesota, est le fondateur et président du Board of Minnesotans Against Gambling. Ces lobbys, de par leur nature fédératrice et leur action ultra-médiatique, pèsent sur les tenanciers autochtones d’établissement de jeu, notamment certaines communautés voisines du Wisconsin.
57Au Wisconsin, Scott Anderson, directeur exécutif du Wisconsin Council of Churches, combat les jeux de hasard, et particulièrement tout soutien à une aide gouvernemental à ce secteur d’activités. Dès 1997, ce Conseil déclarait son opposition stricte : « The Wisconsin Council of Churches is unalterably opposed to any governmental sponsoring of organized gambling in any form, whether by Federal, State, Tribal or County governments. Organized gambling is a burden to society » [43].
58Mais, il nuançait d’emblée :
« At the same time, the Wisconsin Council of Churches totally supports the principle of Tribal Sovereignty. The government of the State of Wisconsin has no right to interfere in the internal decisions of tribal governments, any more than it does in the decisions of other States. The State does have an obligation to cooperate with tribal governments in order to address the issues which compel those governments to look to gambling to provide an economic base for their citizens. »
60Anderson manifeste donc une opposition aux établissements de jeu certes, mais sans pour autant désirer une action qui contreviendrait à l’autonomie des communautés amérindiennes. Il va plus loin même en affichant son total soutien à la souveraineté des tribus amérindiennes. Dans cette région des États-Unis, les luthériens, d’origine allemande, sont particulièrement implantés, et le Wisconsin Evangelical Lutheran Synod pèse particulièrement lourd. Créé en 1850 par trois pasteurs allemands à Milwaukee, il rassemble aujourd’hui plus de 1 200 congrégations en Amérique du nord et revendique plus de 400.000 baptisés et 1 000 pasteurs. Sur les réponses préétablies de leur Faq, on trouvait en 2008 l’extrait suivant :
« […] Scripture does not explicitly deal with gambling or working in positions related to that industry. But the Bible does warn against greed and trying to benefit at the expense of others, and in gambling there cannot be winners without losers. In participating in organized gambling, Christians have to also consider the effect it has on society and especially on the weak and those who fall victim to it. A Christian will always be alert to attitudes of greed or a get-something-for-nothing spirit that are so prevalent in such an environment. Loving our neighbor as ourselves will put us on guard against contributing to or endorsing things that do damage. »
62Ce passage reconnaît que la Bible ne dit rien des jeux de hasard, mais ancre un positionnement moral dans les conséquences du jeu sur différentes catégories de personnes. Et par ce biais il pousse à une inquiétude sans pour autant s’opposer absolument. C’est avant tout une question de conscience qu’il revendique. Mais il précise immédiatement que :
« On the other hand, one consistent testimony of Christians who do work at casinos is this : “You will see that my customers are here to play, not to gamble. They are having a good time. They are not miserable. My customers know the price they are paying for the play they are getting and accept that price, just as they would for the price of any other recreation or entertainment”. »
64Cette mise en avant d’un cas de terrain est révélatrice car elle met en avant l’expertise des professionnels du jeu reconnus comme des chrétiens authentiques. Les luthériens évangéliques se refusent ainsi à juger de manière absolue le jeu et invite à une réflexion morale en contexte. Ce faisant, ils adoptent une position relativement progressiste sur cette problématique. Ils utilisent d’ailleurs abondamment l’ouvrage de Tuttle, professeur de droit à l’Université jésuite de Georgetown, Gambling: A Study for Congregations. Dans cette même veine d’ouverture et de nuance se positionnent également une large part des catholiques, autre grand courant chrétien présent dans les Communautés chippewa. Leur position est très proche de la précédente : « Games of Chance… are not in themselves contrary to Justice. They become morally unacceptable when they deprive someone of what is necessay to provide for is needs and those of others. »
65Luthériens évangéliques et catholiques se positionnent sur une même ligne, dans une relative nuance, pour ne pas dire une ambiguïté. Elle consiste à condamner les abus et dérives des jeux, tout en revendiquant une préservation de l’autonomie des communautés indiennes en faisant confiance aux chrétiens authentiques en leur sein, notamment le personnel des établissements.
Conclusion
66Tout au long de ces pages, nos discussions nous ont amené à percevoir l’ancrage historique des jeux de hasard dans la culture anishinaabe. Cette perspective de longue durée témoigne aussi de l’articulation symbolique originale qui peut être bricolée aujourd’hui entre des établissements à rendement capitalistique élevé et cette tradition du jeu. Par ce moyen on répond à deux questions pendantes : Pourquoi cette explosion des établissements de jeu dans les réserves ? Et comment les mouvements traditionalistes ont-ils pu accepter cette invasion ?
67On l’aura compris, ce compromis symbolique est l’œuvre d’un habile bricolage qui permet aux mouvements traditionalistes d’articuler cognitivement, mais aussi politiquement « jeu » et « culture ancestrale ». Selon ces tenants, la chance économique nouvelle provient d’un retour aux sources de la tradition anishinaabe. C’est tout sauf une rupture d’avec les ancêtres. Par le jeu, on renoue avec un pan de son passé.
68Du côté, des mouvements chrétiens, la Bible est invoquée pour relativiser un message à l’encontre des jeux. Et c’est la morale chrétienne qui est convoquée pour dénoncer les vices et abus liés aux jeux. Même dans les cas les plus virulent, on agit avec une certaine précaution oratoire, particulièrement vis-à-vis des activités des réserves. Et pour les grandes dénominations chrétiennes, catholiques et luthériens, on renvoie la prise en charge des problèmes aux chrétiens autochtones ou employés du jeu tout en soulignant le respect de l’autonomie des communautés autochtones.
69À la lecture de ces deux synthèses des positionnements, on est surpris de constater qu’elles partagent en bien des aspects une attitude similaire de pragmatisme. On peut la résumer par trois axiomes communs :
- Le Gouvernement ne peut pas promouvoir les jeux de hasard… Mais il ne peut pas les priver de subventions.
- Il faut mettre en garde contre les dangers du jeu, mais ne pas se battre contre tous les types de jeux.
- Il faut respecter la souveraineté des communautés chippewas et celles-ci doivent contribuer au développement socio-économique de leur région.
70Sur la base de ce compromis, et à l’exception des groupes les plus extrémistes, on constate, au delà des joutes médiatiques ou oratoires un relatif accord sur la vertu de cette nouvelle pratique de chasse qui permet de nourrir, bien au-delà des familles amérindiennes. Depuis 2008, la crise économique a accéléré ce processus de développement, tout en stigmatisant aussi les oppositions… Le nouveau bison semble s’être installé pour longtemps dans ces nouveaux pâturages financiers.
Bibliographie
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- Servais Olivier, Des jésuites chez les Amérindiens ojibwas, Paris, Karthala, 2005.
- Thompson, William N., Casinos and crime in Wisconsin : What’s the connection ?, Wisconsin Policy Research Institute report, 1996.
Notes
-
[1]
Site http://www.indianz.com/IndianGaming/2012/024996.asp. Voir aussi : http://www.rrstar.com/insight/x492301735/Our-View-Take-a-deep-breath-governor-hold-your-nose-and-sign-gambling-bill. Consulté en ligne le 15 décembre 2012.
-
[2]
http://rockrivertimes.com/2012/05/30/keepin’-it-kleen-should-a-casino-come-to-rockford, consulté en ligne le 12 décembre 2012.
-
[3]
Nous avons publié un court article généraliste sur la question des casinos indiens en 2005 sans toutefois aborder la dimension religieuse de cette problématique (Servais O., « Le nouveau sentier de la guerre des Amérindiens Ojibwa », in La Revue Nouvelle, n° 4, 2005, p. 51-55).
-
[4]
Voir par exemple les travaux de Ruth Landes, Ojibwa sociology, New York, Columbia University Press, coll. « Columbia University Contributions to Anthropology, vol. 29 », 1937.
- [5]
-
[6]
Les sites suivant ont été systématiquement dépouillés et analysés : http://www.stcroixcasino.com ; http://500nations.com ; http://www.kbic-nsn.gov ; http://ojibwa.com ; http://www.ojibwacasino.com ; http://www.wisconsinrapidstribune.com ; http://www.beloitdailynews.com ; http://www.miningjournal.net ; http://www.sooeveningnews.com ; http://www.mndaily.com ; http://www.twincities.com ; http://www.startribune.com. On ajoutera les journaux des deux communautés : MakizinMiikana pour Turtle Lake et Wiikwedong Dazhi-Ojibwe pour Baraga.
- [7]
- [8]
-
[9]
On songe particulièrement aux productions des communautés chippewa.
-
[10]
J. D. Nichols and E. Nyholm, A Concise Dictionary of Minnesota Ojibwe, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1995, p. 203.
-
[11]
Ibid., p. 10-14.
-
[12]
Ibid., p. 44 et 210.
-
[13]
Voir notamment : R. Hamayon, Le chamanisme : ou l’art de gagner sa chance grâce à des partenaires imaginaires, École française d’Extrême-Orient, Centre de Pékin, 2007, 17-XII p.
-
[14]
Nicolas Perrot, Mémoire sur les mœurs, coustumes, et relligions des sauvaghes de l’Amérique septentrionale, Montréal, Comeau et Nadeau, 1999-[1864], p. 70-76.
-
[15]
Ibid., p. 70-76.
-
[16]
Ibid.
-
[17]
Ibid., p. 74.
-
[18]
Ibid., p. 75.
-
[19]
G. Copway, The Traditional History and Charactéristic Sketches of the Ojibway Nation, Honolulu, University Press of the Pacific, 2002 [1850], p. 42.
-
[20]
Ibid., p. 48
-
[21]
F. Densmore, Chippewa Customs, Minneapolis, Ross & Haines, [1929]-1970, p. 114-119.
-
[22]
Ibid., p. 115.
-
[23]
I. Hilger, Chippewa Child Life and its cultural Background, St Paul, Minnesota Historical Society Press, 1992 [1951], p. 110-112.
-
[24]
D. Jenness, The Ojibwa Indians of Parry Island, Their Social and Religious Life, Ottawa, coll. « Anthropological Series », n° 17, 1935, p. 84.
-
[25]
Ibid.
-
[26]
Voir J. Pirotte, Refaire la chrétienté outre-mer. Les métamorphoses d’un projet de conquête (xixe - milieu du xxe), in L. Van Ypersele, et A.-D. Marcelis, Rêve de Chrétienté. Réalités du monde, Louvain-La-Neuve, Pul, Paris, Cerf, 2001, p. 371-389 ; O. Servais, « Construction identitaire et faux pas missionnaires. Le cas des Amérindiens Anishinaabek du Canada », Bulletin du Centre Protestant d’Études, Genève, t. 58, n° 8, 2006, p. 7-32.
-
[27]
Les chiffres proviennent de la National Indian Gaming Commission : http://www.nigc.gov/LinkClick.aspx?fileticket=0J7Yk1QNgX0%3d&tabid=943.
- [28]
-
[29]
E. J. Danziger, The Chippewas of Lake Superior, Univ. Of Oklahoma Press, Norman, 1990 [1979], p.183 et suiv.
-
[30]
Par exemple : http://www.ojibwacasino.com/events.aspx ; http://www.casinocity.com/us/mi/baraga/ojibwa/.
- [31]
-
[32]
http://www.stcroixcasino.com. Voir aussi pour la communauté : http://stcciw.stcroixcasino.com/tribalhistory.php. Et aussi : http://www.stcciw.com.
-
[33]
La littérature amérindienne regorge d’histoires sombres qui démontrent à foison cette destruction des communautés par le jeu. Voir entre autres : P. Pasquaretta, Gambling and Survival in Native North America, The University of Arizona Press, 2003, p. 139-162.
-
[34]
Une fois de plus la communauté de Turtle Lake et les trois casinos St Croix sont emblématiques de cette expansion économique majeure. A cet égard, le site facebook de la communauté traduit bien tout le dynamisme de cette entreprise florissante : http://fr-fr.facebook.com/pages/St-Croix-Chippewa-Contest-Pow-Wow/216060335079333.
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[35]
G. Vizenor, Casino coups, in Vizenor G., Manifest Manners : Postindian Waarriors of Survivance, Hanovre, Wesleyan University Press-University Press of England, 1994, p. 138-148. Voir aussi le très bon chapitre sur les traditionalistes et les jeu de hasard : P. Pasquaretta, Gambling and Survival in Native North America, The University of Arizona press, 2003, p. 139-162.
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[36]
Sur le concept de Big-Man, voir l’article fondateur : M. Sahlins, « Poor Man, Rich Man, Big Man, Chief ; Political Types in Melanesia and Polynesia », Comparative Studies in Society and History, vol. 5, n° 3, p. 285-303.
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[37]
Pour une analyse fouillée, voir : A. Chavkin, The Chippewa Landscape of Louise Erdrich, University of Alabama Press, Tuscaloosa & London, 1999.
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[38]
Bingo palace [« The Bingo Palace »], Paris, Robert Laffont, 1996, p. 326.
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[39]
Cl. Gurtwirth, « Stop Making Sense. Tricksters variations in the Fiction of Louis Erdrich. » In Reesman J.C., Tricksters livres. Culture and myths in american Fiction, University of Georgia Press, 2001, p. 148-167.
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[40]
http://www.umc.org/site/apps/nlnet/content.aspx?c=lwL4KnN1LtH&b=5066261&ct=6467697, consulté en ligne le 28 novembre 2012.
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[41]
http://www.presbyterianmission.org/ministries/101/gambling/ et http://minnesota.publicradio.org/display/web/2011/11/02/faq-pull-tabs, consultés en ligne le 28 novembre 2012.
- [42]
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[43]
Wisconsin Council of Churches Board of Directors Statement-December 2, 1997, voir notamment : http://www.wichurches.org/sitecontent/pdf_files/programs/wcc_policy_statements.pdf, consulté en ligne le 28 novembre 2012.